Présentation
Le droit pénal est terre d'affrontements : la parole est éprise de liberté, alors qu'elle peut se voir châtiée par le droit criminel. La liberté d'expression se heurte régulièrement à la finalité préventive du droit pénal. Soit que la parole soit ciblée en propre, telle l'incrimination de la menace ou de l'incitation à la haine. Soit que des œuvres artistiques se fassent transgressives, comme le rap violent ou ces bandes dessinées ou romans qui empruntent à la pornographie juvénile. Soit que la parole ou l'action se fasse militante et passe par la perpétration d'infractions diverses (la nudité comme mode de contestation des femen, le méfait commis sur des œuvres d'art au nom d'une conscience écologique, le déboulonnage de statues comme mode de contestation politique…). La confrontation entre le droit pénal et la libre expression se veut aussi terre d'arbitrages, constitutionnels comme sociaux.
D'une confrontation l'autre : les affrontements qui opposent la liberté de parole et le droit répressif offrent un terreau fertile pour opposer et comparer les approches diverses déployées en la matière par les droits canadien, français, européen.
Les enseignements du droit hexagonal et du droit européen sont nombreux et précieux. Autant la France sanctionne le négationnisme depuis longtemps, autant le Code criminel canadien s'y intéresse depuis peu seulement. Or, des enjeux constitutionnels ne manqueront pas de poindre ici[1]même. Autant la France s'est dotée d'une loi relative à la liberté de création artistique, autant le droit criminel canadien aborde cette thématique au cas par cas. Or, l'affaire Godbout montre en quoi le droit canadien n'échappe pas à la nécessaire démarcation entre la liberté artistique et la protection des enfants. Lors même que la France dispose d'une législation pénale destinée à tenir responsables les titulaires de compte sur des réseaux sociaux, tel Facebook, pour les propos haineux tenus sur leurs sites par des tiers, autant le droit criminel canadien ne dispose pas de dispositif précis sur le sujet. Le sort réservé au militantisme se veut un autre thème de comparaison utile. La cour de cassation française érige depuis peu la liberté d'expression comme « justification » à la perpétration de certains crimes, tandis que le droit canadien ne s'est guère frotté à cette réalité. Cette question, pourtant aussi d'actualité en droit pénal suisse, ne manquera pas de surgir en droit canadien.
L'équilibrage entre la liberté d'expression et la répression passe aussi par d'autres formes de juste mesure. La parole peut se faire ambiguë ou outrancière, irréfléchie, ironique ou encore colérique. Ces divers modes d'expression posent la question de leur appréhension par le droit pénal. La quête de vérité quant au sens précis des paroles reprochées pose un défi particulier pour l'avocat comme pour le magistrat. Des pistes de solution seront exposées afin de baliser l'action répressive au regard de la liberté d'expression.
Programme
8h00 : Accueil des participants et participantes
8h30 : Mot d'ouverture
Anne-Marie Laflamme, doyenne, Faculté de droit, Université Laval
Pierre Rainville, Cotitulaire de la Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d'expression (Chaire Colibex), Faculté de droit, Université Laval
Atelier 1 - La liberté d'expression comme cause de justification d'une infraction
8h45 : Présidence : Patrick Michel, directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP)
Jean-Christophe Saint-Pau, Faculté de droit, Université de Bordeaux
Atelier 2 - L'incidence de la liberté de création artistique lors de la détermination de la culpabilité
9h30 : Présidence : Andrej Skoko, Ministère de la Justice du Québec
Pierre Rainville, Faculté de droit, Université Laval
Mathilde Barraband, Département de lettres et de communication sociale, Université du Québec à Trois-Rivières
10h30 : Pause
Atelier 2 (suite) - L'incidence de la liberté de création artistique lors de la détermination de la culpabilité
10h45 : Présidence : Andrej Skoko, Ministère de la Justice du Québec
Nathalie Droin, Faculté de droit, Université de Bourgogne
Anna Arzoumanov, Faculté des lettres, Sorbonne Université
11h45 : Période de questions
12h15 : Dîner
Atelier 3 - Le négationnisme au carrefour de la liberté d'expression et de la répression
13h30 : Présidence : Sylvain Leboeuf, Ministère de la justice du Québec
Thomas Hochmann, Faculté de droit, Université Paris-Nanterre
Ugo Gilbert Tremblay, Faculté de droit, Université de Montréal
14h30 : Période de questions
14h45 : Pause
Atelier 4 - Les difficultés d'appréhension du sens de la parole par le droit pénal
15h00 : Présidence : Vanessa Fortin Dominguez, avocate à l'Aide juridique
Pierre Rainville, Faculté de droit, Université Laval
Atelier 5 - Les modes d'imputation de la responsabilité pénale à l'endroit des utilisateurs des réseaux sociaux
16h00 : Présidence : Alexandre Stylios, Faculté de droit, Université Laval
Arnaud Latil, Sorbonne Université
17h00 : Mot de la fin et discussions
Patrick Taillon, Faculté de droit, Université Laval
17h30 : Fin du colloque
Contact : nathalie.droin@u-bourgogne.fr
Accessible en visio
Validé pour la formation continue : 7h
Colloque organisé par la Chaire COLIBEX, Faculté de droit, Université de Laval – Québec, avec l'ANR et le CNRS