Présentation de l'éditeur
Cet ouvrage interroge le poids et l'usage des données dans les manières de gouverner. La donnée, en ligne ou hors ligne, devient une ressource clé de la gouvernance et représente à ce titre un enjeu politique fort. Le travail sur les données a toujours existé, mais ce qui change c’est la massification de ces données – retranscrite par le terme big data –, rendue possible par le numérique. D’autant plus qu’on laisse de nombreuses traces en ligne sans forcément s’en apercevoir. De manière passive, nos données sont enregistrées. La donnée n’est plus uniquement utilisée pour quantifier la société et l’observer, comme cela était le cas avec les statistiques ou les sondages, mais aussi pour la conduire. Les algorithmes font parler les données et permettraient alors de « prédire » des comportements pour mieux les gouverner. Mais ce ne sont pas des dispositifs neutres et il s’agit alors de les étudier en contexte. C’est l’apport de cet ouvrage qui explore différents domaines d’activité pour saisir comment l’algorithme est mis en place par ses concepteurs et utilisé par des acteurs, pris dans des écosystèmes professionnels variés et des manières de faire habituelles qui résistent au changement de la « gouvernementabilité » algorithmique. Cette approche permet de « défétichiser » l’algorithme et d’éclairer autrement son fonctionnement au regard des croyances qui l’entourent, de ses usages au concret et des luttes de pouvoir extérieures à l’outil lui-même, mais ayant des effets sur ses applications. La force des sciences sociales est bel et bien leur portée critique, au sens où l’analyse empirique permet de déconstruire des savoirs immédiats, des prénotions, des fantasmes. Et du côté des big data, les mythes et croyances, renforcées par ceux qui les vendent, sont nombreux.
Sommaire
Introduction. Saisir les données en contexte (Anaïs Theviot)
Première partie. Des données encastrées dans des organisations et des écologies professionnelles
Chapitre 1. Ancrer, centraliser, faire circuler les données. La difficile unification du gouvernement des consommateurs numériques (Baptiste Kotras)
Chapitre 2. Et si le code ne faisait pas loi ? Le changement culturel comme levier de transformation de l'administration. Le cas du programme « Entrepreneurs d'Intérêt général » (Clément Mabi)
Chapitre 3. Protéger les données. Entre mission politique et pratiques administratives. Enquête sur le travail de la CNIL (Anne Bellon)
Deuxième partie. Les effets de l'exploitation des données : vers une nouvelle manière de gouverner ?
Chapitre 4. Portrait de l'internaute en cible marchande. La construction algorithmique d’une rhétorique publicitaire innovante (Thomas Jammet)
Chapitre 5. Automatisation du message et des publicités à caractère politique dans les médias socionumériques. Le cas de Facebook. (André Mondoux et Marc Ménard)
Chapitre 6. Algorithmes et territoires : déliaisons dangereuses. L’exemple de l’application Waze (Antoine Courmont)
Chapitre 7. La datafication de (et dans) la recherche en SHS. Retour sur la construction d’un problème public (Ouassim Hamzaoui et Guillaume Marrel)
Troisième partie. Des données contre le droit : peut-on encore protéger nos données ?
Chapitre 8. De l’idéalisation du modèle américain à sa mise à distance : effets du scandale Cambridge Analytica sur les discours des prestataires en micro-ciblage électoral français (Anaïs Theviot)
Chapitre 9. Le chiffrement des communications électroniques, du droit au code. La construction d’un droit français du chiffrement en tension (Lucien Castex)
Chapitre 10. Le RGPD, quatre ans après : quel bilan et quelles perspectives pour le droit de la protection des données personnelles ? (Laurianne Enjolras)
Chapitre 11. Farces et attrapes du recueil du consentement sur le Web (Julien Rossi et Florian Hémont)
Conclusion. Pour une sociologie du numérique (Pierre-Yves Baudot)