Dans son ouvrage L'âge de l'inflation paru en 1963, Jacques Rueff, économiste français d'obédience libérale et profondément attaché à l'orthodoxie financière écrit les mots suivants : Croyez-moi, aujourd'hui comme hier, le sort de l'Homme se joue sur la monnaie. Fervent partisan du système de l'étalon d'or mis en place lors de la conférence de Bretton-Wood de 1944 et opposant de l'interventionnisme étatique dans la régulation économique, celui qui fut juge à la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) entre 1952 et 1962, avait la profonde conviction que l'étalon d'or était le meilleur gage d'indépendance face aux monnaies anglo-saxonnes, comme il s'en expliquait en 1971 : Je suis convaincu que la seule voie efficace pour restaurer l'équilibre des paiements à l'étranger, c'est la convertibilité en quelque chose qui ne soit pas librement créé par une institution émettrice, comme c'est le cas pour tous les types de monnaie fiduciaire, mais gagé sur la production. Par ailleurs, ce dernier était d'avis que l'or était également un moyen de pallier les excès des hommes et autres institutions en charge de conduire des politiques monétaires : L'expérience millénaire nous conduit à la conclusion que toute monnaie qui ne repose que sur la volonté des hommes conduit nécessairement à des excès. Tout au long de ma carrière, j'ai vu qu'il fallait vraiment des barrières très rigoureuses pour empêcher les pouvoirs de commettre des excès monétaires et que la convertibilité en or est la seule sauvegarde efficace. La pensée de Jacques Rueff, jugée singulière à son époque, met en exergue la manière dont la monnaie peut être un point névralgique de la relation entre les sujets de droit international public que sont les Etats et les organisations internationales. Néanmoins, il convient de préciser que les problématiques liées à l'échange de monnaie entre les Etats ne datent pas de la fin de la seconde guerre mondiale. Puisqu'en effet, comme le souligne l'économiste Abdellah Belmadani dans son ouvrage : Monnaie et système de paiement. Mutation, enjeux et risques. paru en 2019, la monnaie constitue l'un des piliers essentiels à l'exercice de la souveraineté d'un Etat. Cet instrument de paiement a pu au cours de l'Histoire être à la source de la puissance économique d'un Etat, ainsi qu'au déclin des certains autres. Egalement, il est possible de constater que sur le plan historique, la monnaie a pu prendre diverses formes : dans un premier temps elle était un support matériel avec l'émission des pièces, puis à un jeu d'écriture comptable avec les instruments de paiements scripturaux, et enfin elle a pris la forme d'une donnée électronique. Ces nouvelles formes de monnaies, plus immatérielles, bénéficient à ce jour d'une acceptation et d'une confiance des sujets de droit international public ainsi que des personnes privées. Sur le plan juridique, bien qu'il soit possible de trouver dans certains textes de droit international une définition claire de la notion de souveraineté monétaire étatique, il n'est pas possible d'affirmer cela en ce qui concerne la monnaie. Néanmoins, il est possible de prendre la définition donnée par le Professeur français Rémy Libschaber dans son ouvrage : Recherche sur la monnaie en droit privé dans lequel il définit la monnaie comme : [...] Une unité de valeur et de paiement, un instrument émis par une autorité publique dotée du pouvoir souverain d'émission monétaire, dont le cours a valeur légale et le paiement permet au débiteur de se libérer juridiquement de son obligation. Toutefois cela va sans dire, que le souhait de Jacques Rueff visant à bâtir un nouveau système monétaire international, dans lequel l'intervention des Etats serait strictement limitée, trouve aujourd'hui un écho particulier, en raison du développement des crypto-monnaies, qui ne sont à ce jour pas réguler de manière harmonisée au niveau du droit international économique. En premier lieu, il convient que dans son rapport annuel de 2012 la Banque Centrale Européenne a défini une monnaie virtuelle comme