Luisa Brunori

Directrice de recherche
Histoire du droit et des institutions.
Centre National de la Recherche Scientifique

Centre de Théorie et Analyse du Droit

Professeure Attachée à l'École Normale Supérieure

Spécialités :
Histoire du droit.

Responsabilités administratives et scientifiques :

  • Professeure Attachée à l'École Normale Supérieure
  • P.I. INR PHEDRA https://phedraproject.wordpress.com/
  • Directrice du CIEE - Centre Interdisciplinaire d'Études Européennes https://ciee.ens.psl.eu/
ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Victor Le Breton-Blon, La lettre de change : la théorie face à la pratique bordelaise de la seconde modernité (1673-1789), thèse soutenue en 2021 à Bordeaux en co-direction avec Xavier Prévost présidée par Géraldine Cazals, membres du jury : Olivier Descamps (Rapp.), David Deroussin (Rapp.), Dave De Ruysscher  

    L’histoire de la lettre de change reflète l’émergence d’une innovation commerciale pour élaborer un instrument de paiement, de crédit et de spéculation sans déplacement matériel de l’argent. La traite apparaît ainsi dès la fin du Moyen Âge et devient rapidement un moyen incontournable pour les échanges sur de longues distances. Elle connaît son apogée sous l’influence des échanges transatlantiques et européens à partir du XVIe siècle, notamment avec la technique de l’endossement. L’instrument cambiaire gagne alors progressivement les traits d’un papier monnaie pour répondre aux transactions quotidiennes tout en contribuant à de vastes mouvements spéculatifs au service du capitalisme commercial naissant. La consolidation des principales caractéristiques de la lettre de change reste néanmoins méconnue pour les XVIIe et XVIIIe siècles. L’évolution des opérations cambiaires soulève de nouveaux défis, des problématiques inédites à la fois dans le domaine juridique et économique. L’influence de secteurs d’activités diversifiés, l’apparition de règlementations publiques particulièrement ambitieuses et les transformations de la science juridique impliquent des relations particulièrement complexes entre le droit et les affaires, relations dont les contours restent encore à déterminer. L’étude de la théorie et de la pratique de la lettre change permet d’apporter de nouveaux éclaircissements à cet égard. Elle offre une visibilité plus large sur les phénomènes à l’œuvre grâce à la mobilisation de sources multiples et complémentaires dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire. Cette démarche vise à obtenir une image cohérente de la matière sans distinguer strictement les questions économiques et juridiques, car elles ne sont pas amenées à vivre séparément. L’activité commerciale de Bordeaux, l’un des principaux ports français de la seconde modernité, offre un terreau fertile pour révéler la présence de situations dialogiques, de tensions ou d’ignorances qui concourent selon différentes configurations à la consécration des singularités essentielles du droit cambiaire selon des influences locales, nationales mais aussi européennes.

  • François Pierrard, Entre rationalisation européenne des savoirs criminels et modernisation locale du droit de punir : le premier projet de code criminel des Pays-Bas autrichiens préparé par Goswin de Fierlant (1735-1804), thèse soutenue en 2022 à Université de Lille 2022 sous la direction de François Quastana, Wim Decock et Xavier Rousseaux, membres du jury : Jérôme De Brouwer (Rapp.), Stéphanie Blot-Maccagnan (Rapp.), Catherine Denys et Georges Martyn    

    Manuscrit inachevé, les Premieres idées sur la reformation des loix criminelles de Goswin de Fierlant (1735-1804) contiennent le premier projet de code criminel des Pays-Bas autrichiens. Commande du prince de Starhemberg, ministre plénipotentiaire de Marie-Thérèse aux Pays-Bas autrichiens, cette oeuvre est écrite entre 1770 et 1782. Prônant un code de "loix nationales" pour les "provinces belgiques", de Fierlant critique l'usage du droit criminel romain en tant que droit supplétif et mobilise étonnamment peu le droit autrichien, ce qui contribuera à l'échec de son projet après l'avènement de Joseph II. Pourtant, grand connaisseur de la législation et de la doctrine d'un peu toute l'Europe, il propose l'adoption d'un code criminel applicable dans tout État modéré. S'il mobilise souvent Montesquieu, dont il partage un certain régalisme, il est moins utilitariste que Beccaria, accordant une place à la peine de prison à côté des travaux forcés. Plus haut magistrat des "provinces belgiques" (président du Grand Conseil de Malines) et conseiller politique (au Conseil privé, puis au Conseil d'État), son œuvre témoigne peut-être moins de l'interaction que de la séparation des pouvoirs. C'est à l'analyse de ces différents paradoxes qu'est consacrée la présente recherche, appréhendant cette œuvre comme un témoin de la circulation européenne des idées pénales et de leur mise en œuvre aux confins des possessions habsbourgeoises et comme un effet des relations de pouvoirs et de la participation de la magistrature au processus de codification à une époque où l'arbitraire des juges est critiqué.

  • Vincent Gobin, La fibre cambiaire de la monnaie de papier : expertise juridique des émissions fiduciaires de la Banque de France non-privilégiée (1800-1803), thèse soutenue en 2023 à Université ParisPanthéonAssas sous la direction de Olivier Descamps, membres du jury : Alexis Mages (Rapp.), Patrick Barban, Michel Margairaz et Laurent Pfister    

    La thèse en présence étudie la dimension juridique des premiers billets délivrés par la Banque de France, avant l'obtention de son privilège d'émission. Entre 1800 et 1803, celle qui est appelée à devenir une banque centrale au XXe siècle n'est encore qu'une société privée. L'imposant capital réuni par son actionnariat lui permet toutefois d'émettre des volumes significatifs de titres payables au porteur et à vue, qui circulent aussitôt comme signes de paiement entre les mains de l'élite commerçante et financière de la capitale. Le ressort de ces émissions réside dans l'escompte des effets de commerce, qui articule deux flux : celui des effets admis et celui des billets émis. Les premiers se conçoivent comme des engagements personnels, tandis que les seconds sont perçus par les contemporains comme une expression de valeur tendant vers l'universel. Pour autant, ces deux types de papiers constituent pareillement des titres cambiaires ; à savoir, des instruments dérivant du contrat de change. De telles promesses font transiter l'argent sans maniement d'espèces, en vertu d'un régime dérogatoire au droit des obligations. En dépit de « l'impression monétaire » que ce billet suggère à ses premiers usagers, il demeure une simple créance sans aucune certification de valeur étatique. En quoi les modalités du régime cambiaire permettent-elles aux premières émissions de la Banque de France de constituer une monnaie de papier en l’absence de toute consécration légale ? La réponse, qui réside dans l'expertise juridique de cette circulation sur le terrain du droit applicable aux effets de commerce, doit permettre de révéler empiriquement la fibre cambiaire de la monnaie de papier.

    Célia Magras, La constance des stigmates de la faillite : De l'Antiquité à nos jours, thèse soutenue en 2018 à Bordeaux sous la direction de Bernard Gallinato présidée par Xavier Prévost, membres du jury : Florent Garnier (Rapp.), Marc Binnié  

    L’étude de l’histoire de la faillite de ses origines romaines à sa disparition en 1985 témoigne de l'instrumentalisation de l'humiliation par le droit. Le commerçant incapable d’honorer ses engagements même sans avoir commis de fraude représente un danger pour l’ordre social et une nuisance pour ses créanciers. Un danger qu’il faut neutraliser par tous les moyens. L’humiliation parait alors la meilleure voie pour assurer la visibilité et l’exclusion du commerçant défaillant. Cette stigmatisation protéiforme s’adapte à l’évolution de la société pour imprimer à la faillite la honte qui s’y attache. D’abord imposée et organisée par le droit elle s’émancipe peu à peu du circuit légal. Lorsque le droit consacre explicitement l’innocence du failli la société continue de faire de lui un paria. Un coup de maître juridique puisque l'institutionnalisation d'une répression de la défaillance aux origines de notre civilisation n'est plus dépendante du droit mais de la société.

    Jean-René Kiedi Kionga, La dispense canonique dans le droit de l'église catholique latine. : Concept, tradition et canonicité., thèse soutenue en 2017 à Université ParisSaclay ComUE sous la direction de François Jankowiak présidée par Michèle Bégou-Davia, membres du jury : Nicolas Warembourg (Rapp.), Jean-Paul Durand      

    La notion, le statut et la question revisitée de la dispense canonique dans la tradition de l’Église latine, tels sont les trois temps que composent les réflexions proposées dans cette étude doctorale. Ces trois axes de recherche forment ce que nous appelons : la tradition canonique de la dispense dans l’Église catholique latine. Le premier temps de réflexion est celui sur la notion de dispensatio et d’οίκονομία. Cette réflexion explore la question des genèses de ces concepts qui, déjà au IIe siècle, sont employés par les pères de l’Église, Grecs et Latins, dans le contexte des communautés ecclésiales naissantes. Ces réflexions s’intéressent en même temps au domaine des premières doctrines autour de la pratique d’adoucissement de la rigueur des règles qui régissaient l’Église en ses débuts ; pratique à la fois spirituelle et pastorale. Le deuxième temps que propose cette dissertation doctorale s’inscrit dans l’apport scientifique et canonistique des collections canoniques du XIIe au XIVe siècle, celles notamment de Gratien et du ius novum après Gratien. À partir de XIIe siècle, le concept de dispense bénéfice d’une canonicité qui lui confère un statut canonique. Elle devient ainsi une institution du droit latin encore en gestation au milieu du Moyen-âge. La dispense est comprise dans un troisième temps comme une question revisitée au second concile du Vatican et par la codification contemporaine de 1983. Dans le cadre de l’aggiornamento proposé par Vatican II et dans une atmosphère apaisée, l’institution de la dispense retrouve l’idée originale d’une aide philanthropique, d’un acte de charité, d’une indulgence, d’une miséricorde. Elle est, pour les canonistes et pour les autorités ecclésiastiques, une institution de la guérison et du salut.

    Désiré Balabala Nembenze, Encadrement juridique de l'éducation au Congo-Kinsaha (1885-1986) : de l'initiative des missionnaires à la prise en charge par l'État, thèse soutenue en 2016 à Université ParisSaclay ComUE sous la direction de Michèle Bégou-Davia présidée par François Jankowiak, membres du jury : Hugues Richard (Rapp.)  

    Si l’instruction scolaire semble un acquis de la plupart des sociétés contemporaines, elle n’en demeure pas moins le fruit d’une très lente évolution comme ce fut le cas dans l’actuelle République démocratique du Congo pendant un siècle. Lors de la période coloniale – de la création de l’Etat du Congo en 1885 par la conférence de Berlin jusqu’à l’indépendance obtenue en 1960 – la fonction de l’enseignement a été confiée par le pouvoir essentiellement aux missions catholiques belges avec la vision utilitariste de former des auxiliaires de l’administration et des ouvriers aux fins d’exploitation de la colonie. Sur le plan juridique, cet objectif apparaît de façon sous-jacente dans le concordat de 1906, la réglementation des études de 1924 et la réforme scolaire de 1948. Malgré l’élan réformateur impulsé par le parti socio-libéral belge après la Seconde Guerre mondiale, l’école coloniale a peiné à promouvoir une élite locale avec cette conséquence que le chaos sanglant des cinq premières années de l’indépendance est à attribuer en grande partie à l’impréparation des Congolais à assumer de hautes responsabilités politiques. Le modèle social hérité du passé colonial étant considéré comme aliénant, le Président Mobutu a étatisé les écoles en décembre 1974 en opposition à la hiérarchie catholique, déclenchant ainsi une grave crise qui fut apaisée par la signature d’un accord en 1977 permettant la rétrocession des réseaux scolaires à leurs anciens administrateurs. Puis, une loi portant régime général applicable à l’enseignement national a été promulguée le 22 septembre 1986, marquée par le souci d’une austérité budgétaire nécessitée par la politique économique désastreuse de zaïrianisation du Maréchal-Président.

  • Jean Charriaud, Le contrat de dépôt (XIIe-XVIe siècle) : une figure contractuelle protéiforme, thèse soutenue en 2016 à Paris 2 sous la direction de Olivier Descamps, membres du jury : David Deroussin (Rapp.), Nicolas Laurent-Bonne (Rapp.), Emmanuelle Chevreau    

    Le XIIe siècle est l’aube d’une nouvelle ère, marquée par la redécouverte du droit romain, mais aussi par la reprise des échanges économiques, échanges qui s'accentueront à partir de la fin du XVe siècle avec la conquête du Nouveau Monde. Devant faire face à ce nouveau droit, mais aussi aux nécessités économiques impliquant une technicité juridique accrue, les juristes médiévaux, tout comme leurs successeurs de la Renaissance, tentent de définir les contours de cette figure contractuelle romaine si énigmatique : le dépôt. Ce dernier est utilisé pour toutes sortes d’opérations économiques et juridiques, y compris les plus condamnables selon la morale de l'époque. De ce fait, outre la doctrine, c’est l’ensemble des acteurs du droit de ce temps qui sont contraints de tenter de régir et de définir cette figure contractuelle protéiforme. C’est ainsi que cette opération de catégorisation juridique va mobiliser tant les pouvoirs publics, que les juristes de droit coutumier et les praticiens, qui n'auront de cesse de tenter d'apporter des solutions à ce qui demeure, encore à l'heure actuelle, une épineuse problématique.

    Marie-Anne Daillant, Le retard dans l'exécution des contrats (XIIe-XIXe siècle). Contribution historique à l'étude de la responsabilité contractuelle, thèse soutenue en 2016 à Université ParisSaclay ComUE sous la direction de Michèle Bégou-Davia et Olivier Descamps présidée par Laurent Pfister, membres du jury : David Deroussin (Rapp.), Nicolas Warembourg (Rapp.)  

    Depuis plus d’un siècle, l’existence du concept de responsabilité contractuelle suscite de vives controverses au sein de la doctrine française. Le retard contractuel, aussi dénommé demeure, ou mora, constitue le second fait générateur de la responsabilité contractuelle, à côté du défaut d’exécution. Les spécificités de la demeure tiennent tant à ses conditions de mise en œuvre qu’à son régime, caractéristiques qui ne cesseront d’être réformées depuis le Moyen Âge, au gré des besoins et valeurs de chaque époque sans cesse en évolution. Fidèle à l’héritage romain dévolu par la Codification justinienne, le jus commune ne parviendra pas à formuler un principe général de responsabilité contractuelle pour retard, admettant que cette question relève davantage du fait que du droit. Il dispose néanmoins du matériau nécessaire à l’édification du principe. Mais le retard n’y est jamais considéré comme une faute, et ce constat est d’autant plus frappant dans les sources du droit propre au Royaume de France qui privilégient la recherche de l’exécution en nature de la dette. Le véritable changement de paradigme s’opèrera à la fin du XVe siècle, puis surtout sous la plume des juristes humanistes, qui, pour la première fois, qualifieront le retard de faute. Toutefois, faute, dommage et causalité ne feront pas l’objet d’une systématisation aboutie, bien que favorisée par l’énonciation d’un principe général de responsabilité civile par Grotius, sous l’égide du précepte du neminem laedere. Aux siècles suivants, l’ambiguïté demeurera manifeste, entraînant d’ailleurs une importante discordance entre les deux sommités de la doctrine française moderne, Domat et Pothier. Finalement, les rédacteurs du Code civil ne prendront pas partie pour un principe de responsabilité contractuelle pour retard, tout en confirmant les traits principaux d’un tel concept.