Les marchés de défense ou de sécurité (MDS) sont-ils des marchés comme les autres ? Quel est l'impact de leur dimension régalienne marquée et des impératifs de politiques publiques qu'ils peuvent contribuer à atteindre ? Leur nature (Partie 1) et leur régime (Partie 2) sont-ils avant tout ceux des marchés publics ou bien leur dimension de politique publique l'emporte-t-elle ? Pour répondre à ces question, force est de constater que les marchés publics dans le domaine de la défense ont longtemps été attribués selon des procédures nationales, le plus souvent en dehors de toute logique de transparence. Depuis l'adoption de la directive 2009/81/CE, les achats de défense ou de sécurité font par principe l'objet d'obligations de publicité et de mise en concurrence à l'échelle de l'Union européenne. Malgré leurs spécificités, ces achats constituent l'archétype du marché public. En effet, la défense est une fonction régalienne par excellence, de sorte que les achats en la matière sont particulièrement « publics », avec des enjeux de souveraineté très forts. En France, la défense est un marché économique de première importance, notamment en termes d'emploi, avec en outre un solde commercial nettement positif. De plus, les achats de défense et de sécurité sont au service de la politique de défense nationale et européenne, en particulier s'agissant de l'objectif du développement de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Ils sont également concernés par l'ensemble des politiques publiques intégrées dans le droit des marchés publics comme le développement durable, l'innovation et le soutien des PME. Les achats de défense et de sécurité sont aussi, de ce point de vue, des « politiques publiques ». Ils sont, de ce fait, amenés à tirer profit des développements politiques du droit des marchés publics, développements qui constituent l'une des évolutions la plus significative de ce droit. Les MDS sont donc l'angle idoine pour étudier les possibilités et les limites d'une instrumentalisation des achats de défense en particulier, et de la commande publique en général, au service d'objectifs de politique publique. Ce faisant, ils permettent d'évaluer la flexibilité du droit des marchés publics et, dans le même temps, celle de la logique de concurrence qu'il diffuse. Le droit des marchés publics a dû intégrer les spécificités politiques, économiques et techniques des achats de défense et de sécurité, faire apparaitre une notion sur mesure de « marché de défense ou de sécurité », permettant, tout en renforçant la BITDE, de mettre en œuvre une logique de concurrence adaptée à la défense, et donc plus efficace. Cette notion spécifique de MDS permet ensuite de déclencher l'application d'un régime qui vient concrétiser l'instrumentalisation de ces contrats, tant au stade de leur passation que lors de leur exécution. Les obligations de publicité et de mise en concurrence sont pour grande partie dédiées à la prise en compte des spécificités des achats qu'elles encadrent et spécialement des impératifs de sécurité d'approvisionnement et de sécurité des informations. La dimension « politiques publiques » des MDS se trouvent, non seulement au sein des principes et des notions fondamentales, mais également dans les règles plus détaillées de la passation et de l'exécution de ces contrats. Ainsi, l'instrumentalisation des MDS repose sur la flexibilité du droit des marchés publics propre à rendre efficace l'interaction entre « marchés publics » et « politiques publiques ». Tout en étant encadrée par le respect du libre jeu de la concurrence, l'instrumentalisation permet aux achats publics d'assumer pleinement leur dimension politique. Les MDS réussissent donc, par leur nature et leur régime, une combinaison efficace entre marchés publics et politiques publiques.