Présentation de l'éditeur
Il est d'usage de considérer que la citoyenneté étatique, en tant qu'elle désigne une appartenance statutaire, est un concept de clôture qui implique l'inclusion aussi bien que l'exclusion. À rebours de la littérature dominante sur la citoyenneté en droit qui privilégie généralement sa dimension inclusive, cette thèse entreprend un renversement de perspective : elle se propose de théoriser la citoyenneté en creux, à partir de ses exclus, de définir autrement dit le citoyen par le non-citoyen. L'exclu étudié en droit français n'est pas la figure paradigmatique de l'étranger, mais celle du criminel déchu de ses droits politiques à la suite d'une condamnation pénale : le « mauvais » citoyen. Nous faisons l'hypothèse de la valeur heuristique d'une étude proprement juridique de la notion constitutionnelle de citoyenneté à partir du droit pénal en général, et des sanctions privant le condamné de ses droits de citoyen en particulier.
Ce choix épistémologique nous permet d'examiner sous un jour nouveau les bénéficiaires de la citoyenneté, sa nature (les valeurs qu'elle protège) et son contenu matériel (les droits et les devoirs du citoyen). Nous démontrons (1) que la citoyenneté telle qu'on la connaît aujourd'hui est le fruit d'une évolution entre deux paradigmes. On assiste, d'une part, à une subjectivisation de la citoyenneté qui, de statut objectif qu'elle est, tend à devenir, sous l'influence des droits de l'homme, un statut subjectif. De façon corrélative, on observe une dépolitisation de la notion : la citoyenneté n'est plus tant conçue comme un statut politique de participation à l'exercice du pouvoir que comme un statut social, gage de reconnaissance et d'inclusion à la société. Le « citoyen digne » n'est plus le membre du corps politique dont le comportement est à la hauteur de ce que la fonction implique (dignité « institutionnelle » de la fonction de citoyen). C'est l'homme auquel, en raison de sa commune humanité, doit être reconnu un droit à une existence civique (dignité « individuelle » de l'homme-citoyen).
Cette évolution, toutefois, n'est pas achevée. Plus qu'à la substitution à proprement parler d'un modèle de citoyenneté à un autre, nous établissons (2) que l'on a affaire à une tension au cœur du régime actuel de la citoyenneté.
Préface de Loïc Azoulai et Olivier Beaud.
Prix de thèse Joinet 2021 (anciennement Varenne), catégorie "Concepts fondamentaux du droit constitutionnel"
Mention spéciale du Prix Vendôme 2021 (attribué par la Mission de recherche Droit et Justice)
Sommaire
Partie 1
Les bénéficiaires de la citoyenneté : les contours du corps politique tracés par la loi pénale
Chapitre 1. Droit pénal et nationalité : esquisse d’une généalogie des contours externes du corps politique
Chapitre 2. Droit pénal et citoyenneté : la dernière forme d’exclusion à l’intérieur des frontières de la nation
Partie 2
La nature de la citoyenneté : la substance du corps politique dessiné par la loi pénale
Chapitre 3. Les justifications traditionnelles de la déchéance des droits politiques
Chapitre 4. Les valeurs protégées par la déchéance des droits politiques
Partie 3
Le contenu de la citoyenneté : l’évolution de la conception des droits politiques à l’épreuve du droit pénal
Chapitre 5. Des droits appartenant au souverain
Chapitre 6. Des droits fondamentaux individuels appartenant au citoyen
Nouvelle Bibliothèque de Thèses , Vol. 211 , 514 pages. 75,00 €