Jean-Pierre Allinne

Professeur émérite
Histoire du droit et des institutions.
Collège Sciences Sociales et Humanités
Institut de recherche Montesquieu
Centre Aquitain d'Histoire du Droit
ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • David Otieno, Une législation protectrice, la politique et la pratique de la gestion du patrimoine archéologique au Kenya., thèse soutenue en 2011 à Pau en co-direction avec Christian Thibon 

    Sandrine Darolles, La moralisation de la pratique des commerçants en matière de procédures collectives, du Code de 1807 à la Loi du 26 juillet 2005 , thèse soutenue en 2006 à Toulouse 1 en co-direction avec Corinne Saint-Alary-Houin  

    La présente démonstration met en exergue l'anachronisme qui sous-tend la matière spécifique des procédures collectives. Ce droit commercial, qui par essence a vocation première à s'appliquer au monde des affaires, ne fait alors que subir la fluctuation incessante du fait de commerce qui induit, en son corps normatif, un nécessaire réajustement légal. Dès lors, les réformes successives en ce domaine, qui s'étendent des dispositions du Code de commerce de 1807 à la Loi du 26 juillet 2005, ne font que consacrer de tels dires. Par voie de conséquence, et en ce contexte précis, le droit des affaires ne constitue qu'un droit en devenir dont l'énonciation gouvernementale ne saurait créer à elle seule un cadre d'évolution pratique au fait de négoce. L'application jurisprudentielle des concepts intellectuels qu'elle développe palie alors son caractère éthéré et rend son efficience conditionnée à l'oeuvre moralisatrice des Tribunaux de commerce qui inscrivent dans la conscience, puis dans l'inconscient collectif, ses expectatives. La moralisation de la pratique des commerçants en ce domaine constitue donc une alternative à l'éphéméride temporelle qui caractérise, depuis le XIXème siècle, un tel champ d'évolution normatif.

    Cesar Martinez Fagundez, Le contentieux des Officialités en France au XVIIIe siècle, thèse soutenue en 2005 à Pau  

    J’étudie dans ma thèse les officialités en Espagne et en France au XVIIIe siècle : leur organisation, la procédure appliquée et surtout leur compétence. Celle-ci est traitée dans son double versant de compétence ratione materiae et ratione personae. L’étude de cette dernière comprend le privilegium fori du clergé au XVIIIe siècle. Un aspect important de mon travail est constitué par l’étude des bénéfices. En effet on peut y trouver les revenus annuels de l’évêque et des chanoines de Quimper, ainsi que des 282 curés du diocèse de Cornouaille. Afin de connaître le pouvoir d’achat de ces revenus, j’ai calculé le coût de la vie à Quimper et dans le Cornouaille au XVIIIe siècle. Un long chapitre est dédié aux conflits de juridiction entre les évêques de Quimper et les Présidiaux de la même ville et aux différends des évêques de St-pol-de-Léon avec leurs chanoines. Dans la conclusion j’apporte les preuves et les causes de la décadence des officialités en France au XVIIIe siècle, ainsi que leur état encore florissant en Espagne.

    Christophe Jankowiak, Le notaire et la transmission successorale du patrimoine familial en Gascogne gersoise 1785-1805, thèse soutenue en 2002 à Pau  

    La Gascogne gersoise à la fin du 18ème siècle est une terre de convergence d'influences juridiques. Pays de droit écrit soumis au droit romain, les pratiques successorales égalitaires auraient dû s'appliquer. Or, un droit successoral spécifique a été élaboré à la demande des familles pour des raisons économiques et sociales. Les notaires ont à travers leurs actes, contrats de mariage ou testaments, consacré une pratique successorale inégalitaire où le droit de la maison s'impose. Elle est transmise avec tous les biens à un seul enfant, choisi par son père ou sa mère. Garçon ou fille, aîné ou cadet, le meilleur est désigné pour qu'il conserve l'unité et l'intégrité du patrimoine familial, les autres héritiers soumis à cette pratique ne reçoivent qu'une infime part de la succession : " la légitime ". Les lois égalitaires de la Révolution et surtout la loi du 17 nivôse an II vont tenter de détruire ces pratiques. Or, la rétroactivité de la loi ne sera jamais appliquée dans le Gers. Rivalisant d 'astuce, les gersois mettent en œuvre de nombreux procédés pour amoindrir, voire anéantir, les effets de la nouvelle législation. Cautionnés par des notaires parfaitement avisés, les subtilités déployées témoignent de la résistance à la loi des citadins comme des ruraux. Dans ce contexte, la rareté des partages égalitaires entre héritiers demandés par les laissés pour compte de l'ancienne pratique successorale n'est guère surprenante : chacun s'emploie à maintenir le " statu quo ante ", y compris les victimes du système traditionnel de dévolution inégalitaire du patrimoine familial.

  • Lucie Ménard, La jurisprudence commerciale du Consulat de Mer de Nice, entre droit sarde, droit français et jus commune (1814-1844), thèse soutenue en 2013 à Nice sous la direction de Michel Bottin et Marc Ortolani, membres du jury : Didier Veillon (Rapp.), Alberto Lupano      

    Le Consulat de Mer de Nice est une juridiction commerciale et maritime souveraine, composée de magistrats professionnels, qui a évolué dans le cadre politique des Etats de la Maison de Savoie de 1613 à 1855. A la Restauration, cette institution singulière, se trouve « à l'interface » de deux systèmes juridiques, le système pluraliste du jus commune d'un côté et de l'autre le système moniste français porté par la codification napoléonienne. Le rôle ambigü de cette vaste entreprise d'uniformisation, idée chère à l'Etat et au commerce international, est au cœur du travail jurisprudentiel des magistrats du Consulat de Mer de Nice de 1814 à 1843. A partir de cette date, il n'y a plus qu'une source du droit en matière commerciale, le Code de commerce sarde qui recopie à l'identique le Code de commerce français de 1807. Le statut accordé au droit français, droit à la fois « étranger », territorial et national, par les magistrats du Consulat, ministère public et juges, préfigure cette évolution globale vers l'unification, tant dans l'intérêt étatique que pour la faveur du commerce.

    Regine Ngono Bounoungou, La réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage colonial et traditions culturelles., thèse soutenue en 2012 à Grenoble sous la direction de Jean-Charles Froment présidée par Jean-Jacques Gleizal, membres du jury : Jean-Paul Céré (Rapp.)      

    Le Cameroun est une mosaïque de tribus qui s'enchevêtrent par, entre autres, le jeu d'alliances se concrétisant par le souci du "vivre-ensemble". Au regard de la structuration sociétale qui particularise les populations camerounaises, la cohésion sociale constituait et constitue encore de nos jours, le meilleur moyen d'assurer leur sécurité. C'est ainsi que, dans leurs cultures traditionnelles, les Camerounais estimaient que la transaction efface l'infraction plus que le châtiment. Et lorsque les liens sociaux étaient fragilisés par un acte ou un comportement asocial (infraction, délit,…), tous les mécanismes et méthodes de répression devaient avoir pour finalité la réinstauration de la cohésion sociale. Pendant la colonisation, les administrateurs coloniaux avaient mis en place un autre système de sanction qui privilégiait plutôt la rétribution, imposant ainsi aux Camerounais la rupture avec leur conception et leurs méthodes de répression et de la peine. Le Cameroun indépendant hérite cette méthode coloniale de sanction. Les dysfonctionnements qui incarnent et minent l'actuelle institution carcérale camerounaise ne sont que le reflet ou la résultante de son inadaptabilité au contexte socio-culturel camerounais. Il serait donc opportun, sinon primordial, de déplacer la problématique de la réforme du système pénitentiaire camerounais sur un terrain autre que celui de la simple amélioration des conditions de détention au Cameroun. Il est évident que cet aspect ne devrait pas être négligé. Néanmoins, le plus urgent serait de chercher comment faire en sorte que l'institution pénitentiaire soit un instrument de la réinstauration de la cohésion sociale, garante de la sécurité des Camerounais ? Sur cet angle d'approche de réflexion sur la réforme du système pénitentiaire camerounais, plusieurs paramètres entrent en jeu, regroupés en deux axes : celui de la redéfinition de la notion de sécurité en prenant en compte tous les contours du vivre-ensemble au Cameroun ; celui du réaménagement d'un cadre de référence législatif et d'un cadre de référence judiciaire pluraliste, nécessaires au bon fonctionnement de l'institution pénitentiaire camerounaise.

    Pierre Berté, Genèse du Code de la Nationalité Française : (1789-1927), thèse soutenue en 2011 à Bordeaux 4 sous la direction de Marc Malherbe présidée par Jean-Pierre Laborde, membres du jury : Christian Bruschi (Rapp.)    

    La thèse se propose de retracer et d’expliciter, à travers l’évolution des règles du droit de la nationalité française, la signification et le contenu de la loi du 10 août 1927, qui la première fut qualifiée de code de la nationalité. En adoptant sur le sujet un angle d’étude nouveau et en conduisant une analyse systématique et essentiellement juridique des fondements ainsi que des conséquences de l’adoption de telle ou telle règle du droit de la nationalité, nous montrons comment et pourquoi les critères traditionnels du droit commun de la nationalité furent progressivement modifiés non seulement en fonction de grands évènements historiques, mais également en raison des effets juridiques (droits et obligations) que la nation entendait conférer à la qualité de Français. Au cours de cette évolution nous insistons d’autre part sur l’influence décisive de différentes branches du droit français (privé, public, pénal, procédural, international), et sur celle des droits spéciaux de la nationalité (traités, conventions, droit colonial). Ceci conditionne la nature juridique et donc l’architecture du droit de la nationalité depuis la restructuration du coeur de ce droit (1789-1804) jusqu’à l’ébauche d’un corps de droit (1804-1889) et enfin la préparation d’un code (1889-1927). L’ensemble du processus aboutit en 1927 à l’émergence d’une matière juridique autonome, certes non encore parfaitement identifiée, codifiée, harmonisée dans toutes ses branches, mais suffisamment distincte pour qu’elle soit placée en dehors du Code civil.

    Matthieu Lauvray, Le département et l'assistance publique au XIXème siècle , thèse soutenue en 2007 à Bordeaux 4 sous la direction de Gérard Aubin  

    C'est dans le cadre des départements que sont établis, à la veille de la Grande guerre, les services d'assistance publique qui constituent en France la première ébauche d'un système complet de protection sociale. La majeure partie de la dépense reste cependant à la charge de l'État et des communes, ce qui illustre le caractère assez artificiel de l'ancrage départemental du dispositif de secours. De fait, s'ils apparaissent comme le point de rencontre entre une bienfaisance solidement enracinée dans l'espace municipal et une solidarité nationale dont on craint la centralisation trop poussée, les départements peinent au XIXe siècle, comme en témoigne l'exemple des Basses-Pyrénées, à exprimer leur vocation propre à l'action sociale, alors même que la décentralisation progressivement opérée en faveur des Conseils généraux leur a précocement conféré le statut de collectivités locales dotées d'une certaine autonomie.

    Damien Roussy, La politique d'assistance publique de la ville de Bordeaux sous la IIIe République, thèse soutenue en 2005 à Bordeaux 4 sous la direction de Bernard Gallinato  

    Chercher à savoir quand et comment l'assistance publique est devenue un enjeu politique pour les élus municipaux de la ville de Bordeaux sous la IIIè République, et non plus, comme de coutume, un simple réflexe charitable, revient avant tout à scruter les multiples facettes d'un caractère bordelais étrangement fait, tout à la fois, de conformisme et d'idéalisme, de prudence et de volontarisme. C'est observer avec quelles réticences et, parfois même, au terme de quels interminables blocus, ces riches bourgeois philanthropes au républicanisme intrinsèquement modéré se sont finallement "libérés d'héritages" ; comment ils ont accepté de déshabiller de ses oripeaux charitables une assistance traditionnelle dont ils ont hérité en 1870 (et à laquelle ils ne cesseront jamais de demeure profondément attachés), pour la vêtir désormais de ceux d'une véritable politique d'assistance publique; C'est donc découvrir comment, à partir des années 1890 et sous l'impulsion de l'égalitarisme socialiste, du solidarisme ou encore de l'hygiénisme, ils ont tantôt voulu, tantôt été contraints de rationaliser la solidarité dans leur cité. C'est comprendre, en somme, à quel point la ville de Bordeaux aura été, certes, un "spectateur engagé", mais le plus souvent "par défaut", dans l'édification de ce qui n'en sera pas moins progressivement devenu une véritable politique d'assistance publique.

    Mireille Irène Ziliotto, Un cabinet d'avocat au XIXe siècle , thèse soutenue en 2003 à Bordeaux 4 sous la direction de Marc Malherbe  

    Pour les historiens en général et pour l'historien du droit en particulier, le cabinet des avocats constitue un monde inexploréL'habitude du secret professionnel, l'absence d'archives privées disponibles interdisent une approche globale de la clientèle et de l'activité des avocats. Cette carence est particulièrement sensible au XIXème siècleIl existe cependant quelques exceptions qui permettent de combler partiellement les lacunes documentaires. Tel est le cas du cabinet de Jean-Baptiste Duvergier (1792-1877), célèbre juriste français. Les archives départementales de la Gironde possèdent en effet un fonds Duvergier, certes incomplet, mais autorisant la projection de quelques lumières sur l'activité d'un cabinet d'avocat au XIXème siècle. Originaire d'un milieu de bourgeois négociant, Duvergier apprend le droit à Bordeaux et monte à Paris terminer ses études et fonder son cabinet. Dès l'installation de celui-ci, il attire à lui une clientèle prestigieuse issue du milieu des affaires de notables et d'hommes politiques qui lui vaudra rapidement une grande renommée. Cette dernière est encore renforcée par l'extraordinaire science juridique du praticien auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages doctrinaux. Une fois assurée, la gloire du cabinet de Duvergier permet à l'avocat d'accéder aux plus hautes fonctions de l'Etat et de devenir conseiller d'Etat, président de section, ministre de la justice et enfin sénateur. Né sous la Terreur révolutionnaire, la gloire juridique de Duvergier traverse ainsi la Restauration, la Monarchie du Juillet, la Seconde République et le Second Empire pour s'achever dans les premières années de la Troisième République. Prodigieux parcours que celui de cet immense juriste qui préfigure un type nouveau d'avocat : l'avocat d'affaires devenu un modèle courant au siècle suivant.

    Valérie Chauvelier, Les libéralités aux personnes morales à Bordeaux (1804-1914), thèse soutenue en 2001 à Bordeaux 4 sous la direction de Gérard Aubin  

    Depuis les périodes les plus reculées de notre histoire, la relation qui se noue entre l'auteur d'une libéralité et la personne morale qui en bénéficie a été une source de préoccupation de l'autorité étatique. Au XIXeme siècle, le problème reste entier malgré le cadre juridique mis en place par les articles 910 et 937 du Code civil. L'Etat exerce désormais par leur intermédiaire un contrôle à la fois sur les personnes morales désignées comme bénéficiaires des libéralités mais aussi sur la volonté des gratifiants.

  • Cyrille Marconi, Les ateliers de charité en Dauphiné : l'assistance par le travail entre secours et enjeux économiques (1771-1917), thèse soutenue en 2012 à Grenoble sous la direction de Jean-Christophe Gaven présidée par Philippe Didier, membres du jury : Bernard Gallinato (Rapp.), Olivier Vernier (Rapp.)      

    Joseph-Henri-Joachim Lainé, ministre de l'Intérieur sous la Restauration, déclarait en 1817 que « des secours en argent ou en nature soulagent momentanément le pauvre, mais ils le laissent dans l'oisiveté, ils l'habituent même à la paresse, à la fainéantise, et l'exposent aux désordres qui en sont les suites. Le travail au contraire l'entretien dans une utile activité, et l'accoutume à chercher ses moyens d'existence dans l'emploi de ses forces ». Ici sont exposés avec la plus grande clarté les enjeux qui entourent l'assistance d'une catégorie particulière de pauvres : celle des indigents capables physiquement de travailler. Contrairement aux infirmes, malades, vieillards et enfants, le pauvre valide est depuis des siècles regardés avec méfiance. Soupçonné de préférer une vie oisive à celle laborieuse du travailleur honnête, il suscite la réprobation morale en raison de son inutilité et des troubles qu'il peut provoquer. Il faut donc l'obliger à être utile à la société et pour cela, conditionner son secours à l'exécution d'un travail. Cette idée qui plonge ses racines au Moyen Age est longtemps restée à l'état de vœux régulièrement formulé par les autorités publiques. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour qu'elle se réalise concrètement sous la forme des ateliers de charité. Le Dauphiné a fait l'expérience de cette institution pendant environ 150 ans jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. La diversité de ses conditions, géographiques, climatiques, économiques et sociales permettent une analyse fine des ateliers de charité et de leur adaptation aux diverses situations de pauvreté rencontrées. Très rapidement un constat s'impose : rechercher la mobilisation d'une main d'œuvre inactive pour répondre aux enjeux du développement économique local tout en espérant lui fournir un secours pour faire face à la situation de chômage qu'elle subit est difficilement réalisable. Le droit doit alors choisir. De l'intérêt de l'indigent ou de celui des travaux qu'il réalise le quel soit primer ? Toute l'histoire des ateliers de charité est traversée par ce questionnement auquel l'administration se révèlera incapable de donner une réponse réellement satisfaisante.