L'atelier NoST est organisé par Estelle Brosset, Sandrine Maljean-Dubois et Eve Truilhé-Marengo et consacré au concept de consensus dans le champ des S&T.
Présentation
1/ Le GDR « Nost »
A partir d'une réflexion essentiellement juridique initiée en 1991 sous l'égide de l'ancien « Réseau Droit, Sciences et Technologies » (RDST), le groupe de recherche NoST (Normes, Sciences et Techniques), créé en janvier 2016, propose de compléter l'analyse des juristes sur les normes et les normativités dans les sciences et techniques en associant sociologues, économistes, philosophes, historiens, anthropologues et spécialistes de sciences de l'éducation dans un groupe de recherche résolument interdisciplinaire, de manière à mettre en évidence les diverses logiques qui sont à l'œuvre dans l'encadrement des sciences et techniques. Ce GDR rassemble cinquante équipes de recherche en sciences humaines et sociales, venant de trente établissements différents, créant un réseau particulièrement large, et couvrant l'ensemble du territoire français. En succédant au réseau RDST, NoST entend bien poursuivre la communication scientifique mise en place à travers les Cahiers Droit, Sciences et Technologies (éd. PUAM) tout en développant des outils tels que ce site internet ou la liste de diffusion du GDR NoST.
2/ L'atelier
Le concept de consensus irrigue les questions de normativité dans le domaine de la science et des techniques. Les normes scientifiques sont celles qui émergent d'un consensus de la communauté scientifique à un moment donné, d'une détermination comme telle par un « collectif de pensée ». Les normes techniques peuvent se définir comme des documents établis par consensus et approuvé par un organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directives, ou des caractéristiques, pour des activités ou des résultats garantissant un niveau d'ordre optimal de la communauté dans son ensemble. Les normes juridiques sont également le produit de la participation plus ou moins directe des citoyens aux choix collectifs en la matière et leur légitimité est fonction de la solidité du consensus obtenu entre les acteurs impliqués. Au plan international et régional, la formation des normes juridiques impose en plus l'obtention d'un consensus entre Etats. Et pourtant, quoiqu'omniprésent, le concept du consensus reste souvent un angle mort, un point aveugle qui n'est pas considéré en tant que tel.
C'est précisément ce qui justifie un atelier sur ce concept. Les questions abordées pourraient être les suivantes :
La recherche du consensus comme objectif dans le processus de fabrication d'une norme est-il, dans le domaine des sciences et techniques, légitime ?
Peut-on parler de consensus dans le domaine scientifique eu égard au fait que ce consensus prend plutôt la forme d'une reconnaissance majoritaire par les pairs de l'un ou l'autre des paradigmes et que cette reconnaissance est tout à fait provisoire ?
N'y a–t-il pas de plus en plus d'hypothèses où il n'existe pas de consensus tant l'incertitude des risques est importante et où il existe plutôt des modèles, des scénarios de risques ?
Peut-on raisonnablement rechercher un consensus dans le domaine de l'éthique alors même que des dissensus existent, y compris au sein de groupes parfois tout à fait restreints (une équipe médicale, une famille ...) ?
Quel est le bilan de l'utilisation du consensus du côté de la normalisation technique ?
Le consensus, longtemps privilégié, n'est-il pas délaissé au profit du vote ?
Le consensus demeure-t-il et doit-il demeurer un élément déterminant dans la qualification juridique d'une norme technique ?
L'obtention d'un consensus est-il toujours nécessaire pour fonder et forger les normes juridiques ?
S'agissant du droit international et européen, le consensus entre les Etats dans le domaine des sciences et techniques est-il avéré ?
Quel est le bilan et quelles sont les limites ?
Que penser du consensus non consensuel expérimenté en droit (par exemple dans le régime climatique) ? Quelle est la portée d'une telle évolution ?
Programme
14h00 : Deux conférences sont organisées, suivies d'un tour de table approfondi au cours duquel chacun pourra exposer ses recherches en cours et leur lien avec le sujet de l'atelier.
Significations, usages et valorisations du concept de consensus
Intervention de Philippe Urfalino (directeur de recherche au CNRS, directeur d'études EHESS – Centre d'Etudes Sociologiques et Politiques – Raymond Aron)
L'ambivalence du terme de consensus est source de confusion dans la plupart des domaines où sont évoquées des pratiques de consensus. Il en va sans doute de même en ce qui concerne la fabrication des normes techniques et juridiques. Aussi la conférence visera-t-elle à différencier les significations, les usages et les valorisations du concept de consensus. On distinguera notamment le consensus comme convergence des opinions ou des jugements, le consensus comme méthode de décision, et enfin le consensus comme critère d'une valeur épistémique. C'est seulement après avoir examiné ces trois sens et usages du consensus qu'il sera alors possible d'envisager leur articulation.
Qui a peur du dissensus ?
Intervention de Marie-Angèle Hermitte, Directeur de recherche au CNRS, Directeur d'études EHESS
La contribution commencera par donner quelques points de repère sur les avantages et les inconvénients généralement reconnus aux décisions prises dans le cadre d'un consensus et, au contraire, aux décisions faisant apparaître des controverses, des dissensus, des positions minoritaires (évolution des idées, de la législation, des pratiques). A partir de quelques exemples empruntés à la pratique de différents comités d'expertise devant rendre des avis ou recommandations, il s'agira de montrer pourquoi et comment certaines institutions privilégient le consensus ou au contraire, pratiquent de manière quotidienne le dissensus.
Formulaire d'inscription : https://goo.gl/forms/RPpbfsSzfvOEXCcI3