Présentation
L'objectif du colloque est de présenter et discuter les résultats d'une recherche collective, « Des paroles et des actes : la justice face aux infractions racistes », et d'autres recherches sur la judiciarisation des comportements sexistes, notamment les violences conjugales et/ou sexuelles.
Bien que les infractions à caractère raciste et sexiste relèvent de domaines du droit relativement distincts, il s'agit de questionner ce que les traitements judiciaires de telles infractions ont en commun. En faisant discuter des enquêtes sur des objets distincts mais ayant trait à des inégalités structurelles qui traversent la société française, ce colloque a ainsi pour ambition d'interroger l'institution judiciaire dans son rapport au racisme, au sexisme et aux inégalités de classe, au travers de son fonctionnement routinier. Ce rapprochement est au cœur d'un nouveau champ d'études, les hate studies, qui sera présenté en introduction, et nourrira les réflexions tant du point de vue de la méthodologie d'enquête (comment enquêter sur ce type d'affaires ?) que des résultats obtenus (en quoi les répressions des infractions racistes et sexistes sont-elles comparables ?). Il s'agira enfin de rendre compte de la sociologie des victimes et auteurs d'actes racistes, ainsi que du rôle des associations dans la mise en œuvre de la législation antiraciste.
Programme
8h30 : Accueil
9h00 : Ouverture
9h05 : Scoping the Field of Hate Studies
Barbara Perry - University of Ontario Institute of Technology, Canada
The domain now increasingly referred to as 'hate studies' has a relatively short lineage dating back only to the 1990s. I will trace the emergence of the field from its legislative and scholarly roots in the United States, to its growth and expansion across most parts of the western world.
10h30 : Pause
10h45 : Session 1 - Enquêter sur les affaires racistes et sexistes
Présidence : Claire de Galembert - CNRS, ISP
Enquête quantitative et qualitative sur les affaires racistes de tribunaux correctionnels
Narguesse Keyhani - ISP, ICM - INED
Cécile Rodrigues - CNRS, ISP, CERAPS
La construction d'une base de données à partir du dépouillement d'affaires d'infractions racistes permet un grand nombre d'exploitations et de comparaisons statistiques. A travers la présentation des enjeux de méthode posés par la construction de cette base, seront abordées les questions de l'inscription d'une telle exploitation dans l'ensemble des statistiques traitant de ce sujet et de la catégorisation des individus dans le cadre d'une enquête sur les infractions racistes. Comment catégoriser les individus en jeu et comment rendre compte de leur inscription dans différents rapports sociaux ?
Violences conjugales : analyser des dossiers judiciaires à l'aune des audiences observées et des jugements mis en chiffre
Solenne Jouanneau - IEP de Strasbourg, SAGE, INED
Dans le cadre d'une enquête collective portant sur deux procédures de judiciarisation de la protection des victimes de violences conjugales (ordonnance de protection et téléphone portable grand danger), j'ai été amenée à mobiliser plusieurs techniques d'enquêtes afin d'étudier la mise en œuvre de l'ordonnance de protection par les juges des affaires familiales (JAF). Dans trois TGI, j'ai observé durant plusieurs mois les audiences de demandes de protection, analysé les dossiers déposés et les décisions rendues à l'occasion de ces audiences, réalisé des entretiens post-observation avec les JAF et les greffières observé.e.s, mais aussi participé à l'élaboration et au traitement d'une base de données mettant en statistiques de l'ensemble des jugements délivrés au fond pour l'année 2016. A l'occasion de cette communication, je tenterai donc d'expliciter la manière dont j'analyse les dossiers judiciaires étudiés à l'aune de ces différentes méthodes d'enquête et notamment la manière dont cela permet d'analyser la manière dont les JAF se sont attribués les critères d'obtention de l'ordonnance de protection que sont « la vraisemblance des violences » et « le danger ».
Discutante : Delphine Serre - Université Paris Descartes, CERLIS
12h45 : Pause déjeuner
14h00 : Session 2 - Le traitement judiciaire des infractions racistes et sexistes
Présidence : Pascal Beauvais - Université Paris Nanterre, CDPC
Viols classés, viols poursuivis. Les déterminants du traitement pénal des violences sexuelles
Océane Pérona - Université Laval de Québec
Cette communication s'intéresse aux différents critères qui déterminent la progression des affaires de viol au fil de la chaîne pénale. Quelle est la part des éléments procéduraux, tels que la décision de porter ou non plainte, des circonstances de l'agression, et des appartenances de classe, de race et de sexe des justiciables ? Pour répondre à ces questions, on présentera les résultats de l'exploitation statistique de 477 procédures pour viol sur majeur ouvertes par un service de police judiciaire d'une grande agglomération française entre 2011 et 2014. 429 procédures pour viol mettant en cause 314 auteurs identifiés ont été retenues. Ces procédures informent sur les circonstances des agressions et sur les actes d'enquêtes réalisés par les policiers, et elles donnent également des éléments sur le profil sociologique des déclarantes et de suspects.
Le traitement judiciaire des infractions racistes
Abdellali Hajjat - Université Paris Nanterre, ISP
Narguesse Keyhani - ISP, ICM - INED
Cette communication analyse le traitement judiciaire des infractions racistes et le phénomène de l'attrition, à partir d'une enquête sur 500 dossiers d'affaires racistes traitées entre 2006 et 2015 par trois tribunaux correctionnels en France. Elle montre qu'une combinaison de facteurs contribue à produire un taux élevé de classement sans suite pour racisme non confirmé, fondé sur une hiérarchie des infractions et des types de racisme, une différence de traitement des victimes et des suspects (en fonction de l'âge, du sexe, de la classe sociale, de l'ethnicité, etc.), et une paradoxale sur-représentation des minoritaires parmi les suspects. Malgré les différences juridiques et institutionnelles entre la France et les Etats-Unis, les deux pays ont des catégories de d'entendement administratives et sociales relativement similaires.
Discutant.e.s :
Lionel Zevounou - Université Paris Nanterre, CTAD, IUF
Juliette Tricot - Université Paris Nanterre, CDPC
16h00 : Pause
16h15 : Session 3 - Victimes, mis en cause et associations antiracistes
Présidence : Soline Laplanche-Servigne - Université de Nice, ERMES
Sociologie des victimes et auteurs d'infractions racistes
Abdellali Hajjat - UPN, ISP
Cécile Rodrigues - CNRS, ISP, CERAPS
Alors que les controverses publiques se multiplient sur le « racisme anti-Blancs » ou le « nouvel Antisémitisme », la recherche scientifique française ne s'est pas véritablement intéressée à la sociologie des victimes et des auteurs d'actes racistes. Cette communication s'appuie sur les données de l'enquête Cadre de vie et Sécurité et l'enquête DPDA pour mettre en lumière leurs caractéristiques sociales et analyser les relations concrètes entre les acteurs de la situation raciste.
Universalisme vs regroupement communautaire ? L'Etat, les associations et la lutte antiraciste en France
Audrey Célestine - Université de Lille, CERAPS, IUF
Cette communication porte sur les définitions concurrentes du racisme mobilisées par des acteurs associatifs et institutionnels engagés, notamment, dans l'accompagnement juridique des victimes d'infractions racistes en France aujourd'hui. Des entretiens menés avec des responsables de services juridiques de plusieurs associations antiracistes, d'institutions en charge de l'action gouvernementale de lutte contre le racisme, des documents produits par ces différents acteurs et de l'observation d'audiences permettront de renseigner sur l'accompagnement des victimes, mais également sur la prégnance d'une dichotomie entre « universalistes » et « communautaristes » dans l'action antiraciste.
Discutantes :
Nonna Mayer - CNRS, CEE
Silyane Larcher - CNRS, URMIS
19h00 : Clôture du colloque
Inscription gratuite mais obligatoire en ligne : https://dpda.sciencesconf.org/
Organisé par la Fac de droit de l'Université Paris Nanterre