La basilique du martyr saint Julien de Brioude devint à la fin de l'Antiquité tardive le sanctuaire du saint patron des Arvernes. Le prestige du saint de Brioude et de son église resta constant en Aquitaine et au-delà dans toutes les Gaules. L'inhumation décisive de l'Empereur gaulois Avitus en 455 en ce lieu, suivie plus tard par celle duc et abbé Guillaume « le Pieux » témoigne de l'importance capitale du site. Cette aura suscita tout au long du Moyen ge la production d'une documentation diversifiée et continue. Le croisement des sources relatives à ce saint militaire et à son culte éclaire de façon originale la nature de cette ancienne institution. Au cœur du vicus rural de Brioude, la communauté des desservants de la basilique, précocement placée sous la tuitio royale des souverains mérovingiens, se comportait à la façon d'un petit senatus. Le monumental Grand cartulaire ou Liber de honoribus témoigne intensément de la remise des richesses foncières de la contrée à Saint-Julien aux temps carolingiens et lors des premiers capétiens. Dans celui-ci, l'omniprésence de la clause d'usufruit à réserve viagère caractérise la diplomatique brivadoise du haut Moyen ge. Au bénéfice du donateur, contre acquittement d'un cens, l'usufruit permettait aux cadets des familles aristocratiques, se succédant d'oncle à neveu au canonicat, de réitérer sans cesse la traditio symbolique de la propriété de biens domaniaux au saint Patron, tout en garantissant aux familles la jouissance effective de leurs produits. L'usufruit, technique propre à la romanité juridique vulgaire et provinciale, s'avère être le régime particulier aux res maternae, c'est-à-dire aux biens à disposition de la mère mais destinés à la communauté des enfants du lit. Cette origine des droits ecclésiastiques, consistant en une propriété éminente ou un dominium largement délégataire, reposait donc sur la mise en gage auprès de l'église du saint Patron des biens paraphernaux (dots et douaires) circulant et négociés entre les familles aristocratiques lors de leurs alliances. Telle était la routine de l'administration de ces territoires de confins d'Auvergne, où Fisc et Église étaient jusqu'alors intimement liés, sous la majesté du roi et du saint Patron. Les fortunes du culte et du patronage de Julien, amènent à reconsidérer les effets de l'installation massive et concurrentielle des ordres monastiques nouvellement constitués dans ces territoires, et partant à y évaluer la façon dont ils accompagnèrent le processus de « Féodalité ». L'étude est accompagnée pour ce faire d'un recueil de Pièces justificatives proposant quelques textes inédits, une reprise ecdotique des éditions antérieures ou encore le commentaire de textes importants : les Tables originales ou falsifiées du Grand cartulaire, le Petit cartulaire ou Liber viridis inédit, le martyrologe et livre de chapitre de la communauté, un florilège de chartes remarquables et de communautés voisines, un point sur les formules d'Auvergne, sur la généalogie comtale ou encore sur la géographie institutionnelle du pays avant et après l'an mil, adjoints d'un compendium sur l'usufruit dans le droit provincial impérial et « barbare » et les représentations graphiques anciennes de la parenté en Romania. Enfin l'ouvrage se clôt par l'adjonction d'annexes monographiques sur l'église de Saint-Julien : révision des listes de dignitaires, point sur le dossier hagiographique du saint, étude de l'inventaire ancien des reliques du sanctuaire, publication du calendrier liturgique médiéval de l'église, mise-à-jour du commentaire de l'unique pièce liturgique composée in loco Sancti Juliani, le Cantum ducis, et enfin une étude numismatique systématique des émissions du vicus ou de la basilique de Brioude.