Présentation
La criminalisation accrue des pratiques contestataires, l'extension continue des mesures d'exception sont des phénomènes marquants de ces dernières années, en France mais aussi dans bien d'autres pays. L'opinion s'est émue de la mobilisation de véhicules blindés pour encadrer les manifestations des Gilets jaunes et le Conseil de l'Europe comme la Commission des droits de l'homme de l'ONU se sont indignés de l'usage disproportionné de la force dont le gouvernement français fait usage pour gérer les récentes manifestations. Dans de nombreux pays, on assiste à une transformation des mesures anti-terroristes (et « anti-extrémistes » pour reprendre le vocabulaire juridique en vigueur en Russie) en outils ordinaires de la gestion de l'ordre public. Les mesures d'exception et le contrôle policier préventif ne couvrent plus les cas les plus sensibles, mais deviennent un mode de gestion de l'ensemble du corps social. Avec les interdictions levées à la centralisation des données, le durcissement sécuritaire contrant la liberté de manifestation, l'affaiblissement du pouvoir décisionnel des magistrats en faveur du Parquet directement dépendant du pouvoir exécutif, les différences auparavant évidentes entre les différents régimes politiques semblent s'effacer devant la rationalité autoproclamée de « l'urgentisme » sécuritaire. Cette séquence organisée à l'initiative de la section EHESS de la LDH et de chercheurs russes et français vise à réunir dans une table-ronde chercheurs, praticiens du droit et acteurs mobilisés afin d'analyser les pratiques gouvernementales en France et dans plusieurs autres sociétés afin de mieux comprendre les éléments clé de ces nouvelles formes de gestion des manifestations et des expressions politiques. Afin de sortir du cadre des « exceptions nationales » ainsi que du clivage « démocratique vs. Autoritaire », ces échanges proposent une discussion comparative sur les pratiques policières et judiciaires se réclamant de « l'urgence » ou banalisées dans le quotidien du maintien de l'ordre. La discussion répartie en deux journées propose dans un premier temps un aperçu général des évolutions récentes des pratiques d'exception en France, en Russie et en Turquie. Ces trois sociétés sont encadrées par des régimes politiques de formes et degrés divers en matière de répression mais on y trouve des logiques similaires quant à l'usage croissant de l'exception dans le maintien de l'ordre. Une des questions que ce rapprochement soulève consiste à comprendre les mécanismes de cette mutualisation des techniques au-delà des différences de contexte politique. Le deuxième jour propose un approfondissement de l'analyse comparée de plusieurs cas nationaux d'une part dans l'analyse des pratiques sociales de lutte contre les violences policières, notamment sous l'angle de l'observation et du recueil de données, d'autre part sous l'angle des pratiques policières et judiciaires de l'antiterrorisme et des procès politiques. L'intérêt particulier de l'analyse concomitante de la routinisation des pratiques d'exception et des contre-pratiques citoyennes peut donner une vision plus précise de la reconfiguration actuelle de l'espace public à l'échelle internationale à partir des contextes nationaux singuliers. L'objectif global de ces débats est double : une mise à jour des savoirs sur les évolutions récentes des dispositifs d'urgence et leur routinisation et une ré-élaboration intellectuelle de multiples pratiques et de leurs convergences institutionnelles.
Comité d'organisation : Alexander Bikbov - EHESS/CERCEC, Anne Le Huérou - Université Paris-Nanterre/ISP-CERCEC, Sylvain Laurens - EHESS/CESSP, Renata Mustafina - Sciences Po/CERI.
Programme
27 mai 2019
(EHESS)
18h00 : Etat d'urgence, état d'exception, état de routine ?
Vanessa Codaccioni, Maîtresse de conférences à l'Université Paris 8, CRESPPA-CSU
Alexander Verkhovsky, Directeur du centre SOVA (Russie), centre de monitoring de l'activité des groupes d'extrême-droite, des crimes racisteset “extrémistes”
Serge Slama, Professeur de Droit public, Université Grenoble-Alpes, CESICE/CREDOF, LDH
Nadim Houri, Directeur du programme Terrorisme et lutte antiterroriste à Human Rights Watch
Gulsah Kurt, MCF Droit pénal, Post-Doc au GERCIE-IRJI -Université de Tours
Discussion générale
21h00 : Fin de la conférence
28 mai 2019
(Nanterre)
13h30 : Accueil
Observer et contester les violences policières
14h00 : Quels procès pour les déviances violentes des forces de l'ordre ?
Grigory Okhotine, co-fondateur du projet OVD-info, projet de monitoring des répressions politiques et violences policières en Russie
Aysen Uysal, politiste limogée de l'Université Dokuz Eylül, chercheuse associée au CRESPPA-CSU (parvisio conférence depuis la Turquie)
Participants du collectif Bastamag, du réseau des médias libres de Toulouse et des collectifs parisiens pour les projets d'information sur les violences policières
Harold Chaney, avocat
16.30 : Pause
Usages politiques de la police et de la justice
17h00 : L'exception ordinaire. La police, la justice et l'antiterrorisme
Laurent Bonelli, Maître de conférences à l'Université Paris Nanterre, ISP
Liberté de manifester et maintien de l'ordre : des séquelles de l'état d'urgence
Stéphanie Hennette-Vauchez, Professeure de droit public à l'Université Paris Nanterre, CREDOF
Procès et jugements des "filières jihadistes" en France : massification, spécialisation et politisation
Antoine Mégie, Maître de conférences à Université de Rouen, CUREJ
Aide juridique post-manifestation en Russie : maîtriser la répression au tribunal ?
Renata Mustafina, Doctorante à Institut d'Etudes Politiques, CERI
19h00 : Fin de la journée d'étude
Contact : Renata Mustafina : renata.mustafina@sciencespo.fr
Organisé par la section LDH de l'EHESS, l'ISP - Université Paris Nanterre/CNRS et la section LDH de l'Université Paris Nanterre