Présentation
La notion de sûreté est une notion difficile à appréhender. Les révolutionnaires français en ont fait un droit naturel dans l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ce droit est au cœur de l'ordre libéral qu'ils entendaient organiser. Pourtant, il semble bien difficile de circonscrire une notion qui évoluera selon les époques jusqu'à devenir une menace même pour les droits individuels qu'elle entendait défendre. La sûreté révolutionnaire n'est pas celle du XIXe siècle qui, elle-même, n'est plus celle des XXe et XXIe siècles. Comment dès lors trouver une acception commune qui permette d'en comprendre l'essence ? Car celle-ci est devenue une notion « attrape-tout » (F. Luchaire) avec deux écueils fondamentaux. Celui de devenir une notion dangereuse susceptible de justifier toute intervention législative quelle qu'elle soit. Ou, au contraire, de devenir une notion tellement large qu'inopérante et insusceptible d'utilisation. C'est toute la difficulté du Conseil constitutionnel qui évite de s'en référer à ce droit naturel pourtant intégré dans le bloc de constitutionnalité. C'est encore toute la question de sa substitution par la sécurité des biens et des personnes qui ne saurait l'appréhender dans sa globalité.
Finalement, la sûreté est au cœur d'une dialectique complexe entre exigences d'ordre public et protection des droits individuels. Alors que la sûreté révolutionnaire semblait dirigée contre les lettres de cachet et l'arbitraire royal, il faut se rappeler les mémoires policiers du XVIIIe siècle qui vantaient au contraire la sûreté de la ville de Paris malgré des moyens tant décriés. La sûreté est-elle un droit protecteur de l'individu contre l'Etat ? L'Etat est, par ailleurs, garant de l'ordre public, condition de l'exercice des libertés individuelles. D'une certaine manière, garantir la sûreté de l'Etat ne serait-ce pas garantir la sûreté individuelle ?
Pour ces raisons, nous proposons une première journée d'étude Dikè sur la sûreté consacrée à cette articulation entre l'individu et le collectif. La démarche, dans la tradition de ces journées Dikè, se veut historique et comparative.
Programme
14h00 : Accueil et Présentation
De la protection des individus à la protection de la société : la sûreté en Révolution (1789-1799)
François Moncassin
« Le miracle de la subordination » comme idéal du système de police : l'ordre administratif des plantations sucrières comme base de l'ordre public espagnol (1800-1850)
François Godicheau
16h00 : Fin
Bibliographie indicative
Manuel Risques Corbella et François Godicheau, « Logique militaire et ordre public. Le statut ambigu de l'administration des territoires catalans dans la première moitié du XIXe siècle », dans « Raison administrative et logiques d'empire (XVIe-XIXe siècle) », Etudes réunies par François Godicheau et Mathieu Grenet, Rome et Marid, Ecole française de Rome, 2021, pp.147-167
François Moncassin, « L'accusation : enquête et poursuites sous la Révolution (1789-1795) », Thèse, Toulouse, 2021
François Luchaire, « La sûreté : droit de l'homme ou sabre de M. Prudhomme ? », dans RDP, Mai-Juin 1989, pp.609-634
Pour vous inscrire ou obtenir le lien Zoom, veuillez contacter Nathalie Salaün à : nathalie.salaun@ut-capitole.fr
Journée d'études organisée par le CTHDIP sous la direction de L. Azéma dans le cadre du Séminaire annuel Dikè 2023 "La sûreté : un principe ambivalent"