Édouard Laboulaye (1811-1883) a tenu une place considérable dans la vie intellectuelle, scientifique, juridique et politique française du XIXe siècle. D’une famille de juristes au service de la monarchie, Laboulaye fait également son droit avant d’exercer la profession de fondeur en caractères d’imprimerie. Mais c’est en spécialiste des historiens allemands du droit qu’il se fait connaître, devenant professeur de législation comparée au Collège de France avant d’en être l’administrateur, puis le premier président de la Société de législation comparée. Il joue également un rôle décisif d’abord dans la fondation de la Revue historique de droit français et étranger en 1855, puis dans la création de l’École libre des sciences politiques, toujours dans l’optique d’élargir la formation des juristes à d’autres disciplines. Initiateur de la souscription pour la Statue de la Liberté, libéral dès le Second Empire, Laboulaye exerce un magistère intellectuel et incarne l’admiration du modèle institutionnel américain rénové par la victoire nordiste dans la guerre de Sécession.
Sous le Second Empire, il est à quatre reprises battu aux élections législatives (1857, 1864, 1866 et 1869). Son adhésion au plébiscite impérial de 1870 divise l’opposition et entame sa popularité, l’obligeant même à suspendre son cours au Collège de France, perturbé par les étudiants.
L’avènement de la République ne lui est pas immédiatement favorable, puisqu’il subit un nouvel échec à Paris le 8 février 1871, vite effacé par sa victoire lors des élections complémentaires du 8 juillet suivant, grâce au soutien de l’Union de la presse parisienne. Il siège au centre gauche et approuve la politique de Thiers en faveur de l’établissement d’une République conservatrice, avant tout libérale. Élu sénateur inamovible en 1875, il est le rapporteur de la loi du 19 juillet 1875, qui instaura la liberté de l’enseignement supérieur.
Administrateur du Collège de France (1873), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et président (1878), Président de l’Institut de France (1878), Édouard Laboulaye est officier de l’ordre des Palmes académiques, Officier de la Légion d’honneur, Commandeur de l’ordre impérial de la Rose, Chevalier de l’ordre royal de Charles III d’Espagne.
Outre la biographie intellectuelle que lui a consacrée en 1989 André Dauteribes, deux journées d’études lui ont été dédiées plus récemment : la première, au Collège de France, à l’occasion du bicentenaire de sa naissance (Revue internationale de droit comparé, 63/3, 2011) ; la seconde à l’université de Cergy-Pontoise en décembre 2016 sur sa pensée juridique et politique (Revue française d’Histoire des idées politiques, 2018/1). Toutefois, bien des aspects de son action sont à revisiter, de sa formation à sa correspondance privée, de ses multiples réseaux, de son influence intellectuelle et politique sur la galaxie libérale.
Les communications pourront s’inscrire au sein de trois axes de recherches :
Les productions savantes et leur diffusion
Ce premier axe analysera :
- ses propres publications : Histoire du droit de propriété foncière en Occident(1839), son Essai sur la vie et les ouvrages de Savigny(1840), ses Recherches sur la condition civile et politique des femmes depuis les Humains jusqu’à nos jours (1843), son Essai sur les lois criminelles des Romains concernant la responsabilité des magistrats (1845), son Histoire politique des États-Unis : depuis les premiers essais de colonisation jusqu’à l’adoption de la constitution fédérale, 1620-1789 (1855-1866), ses Études contemporaines sur l’Allemagne et les pays slaves (1856), Les Tables de bronze de Malaga et de Salpensa (1856), les Souvenirs d’un voyageur, nouvelles, (1858), La Liberté religieuse (1858), ses Études sur la propriété littéraire en France (1858), son Introduction au droit français, de Claude Fleury (1858), Abdallah ou le trèfle à quatre feuilles, conte arabe (1859), Les États-Unis et la France (1862), L’État et ses limites, suivi d’Essais politiques sur M. de Tocqueville (1863), Paris en Amérique (1863), ses Contes bleus (1863), Le Parti libéral, son programme (1863), les Nouveaux contes bleus (1866), Le Prince Caniche (1868), conte satirique, ses Discours populaires (1869), La République constitutionnelle (1871)
- ses traductions : L’Histoire de la procédure chez les Romains, de Walter (1841), les Œuvres sociales (1854), Étude sur l’esclavage aux États-Unis(1855) et les Petits traités religieux, de Channing (1857) ;
- ses éditions d’ouvrages : Le Coutumier de Charles VI (1846), Les Institutes coutumières de Loisel(1848), Les Mémoires et la correspondanceet Les Essais de morale et d’économie politique de Franklin (1867) ;
- et sa participation aux grandes revues juridiques de Foelix, Wolowski et Mittermaier et la fondation de la Revue historique de droit français et étrangeravec les juristes Dareste, De Rozière et Ginoulhiac.
Le deuxième axe portera sur les réseaux intellectuels et le rayonnement académique de Laboulaye.
Il devrait contribuer à identifier la constitution de ses réseaux dès les années 1840 et ses premiers voyages en Espagne, en Italie et en Allemagne. Tout d’abord les lieux de savoir, et notamment L’institut de France et l’Académie des inscriptions et belles lettres dont il est membre depuis 1845, la société Franklin et la société des amis de l’instruction par le biais du développement des bibliothèques populaires à partir de 1863, sans oublier les lieux d’enseignements comme le Collège de France et L’Ecole libre des sciences politiques auprès de son ami Émile Boutmy. Dans les années 1860 et 1870 même s’il ne voyage presque plus, il tisse des liens à travers les congrès de l’Association internationale pour le progrès des sciences sociales, les sociétés d’amis de la paix (de Frédéric Passy), la Société de Législation comparée (sollicité par Paul Jozon et Alexandre Ribot), l’Institut de droit international et le Comité français pour l’émancipation des esclaves. Les communications devront mettre l’accent sur la dimension transnationale de ces réseaux.
Le troisième axe abordera son rôle et son influence dans le champ politique
Notamment durant les « Dix décisives » (1869-1879) (Allorant, Badier, Garrigues, 2022). Au parlement, à partir de 1871, il s’impose comme un acteur majeur des débats constitutionnels et un ardent défenseur des libertés. Plus largement, son action de théoricien de libéralisme, à la jonction de l’espace politique institutionnel et du monde savant, contribue à nourrir idéologiquement le courant politique libéral, dont l’incarnation au parlement dans les débuts de la Troisième République est le groupe centre gauche.
Modalités de soumission
Des propositions en français ou en anglais s’inscrivant dans l’un des trois axes doivent être adressées par courriel électronique à pierre.allorant@univ-orleans.fr , walter.badier@univ-orleans.fr , raphael.cahen@vub.be, avant le 15 avril 2025.
- Elles doivent parvenir et compter entre 3000 et 6000 caractères,
- Une publication des actes soumise au contrôle des pairs est prévue,
- journée : 20 octobre 2025
Comité d’organisation
- Pierre Allorant, professeur d’histoire du droit et des institutions, université d’Orléans.
- Walter Badier, maître de conférences en histoire contemporaine, université d’Orléans.
- Raphaël Cahen, chercheur en histoire du droit à la JLU Giessen, professeur invité à la Vrije Universiteit Brussel.
Comité scientifique
- Eric Anceau, professeur d’histoire contemporaine, université de Lorraine.
- Marc Bouvet, professeur d’histoire du droit et des institutions, université d’Angers.
- Isabelle Dasque, maître de conférences en histoire contemporaine, Sorbonne Université.
- Corinne Delmas, professeure de sociologie, université de Nantes.
- Laetitia Guerlain, professeure d’histoire du droit, université de Bordeaux et membre junior de l’IUF.
- Jean-Louis Halpérin, professeur d’histoire de droit et des institutions, École normale supérieure.
- François Lecoutre, professeur de droit public, université d’Orléans.
- Corinne Leveleux-Teixeira, professeure d’histoire du droit, université d’Orléans.
- Annamaria Monti, professeure d’histoire du droit, université de Milan.
Bibliographie sommaire
- P. Allorant et W. Badier, « La Société de législation comparée : boîte à idées du parlementarisme libéral de l’Empire libéral à la République opportuniste », Clio@Themis, 13, 2017.
- P. Allorant, W. Badier, J. Garrigues (dir.), Les dix décisives : 1869-1879, Rennes, PUR, 2022.
- R. Cahen, « Laboulaye et Kachenovsky et la fabrique du droit international : voyages, réseaux, circulation des savoirs juridiques », Clio@themis, 22, 2022, https://doi.org/10.4000/cliothemis.2076.
- P. Corvol et M. Delmas-Marty (dir), « Le bicentenaire d’Édouard Laboulaye. Paris in America », Revue internationale de droit comparé, 63, 2011/3, p. 509-556.
- A. Dauteribes, Les idées politiques d’Édouard Laboulaye (1811-1883), thèse de doctorat, 2 t., Montpellier I, 1989.
- A. Dauteribes, « Les relations entre juristes européens au XIXesiècle : autour de la correspondance Laboulaye-Warnkoenig (1839-1866) », Revue d’histoire des facultés de droit, 13, 1992, p. 159-186.
- A. Dauteribes, « Laboulaye et la réforme des études de droit », Revue d’histoire des facultés de droit et de la science juridique,10-11, 1990, p. 13-57.
- P.-H. Prélot (dir.), Dossier « Édouard Laboulaye », Revue française d’Histoire des idées politiques (RFHIP),47, 2018/1, p. 9-225.
- W. D. Gray, Interpreting American Democracy in France: The Career of Edouard Laboulaye, Newark, University of Delaware Press, 1994.
- P. Legendre, « Méditation sur l’esprit libéral. La leçon d’Édouard Laboulaye, Juriste-témoin », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, 87/1, 1971, p. 83-122.
- O. Motte, Savigny et la France, Berne, Peter Lang, 1983.
- Petrone, Édouard Laboulaye e la democrazia in Francia, Rubbettino, 2022.
- P.-H. Prélot (dir.), Dossier « Édouard Laboulaye », Revue française d’Histoire des idées politiques (RFHIP),47, 2018/1, p. 9-225.
- S. W. Sawyer, « Édouard Laboulaye et la Statue de la Liberté : l’élaboration de l’expérience démocratique », La lettre du Collège de France, 26 juin 2009, mis en ligne le 24 juin 2010.