Présentation
La question de l'appartenance au corps politique ressurgit de façon particulièrement brûlante ces dernières années. Ce colloque international entend saisir ce sujet selon une triple perspective.
1. Juridiquement, l'appartenance du citoyen au corps politique est devenue aujourd'hui problématique pour deux raisons. D'une part, elle s'épuise dans la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité, c'est-à-dire à l'intégration dans le corps électoral. L'exercice de la citoyenneté est par conséquent une activité intermittente, fugace et discrète : le vote déposé le citoyen à échéance. Ce rapport politique à la citoyenneté qui se mesure en termes de taux de participation subit une crise liée à celle de la représentation moderne. D'autre part, certains considèrent que la citoyenneté doit devenir une « citoyenneté de résidence » ouverte aux étrangers et que le système classique la faisant reposer sur la nationalité est devenu obsolète. La question des titulaires du droit de citoyenneté se présente donc désormais comme un problème en soi dans les démocraties modernes.
2. La citoyenneté peut également être saisie selon un versant civique. Le « stage de citoyenneté » a ainsi pour but de rappeler à des condamnés « les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société » (art. 131-5-1). Pour les mineurs, un décret de 2004 précise qu'il est l'occasion de faire prendre conscience au condamné des « devoirs qu'implique la vie en société ». Ce rapport civique à la citoyenneté, qui peut se mesurer à la répression de ce que le législateur regarde comme des incivilités (y compris le fait de dissimuler son visage dans l'espace public), pose fondamentalement la question de l'appartenance au corps politique, en ce que cette dernière paraît sous ce prisme supposer une intégration à la société.
3. Les récents événements en France (ainsi des attentats terroristes de novembre 2015) ont fait ressortir le rapport punitif à la citoyenneté, qui est une face souvent méconnue de celle-ci. La déchéance de citoyenneté (déchéance civique) a ainsi pu être ainsi proposée comme alternative à la déchéance de nationalité, l'une et l'autre se nourrissant de l'expérience particulière de la peine de dégradation nationale pour des faits d'indignité nationale après la Seconde Guerre mondiale (et la collaboration). Se repose alors la question, politiquement explosive, de savoir si un concitoyen (celui qui appartient au même corps politique) peut être un ennemi au sens éminent (ou schmittien) du terme.
Ces trois rapports – politique, civique et punitif – à la citoyenneté permettent-ils de penser ou repenser l'unité de ce concept et du régime juridique qui est le sien ? Ce sont à ces questions que le colloque international se propose d'apporter des réponses en combinant des approches philosophiques, historiques, publicistes et pénalistes.
Programme
Jeudi 9 Mars 2017
Le contenu de la citoyenneté politique : la jouissance des droits politiques
Sous la présidence de Pierre Birnbaum, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
9h00 : L'accès à la citoyenneté dans la Rome républicaine : entre principes juridiques et contraintes politiques
Michel Humbert, Université Panthéon-Assas
Citoyenneté et libertés chez Sismond i
Till Hanisch, Université de Genève
La citoyenneté entre devoir et engagement politique. Un point de vue socio-historique
Yves Deloye, IEP de Bordeaux
Citoyenneté, Europe, frontières
Sylvie Strudel, Université Panthéon-Assas
12h30 : Déjeuner libre
La communauté politique de référence de la citoyenneté : au-delà de l'Etat
Sous la présidence de François Saint-Bonnet, Université Panthéon-Assas
14h00 : Who has a claim to be included in a democratic polity ?
Rainer Bauböck, IUE, Florence
Le citoyen et l'étranger
Catherine Colliot-Thélène, Université de Rennes
Les citoyennetés fédérative et impériale
Olivier Beaud, Université Panthéon-Assas
European Citizenship as Inter-National Citizenship: A Republican Intergovernmental Approach
Richard Bellamy, IUE, Florence
17h00 : Fin de la première journée
Vendredi 10 mars 2017
Le citoyen doit-il être un bon citoyen ?
Sous la présidence de Olivier Beaud, Université Panthéon-Assas
9h00 : Aristote et la citoyenneté
Jean-Marie Denquin, Université Paris Ouest Nanterre
L'optimus ciuis selon Cicéron : l'idéal du rector reipublicae
Jean-Louis Ferrary, EPHE
La civilité moderne, garantie de la liberté individuelle
François Saint-Bonnet, Université Panthéon-Assas
Réprimer des actes ou punir des citoyens ?
Farah Safi, Université Panthéon-Assas
Un mauvais citoyen est-il encore un citoyen ?
Sous la présidence de Dominique Schnapper, EHESS
14h00 : L'émigré ou la grandeur négative du citoyen parfait (1792-1795)
Anne Simonin, EHESS
La finalité de la sanction de privation des droits civiques : la dimension punitive en question
Camille Aynès, Université Panthéon-Assas et IUE
Du mauvais citoyen à l'ennemi public : polémiques, principe, théorie
Ninon Grangé, Université Paris 8
Policing Civility in Public Space and The Exclusion of « Uncivil » Citizens
Lucia Zedner, Oxford Law Faculty
17h00 : Fin du colloque
Organisé par Olivier Beaud, Université Panthéon-Assas, IUF et François Saint-Bonnet, Université Panthéon-Assas