Présentation
Le droit international des droits de l'Homme, tout comme le droit international humanitaire, accorde une protection générale aux personnes privées de liberté. Les normes pertinentes principalement invoquées sur ce thème sont l'Ensemble des règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus. Ces règles, initialement adoptées en 1955, ont été révisées en 2015, et l'ensemble (122 règles) porte le nom de Règles de Mandela. Ces règles ne comprennent aucune disposition spécifique concernant les conditions de détention et le traitement des condamnés à mort, malgré l'existence de vulnérabilités spécifiques.
D'autres dispositions non contraignantes sont venues préciser les protections spécifiques dont certaines catégories de détenus devraient bénéficier : Les Règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de Pékin, 1990) et les Règles des Nations unies concernant le traitement des détenues (Règles de Bangkok, 2011). Aucune de ces règles ne concerne les femmes ou les enfants condamnés à mort, en dépit de vulnérabilités spécifiques.
Pourtant, il y aurait dans le monde près de 19 000 condamnés à mort (chiffre d'Amnesty international). Leur incarcération est plus ou moins longue en fonction des Etats, en fonction de la durée des procédures judiciaires et/ou de l'exécution de la peine prononcée. De fait, les normes de détention qui leur sont appliquées par défaut ne prennent pas en compte le contexte particulier qui est celui des condamnés à mort. Certains droits reconnus aux détenus sont particulièrement ineffectifs à l'égard des condamnés à mort. C'est le cas par exemple des droits relatifs au maintien de liens avec le monde extérieur, de l'accès aux soins de santé primaire et à l'éducation, de la liberté de religion, de l'accès à un conseiller juridique. De surcroît, le recours à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants est particulièrement récurrent à l'encontre de ces détenus.
Par ailleurs, la question des conditions de détention des condamnés à mort est complètement ignorée des réflexions sur la peine de mort, qui se focalisent généralement sur l'abolition de cette peine. Si l'objectif est compréhensible, il n'en reste pas moins que, dans les faits, les condamnés à mort connaissent, généralement pendant de longues années, des conditions de détention très dégradées.
Face à ce constat, la clinique juridique en droit des libertés (Clinidroit), en partenariat avec l'ONG Planète réfugiés – Droits de l'homme (http://planeterefugies-droitsdelhomme.com), s'est saisie de la question en vue de proposer aux institutions européennes et internationales des règles juridiques plus adaptées, additionnelles aux Règles de Mandela des Nations Unies. La clinique juridique a présenté l'avancement de ses travaux au Congrès mondial contre la peine de mort qui s'est déroulé à Bruxelles en 2019 et a rencontré le point focal de l'Union européenne sur la peine de mort, auquel elle a remis une note de plaidoyer. Des rencontres prévues en 2020 avec des instances du Conseil de l'Europe ont été annulées en raison de la crise sanitaire.
Le travail clinique, engagé depuis trois ans, a fait émerger des problématiques juridiques pour lesquelles un travail approfondi de recherche est nécessaire. Le colloque présenté a pour objectif d'interroger des enseignants-chercheurs et des praticiens spécialistes de la question de la peine de mort sur ces problématiques et les réponses à leur apporter. Les résultats scientifiques obtenus grâce à ce colloque seront utilisés pour achever le projet clinique.
Sur le fond, ce colloque se donne pour objectif d'analyser dans quelle mesure les standards internationaux concernant les droits des détenus sont protecteurs à l'égard des personnes condamnées à mort, et quelles sont les thématiques sur lesquelles le droit international mériterait d'être précisé pour être plus protecteur
Programme
Jeudi 4 Mars 2021
13h30 : Accueil - Café
14h00 : Ouverture
Mihaela Anca Ailincai, Professeur de droit public, Responsable de la Clinique juridique en droit des libertés (Clinidroit), responsable du Master 2 « Contentieux des droits fondamentaux », membre du CRJ, UGA
Jean-Christophe Videlin, Doyen de la Faculté de droit (sous réserve)
Ingrid Maria, Co-directrice du Centre de recherches juridiques (CRJ)
Emmanuel Carroz, adjoint au Maire en charge de la mémoire, des migrations et des coopérations internationales
Armand Samba-Sambeligue, Président de l'Institut des Droits de l'Homme (IDH) du Barreau de Grenoble
Adriano Martins, Policy Officer en charge de la question de la peine de mort, Service européen d'action extérieure (SEAE)
Rapporteur général de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur la question de la peine de mort (sous réserve)
Lecture d'un témoignage ou diffusion d'un audio témoignage d'un ancien condamné à mort
14h30 : Introduction du praticien
Nordine Drici, Président de l'ONG Planète réfugiés – Droits de l'homme
14h40 : Introduction académique : Cadre et contexte juridiques autour de la question de la peine de mort
Charlotte Piveteau, doctorante en droit public, membre du CRJ, UGA
14h55 : Thème 1 - La peine de mort : pratique(s) et politique(s) des états à l'aune des enjeux globaux
Présidente : Anne-Gaëlle Robert, Maître de conférences en droit privé, membre du CRJ, UGA
Ce thème permettrait d'interroger le nexus entre la peine de mort, la question du sens de la peine, les politiques pénales qui encadrent les condamnations à mort, les conditions de détention des personnes condamnées à la peine capitale, et les exécutions à l'aune des enjeux globaux.
15h00 : Les enjeux globaux, un frein aux stratégies abolitionnistes ?
Marie Duclaux de l'Estoille, Docteure en droit public
15h20 : La peine de mort dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation
Nabil Boudi, Avocat au Barreau de Paris
15h40 : Asile et peine de mort
Niki Aloupi, Professeure de droit international public, Université Paris 2 Panthéon-Assas
16h00 : Débat
16h15 : Pause
16h30 : Thème 2 - Table ronde : Questions juridiques autour du couloir de la mort
Ce thème pourrait permettre d'avancer sur la définition de ce que recouvre le « couloir de la mort », alors qu'il n'y a pas de véritable consensus sur cette définition, ni sur le plan académique, ni pour la société civile. En abordant les aspects juridiques et sociologiques, il vise également à se questionner sur la prison à perpétuité en tant que « couloir de la mort » déguisé.
Modérateurs : Florence Laufer, Directrice de Prison Insider
Nicolas Perron, Directeur des programmes, Ensemble Contre la Peine de Mort
Le couloir de la mort : à la recherche d'une définition juridique
William Schabas, Professeur de droit, Middlesex University
Du « couloir de la mort » aux « emmurés vivants » : la logique de la radicalité
Justine Barton, Doctorante, Université de Genève
Mort par incarcération : Etude des différences entre la peine capitale et l'emprisonnement à perpétuité aux Etats Unis
Noémie Le Colleter, juriste praticienne, Louisiana State University, Paul M. Hebert Law Center
18h00 : Fin de la demi-journée
20h00 : Réception (et buffet dînatoire) à l'Hôtel de ville de Grenoble (sous réserve)
Vendredi 5 Mars 2021
8h30 : Accueil - Café
9h00 : Thème 3 -Les acteurs de la condamnation à mort
Président : Alexandre Delmotte, Maître de conférences en droit privé, membre du CRJ, UGA
Ce thème permettrait de questionner le rôle des acteurs du procès menant à la condamnation à mort, afin de voir quels sont les garanties judiciaires, les outils à dispositions des acteurs, et les points sur lesquels une évolution des standards internationaux serait souhaitable
9h00 : La formation de l'intime conviction par le juge dans le cadre d'un procès pénal
Jean-Louis Lesaint, Président de chambre honoraire, Cour d'appel de Rennes
9h20 : The sentence to death by a popular jury
Robert Lancaster, Professeur de droit, Louisiana State University (Etats-Unis), ancien avocat de condamnés à mort, spécialiste des prisons
9h40 : La condamnation à mort par les entités non étatiques/par les entités étatiques contestées
Mihaela Anca Ailincai, Professeure de droit public, membre du CRJ, UGA
10h00 : Le travail de plaidoirie dans un procès de condamnation à mort
Richard Sedillot, Avocat de Serge Atlaoui, condamné à mort, Barreau de Rouen
10h20 : Débat
10h40 : Pause
10h55 : Thème 4 - Les standards internationaux concernant le régime des détenus condamnés à mort : lacunes et perspectives
Président : Nordine Drici, Président de l'ONG Planète réfugiés – droits de l'homme
Ce thème a pour objectif d'étudier la manière, la raison et les contextes dans lesquels les Règles internationales des Nations unies (2015) dites Règles Mandela sont mobilisées par les organes de protection de droits de l'homme (internationaux et régionaux) dans des cas touchant la question des condamnés à mort
11h00 : Les organes internationaux de protection des droits de l'homme et les Règles de Mandela
Sébastien Touzé, Professeur de droit international, Université Paris 2, membre français du Comité des Nations-Unies contre la torture, Directeur de la Fondation René Cassin, Strasbourg
11h20 : De l'insuffisance des règles de Mandela à la proposition d'une réécriture
Clinique juridique en droit des libertés (Clinidroit) – étudiants en Master 2 « Contentieux des droits fondamentaux » et anciens étudiants en Master 2 « Contentieux des droits fondamentaux »
11h40 : Address the lack of knowledge of international standards for those sentenced to death through access to legal advice ?
Matt Davis, Head of Legal, ONG Contra Nocendi International, Londres
12h00 : Débat
12h15 : Conclusion académique
Charlotte Piveteau
12h25 : Conclusion du praticien
Nordine Drici
12h45 : Clôture
Contact et inscription : colloquepeinedemort@mailo.com
Organisé par le CRJ de la Faculté de droit de Grenoble, avec la Clinique juridique en droit et libertés (Clinidroit) financée par l'Idex-formation, l'ONG Planète Réfugiés-Droits de l'Homme, et l'Institut des droits de l'homme (IDH) du barreau de Grenoble