Programme
Mercredi 29 mai 2024
9h | Accueil
9h15-10h | Introduction générale : La linguistique légale ou Comment les linguistes peuvent aider l'exercice de la justice
Dominique Lagorgette, LLSETI - USMB
Atelier 1 : Etablir les données litigieuses
10h15 – 11h | De l'écrit à l'écrit, du français parlé à l'écrit
D. Lagorgette
Le travail proposé dans cette session repose sur des analyses produites à la demande de la défense dans des cas de poursuite pour diffamation, d'incitation à la haine et à la discrimination raciale en France. Les objets du litige sont notamment des chroniques journalistiques, une intervention radiophonique et des textes de chanson. Nous montrerons combien des transcriptions précises des documents-sources (oraux ou même écrits) sont cruciales pour tout le processus judiciaire grâce à une initiation pratique à la transcription.
11h15-12h | Etablir des données en diachronie
Laurie Raymond et Manon Séréni
Cet atelier - mêlant histoire du droit et histoire de la langue – se propose de dégager les grandes lignes méthodologiques du recueil et du traitement de données en diachronie (corpus juridique, corpus littéraire, corpus numérique, par exemple). Si l'écriture nous transmet de précieuses informations sur le passé, encore faut-il savoir où chercher ces données et comment les exploiter. Nous montrerons que le chercheur doit éviter de nombreux pièges : anachronismes, variations orthographiques, contextualisation historique, identification de notions aux contours mouvants, accès aux sources, difficultés liées aux traductions, etc. Nous tenterons, grâce à des exercices de mise en pratique, de transmettre quelques clés méthodologiques permettant de mieux appréhender l'analyse de données en diachronie.
12h-12h45 | Discours en ligne : aspects méthodologiques et éthiques dans la recherche
François-Joseph Le Foll
Cette session visera à questionner la recherche en ce qui concerne les discours en ligne, notamment leur récolte et les enjeux éthiques qui y sont liés. L'intervention se présentera sous la forme d'un atelier composé d'exercices pratiques et d'éléments théoriques afin de permettre une approche de l'analyse du discours sur les réseaux socionumériques et les questionnements que cela peut soulever. Les exercices de l'atelier tourneront autour d'une analyse d'un cas polémique liée à la liberté de création.
Atelier 2
14 h 30 - 16 h | Traduire" la haine : la circulation des "extremist narratives" sur Twitter
Julien Longhi
Cet atelier s'appuie sur les avancées du projet Horizon Europe ARENAS, qui cherche notamment à définir et caractériser les "extremists narratives" (que l'on peut considérer comme des récits/narratifs extrémistes). Dans un premier temps, il sera question de donner quelques définitions permettant de caractériser l'extrémisme, en prenant un certain nombre de précautions, et en posant les limites d'une telle caractérisation. Ces définitions se baseront notamment sur une revue de littérature effectuée dans le cadre du projet. Dans un second temps, il s'agira d'examiner la manière dont la "narrativité" des contenus extrémistes constitue un facteur de diffusion voire de propagation de l'extrémisme, incitant à la polarisation des débats, et l'accroissement du dissensus. On pourra ainsi faire le lien entre les "extremist narratives" et les discours de haine, et on cherchera à décrire et analyser certains cas concrets observés sur Twitter.
L'atelier s'attachera notamment à faire réfléchir les participant-e-s à la transposition, voire à la traduction, de ces récits, entre différentes langues, mais aussi entre différentes thématiques et idéologies. Il s'appuiera sur des exemples précis pris dans l'actualité, et invitera à des interactions autour de la perception de l'extrémisme, et de l'efficacité des récits (avec notamment le recours aux critères du storytelling).
Atelier 3
16h15-18h15 | Introduction générale aux actes de langage et étude de cas : l'analyse d'un avertissement
Diane Vincent (Université Laval) et Dominique Lagorgette
En raison de sa grande utilité dans un grand nombre des cas portés à l'attention du linguiste judiciaire, la première partie de cet atelier sera consacrée à la théorie des actes de langage, suivant laquelle parler, c'est agir (et faire agir). La seconde partie de l'atelier illustrera comment cette théorie peut être mise à profit dans l'analyse d'avertissements dans des œuvres culturelles .
Jeudi 30 mai :
Atelier 4
9h-11h : L'apport de la linguistique légale pour l'étude des entrevues d'enquête
Noémie Allard-Gaudreau
L'entrevue d'enquête avec les enfants victimes d'agression sexuelle est souvent le seul élément de preuve permettant de mener à la condamnation de l'agresseur. En effet, les agresseurs sexuels d'enfants seraient nombreux à nier les faits reprochés et la plupart d'entre eux auraient tendance à minimiser la gravité des gestes commis et à rejeter la faute sur la victime. Malgré l'importance du témoignage des victimes au sein du processus judiciaire, peu de linguistes l'ont étudié. Une approche linguistique pourrait notamment permettre de mieux comprendre l'impact des interventions de l'enquêteur sur la construction du discours des victimes, ou encore, la façon dont les victimes et les suspects utilisent le langage pour rapporter ou, comme c'est souvent le cas, pour éviter de rapporter le crime allégué. Cet atelier vise donc à initier les participants à l'entrevue d'enquête et aux différents protocoles utilisés au Québec pour interroger les suspects et pour recueillir la parole des victimes. Enfin, des exercices pratiques seront réalisés à partir de véritables extraits d'entrevues d'enquête, rendant concret l'apport de la linguistique légale pour l'étude des interrogatoires policiers.
11h15-12h30 : Qu'est-ce que la pornographie juvénile écrite dans le droit canadien ? Une analyse des textes juridiques et judiciaires d'un point de vue non spécialiste
Mathilde Barraband
discutant : Pierre Rainville
Depuis les années 1970, de nombreux pays se sont dotés d'une législation pour lutter contre la pornographie juvénile. La plupart de ces législations visent les représentations visuelles d'enfants réels mais aussi les représentations fictionnelles qu'elles soient visuelles, écrites ou enregistrées. L'application de la loi pose dans ces derniers cas d'importantes difficultés : quels textes et dessins sont visés ? Selon quels critères ? Ces questions interpellent les spécialistes de l'art et de la littérature. L'atelier s'intéressera plus particulièrement au sort que réservent l'article 163.1 du Code criminel canadien et sa jurisprudence aux fictions écrites. Il s'attachera à montrer comment certains outils narratologiques peuvent aider à l'interprétation et la qualification de ces fictions. Des exercices porteront sur des extraits de récits publiés.
Atelier 5 : Laïcité et liberté de conscience
14h30-16h | Définitions, émergence et contours de la notion de laïcité
Clément Benelbaz et Corinne Bonafoux
Les termes lai, laïcité, sécularisation, laïcité, laïcisme renvoient non seulement à des questions de vocabulaire mais surtout à des concepts. Corinne Bonafoux proposera un corpus de textes pour apprécier les contextes d'émergence des termes et des notions, ainsi qu'un rapide survol des paradigmes de sécularisation/modernité. Clément Benelbaz présentera une analyse juridique des termes, et ce qu'impliquent la laïcité et la Séparation, ainsi que leurs exceptions
16h15-17h45 | Qu'est-ce qu'un signe religieux ?
Dominique Lagorgette et Patrick Taillon
Après avoir situé le modèle québécois de laïcité par rapport à celui de la France, Dominique Lagorgette et Patrick Taillon examineront débats et controverses entourant la définition des signes religieux.
A partir de l'étude d'un corpus de textes judiciaires français contenant l'expression "signe religieux" et des débats parlementaires québécois entourant l'adoption en 2019 de la Loi sur la laïcité, ils esquisseront ce à quoi renvoie concrètement la notion en France et au Québec, afin de la circonscrire en mêlant les outils de l'analyse de discours et du droit - en particulier en ce qui concerne les couvre-chefs. Une série d'exercices sera proposée.
18h-19h | Soirée anniversaire "10e école" : discours de Marty Laforest, cocktail
Vendredi 31 mai :
Atelier 6 : Les actes de langage / infractions liés à la liberté d'expression et de création
9h-10h15 | Quels fondements juridiques pour appréhender les discours de haine ?
Nathalie Droin
La diversification des discours de haine a conduit le législateur français à multiplier les fondements juridiques permettant de les appréhender. On pense notamment à l'introduction en 1972, puis en 2004 des injures, diffamations et provocations à la haine pour des motifs discriminatoires. Cette diversification a conduit à une explosion de poursuites, sans pour autant avoir entraîné celle des condamnations dans tous les domaines d'expression. C'est notamment le cas lorsque c'est un artiste qui se trouve suspecté d'avoir tenu de tels propos ou de transmettre dans sa création un tel message. Faut-il y voir une indulgence du juge à l'égard de la création artistique ? L'analyse des décisions rendues en la matière permettra d'observer que le renforcement de la protection de la liberté de création artistique, qui conduit à tolérer des propos parfois choquants, n'empêche pas le juge de rappeler que, comme toutes formes d'expression, les créations artistiques ou plutôt leurs messages tombent sous le coups de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, et des infractions contenues dans le code pénal, ainsi qu'en témoignent certaines condamnations.
10h30- 11h45 | Identifier la cible de la provocation à la haine : critères jurisprudentiels et stratégies de contournement
Anna Arzoumanov STIH – Sorbonne université
Un des critères pour caractériser l'infraction de provocation à la haine repose sur l'identification de la cible du discours litigieux, lequel doit viser un groupe humain dans son intégralité. Si le référent visé est abstrait (Islam plutôt que musulmans) ou ne correspond qu'à une partie d'une communauté (intégristes vs musulmans) , le critère de l'identification n'est pas rempli et l'infraction de provocation à la haine ne peut être catractérisée. Par le biais d'exercices portant sur des énoncés ayant fait l'objet d'un contentieux judiciaire en France, on s'interrogera sur les difficultés d'interprétation que peuvent poser ces critères et sur les possibles stratégies de contournement auxquels ils peuvent conduire.
11h45-13h | Le rap conscient au tribunal : exemples d'expertises linguistiques
Dominique Lagorgette et Me Henri Braun
Le travail proposé dans cet atelier repose sur des analyses produites à la demande de la défense dans des cas de poursuite pour diffamation, d'incitation à la haine et à la discrimination raciale. Les objets du litige sont des textes de chanson, et nous montrerons la lecture systématique qu'un linguiste peut en faire, de même que les outils spécifiques qu'il peut mobiliser et qui sont encore très peu employés dans ce type de procès : analyse de la circulation des discours, de la structure informationnelle et argumentative des textes, rapport texte/image, analyses lexicales.
Atelier 7
15h-18h | Le procès des dérives langagières : enjeux analytiques et constitutionnels en droit canadien
Pierre Rainville, Université Laval
Les infractions langagières affichent un particularisme juridique avéré. Sans oublier que la répression des mots se bute souvent à la liberté d'expression, ces infractions singulières qui se caractérisent par un élément matériel amenuisé (la parole tient lieu de comportement interdit) supposent la détermination précise des volontés de leur auteur à l'aune de la norme de preuve élevée du droit pénal. Le procès des dérives langagières fait défiler de nombreuses formes d'expression qui embrassent la menace, la dérision, l'ironie, l'exhortation, la diffamation, les paroles d'exaspération, l'insulte, l'anathème, le mensonge, la confidence, les propos colériques, l'allégorie, la rodomontade. Ce sont autant de modes de locution qui interpellent la détermination précise des pourtours du droit criminel. Aussi le présent atelier tracera-t-il les seuils d'intervention du droit criminel canadien à l'égard des paroles vexatoires en dégageant trois critères de différenciation entre licite et illicite : le seuil de dangerosité des propos, le seuil de gravité du dessein du locuteur et le seuil d'ambiguïté possible des mots prononcés. A la faveur d'études de cas, nous cernerons les bornes de l'incrimination du verbe et différencierons, ce faisant, les paroles futiles, les propos irréfléchis et les dires malveillants. A cet exposé intégrant la jurisprudence de la Cour suprême du Canada s'ajoutera une série d'exercices visant à différencier les propos discutables ou déplorables et les paroles foncièrement criminelles.
Ecole organisée par le projet ANR LIBEX.