La déontologie des avocats émane-t-elle d’eux à raison des nécessités de l’exercice ou des autorités politiques parce qu’elle touche une tâche régalienne ? La France a peu hésité. S’inspirant notamment de THEODOSE puis JUSTINIEN, empruntant aux carolingiens et à la chevalerie une morale religieuse, les rois à compter de Saint LOUIS ont légiféré d’autant que la naissance des juridictions royales à la fin du XIIIème siècle stabilise le rôle et le titre de l’avocat. Les coutumes et les « stiles » complètent ce dispositif. Ces principes (loyauté, indépendance, respect) se transformeront au cours des époques en « usages ». Tant que l’avocat est un membre de l’institution judiciaire ayant vocation d’en devenir un cadre la déontologie reposait sur un consensus. La vénalité des charges lui ôtant cette promotion, le transforme en simple « auxiliaire », rétif aux injonctions au point de fomenter d’improbables grèves. Imprégné de la grandeur fantasmée de ses ancêtres antiques il préfère consolider son rang social (noblesse, préséance). A partir de LOUIS XIV la déontologie se fige. La Révolution balaie cet héritage multiséculaire. Pressés par les concepts de liberté et de gratuité les constituants, majoritairement avocats, suppriment la profession et les Parlements honnis. Des « défenseurs officieux », souvent sans foi ni loi, se substituent aux avocats. La déontologie disparut pendant vingt ans. Rétablis avec réticence par NAPOLEON, ces « factieux » lutteront tout le XIXème contre l’Etat pour la maîtrise des « usages » fragilisant un peu plus ceux-ci déjà traversés par les courants sociétaux (émancipation, nationalité). Le décret de 1920 régla cette situation qui faillit engloutir les Ordres. Jamais plus jusqu’en 1971 les avocats ne participeront à la définition de leurs règles. Tout au plus une association (ANA) fera avec succès des propositions. Les guerres illustrèrent le pouvoir d’intervention du Prince dans la déontologie en la suspendant, l’aménageant en profondeur (interdiction des juifs) ou en créant des institutions pérennes (CAPA). La France Libre conserva de Vichy tout ce qui ne heurtait pas des principes fondamentaux. Les années 54/57 introduisirent des modifications libérales (droit de manier des fonds, de s’associer, de réclamer des honoraires impayés). Il est un endroit où l’Etat n’a pas renoncé à l’avocat fonctionnaire : l’outre-mer. L’Algérie mise à part, « prolongement naturel de la France », dans les autres pays sous domination française, dans un désordre total, sans cette unité rêvée, la France a, dans l’indifférence des Ordres, créé une paradéontologie évoquant vaguement l’avoué. En dépit d’une prolifération législative la France n’a pas plus réussi à imposer une déontologie universelle. Usant de procédés imaginatifs renouvelés, les gouverneurs ont, principe de réalisme oblige, tout inventé pour sauver un système notoirement défaillant jusqu’à l’inadmissible (interdiction de plaider pour les indigènes). Dans les années 1930/1936 la République se résolut à instaurer des « barreaux libres », grosso modo calqués sur ceux de métropole, tentative libérale sans lendemain à raison de la guerre puis des conflits de décolonisation. Il faudrait réserver un sort à part à l’Algérie, « prolongement naturel de la France ». La Loi du 31 décembre 1971 en créant un « avoué plaidant » redouté par les caciques a initié une réforme profonde du rôle de l’avocat et posé ainsi les jalons d’une évolution ultérieure de la déontologie (institution d’une représentation nationale -CNB, octroi à celle-ci du pouvoir législatif en la matière). C’est néanmoins sans les avocats que fut publié le décret de déontologie en 2005. Une déontologie aussi linéaire s’explique par le souci pour le Prince d’assurer jusqu’à l’infini détail la perfection de sa mission de juger, une métaphysique du parfait. La marchandisation du droit, l’extension du domaine de l’avocat, l’industrialisation des acteurs contrarient cet objectif. La France tranchera-t-elle enfin ?