Présentation de l'éditeur
Dans les systèmes juridiques actuels, l’accent est mis sur le monopole du juge constitutionnel en matière d’interprétation de la constitution. La figure de cet interprète dit authentique et ses décisions s’imposent dans ce contexte comme ultime référence pour découvrir, analyser et discuter le contenu de la constitution. Or, bien que les procédures constitutionnelles convergent vers une logique de « dernier mot », quelle que soit la procédure concernée, elles ouvrent aussi la porte à des voix séparées, parallèles, discordantes, concurrentes. Le travail d’identification de ces différentes voix s’impose alors autant comme une approche singulière de la fabrique du contenu de la constitution, que comme une méthode particulière d’analyse des interprétations fournies par les juges constitutionnels.
Dans le cadre de la Question prioritaire de constitutionnalité, la multiplication du nombre d’acteurs – requérants, avocats, juges dit « ordinaires », gouvernement –, appelés à intervenir dans la procédure, a particulièrement soulevé la question de la confrontation de leurs différentes prétentions interprétatives, en même temps qu’elle a invité à une réflexion sur le choix de l’interprétation opéré par le juge constitutionnel. Qu’il s’agisse pour ce dernier d’ignorer ou bien d’épouser les arguments soulevés devant lui, l’interprétation retenue n’est pas seulement détermination du contenu d’un texte mais également réponse juridictionnelle à la question posée par les acteurs de la procédure et réaction aux stratégies contentieuses de ces derniers.
S’intéresser à la fabrique plurielle des interprétations constitutionnelles, c’est ainsi en parallèle envisager les interprétations du juge constitutionnel en tant qu’interactions. Mais, si les interprétations dites authentiques ne sont pas détermination abstraite du contenu de la constitution, elles ne sont pas non plus, en tant qu’interactions, le résultat d’un dialogue. Elles sont davantage la manifestation d’un échange d’arguments juridiques convenables, des solutions provoquées par le stock d’arguments disponibles ; rhétorique d’une entente sur le minimum.
L’homogénéisation concurrentielle du langage constitutionnel, et de celui des droits et libertés en particulier, est alors un champ privilégié d’investigation pour une analyse critique de l’interprétation exclusivement juridictionnelle de la constitution.
Actes du colloque organisé à l’Université de Paris Nanterre par le CTAD.
Cet ouvrage a été publié avec le soutien financier du Centre de théorie et analyse du droit (UMR 7074, Université Paris Nanterre), de l’Université Paris Nanterre et de la Mission de recherche Droit & Justice.