Présentation
Houellebecq est un contemporain capital. Les sociologues, les historiens, même les économistes en font déjà leur miel. Pourquoi pas les juristes donc? Sans doute les rapports de son œuvre avec le droit ne sont pas évidents. Mais, tout comme Balzac fut l’écrivain du capitalisme effréné, Houellebecq est celui du capitalisme exténué. Les plaies sociales que stigmatise Houellebecq mettent ainsi nécessairement le droit en question. Pulvérisation des structures affectives, fragmentation des rapports amoureux, désagrégation des corps intermédiaires, invasion de la logique contractuelle, ébullition du désir, fermentation du nombrilisme, prolifération des droits de l’homme, explosion du sadomasochisme, marchandisation du corps, invention du bricolage religieux, corrosion de la laïcité, érosion des valeurs : autant de tendances qui minent le droit aussi profondément que le reste. L’œuvre de Houellebecq est hantée par deux peurs, deux réalités qui ne laissent pas que d’interroger le juriste : la solitude et la mort. En s’érigeant contre l’une et l’autre, l’auteur cristallise les tensions et partant, justifie l’attention.
Comment le juriste se désintéresserait-il d’un tel auteur ? Comment se paierait-il le luxe de négliger son message ? L’indifférence serait d’autant plus regrettable que Michel Houellebecq suggère des pistes de sortie. Les unes, parfaitement assumées. C’est l’appel à la compassion, au retour de l’éthique : « Cela ne permet nullement de fonder une morale sexuelle – mais ça, ce serait plutôt un soulagement. Cela permet par contre de fonder la justice et le droit. » D’autres, simplement imaginées, sont plus iconoclastes. Qu’il s’agisse du clonage reproductif, du triomphe d’une secte, ou du succès d’un gouvernement islamique, elles n’en somment pas moins le juriste de réfléchir.