Cécile Montanini, La justice écologique : contribution aux approches contemporaines des relations aux non-humains, thèse soutenue en 2023 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin, membres du jury : Laurent Fonbaustier (Rapp.), Sarah Vanuxem (Rapp.), Yannick Ganne
Afin d’offrir de l’intelligibilité à un concept fuyant comme celui de « justice écologique », cette étude se propose d’établir une grille de lecture des différents courants qui la traversent. La justice écologique s’entend, ici, comme une réflexion sur les manières de rééquilibrer les relations entre les êtres humains et les non-humains, dans leurs dimensions anthropologiques, éthiques et juridiques. Au croisement de la philosophie et du Droit, la thèse a pu mettre en évidence trois grands courants au sein de la justice écologique, selon leur positionnement théorique à l’égard des valeurs et institutions de la Modernité ; la justice écologique anthropocentrique (JEA) qui s’est construite dans le prolongement de ces dernières ; la justice écologique bio-centrée (JEB) qui cherche à dépasser l’anthropocentrisme moral et le droit de l’environnement moderne avec la reconnaissance des droits de la Nature ; et, enfin, la justice écologique humaniste (JEH) qui vise moins à évacuer l’héritage de la Modernité qu’à le repenser, notamment dans ses aspects juridico-politiques.
Léa Spiess, La neutralité de l'État en question, thèse soutenue en 2023 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin, membres du jury : Marie-Odile Peyroux-Sissoko (Rapp.), Vincent Valentin (Rapp.), Diane Roman
Dans la philosophie politique, la neutralité de l’État est la réponse proposée à la question de la légitimité de l’action de l’État dans les sociétés pluralistes, du fait de l’absence de consensus sur les questions de la vie bonne. La définition communément acceptée est celle qui assimile l’expression de « neutralité de l’État » à l’exigence d’impartialité vis-à-vis des différentes conceptions de la vie bonne existant au sein d’une même société. L’État axiologiquement neutre n’est pas un État dénué de valeurs, mais un État assurant la coexistence pacifique de différents systèmes de valeurs. L’objectif de la recherche est d’envisager une étude globale du principe de neutralité et de ses mutations, afin d’en proposer une redéfinition plus adaptée aux exigences contemporaines. L’étude se concentre sur les paradoxes relatifs au concept de neutralité, et s’intéresse à la manière dont ceux-ci, loin de réfuter le concept, peuvent permettre au contraire de le développer et de l’enrichir. Cette interprétation dynamique de la neutralité tend à mettre en évidence son caractère évolutif, et ainsi, la thèse propose une redéfinition de la neutralité « contemporaine ».
Yannick Ganne, L'ouverture du droit aux sciences sociales : contribution à l'étude du droit savant américain contemporain, thèse soutenue en 2019 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin, membres du jury : Véronique Champeil-Desplats (Rapp.), Wanda Mastor (Rapp.), Robin Stryker
Aux États-Unis, les frontières entre le droit et les autres champs du savoir sont plus souples qu’en France. La vitalité des mouvements interdisciplinaires en témoigne (Empirical Legal Studies, Law & Economics, Law & Society, New Legal Realism). Cette étude interroge l’ouverture du droit savant américain aux méthodes et techniques des sciences sociales (économie, science politique, sociologie, etc.). Cette recherche s’intéresse, plus précisément, à l’institutionnalisation du phénomène d’ouverture et démontre que sa pérennisation s’opère en trois temps : par la légitimation, l’enracinement et la diffusion des sciences sociales en droit. À travers l’étude du phénomène d’ouverture, c’est la structure particulière du droit savant américain que cette thèse révèle. L’ouverture, d’abord transgressive, a pu bénéficier des caractéristiques intellectuelles et institutionnelles favorables du champ pour croître progressivement et se normaliser.
Marie Cretin Sombardier, Deux pensées constitutionnelles révolutionnaires : Robespierre et Condorcet, thèse soutenue en 2018 à Strasbourg en co-direction avec Olivier Jouanjan et Éric Maulin, membres du jury : Patrice Rolland (Rapp.), Vincent Valentin (Rapp.), Éric Desmons
Pareils à nombre de révolutionnaires français, Robespierre et Condorcet souhaitent rompre avec l'Ancien régime en reconnaissant la souveraineté naturelle du peuple et les droits naturels des hommes. Cependant, en démocrates assumés et conséquents, ils se singularisent en présentant la nécessité du gouvernement représentatif comme une étape provisoire de la réalisation libre et heureuse des hommes et non comme une fin. Convaincus d’une nature humaine perfectible, habilitant l’homme à un devenir libre et heureux, les deux révolutionnaires sont conduits à promouvoir, l’idée d’un droit perfectible et celle d’une constitution transitoire capable d’articuler souveraineté du peuple et gouvernement à la naturalisation progressive des institutions et des hommes. Les progrès de l’autoconstitution du peuple souverain, appuyés par ses représentants provisoires, engagent les conditions d’une autonomisation de la société et ouvrent la voie à celle de l’individu en réconciliant l’État et la société.
Luc Klein, Le contrôle institutionnel de la force armée en démocratie, thèse soutenue en 2016 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin, membres du jury : Vincent Cattoir-Jonville (Rapp.), Bruno Daugeron (Rapp.), Olivier Jouanjan et Olivier Zajec
L'objectif de cette thèse est de découvrir comment les systèmes démocratiques contemporains appréhendent l'existence en leur sein de la force armée et comment ils parviennent à utiliser cette force armée, tout en respectant leur principe de gouvernement. L'angle adopté est celui de l'histoire des institutions et du droit comparé (principalement Etats-Unis et France). Les deux axes de réflexion sont mobilisés autour de la recherche d’un équilibre à la fois vertical (entre les pouvoirs constitués et la force armée) et horizontal (entre les pouvoirs constitués entre eux par rapport à la force armée).
Maeve Kieffer, Recherches sur l'identité de l'Union européenne, thèse soutenue en 2015 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin et Valérie Michel, membres du jury : Anne Levade (Rapp.), Eleftheria Neframi (Rapp.), Vlad Constantinesco et Jean-Christophe Barbato
Le terme identité est utilisé depuis le milieu des années 2000 par les autorités nationales, en particulier juridictionnelles, dans le but de protéger le droit interne du droit de l'Union européenne. En réponse, la question de l'existence d'une identité de l'Union européenne peut être posée. Le contenu de l'identité revendiquée est imprécis. Les autorités nationales qui l'invoquent n'en définissent pas la substance et la doctrine juridique peine à déterminer ce qu'elle recouvre. Cela ne saurait étonner. L'identité est le processus de construction d’un soi cohérent dans le temps et dans l’espace social. Substantiellement, une identité est donc en constante évolution. L'identité de l'UE ne doit pas tant être recherchée dans un ensemble figé de valeurs plutôt que dans un discours véhiculant des valeurs identitaires européennes. Or en tant que vecteur privilégié d'édification de l'Union, le droit constitue un médium de choix pour étudier le discours identitaire de l'Union européenne.
Ghislain Benhessa, La pensée juridique de l'exception aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001, thèse soutenue en 2014 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin, membres du jury : Alioune Badara Fall (Rapp.), Thierry Rambaud (Rapp.), Bertrand Pauvert
Les attentats du 11 septembre 2001 ont provoqué une onde de choc aux États-Unis et dans le monde entier. Pour y faire face, le gouvernement a adopté des mesures exceptionnelles. Notre étude se penche sur la doctrine américaine. John Yoo, Professeur à l’Université de Berkeley, a joué un rôle de premier plan au sein de l’Office of Legal Counsel (OLC) au moment des attentats. Depuis cette période, il ne cesse de revenir sur la manière dont le gouvernement des États-Unis a réagi à la suite des évènements. Partant d’une perspective utilitariste, Éric Posner et Adrian Vermeule proposent quant à eux une théorie de l’exception qui renverse la plupart des opinions traditionnellement admises et défendues. La problématique essentielle qui scande l’ensemble de notre travail est de saisir, de l’intérieur, à partir d’une lecture des ouvrages des trois auteurs, les tensions fondamentales de l’approche retenue par le gouvernement des États-Unis, au regard de la tradition constitutionnelle du pays.
Joseph-Nestor Ouamba-Patas, Les minorités religieuses, la neutralité de l'État et les accommodements raisonnables en France et au Royaume-Uni, thèse soutenue en 2013 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin, membres du jury : Brigitte Basdevant-Gaudemet (Rapp.), Pierre-Henri Prélot (Rapp.)
Le pluralisme religieux est une réalité objective au Royaume-Uni et en France. Les minorités religieuses, demeurent un sujet récurrent qui suscite d’intarissables réflexions, d’études, de débats scientifiques et politiques. Elles sont une véritable préoccupation pour le politique, l’Europe et l’Etat ; à telle enseigne qu’il faille s’interroger sur ce que l’Etat peut leur proposer comme meilleure protection au XXIème siècle. La France et le Royaume-Uni sont confrontés à ce défi. Outre, la neutralité de l’Etat au regard de la religion rend complexes les rapports de ces minorités religieuses avec l’Etat en France où le concept de minorités religieuses n’est pas connu du droit français en vertu du caractère laïque de l’Etat français proclamé par l’article 1er de sa Constitution et la loi du 9 Décembre 1905 de la Séparation de l’Etat et de l’Eglise. Les minorités religieuses sont un non-sujet en droit français. Mais au Royaume-Uni, les minorités qualifiées de confessions religieuses sont reconnues quand bien même l’Eglise Anglicane est l’Eglise établie et officielle, avec à sa tête la Reine Elizabeth II. Il n’y a pas de séparation entre l’Eglise et l’Etat. En Ecosse, l’Eglise Presbytérienne fait figure d’Eglise établie, mais séparée de l’Etat. Aussi, toujours liée aux minorités religieuses, la question de l’application du principe d’ajustement raisonnable pour écarter des cas de discrimination en matière religieuse. L’ordre juridique britannique connaît ce principe et l’applique. Alors qu’en France, ce principe est ignoré et fait l’objet d’une application purement informelle. Certes, la globalisation apporte des faits positifs en Europe et notamment dans ces deux Etats, mais elle contient aussi des risques auxquels il faut prêter attention au XXIème siècle. Ainsi, les minorités nationales, les communautés linguistiques et les différentes unités constitutives de l’Etat demandent, en faisant appel au principe de la diversité, la reconnaissance de leurs droits collectifs, une multiplication des structures régionales et le perfectionnement de leurs prérogatives. L’apparition des « nouvelles minorités », celles des immigrants posent de nouvelles difficultés. En pratique, la religion historique du pays est privilégiée. Les religions pratiquées par les immigrés – Islam, Bouddhisme, Hindouisme, etc – sont alors l’objet d’une discrimination plus ou moins forte. Le besoin de visibilité de ces religions – et de l’Islam en occurrence – remet en cause le cadre fixé à la fin du XIXème siècle qui régit le fonctionnement des religions dans les divers Etats. Cette évolution touche plus durement les Etats laïcs de tradition catholique comme la France que les pays de tradition protestante où la place du religieux dans l’espace public est par tradition plus facilement acceptée comme le Royaume-Uni. Il faut aussi considérer que les religions importées par les populations migrantes sont souvent des « ethno-religions ». L’enjeu identitaire y est considérable, et il tend même à se substituer à celui de la liberté de croyance. Le Royaume-Uni et la France s’inscrivent dans ce registre à propos de leurs minorités religieuses.
Ana Ruth Herrera Gomez, L' Introduction de la procédure d'amparo dans le système juridique français, thèse soutenue en 2011 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin et José Ramón Cossío Díaz
L’introduction de la QPC en France représente un tournant pour son contentieux constitutionnel, qui s’immerge ainsi dans un mouvement d’expansionnisme de sa justice constitutionnelle. Néanmoins, avant l’introduction de l’article 61-1 de la Constitution, malgré les lacunes des dispositifs du contrôle de constitutionnalité a priori, il existait déjà un élément générateur d’évolution en matière de protection des droits constitutionnels a posteriori, notamment grâce à l’activité du juge ordinaire français. Ces avancées, lesquelles ressemblent énormément au contrôle exercé par le juge d’amparo, doivent être envisagées et intégrées de manière cohérente. Ainsi, nous proposons un moyen de défense constitutionnel qui permettrait non seulement de s’assurer de la constitutionnalité des dispositions législatives a posteriori, comme prévu à l’article 61-1 de la Constitution, mais de contester par saisine directe la constitutionnalité des normes juridiques générales, des actes administratifs et juridictionnels, et même des actes de puissances privées; au total, un instrument qui permette de protéger le justiciable à l’égard de tout acte de puissance inconstitutionnel, afin de lui accorder une protection complète : la procédure d’amparo dans une dimension française. L’adoption d’une procédure d’amparo en France nous amène à nous interroger sur la possibilité de son intégration à côté de la QPC de manière complémentaire, le cas échéant; d’ailleurs, une réalité française ne peut plus être ignorée: la concurrence entre le juge ordinaire et le Conseil constitutionnel. À cette fin, l’adoption de l’amparo en France viendrait compléter et intégrer son contentieux constitutionnel.
Roxani Fragkou, L' euthanasie et le droit au refus de traitement à la lumière de l'évolution du droit européen comparé , thèse soutenue en 2010 à Strasbourg en co-direction avec Éric Maulin
La présente thèse aspire à susciter une réflexion profonde et globale tant sur la thématique de l’euthanasie au sens strict, que sur tout l’éventail des décisions médicales prises en fin de vie, en faisant ainsi le tour d’horizon des réglementations nationales européennes et supranationales témoignant de l’intérêt qu’éveille le sujet. Dans cette perspective, ses deux parties abordent la problématique de la mort assistée à travers une approche sensiblement distincte. La démarche comparatiste adoptée dans la première partie tâche d’offrir une vue d’ensemble plus large des solutions envisagées à l’égard des manières d’aborder la problématique de la mort assistée par les législateurs au niveau national et européen, alors que la seconde, profondément imprégnée du principe du respect des droits du patient, propose d’examiner deux autres aspects de ce « faux dilemme », que nous avons essayé d’écarter : le droit au refus de traitement et la dispensation de soins palliatifs. Or, la question n’est guère d’être pour ou contre l’euthanasie, pour ou contre la conception palliative. La réalité est beaucoup moins manichéenne. Les soins palliatifs, nés d’une analyse critique et d’un dépassement des arguments portant sur l’euthanasie, visent la prise en charge globale du malade et offrent une espèce de contrôle de la fin de vie différent, fondamentalement humain. La sauvegarde de la dignité humaine et de l’autonomie du patient ne se limite pas au seul respect d’une demande d’euthanasie, mais s’étend également au respect du droit au refus de consentement à une intervention médicale, ainsi qu’à la dispensation de soins palliatifs adéquats et de qualité.
Romain Place, La valeur d'égalité en droit public français et britannique, thèse soutenue en 2023 à Strasbourg sous la direction de Peggy Ducoulombier, membres du jury : Aurélien Antoine (Rapp.), Robert Wintemute (Rapp.), Denis Baranger et Céline Roynier
En droit public français, l’égalité revêt une valeur symbolique. Néanmoins, la multitude fragmentée des normes juridiques qui l’expriment rend sa signification contestée et confuse. La thèse soumet cet objet à l’épreuve de la comparaison avec le Royaume-Uni. La lecture de l’égalité en tant que valeur, plutôt qu’en tant que norme juridique, permet de lire ensemble des dimensions souvent compartimentées dans la sphère du droit public. À ce titre, la thèse révèle trois fonctions de l’égalité en droit public. D’abord, elle remplit une fonction de légitimation du pouvoir politique, en contribuant à forger le modèle de la démocratie libérale. Dans ce cadre, l’égalité contribue à la génération de la normativité juridique. Ensuite, l’égalité fonde axiologiquement des normes juridiques particulières. La fonction déontologique, concrétisée par le principe général d'égalité et le droit spécifique de la non-discrimination, contraint le pouvoir politique à considérer les individus comme des égaux. Enfin, la valeur d’égalité est une finalité de l’action publique. Elle appelle l’intervention étatique au soutien d’une égalisation des ressources et des relations interindividuelles.
Vedran Lopandić, Les partis politiques dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme : contribution à l'étude de la démocratie européenne, thèse soutenue en 2022 à Strasbourg sous la direction de Peggy Ducoulombier et Tarik Haverić, membres du jury : Joël Andriantsimbazovina (Rapp.), Yves Poirmeur (Rapp.), Giánnīs Ktistákis
Les partis politiques ne sont pas uniquement des associations essentielles à la démocratie mais ils représentent aussi un mode collectif d'exercice de certains droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, comme par exemple la liberté d'association et la liberté d'expression. Les partis politiques sont donc protégés à double titre par la Cour européenne des droits de l'homme et il est possible de parler de l'émergence d'un corpus de normes formant le droit européen des partis politiques. Etudier cette nouvelle branche du droit à travers le prisme des conceptions normatives de la démocratie – à savoir les conceptions procédurale et substantielle –, permet de souligner l'importance et l'urgence de renforcer le principe de responsabilité démocratique incombant aux partis et autres acteurs politiques dans la jurisprudence européenne. Ce faisant, la principale difficulté consiste à concilier le principe de responsabilité démocratique avec le principe d'autonomie des partis politiques.
Michel Hilal, La Charte arabe des droits de l'homme : incertitudes et ambiguïtés en matière d'application, thèse soutenue en 2017 à Strasbourg sous la direction de Syméon Karagiannis, membres du jury : Gérard Gonzalez (Rapp.), Pierre-Henri Prélot (Rapp.)
Le système arabe des droits de l’homme repose, pour l’essentiel, sur un traité international, la Charte arabe des droits de l’homme. Il est institué, en vertu de ladite Charte, un Comité arabe des droits de l’homme qui surveille et contrôle l’application des obligations incombant aux États parties à la Charte. Malgré sa mise en place tardive (2004) par rapport à d’autres systèmes régionaux de protection des droits de l’homme, il s’est avéré que cette Charte est unique en son genre. Elle combine des droits divins et naturels et verrouille, de par le contenu des dispositions liminaires et finales de la Charte, sa propre évolution. Elle présente des traits qui, dans l’ordre international, n’appartiennent qu’à elle. En s’écartant du modèle des Pactes onusiens, la Charte ne consacre non seulement des droits en régression par rapport à ceux garantis dans lesdits Pactes, mais aussi des droits rédigés en termes ambigus dont la transposition dans l’ordre interne des États parties élargira encore le creuset jusqu’à rendre incertain l’efficacité de cette Charte.En somme, la Charte en elle-même, ainsi que son application, sont loin, pour le moment, de renforcer les normes universelles des droits de l’homme ou même de les maintenir à cause du caractère global du niveau de protection, qui est inférieur à celui des standards internationaux. Il est vrai que l’affirmation par la Ligue des États arabes des droits et libertés est une chose et que la garantie du respect de ces droits en est une autre. Or, en matière de droits de l’homme, la justiciabilité de la règle conditionne l’efficacité de la garantie et de sa sanction. L’analyse du système arabe de protection des droits de l’homme a conduit à constater qu’il ne satisfait pas à cette condition, contrairement à d’autres systèmes régionaux. D’où l’urgence de reformuler le texte de la Charte arabe dans une optique de mise en conformité aux normes internationales des droits de l’homme.
Aysel Durgun, Les principes fondateurs de l'ordre constitutionnel turc : la laïcité et le nationalisme de la fin de l'Empire ottoman à nos jours, thèse soutenue en 2015 à Strasbourg sous la direction de Willy Zimmer, membres du jury : İbrahim Ö. Kaboğlu (Rapp.), Jean Marcou (Rapp.), Thierry Rambaud
La laïcité et le nationalisme, en tant que principes fondateurs de la République de Turquie, forment son noyau identitaire qui donne à l’ordre constitutionnel sa spécificité. La laïcité, qui a réalisé le principe de séparation de l’État et de la religion, a maintenu la religion sous son contrôle. Le nationalisme construit en réaction au démembrement de l’Empire ottoman a affirmé l’indivisibilité de l’État du point de vue de son territoire et de sa nation. Cette dernière est comprise comme essentiellement turque et musulmane. Les notions de laïcité et de nationalisme, compte tenu de la place et de la valeur qui leur sont reconnues dans l’ordre constitutionnel, irriguent l’ensemble de l’ordre constitutionnel et constituent un étalon de référence. En ce sens, elles sont des principes « structurants » de l’ordre constitutionnel qui entretiennent des rapports ambigus et contradictoires aussi bien avec la religion qu’avec la démocratie.
François-Xavier Cornuot, L'encadrement juridique de l'emploi de la contrainte exercée par la force publique en France et dans le monde, thèse soutenue en 2015 à Strasbourg sous la direction de Willy Zimmer, membres du jury : Olivier Renaudie (Rapp.), Étienne Muller (Rapp.)
« La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » Telle est la lettre de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. La relation qui s’opère entre la force publique et les droits de l’homme présente un caractère amphibologique. En effet, la force publique est à la fois la garante des droits de l’homme, mais elle constitue en même temps un danger potentiel d’atteinte aux libertés publiques. Notre étude a donc pour objet de s’interroger sur la manière dont la force publique peut être la garante des droits et libertés. L’état de paix sociale est généré par la force publique qui se pose comme étant la garante des droits et libertés par l'exercice du monopole de la violence physique légitime (Max WEBER). L’exercice du monopole de la contrainte physique légitime doit viser à garantir les droits et libertés de chaque être humain vivant au sein de la société. Pour atteindre ce but fondamental, il est nécessaire que la contrainte exercée soit encadrée. Il conviendra d’étudier les éventuelles atteintes à ces droits et libertés selon une gradation examinée par rapport à l’action de la force publique. À cet égard, il convient d’étudier l’encadrement juridique de l’emploi de la contrainte opérée par la force publique au regard des libertés individuelles, lesquelles concernent la liberté d’aller et de venir et le droit de propriété. Puis, l’on examinera les atteintes potentielles de la force publique à l’égard de l’intégrité de la personne.
Chloe Dupont, La participation de personnes privées à des opérations militaires : aspects juridiques, thèse soutenue en 2014 à Strasbourg sous la direction de Syméon Karagiannis, membres du jury : Josiane Tercinet-Duc (Rapp.), Louis Balmond (Rapp.)
La participation de personnes privées à des opérations militaires n’est pas récente et s’est longtemps illustrée par le phénomène des mercenaires, mais elle a pris beaucoup d’ampleur depuis les années 1990 et le recours à des sociétés militaires privées. Ces sociétés se voient confier des tâches qui ne sont pas directement liées au cœur de métier des armées étatiques, mais certaines d’entre elles peuvent concerner des prestations armées. Le recours à des personnes privées dans le cadre d’opérations militaires soulève de nombreuses difficultés juridiques. Il est en effet essentiel de déterminer le droit qui est applicable à ces personnes, qu’elles soient qualifiées de mercenaires ou qu’il s’agisse d’employés de sociétés militaires privées. La définition de leur statut est quant à elle fondamentale afin d’examiner la possibilité de retenir leur responsabilité en cas de nécessité. La question de la responsabilité des sociétés militaires privées elles-mêmes est également posée, tout comme celle, primordiale, de la responsabilité des États qui emploient de telles sociétés.
Hager Ben Ammar, L'enjeu humanitaire de l'eau au Moyent Orient, thèse soutenue en 2010 à Strasbourg sous la direction de Christian Mestre
Cynthia Ochin, Dignité humaine et droit de la génétique, thèse soutenue en 2018 à Université Côte dAzur ComUE sous la direction de Bernard Asso, membres du jury : Éric Maulin (Rapp.), Guylène Nicolas (Rapp.), Xavier Latour
Les lois de bioéthique concernent la génétique et incluent l’encadrement des biotechnologies. Le droit devait impérativement intervenir en ce domaine. Cette étude propose de s’intéresser aux rapports qu’entretiennent la dignité et un droit de la génétique émergent. Chaque manipulation génétique est observée sous le prisme de la dignité humaine qui doit être préservée, en tant que principe fondamental. L’objet de l’étude est d’analyser la compatibilité de la science au droit et notamment à ce principe, socle du droit de la bioéthique. Ainsi, ce droit émergent n’autorise les manipulations du génome humain qu’en cas de compatibilité avec la dignité. Toutefois, cette étude tente de démontrer que la dignité est peut-être elle-même instrumentalisée par un droit qui se trouve, finalement, au service de la science. L’idée est d’empêcher un certain scientisme grandissant en dénonçant l’utilisation de la dignité et ce notamment dans la protection de l’humanité et dans le contrôle de la modification de l’espèce humaine. La dignité doit faire rempart à toute forme d’instrumentalisation du vivant humain. Or, un certain nombre de manipulations génétiques sont autorisées, la plupart du temps sous conditions strictes et cumulatives. Le droit français encadre un certain nombre de pratiques génétiques impliquant le génome humain, qu’il soit perçu dans sa dimension collective ou individuelle, dans la limite du respect d’un caractère thérapeutique prouvé ou qui ne risque pas d’entraver la sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Enfin, cette étude tend à affirmer que la dignité fait office de curseur des manipulations génétiques. Outil de régulation et de réglementation, elle semble instrumentalisée par le droit de la génétique pour satisfaire les exigences scientistes de la société, sous couvert d’un bénéfice pour l’humanité.
Marko Božić, L’influence de la théorie du droit social d’origine française sur la pensée juridique serbe durant le XXe siècle., thèse soutenue en 2013 à Paris 10 sous la direction de Pierre Brunet et Vranjanac Dušan, membres du jury : Éric Maulin (Rapp.), Dragoljub M. Popović (Rapp.), Éric Millard
Par une analyse du discours de la théorie juridique serbe du XXe siècle, cette thèse contribue non seulement à la description des traits distincts de la pensée juridique serbe, mais aussi à la détermination de la possibilité de la réception des concepts libéraux par une société transitoire, dont la culture politique est bien différente de celle de la société occidentale. En ce sens, l’influence modeste de la théorie du droit social d’origine française indique le conservatisme de l’élite universitaire serbe, qui ne faisait pas confiance à la société et à ses capacités autonomes. Cette élite s’est rendu compte que la société serbe était toujours traditionaliste, patriarcale et pauvre en institutions civiles bien établies. C’est pourquoi l’idée libérale d’une société civile qui englobe l’État, et dont ce dernier n’est qu’une entité au service des citoyens, leur est connue, mais peu convaincante. Au contraire, leur programme libéral s’appuie sur l’idée de l’État de droit qui s’opposerait à l’énergie des masses populaires et, par ses institutions élitistes, présuppose la société des individus libres. Croyant fort à la société comme la source ultime de l’activité législative et judiciaire, les théories françaises du droit social ont lancé une idée inadmissible pour la théorie serbe: la domination de la société sur l’État. Cependant, cette aversion des théoriciens serbes vis-à-vis de la société autonome ne révèle pas seulement le manque de la tradition libérale dans leur pensée. Elle explique aussi les raisons d’une transplantation difficile des institutions démocratiques occidentales et, en général, d’une dure transition de la société post-communiste serbe.
Jean-Sébastien Boda, Les effets du contrôle de constitutionnalité sur la constitution. Essai sur les normes constitutionnelles dans les discours juridiques, thèse soutenue en 2010 à Paris 10 sous la direction de Pierre Brunet, membres du jury : Anne Levade (Rapp.), Éric Maulin (Rapp.), Véronique Champeil-Desplats et Alexandre Viala
L’instauration d’un contrôle de constitutionnalité au sein du système juridique a d’importantes conséquences sur la façon d’appréhender la constitution. En effet, si l’on estime traditionnellement que les juges qui en sont chargés ne font qu’appliquer des normes constitutionnelles préexistantes, l’étude théorique de la production normative au sein du système juridique permet d’envisager le pouvoir créateur des juridictions à travers leur aptitude à attribuer une signification juridique aux énoncés qu’elles interprètent. On peut alors considérer qu’en exerçant un contrôle de constitutionnalité, les juges sont bien en mesure de produire les normes constitutionnelles qu’ils sont réputées « découvrir » dans le texte de la constitution et appliquer aux cas qui leur sont soumis. L’analyse du discours juridique amène à conclure que l’usage de ce pouvoir créateur par les juges constitutionnels a des effets sur la représentation de la constitution. La mise en avant fréquente de normes formulées de façon très générale, notamment les fameux principes, traduit une tendance à avoir de la constitution une conception axiologique, qui s’illustre notamment à travers le rapprochement esquissé entre les jurisprudences constitutionnelle et européenne.
Gaëlle Marti, Le pouvoir constituant européen, thèse soutenue en 2008 à Nancy 2 sous la direction de Dominique Ritleng, membres du jury : Éric Maulin (Rapp.), Loïc Azoulai (Rapp.), Jean-Denis Mouton
L’expression pouvoir constituant européen semble receler une contradiction indépassable, dans la mesure où elle associe une notion forgée dans le cadre de l’Etat à une entité dépourvue de la qualité étatique. En témoigne le fait que la constitutionnalisation de l’ordre juridique communautaire, impliquée par la méthode fonctionnaliste initiale, s’est développée de manière endogène, en évitant le recours au concept de pouvoir constituant. De même, le processus ayant mené à l’adoption du traité établissant une constitution pour l’Europe ne peut être considéré comme la manifestation d’un pouvoir constituant véritable. Pour autant, le concept de pouvoir constituant ne semble pas indissolublement lié à l’Etat, qui n’est que la forme historique dans lequel ce concept a vu le jour. L’examen des notions clefs de la théorie générale de l’Etat montre en effet que ce concept peut être transposé en dehors de la sphère étatique. Ces enseignements offrent la possibilité d’entrevoir la manifestation d’un pouvoir constituant des peuples européens, fondateur d’une Union européenne modelée à l’image de la Fédération. Restituer aux citoyens le pouvoir d’adopter la norme fondatrice de l’ordre juridique communautaire permettrait alors de répondre au déficit démocratique de la construction européenne.