Sociologie d'une entreprise politique émergente : Emmanuel Macron et le macronisme

Appel à communication

Sociologie d'une entreprise politique émergente : Emmanuel Macron et le macronisme

Colloque organisé par le CESSP et le CERAPS, 11-12 janvier 2018

Date limite le mercredi 15 nov. 2017

Responsabilité scientifique : Bernard Dolez (CESSP), Julien Fretel (CESSP), Rémi Lefebvre (CERAPS), Pierre Mathiot (CERAPS)

 

Argumentaire

« Big bang », « chamboule tout », « décomposition-recomposition » et « réinitialisation » du système politique et partisan, « rupture flagrante avec le bipartisme » (Florence Haegel)... Le dernier cycle électoral (élections présidentielle et législatives) a été présenté comme une déstabilisation majeure de la vie politique et du système partisan. Emmanuel Macron en a été la figure centrale et un des artisans. Cette journée d'études propose de lancer une première série de réflexions et d'analyses pour mettre en perspective mais aussi à distance cette « grande transformation » en se centrant notamment sur l'entreprise politique émergente que constitue En Marche et/ou le macronisme. La sociologie politique du discours et des idéologies, celle des campagnes, de la communication, des médias, des partis et des élites et enfin celle des candidatures et des comportements électoraux sont sollicitées pour croiser et fertiliser les regards.

Le 6 avril 2016 à Amiens, En Marche (EM), le mouvement d'Emmanuel Macron est lancé (juridiquement il s'agit bien d'un parti). Peu à peu, au travers de la « grande marche », le mouvement prend de l'ampleur, accueille un nombre croissant d'adhérents et devient l'un des acteurs centraux de l'élection présidentielle. Il jouit très vite d'une forte attention et couverture médiatiques (à travers les news magazine notamment) qui mettent en avant la nouveauté radicale de l'offre que porterait le candidat, son style, son positionnement et son discours. Emmanuel Macron est présenté comme une personnalité politique d'un genre nouveau dont la dimension « charismatique » est fortement mise en avant. En décembre 2016, il annonce sa candidature à l'élection présidentielle. Des centaines de comités locaux battent campagne et, à l'aide d'outils numériques sophistiqués, maillent l'ensemble des territoires en France. Plus de 170 000 adhérents sont revendiqués en février 2017. Dans les rangs du Parti socialiste de nombreux élus et ministres migrent vers cette formation ou lui apportent leur soutien, ce qui la positionne plutôt à gauche au sein de l'espace politique. Pour agréger durablement un grand nombre de ralliements, le candidat retarde le plus longtemps possible la sortie de son programme politique qui demeure flou [1]. Il transgresse les lignes de clivage et propose un discours « et de gauche et de droite » qui procède d'une forme de braconnage doctrinal. Son positionnement peut aussi être lu comme le dernier avatar de « l'idéologie dominante », disséquée par Pierre Bourdieu et Luc Boltanski à la fin des années 1970 (Rafaël Cos) ou comme « un saint-simonisme pratique » (Michel Offerlé) valorisant un gouvernement des compétences. Nouveau "isme", le macronisme suscite une série de labélisations sur le marché des catégorisations symboliques : « plouto-populisme », « stato-populisme »... (Christophe Bouillaud). Une partie des centristes, derrière François Bayrou, annonce à son tour son ralliement. Emmanuel Macron est élu avec 66,10% des suffrages exprimés au second tour de l'élection présidentielle (24,01% au premier tour). La République En Marche (LREM) devient le parti présidentiel et revendique pour gouverner la majorité à l'Assemblée nationale. Près de 500 candidats LREM entrent en lice dans la perspective des élections législatives (dont la moitié n'a jamais exercé de mandat électif). Ils excipent de leur appartenance à la « société civile » qui fait l'objet d'un usage renouvelé. De nombreux commentateurs soulignent la faible expérience politique des candidats, ce qui relance des controverses sur la définition de la compétence légitime et de l'excellence en politique. 308 députés sont élus sous la bannière LREM, soit une majorité absolue de parlementaires (hors Modem).

Ce surgissement politique qui défie les « lois » des temporalités politiques classiques et de l'accumulation des ressources a déjoué bon nombre de pronostics, y compris ceux des politistes. Beaucoup d'entre eux étaient sceptiques sur la viabilité de l'entreprise politique macroniste, considérant que les organisations partisanes ne peuvent que relever d'une institutionnalisation lente, d'un enracinement sociétal progressif, d'une entrée graduée dans le champ politique... ou que le mouvement allait se fracasser sur les élections législatives et la nécessité de designer des candidats. Les catégories d'entendement politiste semblent ainsi malmenées par cette réussite politique aussi soudaine que massive. Quelles en ont été les conditions de possibilité ? Face à cette « irrégularité sociologique », les politistes doivent sans nul doute remettre sur le métier leurs questionnements non seulement pour analyser le plus concrètement possible les conditions de cette irruption partidaire mais aussi pour comprendre ce que cette entrée imprévue dans le jeu politique de la 5ème République vient révéler plus généralement.

 

Des questions de sociologie des partis politiques

En Marche a été présenté par ses fondateurs comme un mouvement, et non comme un parti politique à part entière et n'a cessé de déployer une critique anti-partisane[2]. Sa forme organisationnelle est censée concrétiser en actes le mot d'ordre de la « politique autrement » (Julien Fretel) et régénérer la vie politique « fossilisée » par « les partis du système ». Si ce mot d'ordre et ce motif ne sont absolument pas inédits, il importe de prendre au sérieux ce projet pensé comme alternatif. Le porte-à-porte « diagnostic » de type bostonien qui a marqué son lancement, s'il a déjà été emprunté par le Parti socialiste (Rémi Lefebvre), a été conçu comme une première manière de mobiliser à la fois les candidats à l'adhésion et les futurs électeurs. Il s'agit alors de capter la demande sociale dans une inspiration marketing assumée. Le mouvement une fois lancée combine une horizontalité participative affichée et une très forte verticalité décisionnelle, une forte décentralisation au niveau des comités locaux et une centralisation de tous les instants depuis le siège national (on l'observe au moment de la production du programme – c'est le candidat qui in fine « décide », cela s'accentuera avec la production centralisée des investitures aux élections législatives[3]). Créé ad hoc et ex nihilo (en première analyse) pour asseoir et porter une ambition présidentielle, capter des financements (5 millions d'euros dès fin décembre), préparer une majorité parlementaire, le mouvement combine mise en scène d'une légitimité démocratique, adhésion souple (via un clic sur Internet) et efficience et management assumés (l'importance des « outputs »[4]). Le modèle de la start up numérique, « souple » et « agile » est revendiqué par les dirigeants du mouvement. Il appelle une analyse sur le renouveau de la figure du « parti-entreprise » [5] ou du mouvement numérique personnalisé[6]6. La rhétorique entrepreneuriale est omniprésente dans En Marche : « briefs », « notes de synthèse », « bonnes pratiques »... Les volontaires sont structurés en « teams ». Les « campaigners mappent » (planifient), « targetent », « benchmarkent »... En Marche est donné à voir comme une organisation « from scratch » (lancée à partir de rien), une structure qui n'est pas « top down » (verticale) mais bien « bottom up » (« de bas en haut »). Le « QG » du quinzième arrondissement fonctionne par pôles (« événementiel », « meetings », « communication », « web », etc.). Dans les meetings, les « helpers » doivent veiller à la « team ambiance ». Pour aller plus vite, on « internalise les tâches au maximum ». Parmi les adhérents, un vivier de 12 000 personnes, volontaires pour s'impliquer davantage, est suivi par une « cellule RH ». Les comités locaux organisent des « challenges » (défis)[7] . Le mouvement répond avec application aux mots d'ordre du toyotisme fondé sur le « zéro défaut, zéro temps mort, zéro stock ». La centaine de référents départementaux ont été recrutés sur CV, par le pôle « territoires » du mouvement, avant d'être confirmés par Emmanuel Macron et le secrétaire général du mouvement, l'ancien député PS Richard Ferrand. Le candidat confiait à Mediapart le 13 janvier 2017 : « Une des choses qui affaiblit les partis politiques actuels, c'est le manque de professionnalisme de leurs réponses à leurs adhérents. Les partis sont là pour transformer le réel mais aussi donner une place à chacun, pour animer les gens. Quand ils ne le font pas, c'est très décevant. Donc il faut être très professionnel et très organisé, j'y attache beaucoup d'importance ». Le siège (40 permanents sont recrutés rapidement) est dominé à sa tête par de nombreux cadres issus des écoles de commerce formés à la gestion des entreprises et des ressources humaines. Le plus proche entourage du candidat est issu des plus grandes écoles de commerce plus que l'ENA [8]. Emmanuel Macron use méthodiquement des usages récents des open data, des outils de la géolocalisation et des logiciels à algorithme. Ici, au-delà de la rhétorique managériale de légitimation du mouvement, une sociologie des nouvelles technologies partisanes et de leur instrumentation politique s'impose. Le profil, les croyances, le rapport à la politique de ces nouveaux professionnels comme la conception qu'ils se font des entreprises politiques et de leurs sympathisants doivent être interrogés.

Tout comme doit être abordé le profil des différents types d'adhérents ayant rejoint le mouvement, plusieurs types de « marcheurs » semblent pouvoir être dégagés. Certains sont issus d'anciennes formations politiques, militants de base comme cadres ayant eu des responsabilités et des mandats par le passé, recyclant un capital militant constitué préalablement. Le mouvement s'est nourri de l'afflux d'adhérents issus de formations telles que le Parti socialiste,Les Républicains, Europe-Ecologie-Les-Verts, leModem et d'autres organisations plus discrètes comme Nous citoyens. Il convient de se demander ce que des militants socialistes, écologistes, républicains ou centristes sont allés rechercher dans ce mouvement naissant, et comment ils ont procédé pour s'arranger avec toute sorte de conflits de loyauté. En Marche c'est aussi des milliers de militants novices. Ces derniers sont sans expérience partisane et revendiquent à ce titre avec fierté n'avoir jamais fait de politique préalablement. Quels sont donc leurs profils sociaux, leurs attaches territoriales, leurs professions, leurs capitaux sociaux ainsi que leur socialisation à l'engagement ? Le profil sociologique des candidats aux élections législatives a déjà été esquissé (Etienne Ollion, Luc Rouban) et mérite encore attention : 70% des candidats sont issues des catégories socioprofessionnelles supérieures, près de 50% sont des femmes...

Le développement de la formation En Marche doit sans doute être considéré comme un analyseur de l'affaiblissement des partis politiques qui occupaient le devant de la scène depuis plusieurs décennies et de la démonétisation de vieilles façons de « faire parti », mais il ne peut être pensé dans une totale rupture et occulter des phénomènes de reconversion (poids des assistants d'élus, des conseillers ministériels et de diverses formes d'auxiliariat politique...). Le congrès fondateur d' En Marche de juillet 2017 a pour but de formaliser un nouveau modèle partisan tout en esquissant une stabilisation du mouvement. Quelques jours à peine après ce moment « constituant », des critiques jaillissaient déjà des rangs des marcheurs faute de suffisamment de gages donnés à la démocratie partitaire. Des « Marcheurs en colère » se sont constitués, un recours juridique a été lancé contre la direction du mouvement et ses statuts.

 

De quoi est fait le charisme macronien ?

Il n'est guère contestable que la personne d'Emmanuel Macron ait été au centre, pour ne pas dire davantage, de cette émergence partisane. L'attention médiatique et les commentaires de personnalités politiques et de certains grands commis de l'Etat ont accrédité l'idée que l'ancien secrétaire général de l'Elysée sous François Hollande, philosophe de formation, passé jadis par l'ENA, la banque Rothschild et la commission Attali (François Denord), était l'initiateur d'un renouveau de la vie politique. Les éloges ont fait florès, biographies et portraits télévisés de « l'enfant d'Amiens » étant mis au service de la construction de ce que qu'on pourrait appeler un « charisme d'opinion », à défaut de parler d'un charisme d'institution. Une « communauté charismatique » a émergé pour parfaire l'image d'Emmanuel Macron. Pour comprendre cette « adoration » médiatique, il faut sans conteste questionner tout à la fois le parcours de cet homme, les réseaux auxquels il a su et pu appartenir, les ressources qu'il a réussi à capter, les « identités stratégiques » qu'il a su styliser, les univers sociaux, dont ceux du patronat, au sein desquels il est devenu un sérieux éligible. Il faut aussi sonder les catégories de jugement politiques et journalistiques qui ont été au principe de la focalisation des médias.

Cette puissante personnalisation assumée par le premier intéressé qui confie à la presse que le peuple français a besoin d'un « roi » [9] s'est également retrouvée dans le fonctionnement d'En Marche. Jamais sans doute la construction d'un mouvement, à l'exception peut-être du RPF en 1947, en France, n'a-t-elle autant tenu à la volonté, à la vision et à la « gestion » personnelle d'un homme. L'ancien ministre est à la fois le chef, l'effigie, le produit et le bien symbolique principal de l'organisation. Que la marque En Marche pour appeler le mouvement ait été choisie pour rappeler notamment les initiales d'Emmanuel Macron en dit assez sur la conception qui préside à la création simultanée d'une organisation destinée à la conquête du pouvoir et d'un chef cherchant à convaincre de sa dimension providentielle. Ici, une circulation circulaire entre domination partisane et charisme est à l'œuvre. Il n'est guère étonnant dans ces conditions que de nombreux adhérents justifient leur engagement sur le mode de l'amour éprouvé envers le leader d'En Marche. Cet « amour du leader » qu'avait mis en exergue Roberto Michels, mérite donc attention et analyse, tant du point de vue du travail de légitimation dont il résulte que du point de vue des militants prédisposés à l'éprouver et à en jouer. La mise en scène de la vie privée, pleinement assumée, mérite aussi d'être notée (Emmanuel Macron est très souvent associé à sa femme, son aîné de plus de vingt ans, après avoir été sa professeure de théâtre au lycée La Providence à Amiens). Cette focalisation sur la personne d'Emmanuel Macron interroge donc la sociologie des médias, de la communication politique, des élites, de l'émotion, du charisme et du genre.

 

Au jeu de l'offre et de la demande électorale

L'élection présidentielle de 2017 a offert son lot de régularités et d'irrégularités électorales, la question étant de mesurer les réalignements ponctuels ou plus structurels qu'elle a activés, révélés, cristallisés. Deux angles d'analyse pourraient être ici envisagés. Le premier, porte sur les électeurs et les « électorats ». D'une part, 2017 peut être l'opportunité de se demander ce que sont « devenus » les déterminants classiques du vote. Quelle force prédispositionnelle peut-on attribuer aux variables telles que les CSP, le secteur d'activité et, pour ne citer que ceux-là, la religion. D'autre part, il serait intéressant d'avoir une analyse morphologique la plus précise qui soit des électeurs mêmes d'Emmanuel Macron en faisant des hypothèses sur les indicateurs les plus « actifs ». L'enquête électorale française du CEVIPOF montre que les catégories populaires ont voté à hauteur de 27,3 % pour les candidats de gauche, toutes nuances confondues, de 20 % pour Emmanuel Macron, de 22,3 % pour les candidats de la droite parlementaire et de 27,5 % pour Marine Le Pen. Les membres des catégories supérieures ont choisi les candidats de la gauche à proportion de 21 % alors qu'ils étaient 31 % à préférer Emmanuel Macron, 33,7 % les candidats de la droite et 12,4 % Marine Le Pen. Emmanuel Macron a été choisi par 34 % des cadres du privé et 33 % de ceux du public contre seulement 17 % des ouvriers qualifiés. Le niveau de patrimoine est un bon prédicteur de vote en faveur de la droite parlementaire ou en faveur de LREM. Pour étayer ces dimensions essentiellement quantitatives, des études par entretiens auprès de ces électeurs sont également attendues. Le second angle d'analyse pourrait être géographique en vue de savoir quels sont les territoires, les contextes ruraux ou urbains, les mondes spécifiques qui ont été les plus favorables au nouveau président de la République. Ce détour par une approche écologique qui se veut aussi bien statistiques que monographique permettra sans doute d'imaginer quelles affinités électives il y a eu éventuellement entre des structures socioéconomiques localisées et le vote Macron.

Mais le vote Macron ne doit pas seulement être analysé à « l'instant T ». Il doit également tout à la fois être resitué dans le temps long des différentes consultations électorales et dans le temps court de la campagne. L'irruption d'Emmanuel Macron et l'agrégation d'un électorat renvoie, en creux, à la désagrégation symétrique de l'électorat de la droite républicaine et, surtout, de celui de la gauche de gouvernement. Deux questions mériteraient ici d'être abordées : celle des itinéraires politiques des électeurs qui, in fine, ont rejoint Emmanuel Macron et, de manière symétrique, celle de l'impact de la candidature Macron sur les électorats de François Fillon et de Benoît Hamon. Dans le « temps court » de la campagne électorale, le vote Macron soulève deux autres questions. La première renvoie à la dynamique de campagne et l'agrégation successive de différentes couches d'électeurs au fil des événements qui ont marqué la campagne (retrait de François Hollande, désignation par les primaires de la droite et de la gauche de deux candidats très éloignés de « l'électeur médian », déboires de François Fillon, ralliement de François Bayrou…). La seconde soulève la dimension stratégique du vote Macron, dans un contexte où la présence au second tour de Marine Le Pen semblait acquise. Moins de deux semaines avant le premier tour du scrutin de l'élection présidentielle française de 2017, un peu plus du quart des Français (26 %) déclaraient ainsi avoir l'intention de voter pour « un candidat qui ne correspond(ait) pas totalement à (leurs) idées mais qui (avait) le plus de chances d'être au second tour », et ce chiffre s'élevait même à 53 % pour les électeurs potentiels d'Emmanuel Macron [10].

L'analyse du vote Macron ne saurait s'arrêter à l'élection présidentielle. Depuis le raccourcissement de sept à cinq ans du mandat présidentiel et l'inversion du calendrier électoral, élections présidentielle et législatives s'inscrivent dans une séquence électorale à quatre tours insécable. Au questionnement sociologique de la candidature Macron correspond, en écho, celui des candidats LREM aux élections législatives. Au-delà du profil socio- politique des candidats désignés, le mécanisme même de désignation renvoie à une véritable « boîte noire » qui mériterait examen. Les mécanismes de sélection et d'auto-sélection des candidats, la composition et les méthodes de la commission d'investiture présidée par JP Delevoye, la négociation avec d'autres forces politiques (MoDem) ou avec des personnalités politiques prises isolément dessinent les contours d'une force politique, certes nouvelle, mais prompt à adopter les pratiques et les usages des partis traditionnels.

La campagne législative mérite également le plus grand intérêt. Le renouvellement de l'offre électorale et la mise en avant de nouvelles pratiques militantes se sont accompagnés « d'une mise à l'affiche » systématique du nouveau président de la République. Loi d'airain de la Ve République ou vecteur future de son hyper-présidentialisation ? Cette association systématique des candidats de LREM, souvent peu connus, à la figure du nouveau Président s'est traduite dans les urnes par une nationalisation du vote sans précédent. Les « facteurs locaux » des élections législatives (notamment le capital politique des différents candidats en compétition) n'ont probablement jamais aussi peu joués.

On n'oubliera pas, enfin, de porter attention à la déstructuration du paysage politique et, associée à la logique du scrutin à deux tours, à ses effets sur la représentation. La position centrale occupée sur l'échiquier politique par les candidats de LREM (ou du MoDem) leur a permis, au second tour, de l'emporter dans une majorité de circonscription, qu'ils soient opposés à un candidat de droite (273 circonscriptions), de gauche (135 circonscriptions) ou a fortiori du FN (103 circonscriptions). Le succès législatif de la LREM est ainsi le fruit de la combinaison de plusieurs facteurs, certains d'ordre institutionnel (calendrier électoral, mode de scrutin), d'autres de nature politique (capacité à se qualifier pour le second tour, qui renvoie tant au niveau qu'à la nationalisation du vote LREM ; configurations de second tour et position de LREM dans l'espace politique).

 

Les propositions de communication sont à envoyer pour le 15 novembre 2017 à l'adresse suivante :

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Bibliographie :

 

Christophe Bouillaud, « E. Macron : plouto-populisme, stato-populisme, centrisme? », https://bouillaud.wordpress.com/2017/02/28/e-macron-plouto-populisme-stato-populisme-centrisme

Rafaël Cos, « L'homme qui a fait du neuf avec du vieux », Le Monde, le 26 mai 2017.

Alain Faure, « Le macronisme, un renouveau pas si nouveau », Libération, le 16 juin 2017.

Julien Fretel, « L'avenir des illusions partisanes », Savoir-Agir, 32, 2015

Florence Haegel, « Le bipartisme à la française, chronique d'une mort annoncée », Le Monde, le 26 avril 2017.

Rémi Lefebvre, « La modernisation du porte-à-porte au Parti socialiste. Réinvention d'un répertoire de campagne et inerties militantes », Politix, 113, 2016

Michel Offerlé, « Les partis meurent longtemps », Le Monde, le 31 mai 2017.

Michel Offerlé, « Le gouvernement Philippe ou l'esperanto de l'entreprise », Libération, le 24 mai 2017.

Etienne Ollion, « La société civile, bel outil de marketing politique », Alternatives économiques, 2017

Luc Rouban, « Le profil des candidats investis par la République en Marche : un renouveau limité », Notes du CEVIPOF, juin 2017.

 



[1] « On se fout des programmes. Ce qui importe, c'est la vision », déclarait Emmanuel Macron, sur RTL, le 1er décembre 2016, avant de renchérir dans le JDD le 12 février : « C'est une erreur de penser que le programme est le cœur d'une campagne. » Dans la même veine, deux chercheurs proches de En Marche, la sociologue Hélène Buisson-Fenet et l'historien Hervé Joly reconnaissaient dans le Monde du 7 avril : « Emmanuel Macron n'a pas un programme détaillé, comme ceux qui croient que la société se gouverne par décrets en rêvent encore […]. Il trace des lignes directrices, fixe de grands chantiers ambitieux, et pour le reste […] fait confiance à la négociation avec les acteurs sociaux. ».

[2] Emmanuel Macron déclare au journal Le 1 en juillet 2015 : « les partis ne vivent plus sur une base idéologique mais sur une base d'appartenance et sur la rémanence rétinienne de quelques idées ». Il conteste par ailleurs l'innovation démocratique que constitueraient les primaires qui ne viseraient qu'à maintenir des organisations « dépassées ».

[3] 428 noms sont retenus parmi 19 000 prétendants par une commission de neuf personnes sur la base de CV et auditions (1 700 entretiens téléphoniques selon En Marche ont été conduits par une équipe de 10 personnes). Le « potentiel » des candidats a été identifié sur une échelle de 1 à 10.

[4] « L'urgence c'est de délivrer très vite » (Benjamin Griveaux, Mediapart).

[5] Voir les travaux de Jonathan Hopkin et Catherina Paolucci sur les « business firm parties ».

[6] « Le communisme disait Lénine, c'est les soviets plus l'électricité, les mouvementistes ce sont un chef plus internet » (Michel Offerlé).

[7] Voir enquête Médiapart, février 2017.

[8] Ancienne « plume » de Marisol Touraine au ministère des affaires sociales, Benjamin Griveaux, diplômé de Sciences-Po Paris et d'HEC, a été directeur des relations institutionnelles d'Unibail Rodamco, numéro un européen de l'immobilier commercial. Secrétaire du parti En Marche, Stanislas Guérini est un ancien d'HEC, jusqu'ici directeur de l'« expérience client » chez Elis, blanchisserie professionnelle propriété du fonds Eurazéo. Autre HEC, Cédric O, ancien proche de Pierre Moscovici et trésorier d' En Marche, a dirigé une usine du motoriste Safran. Chargé de la collecte des fonds avec un ancien patron de la BNP (Christian Dargnat), Emmanuel Miquel, capital risqueur chez Ardia, est lui aussi un ancien de Sciences-Po et de HEC.

[9] Il confie au 1er juillet 2016 : « Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n'est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l'espace. On le voit bien avec l'interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu'on attend du président de la République, c'est qu'il occupe cette fonction".

[10] Sondage en ligne IFOP pour Atlantico, 10-13avril 2017.




Centre Malher
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