Présentation de l'éditeur
Le 18 août 1769, Joseph Ier édicta une Carta de Ley fixant les sources du droit portugais et les méthodes d’interprétation et d’application des lois à l’occasion d’une ample réforme libérale de l’État menée par le Marquis de Pombal. Sur le plan des sources, cette loi affirmait la prééminence du ius proprium du Royaume et réprimait l’application contra legem du droit romain et de la communis opinio doctorum des postglossateurs. A cette fin, son article 9 conditionnait l’application subsidiaire du ius commune à sa conformité avec la Boa Razão, celle-ci étant fondée sur le droit naturel et les usus modernus pandectarum que le droit des gens avait unanimement établi pour diriger et gouverner toutes les Nations civilisées. De surcroît, cette disposition autorisait le juge à appliquer subsidiairement les lois des Nations chrétiennes, éclairées et cultivées dans les affaires politiques, économiques, commerciales et maritimes. Ce faisant, cette loi concédait aux magistrats la prérogative de moderniser le droit portugais à l’aune des nouvelles approches européennes du droit de l’époque. Nommée Lei da Boa Razão (Loi de la Raison saine) par son premier commentateur, José Homem Correia Telles, la loi du 18 août 1769 resta en vigueur au Portugal jusqu’en 1867 et, au Brésil, jusqu’en 1916, années d’adoption d’un code civil dans ces deux pays.
Pour les comparatistes, la Loi de la Raison saine apparaît singulière. En chargeant le juge de participer à l’élaboration de la règle de droit dans de nombreux domaines, elle l’autorise, pour y parvenir, à recourir au droit étranger alors que, paradoxalement, le Portugal et toute l’Europe se trouvaient en plein processus de nationalisation des sources du droit.
Depuis cet événement législatif sans équivalent, la fonction modernisatrice du droit comparé s’est confirmée partout et à tous les niveaux (national, régional et international). La célébration du génie lusitanien offre l’occasion d’interroger les rapports entre comparaison juridique et modernisation du droit, alors qu’une logique concurrentielle anime les législateurs contemporains et que l’argument comparatif devient monnaie courante dans le discours juridique – qu’il soit tenu par le législateur, le juge, l’avocat ou la doctrine.
Du libéralisme lusitanien aux enjeux contemporains d’un comparatisme modernisateur du droit, cet ouvrage reproduit certaines études publiées originairement dans l’ouvrage commémoratif A função modernizadora do direito comparado – 250 anos da Lei da Boa Razão (São Paulo : YK Editora, 2020).
Rassemblant des juristes allemands, brésiliens, français, portugais et suisses, cet ouvrage résulte d’un partenariat inédit entre la Société de législation comparée et le Centre d’études européennes et allemandes.