Présentation
La justice transitionnelle est devenue, depuis les années 1990, l'une des thématiques majeures du droit. Née après 1945, elle a pour objet de lutter contre l'impunité des auteurs de violences politiques et de participer au règlement des conflits et aux mutations démocratiques. Elle se caractérise d'abord par sa complexité institutionnelle.
La Justice transitionnelle est en effet mise en œuvre au travers de mécanismes de natures très différentes : juridictions pénales permanentes, tribunaux mixtes ou « ad hoc » et même instances « para-juridictionnelles ». Les Commissions Vérité et Réconciliation (CVR) sont l'un de ces mécanismes et symbolisent la spécificité de la justice transitionnelle.
Les CVR sont le fruit d'une double innovation structurelle et matérielle. Elles sont des institutions originales dont la mission reste de construire des compromis face aux tensions contradictoires qui sous-tendent la période de démocratisation et de pacification.
Les CVR ne sont en effet pas des juridictions, mais sont composées « d'experts indépendants, mandatés pour une durée limitée, afin d'enquêter sur les abus massifs aux droits de l'homme commis pendant une période déterminée du passé. Par le recueil de témoignages, elles doivent répertorier, dans un rapport public, les violations des droits de l'Homme, proposer des réparations, identifier les causes et préconiser des mesures pour prévenir la répétition » (E. Jaudel).
Les CVR traduisent donc un compromis, car elles tendent à satisfaire les quatre piliers de la justice transitionnelle (droit à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition) en se fondant sur une forme de justice non rétributive, centrée sur la recherche de la vérité et destinée à favoriser la réconciliation.
Elles s'inscrivent ainsi dans la logique holistique de la justice transitionnelle, tout en représentant une solution acceptable par tous. Toutefois, le fonctionnement des CVR pose des questions fondamentales dont notamment celles de savoir si la vérité encourage effectivement la réconciliation et si la reconstruction et la justice peuvent admettre l'absence de sanctions judiciaires des auteurs de violations graves des droits de l'Homme. Dès lors, l'impact réel de cette forme spécifique de justice mérite d'être analysé dans une perspective de meilleure compréhension et explication de la justice transitionnelle.
L'Amérique latine a été retenue comme première aire géographique de cette étude, car elle est l'espace au sein duquel sont nées les CVR. La CONADEP (Commission nationale sur les disparus) mise en place en 1983 en Argentine est en effet considérée comme la première véritable CVR.
L'institution fut ensuite reprise dans plusieurs pays de cette zone, où elle connut de nombreuses évolutions et adaptations, qui justifient une analyse comparative.
Cette analyse sera menée au cours de quatre journées de manifestation scientifique. Lors du colloque organisé du 30 janvier au 2 février, les CVR mises en place en Amérique latine seront étudiées en deux temps permettant d'évaluer la satisfaction apportée aux quatre piliers de la justice transitionnelle.
La première partie sera consacrée à la question de la lutte contre l'impunité, tandis que la seconde portera sur le concours des CVR à la reconstruction sociale dans les pays où elles furent mises en œuvre.
A leur issue, une dernière journée notamment destinée au grand public sera organisée. Elle permettra non seulement de présenter au grand public les conclusions issues du colloque, mais aussi d'organiser une table ronde autour d'une question contemporaine clé : sur la base des conclusions dressées, la mise en place d'une CVR pourrait-elle constituer une solution opportune pour l'Espagne afin de répondre aux violations commises lors de la Guerre civile, du franquisme et du conflit basque ?
Programme
Mercredi 31 janvier 2018
(Campus de Pau, Amphi de la Présidence)
Séance introductive
17h00 : Ouverture
Mohamed Amara, Président de l'UPPA
Olivier Lecucq, Directeur de l'IE2IA, Professeur de droit public à l'UPPA
17h30 : Rapports introductifs
Les CVR parmi les mécanismes de la Justice transitionnelle
Jean-Pierre Massias, Professeur de droit public à l'UPPA
Les méthodes de travail des CVR
Xavier Philippe, Professeur de droit public à l'Université Aix-Marseille
Les CVR dans l'espace ibérico-américain
Fabrice Hourquebie, Professeur de droit public à l'Université de Bordeaux
19h00 : Fin de la 1ère journée
Jeudi 1er février 2018
(Campus de Pau, UFR droit, Amphi 150)
Les CVR et le droit à la vérité
Animée par les Professeurs Jean-Pierre Massias, UPPA et Xavier Philippe, Université Aix-Marseille
9h30 : Interventions
Les CVR et la recherche de la vérité
Sévane Garibian, Professeure à l'Université de Genève (à confirmer)
L'accès de tous à la CVR
Elena Martinez Barahona, Professeure de science politique et administration à l'Université de Salamanque (Espagne) (à confirmer)
Hector Centeno Martin, Doctorant à l'Université de Salamanque (Espagne)
Les CVR et la question des personnes disparues
Emilio Crenzel, Professeur à l'Université de Buenos Aires (Argentine)
10h30 : Pause
11h00 : Débats
12h00 : Pause déjeuner
Les CVR et le droit à la justice
Animée par les Professeurs Jean-Pierre Massias, UPPA et Xavier Philippe, Université Aix-Marseille
14h00 : Interventions
Les CVR et le droit à la Justice
Kathia Martin-Chenut, chargée de recherches CNRS, Université Paris 1 (à confirmer)
Approche comparée Guatemala/Pérou
Jo-Marie Burt, Professeure à l'Université George Mason (Etats-Unis)
Approche comparée Argentine/Uruguay
Lauriane Bouvet, Agrégée d'espagnol et doctorante contractuelle à l'Université Grenoble-Alpes
15h30 : Pause
16h00 : Débats
17h00 : Fin de la 2ème journée
Vendredi 2 février 2018
(Campus de Bayonne, Salle du conseil)
Accueil par M. Philippe Zavoli, Administrateur du Collège Etudes européennes et internationales
9h00 : Synthèse de la première partie et introduction générale
Olivier Lecucq, Directeur de l'IE2IA et Professeur de droit public à l'UPPA
Les CVR et le droit à la réparation
Animée par les Professeurs Jean-Pierre Massias, UPPA et Xavier Philippe, Université Aix-Marseille
9h30 : Interventions
Présentation générale
Kelly Picard, Docteure en droit, Université Aix-Marseille
L'expérience de l'Argentine
María José Guembe, membre du Centro de Estudios Legales y Sociales (Buenos Aires, Argentine)
10h30 : Débats
11h00 : Pause
Les rapports des CVR rédaction, diffusion, importance
11h15 : Interventions
Le rapport « Nunca mas »
Emilio Crenzel, Professeur à l'Université de Buenos Aires (Argentine)
Le rapport de la CVR du Pérou
Jo-Marie Burt, Professeure à l'Université George Mason (Etats-Unis)
12h15 : Débats
12h45 : Pause déjeuner
Les CVR et les garanties de non-répétition
Animée par les Professeurs Jean-Pierre Massias, UPPA et Xavier Philippe, Université Aix-Marseille
14h00 : Interventions
L'exemple de l'Uruguay
Eugenia Allier Montaño, Chercheure à l'Instituto de Investigaciones Sociales de la Universidad Nacional Autónoma de México et enseignante au Colegio de Estudios Latinoamericanos de la Faculté de Philosophie et de Lettres
L'exemple du Guatemala
Stephan Parmentier, Professeur, Institut de criminologie de Louvain (Belgique)
Les peuples autochtones
Ruth del Valle, Doctorante en sciences sociales, Universidad de San Carlos de Guatemala et Présidente de la Commission présidentielle des droits de l'homme au Guatemala entre 2008 et 2012
15h30 : Pause
16h00 : Débats
17h15 : Conclusion
La protection constitutionnelle des CVR (pendant et après les travaux)
Luis Miguel Gutierrez, Docteur en droit, enseignant-chercheur à l'Université Grenoble-Alpes
L'efficacité des CVR en tant que mécanisme de Justice transitionnelle, quelle spécificité en Amérique latine ?
Sandrine Lefranc, Chargée de recherches au CNRS
17h45 : Fin de la 3ème journée
Samedi 3 février 2018
(UFR pluridisciplinaire de Bayonne)
Une Commission Vérité et Réconciliation pour l'Espagne ? Guerre civile, franquisme et conflit basque
Forum public
Accueil par M. Philippe Zavoli, Administrateur du Collège Etudes européennes et internationales
9h00 : Introduction
Violence et impunité en Espagne depuis la Guerre civile
Sophie Baby, Maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne
Guerre civile, franquisme et conflit basque : une CVR pour l'Espagne ?
1ère partie : Les victimes face à l'impunité - Témoignages
Animée par Magalie Besse, Docteure en droit, Directrice de l'Institut Universitaire Varenne
Patrick Pépin, ancien Directeur de l'école de journalisme de Lille et auteur de Histoires intimes de la guerre d'Espagne
9h30 : Témoins : Carlos Escartin, victime de torture durant la période franquiste
Axun Lasa, dont le frère fut assassiné par les GAL
Maixabel Lasa, dont le mari fut assassiné par ETA
Petri Sanabria, dont la famille fut assassinée durant la guerre civile
2nde partie : Une CVR, maintenant ?
Animée par Magalie Besse, Docteure en droit, Directrice de l'Institut Universitaire Varenne
Xavier Philippe, Professeur de droit public à l'Université d'Aix-Marseille
Avec : Joxerramon Bengoetxea, Professeur à l'Université du Pays basque
Paco Etxeberria, Médecin légiste, Professeur à l'Université du Pays basque
Iñaki Lasagabaster, Professeur à l'Université du Pays basque
Manuel Miranda, Procureur auprès du Tribunal constitutionnel espagnol
Jean Ortiz, spécialiste de l'Espagne du XXe siècle
12h30 : Conclusion
Jean-Pierre Massias, Professeur de droit, Président de l'Institut Universitaire Varenne
13h00 : Fin du colloque
L'intégralité des débats seront accessibles en français et en espagnol
Renseignements et inscription obligatoire jusqu'au 25 janvier : claude.fournier@univ-pau.fr
Frais d'inscription : 60* TTC (gratuit pour les étudiants)
Contacts : Jean-Pierre Massias : jean-pierre.massias@fondationvarenne.com - Magalie Besse : magalie.besse@fondationvarenne.com
Organisés dans le cadre d'un projet incitatif recherche de l'UPPA. Ce programme a également obtenu le soutien de la Mission de recherche Droit et Justice, de la Région Nouvelle Aquitaine et de la Communauté d'Agglomération Pau-Pyrénées