Ce projet de thèse portera sur le rapport qu'entretiennent La France insoumise et le Rassemblement National avec l'Etat. Plus exactement, il s'agira d'étudier la manière dont, au sein de ces partis, est conçu, appréhendé et préparé l'exercice du pouvoir. La France insoumise est un parti assez jeune, puisqu'il n'a que sept ans d'existence, mais sa trajectoire électorale le situe virtuellement à la lisière du second tour et le positionne de fait comme un parti aspirant à gouverner. Le Rassemblement National est dans une position similaire : certes plus ancien, il n'a également jamais exercé le pouvoir mais connaît une dynamique électorale ascendante, marquée par sa présence au second tour lors des deux dernières élections présidentielles et une progression électorale continue. Outre leur trajectoire électorale comparable, ces deux partis ont en commun d'être régulièrement l'objet de tentatives de disqualification. Concernant La France insoumise, sa situation à gauche est comparable à celle de certains exemples précédents : il est notamment possible de penser au Parti socialiste de 1981. Comme lui à cette époque, la possibilité de son arrivée au pouvoir suscite de nombreuses inquiétudes dans le champ médiatique, ainsi que des discours véhéments chez ses opposants. En 1981, entre les deux tours de l'élection présidentielle qui vit François Mitterrand devenir le premier président de la Vème République se revendiquant de la gauche, des tracts agitent la menace de chars russes stationnés sur la place de la Concorde ; en 2022, entre les deux tours des élections législatives, la première ministre Elisabeth Borne évoque face à la possible arrivée au pouvoir de la NUPES une « menace sur les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité. ». Du côté du Rassemblement National, le parti dirigé par Jordan Bardella cherche lui aussi à se doter d'une image de parti de gouvernement dont le manque lui a souvent été reproché on pense par exemple à la manière dont l'image de Marine Le Pen a souffert des faiblesses affichées à l'occasion des débats d'entre-deux-tours des élections présidentielles. Dans les deux cas, ces partis cherchent par conséquent à mettre en avant des ressources supposées neutraliser les critiques dont ils sont l'objet. On pense ici à la lettre adressée par Marine Le Pen aux Préfets en 2021 les assurant de son soutien face à une réforme de la haute fonction publique ; au fait qu'elle ait choisi Christophe Bay, énarque, passé par différents cabinets de plusieurs ministres de l'Intérieur et ancien Préfet de Dordogne, comme directeur de campagne pour l'élection présidentielle de 2022 ; à la mise en avant au sein du parti de Jean-Paul Garraud, président depuis 2012 de l'Association professionnelle des magistrats, s'étant vu attribuer une place éligible aux élections européennes et la tête de liste en Occitanie aux élections régionales ; ou à l'affichage d'un groupe de hauts fonctionnaires anonymes, les « Horaces », supposés accompagner le travail programmatique du RN. LFI a également mis en avant un groupe comparable, « Article XV », dont les membres sont censés alimenter la préparation de L'Avenir en Commun, le programme du mouvement. Ces différents aspects posent ainsi la question de savoir comment ces partis pensent la façon dont ils exerceraient le pouvoir s'ils parvenaient à l'Elysée : dans quelle mesure, et comment ces deux formations politiques cherchent-elles d'une part à pallier leur absence relative de ressources au sein de l'Etat, et d'autre part à préparer l'exercice du pouvoir ?