Problématique :
D'emblée, il semble y avoir une profonde convergence entre l'éthique et le droit des marchés publics. En effet, dès l'origine, les marchés des personnes publiques ont été encadrés dans une perspective éthique : la lutte contre la fraude et la corruption. C'est donc l'intégrité de l'agent qui est au cœur des mécanismes normatifs en vue de moraliser la vie publique. Néanmoins, malgré les efforts, le secteur de l'achat public fait face à une défiance citoyenne alimentée par différents scandales dénoncés par la Cour des comptes notamment qui met en garde, ces dernières années, contre la mauvaise gestion dans les marchés publics. Cette défiance renforce l'exigence d'éthique dans les marchés publics comme dans l'ensemble de la vie publique. C'est ce qui ressort d'un rapport rendu au président de la République par la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique qui a été instituée par un décret du 10 septembre 2010. C'est d'ailleurs à cette époque que les acheteurs publics ont commencé à adopter des chartes éthiques qui se sont développées de manière croissante à partir des années 2014-2016 (période de réformes majeures). Ces chartes, destinées aux agents en charge de l'achat mais aussi au public (citoyen-contribuable), mettent l'accent sur deux dimensions de l'éthique. L'une, traditionnelle, concerne l'intégrité des agents publics afin d'éviter les conflits d'intérêts. L'autre, plus récente, met en lumière d'autres exigences : la préoccupation environnementale, la dimension sociale ou encore l'aide aux PME dans l'accès à la commande publique. Au final, ces chartes reflètent bien les différentes dimensions de l'éthique dans les marchés publics.
L'objectif de ce colloque est de susciter une réflexion juridique globale sur l'éthique dans les marchés publics (sous un angle pluridisciplinaire). Jusqu'ici, les travaux n'ont porté que sur certains aspects de l'éthique (notamment la lutte contre la fraude) alors qu'une démarche globale, ouverte sur un ensemble de disciplines, semble également pertinente au regard de la question posée.
Plusieurs thèmes peuvent être abordés :
Thème 1. Le sens de l'éthique
- L'éthique dans les marchés publics renvoie d'abord à l'intégrité de l'agent. Des contributions pourraient revenir sur ce principe. Une approche en histoire du droit serait souhaitable pour expliquer l'évolution des textes juridiques régissant les marchés publics depuis le XIXe siècle en France. Aujourd'hui, comment ces textes ont évolué ? Quels sont les nouveaux enjeux ? Par quels mécanismes peut-on contribuer à préserver l'intégrité de l'agent ? Pour quels résultats concrètement ?
- La dimension sociale dans les marchés publics. Comment les textes ont-ils permis de prendre en compte cette dimension sociale ? Pour quels résultats concrètement ?
- La dimension environnementale. Comment le droit de l'environnement est-il pris en compte en droit des marchés publics. Des contributions sont spécialement attendues concernant le coût du cycle de vie dans l'achat public. Des réformes pour quelle efficacité ?
- L'aide aux PME dans l'accès à la commande publique. Comment les textes juridiques prennent-ils en compte les PME dans l'accès aux marchés publics (à travers le principe d'allotissement, les critères de sélection des offres, la clause Molière notamment …) ? Pour quels résultats concrètement ?
Thème 2. Les moyens de l'éthique
- Les outils de compliance au service de l'éthique dans les marchés publics ? Comment ? Quels enjeux ? Quels risques ? Quelle valeur juridique ?
- Questionnement sur l'arsenal législatif incitatif. Les textes en vigueur ne sont pas contraignants. Seule la loi peut-elle pallier les lacunes éthiques dans la pratique ? Comment repenser les moyens d'une éthique effective dans les marchés publics ?
Thème 3. L'éthique des fins
L'éthique comme source de questionnement sur la dimension axiologique du droit des marchés publics
- Identification des paradigmes principaux, sous-jacents, du droit des marchés publics.
- Etude du paradigme croissanciel sur lequel repose le droit des marchés publics. Est-il compatible avec les valeurs éthiques : développement durable, dimension sociale, aide aux PME dans l'accès à la commande publique. Une approche en philosophie du droit pourrait revenir sur les origines et les enjeux du paradigme croissanciel et ses implications dans le domaine juridique.
- Des contributions pourraient encore porter sur le secret des affaires dans la commande publique. Quels sont les paradigmes qui gouvernent les récentes réformes en la matière ? Pour quelle éthique ? Quels risques (notamment la liberté d'information) ? L'accent peut aussi porter plus particulièrement sur la protection du lanceur d'alerte dans la commande publique tout en replaçant la réflexion sur les grands principes sous-jacents qui innervent la question.
Dans le cadre des thèmes abordés, les contributions juridiques suivantes sont particulièrement attendues :
- « L'intégrité des agents dans l'achat public » (voir thème 1)
- « L'aide des PME à l'accès à la commande publique »
- « La dimension sociale dans les marchés publics »
- « Le secret des affaires dans la commande publique, un obstacle éthique ? » ou « Le lanceur d'alerte dans la commande publique » (voir thème 3 : approche en rapport avec les fins du droit)
Dans le cadre des thèmes abordés, les contributions philosophiques suivantes sont particulièrement attendues :
- « Comprendre et dépasser le dogme de la concurrence pour une approche éthique du droit ? »
L'enjeu est de savoir si la concurrence est un « dogme ». Sur quels principes idéologiques repose-t-il ? Ces principes sont-ils conciliables avec l'éthique ? Quel sens de l'éthique ? Faut-il dépasser ce « dogme » ? Pour quelles fins du droit ? La question traitée reste générale ici. Elle ne concerne pas spécifiquement les marchés publics. Ce sujet sera traité par des juristes. L'idée est de comprendre les enjeux philosophiques globaux du paradigme de la concurrence en droit. Ce paradigme est-il conforme à l'éthique ? Cela suppose évidemment de redéfinir l'éthique et ses enjeux aujourd'hui.
- « Comprendre et dépasser le dogme croissanciel pour une approche éthique du droit ? » ou « Le principe croissanciel est-il éthique ? » ou « Développements philosophiques concernant le principe croissanciel : ses principaux enjeux »
L'idée est de proposer une réflexion générale sur le principe coissanciel. Ce principe est-il éthique ? L'éthique doit être envisagée au sens large. Elle peut comprendre l'éthique environnementale mais pas seulement (enjeux sociaux également etc.). Ce dogme croissanciel gouverne aujourd'hui l'ensemble de l'approche juridique dans les marchés publics. Il n'est pas demandé ici de maîtriser le droit des marchés publics, seulement de proposer une approche des limites (ou non ?) du système croissanciel comme paradigme juridique.
- « Quel sens donner à l'éthique ? ». Questionnement sur la définition et les différents enjeux inhérents à l'éthique. Quelles sont ses différentes composantes ? Quel sens pour l'éthique dans le domaine juridique ? A quelles fins ?
Calendrier envisagé pour la réalisation de l'événement
- Lancement de l'appel à contribution : février 2019
- Date limite de dépôt des candidatures : 31 mars 2019
- Sélection des candidatures : 30 avril 2019
- Organisation du colloque : 27 janvier 2020
- Limite de remise des contributions papier : fin décembre 2019
- Publication : printemps-été 2020 ?
Les propositions de contribution de 3 000 signes maximum sont à adresser au plus tard le 31 mars 2019 par voie électronique à l'adresse suivante : cerap@univ-paris13.fr
Direction scientifique :
CERAP, Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité
Porteur du projet : Véronique Coq, Maître de conférences, Droit public, Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité
Contact : Claudine Moutardier, Ingénieur d'études – Coordination de la recherche 01 49 40 20 38