vendredi7déc.2018
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Le principe d'unité de la magistrature et la Constitution

Séminaires

Le principe d'unité de la magistrature et la Constitution


Présentation

 

Ce séminaire veut s'interroger sur la portée du principe d'unité de la magistrature à la lumière de la norme fondamentale dans un contexte européen et constitutionnel en pleine mutation.

Le principe d'unité, qu'on le décline sous la forme d'unité de la magistrature, du corps judiciaire ou de l'autorité judiciaire – et les variantes ont peut-être un sens - n'est pas expressément formulé dans la Constitution de 1958. L'article 64 consacre l'indépendance de l'autorité judiciaire et renvoie à une loi organique portant statut des magistrats ; quand l'article 66 prévoit que l'autorité judicaire est gardienne de la liberté individuelle. Seul l'article 65 procède à une dissociation au regard des spécificités du parquet par rapport au siège, en consacrant deux formations distinctes siège/parquet du Conseil supérieur de la magistrature (art. 65 al. 1 à 7) à côté d'une formation commune quand il s'agit de répondre aux demandes d'avis du Président de la République (art. 65 al. 8).

C'est plus précisément, l'article 1 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature qui dispose que « Le corps judiciaire comprend I. les magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation, des cours d'appel et des tribunaux de première instance ainsi que les magistrats du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice (...) ; II. Tout magistrat a vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet ».

. Son article 4 consacre l'inamovibilité des magistrats du siège alors que l'article 5 précise que « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre ».

La lecture constitutionnelle du statut de l'autorité judiciaire s'opère donc dans une double perspective qui conduit, d'une part, à ne pas placer les membres du parquet sur un pied d'égalité avec les juges du siège ; sans pour autant, d'autre part, remettre en cause leur appartenance à l'autorité judiciaire et rompre avec l'unité de la magistrature. Unité de l'autorité judiciaire que le Conseil constitutionnel a rappelée de manière constante. Ainsi, et de manière non exhaustive, CC n° 93-326 DC, 11 août 1993, Réforme du code de procédure pénale ; CC n° 97-389 DC, 22 avril 1997, Diverses dispositions relatives à l'immigration ; CC n°2004-492 DC, 2 mars 2004, Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; QPC 2010-14/22 30 juillet 2010, Garde à vue ; QPC 2016-55, 22 juillet 2016, Subordination de la mise en mouvement de l'action publique ; ou encore QPC 2017-680, 8 décembre 2017, Union syndicale des magistrats.

Unité du corps de la magistrature mais séparation des corps dans la magistrature ? C'est en tous cas cette position de conciliation que le projet de loi constitutionnelle voulu par le président Macron, dans son article 12 notamment, semblerait venir consolider à travers le renforcement des garanties relatives à l'indépendance des magistrats du parquet. Il n'est pourtant pas certain que ces modifications suffisent à empêcher les condamnations régulières de la Cour européenne des droits de l'homme. La jurisprudence européenne se précise en effet de plus en plus sur le terrain de la définition de l'autorité judiciaire et de l'appartenance du parquet à cette dernière, depuis les arrêts CEDH 10 juillet 2008 et 29 mars 2010, Medvedyev c. France jusqu'à CEDH 18 octobre 2018, Thiam c. France.

Ces constats soulèvent plusieurs questions :

1. La Constitution devrait-elle être modifiée pour consacrer explicitement le principe d'unité, en complétant les articles 64 ou 66 par exemple ?

2. Unité du corps des magistrats ; unité de la magistrature ; unité de l'autorité judiciaire : les termes recouvrent-ils des réalités juridiques différentes ?

3. Existerait-il une lecture « judiciaire » des dispositions constitutionnelles relatives à l'autorité judiciaire et à son unité différente de la lecture « constitutionnelle » desdites dispositions ?

4. Quel regard porter sur la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel « L'autorité judiciaire à laquelle appartiennent les magistrats du siège et du parquet » relative au principe d'unité de la magistrature ? Est-elle sans surprise, car en application stricte des prescriptions de la Constitution ? Audacieuse ? Encore tenable dans le contexte européen actuel (maintenir l'unité tout en consacrant une indépendance différenciée liée aux singularités statutaires et fonctionnelles du parquet notamment quand la garde des libertés est en jeu) ?

5. La suppression de l'unité du corps de la magistrature est-elle inéluctable ?

6.Quel apport de la révision constitutionnelle à venir au principe d'unité de la magistrature ?

7. Le principe d'unité de l'autorité judiciaire est-il une garantie ou un obstacle à toute forme d'évolution dans le contexte constitutionnel et européen du moment ?

8. Comment doit-il s'incarner au regard des développements de l'arrêt Thiam ?

9. Les modalités du parquet européen sont-elles susceptibles de venir en contradiction avec la Constitution française ?

Interrogations sur lesquelles les participants apporteront leurs éclairages à travers les deux tables rondes de l'après-midi.

 

Programme

 

14h30 : Allocutions d'ouverture
Jean-Christophe Saint-Pau, Professeur de droit privé, Doyen de la Faculté de droit, Université de Bordeaux
Fabrice Hourquebie, Professeur de droit public, Directeur de l'Ecole doctorale de droit, Université de Bordeaux, Secrétaire général de l'Association française de droit constitutionnel (AFDC)
Ferdinand Mélin-Soucramanien, Professeur de droit public, Université de Bordeaux, Directeur du Centre d'Etudes et de Recherche Comparatives sur les Constitutions, les Libertés et l'Etat (CERCCLE)

14h45 : Présentation de la problématique « Unité de la magistrature et Constitution »
Fabrice Hourquebie, Professeur de droit public, université de Bordeaux

15h00 : Repères constitutionnels
Jean-François de Montgolfier, Maître des requêtes au Conseil d'Etat

 

15h15 : Table ronde 1 - Que signifie l'unité de la magistrature dans le cadre constitutionnel de 1958 ?

Présidence : Jean Gicquel, Professeur émérite de droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, ancien Membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)

Participants :
Jérôme Hars, Président de Cour d'assises, Cour d'appel de Bordeaux
Catherine Pignon, Procureure générale près la Cour d'appel de Bordeaux
Jean-Christophe Saint-Pau, Professeur de droit privé, université de Bordeaux
Damien Simon, Avocat, Membre du Conseil de l'Ordre, Barreau de Bordeaux

Echanges avec la salle

16h30 : Pause-café

 

17h00 : Table ronde 2 - Quel avenir pour l'unité de l'autorité judiciaire ?

Présidence : Coralie Ambroise-Castérot, Professeure de droit privé, Université Nice Sophia Antipolis

Participants :
Maxime Antier, Magistrat, Chef de cabinet du Directeur de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM)
Sylvain Galinat, Avocat au Barreau de Bordeaux
Denis Salas, Magistrat, Directeur scientifique des Cahiers de la justice
David Szymczak, Professeur de droit public, Sciences-po Bordeaux

Echanges avec la salle

18h15 : Fin

 

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Organisé dans le cadre des journées d'études de l'Association française de droit constitutionnel (AFDC) par Fabrice Hourquebie, Professeur de droit public



Pôle juridique et judiciaire
Amphi Ellul
35 Place Pey Berland
33000 Bordeaux