Le Laboratoire d’études en droits fondamentaux, des échanges internationaux et de la mer de l’Université du Havre et l’Institut François Gény de l’Université de Lorraine co- organisent un colloque sur La distinction entre les parties et les tiers au contrat : une distinction à renouveler ?
L’effet relatif des contrats, selon lequel « Le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties », les tiers ne pouvant donc ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter (art. 1199 C. civ.), est un principe cardinal du droit des contrats. Mais, comme souvent en droit, l’énonciation simple de grands principes masque d’innombrables interrogations. Si l’ordonnance du 10 février 2016 relative au droit des contrats, au régime général et à la preuve des obligations a rénové les dispositions qui lui sont dédiées, toutes ses difficultés théoriques et d’application sont loin d’avoir été résolues. Notamment, la distinction entre les tiers et les parties au contrat comme l’hétérogénéité de chacune de ces catégories – deux séries de difficultés mises en exergue depuis bien longtemps – n’ont pas été abordées frontalement. Or, le silence du législateur ne s’explique pas toujours. Que la question de l’identité ou de la distinction entre la faute contractuelle et la faute délictuelle lorsque l’inexécution du contrat a causé un dommage à un tiers ait été reportée à l’adoption de la réforme du droit de la responsabilité civile semble compréhensible. Cela dit, cette réforme tardant à être adoptée, la nécessité d’une intervention claire du législateur se fait aujourd’hui fortement ressentir, comme en témoigne le fait que la Cour de cassation, après avoir troublé la distinction entre les parties et les tiers par le fameux arrêt BOOT SHOP du 6 octobre 2006 (n° 05-13.255), tire les conséquences de leur rapprochement en soumettant les tiers victimes aux aménagements contractuels de la responsabilité (CLAMAGERAN, 3 juillet 2024, n° 21-14.947) : le tiers demeure- t-il, ici, un véritable tiers ? Quant à l’absence de définition, par la réforme de 2016, des parties et des tiers, elle est, elle, bien moins justifiable, tout comme les indéterminations de l’étendue de l’effet relatif. L’arrêt du 24 avril 2024 (n° 22-15.958) illustre ces carences légales : quelle peut être l’utilité de la cession de contrat si elle est inopposable au tiers cédé n’ayant pas donné son accord à sa conclusion, alors même que son application à ce tiers est le seul véritable enjeu d’une telle cession ? En d’autres termes, sachant que le cédé doit autoriser la cession sous peine d’inopposabilité, cette nécessité ne fait-elle pas de lui un tiers singulier au contrat de cession : moins qu’une partie, mais bien plus qu’un tiers ordinaire ?
La réforme de 2016, les imprécisions qui subsistent et de récentes jurisprudences appellent donc à une réflexion sur la distinction entre les parties et les tiers au contrat et sur l’éventuel besoin de renouvellement de cette distinction. C’est aussi la combinaison de l’effet relatif, principe essentiel du droit des contrats, avec la force obligatoire d’un côté – elle-même remise en question depuis plusieurs dizaines d’années maintenant – et l’opposabilité de l’autre qui interpelle. Isolément, la logique de chacun de ces trois principes s’appréhende sans difficulté. Selon la force obligatoire, le contrat est avant tout la chose des parties : ce sont elles qui doivent l’exécuter. L’effet relatif, pour sa part, dispose que les tiers n’ont pas à réaliser le contrat et ne peuvent, par conséquent, s’immiscer dans ce contrat en le modifiant ou en en demandant l’exécution. L’opposabilité, enfin, impose aux tiers de ne pas ignorer, et donc de respecter l’acte contractuel et les effets produits ; par ricochet, il leur est possible d’invoquer la situation juridique que l’acte a engendrée.
En revanche, la réunion de ces principes – supposément complémentaires – fâche leur compréhension. Si le contrat intègre l’ordre juridique, et n’est pas une « bulle » isolée, comment concilier la force obligatoire, l’effet relatif et l’opposabilité ? À quel point est-il possible, pour un tiers, de ne pas prendre part à la chose des parties tout en l’invoquant à son profit ? Quid des hypothèses, nombreuses, dans lesquelles un tiers particulier agit, voire s’immisce positivement dans le contrat, ou est soumis à ses effets et devient partie, ou encore, à l’inverse, s’oppose à son efficacité : on pense ici, par exemple, à la réfaction judiciaire, à la stipulation pour autrui, au transfert légal d’un contrat, à l’inopposabilité du contrat en cas de fraude paulienne, à la possibilité pour certains tiers d’exercer des droits contractuels d’autrui sur le fondement de l’action oblique, ou encore à la nullité absolue invoquée par un tiers. L’effet relatif, contrairement à ce que suggère le Code civil, serait-il susceptible de degrés selon le tiers en cause ? Existerait-il donc, plutôt, des notions de partie tout autant que des notions de tiers ?
Ce sont à ces interrogations, ainsi que sur les réponses qui pourraient y être apportées, que le présent colloque, qui se tiendra au cours de l’année universitaire 2025-2026 à la Faculté des Affaires Internationales de l’Université du Havre, se propose de réfléchir collectivement.
Modalités de soumission : Les auteurs sont invités à envoyer le résumé de leur proposition de contribution (500-1000 mots environ) le 31 mai 2025 au plus tard à l’adresse suivante : leffetrelatifducontrat@gmail.com.
Comité d’organisation : Stanislas Barry (Maître de conférences, Institut François Gény de l’Université de Lorraine) & Charlotte Revet (Maître de conférences, co-responsable de l’axe Droit des activités économiques et droit des espaces marins du Laboratoire d’études en droits fondamentaux, des échanges internationaux et de la mer de l’Université du Havre).
Comité scientifique : Charles Boërio (Maître de conférences, Centre Jean Bodin de l’Université d’Angers) & Benoît Chaffois (Professeur agrégé, Centre de recherche sur les mutations du droit et les mutations sociales de l’Université du Havre).