Présentation
Le recours au droit comparé peut-être vu aujourd'hui comme une manifestation parmi d'autres de la « mondialisation » du droit. On entendra par là un processus par lequel la transnationalisation et l'internationalisation de certains domaines d'activités influencent l'élaboration des normes juridiques. Face à ces normativités extérieures, « le droit national se trouve en quelque sorte cerné de toutes parts », écrivait Mireille Delmas-Marty. Hégémonie d'une normativité idéologiquement marquée et géographiquement identifiable, comme le soutiennent les critiques ; ou bien prémices d'un nouvel ordre mondial, où seraient « ordonnés » les « nuages du droit » ? Toujours est-il que les règles qui sont censées régir la réception et l'usage des normes juridiques internationales ou étrangères en droit interne ne rendent plus tout à fait compte de la réalité des influences réciproques.
Cette conférence abordera les écueils méthodologiques mais également intellectuels auxquels peut se heurter le recours au droit comparé. On distinguera d'abord divers usages possibles du droit comparé. Les objectifs recherchés à travers une analyse comparative du droit varient, en effet, selon qu'il s'agit, dans un cadre contentieux (par exemple) de convaincre un tribunal de juger dans un sens donné ; dans un cadre institutionnel ou politique, d'imprimer un sens à une réforme envisagée du droit; ou, dans le cadre d'une recherche universitaire de type doctoral, d'analyser d'une manière qui se veut objective comment une même situation juridique est abordée dans des ordres juridiques différents. Une fois précisés les objectifs, des écueils intellectuels et méthodologiques apparaissent généralement d'eux-mêmes. L'accès aux sources formelles du droit (si possible, dans leur langue d'origine !) en est un, et sans doute le plus immédiat. Mais il reste encore à saisir le rôle que jouent une règle de droit donnée, ou encore une solution juridique « x », dans l'économie d'ensemble de l'ordre juridique sous étude : bref, à comprendre la place de cette règle lorsqu'on se situe à l'intérieur de cet ordre juridique peut-être bien différent du nôtre, dont il n'emprunte peut-être en réalité que les formes extérieures. Si l'on s'intéresse également aux sources matérielles du droit, on doit aussi – et cela devient vite un défi épistémique – s'intéresser aux facteurs qui expliquent l'existence et la portée de la règle de droit étrangère qui nous intéresse ; bref, qui la situent dans son contexte social, culturel ou politique – quitte à en relativiser l'impact réel dans la société considérée, ainsi que la pertinence (peut-être moins évidente qu'on l'espérait) pour les fins qui sont les nôtres. Bref, le recours au droit comparé n'est pas seulement un exercice technique d'accès à des sources de droit étrangères ; c'est aussi, et peut-être surtout, un défi d'hygiène intellectuelle. Dans le cadre de cette conférence, des exemples tirés du recours au droit comparé au Québec et au Canada, dans le domaine des droits et libertés de la personne (en matière d'égalité et de discrimination ; de laïcité; de droits autochtones), permettront de mettre ce défi en lumière.
Programme
14h00 : Intervention de Pierre Bosset, Professeur de droit public à l'Université du Québec à Montréal, invité par le CECOJI
16h00 : Fin
Entrée libre
Conférence organisée par l'Ecole doctorale Pierre Couvrat, Faculté Droit et Sciences Sociales, Université de Poitiers