Histoire du droit colonial

Histoire du droit colonial
Colonies Francaises - Cote d'Ivoive - Abidjean - Sur la voie ferrée. Vers 1910

Auteurs :  Eric De Mari, Florence Renucci, Martine Fabre
Spécialités :  Droit public, Histoire du droit
Niveaux :   Licence 3 | Master 1 | Master 2
Date de mise à jour : Février 2016

  • Pour la première fois, un cours d’histoire du droit colonial est disponible en ligne. Il s’adresse au public estudiantin, mais aussi aux chercheurs, voire aux professionnels du droit.
    Tous ceux qui étudient ou s’intéressent à l’histoire coloniale, et plus généralement à l’Outre-mer, auront en effet le plus grand mal à trouver une synthèse récente d’histoire du droit colonial (à l’exception de celle de B. Durand parue en 2015 chez Economica, mais qui s’apparente davantage à un traité). Ce cours leur facilitera donc leur immersion dans cette discipline en leur donnant un aperçu d’ensemble du droit colonial, des grandes problématiques qu’il soulève et de ses acteurs ; ainsi que des orientations bibliographiques actuelles sur les travaux en cours dans ce domaine très dynamique.
    Plus généralement, les 11 leçons de ce cours, qui répondent à une approche diachronique, s’adressent à ceux qui veulent mieux comprendre l’Outre-mer, les droits contemporains des états anciennement colonisés, le pluralisme juridique, ou encore les questions qui se posent aujourd’hui en Europe et au-delà, comme les frontières du droit et de la religion. Ils y trouveront des éléments de connaissances et de réflexion.
    L’ampleur de la tâche pour un cours qui va du Premier au Second Empire colonial, comme le format des leçons, nous ont conduit à faire l’impasse sur quelques thèmes ou à en réduire les développements, parfois parce qu’ils nous paraissaient déjà très connus (comme l’esclavage). Toutefois, nous nous laissons la liberté de largement continuer à l’enrichir dans les années à venir. Précisons enfin que l’histoire du droit colonial engendre des difficultés sémantiques car certains de ces concepts sont relativement flous ou utilisés dans des sens différents selon les acteurs. Il est évident qu’ici, les termes utilisés ne renvoient à aucun jugement moral, mais s’inscrivent uniquement dans une logique historique.

  • Leçon 1 : Aux origines du droit colonial. Le Premier Empire (XVIème-XVIIIème siècles). Un droit colonial spécifique
    Après une introduction générale retraçant les différentes étapes de la constitution du premier empire colonial, la leçon expose les sources du droit colonial et sa spécificité quant aux dispositions et aux pratiques relatives aux hommes et aux choses. Les sources du droit, soit la « législation » d'origine centrale et locale, soulignent la part prise par la règlementation administrative, mais encore le rôle et l'impact des usages, les cas très fréquents d'inapplication, le développement des spécificités juridiques. Malgré la recherche d'une uniformité juridique souhaitée par le pouvoir central un droit spécifique se met en place. Il s'agit surtout d'un droit de police destiné à contrôler les hommes, par-dessus tout, les esclaves dans les Antilles. Ce droit discriminatoire devient raciste. Quant aux biens le droit met en relief les spécificités liées à l'exploitation des colonies.

    Leçon 2 : Centre ou périphérie : Une administration singulière
    Au mode indirect de gestion des colonies par les compagnies de commerce succède pour l’essentiel, à quelques exceptions près, un mode direct d’administration du domaine. Celui-ci est administré de manière apparemment classique depuis la métropole par une administration centrale, celle des colonies au sein du Secrétariat d’État de la Marine. Elle est peu importante mais dirigiste. Sur place l’administration locale est structurée autour des « chefs » de la colonie : le gouverneur et l’intendant. Des institutions composées de colons se développent, l’ensemble de l’administration coloniale demeurant singulier.

    Leçon 3 : L’organisation politique et administrative des colonies du second empire colonial
    L’organisation politique et administrative des colonies pendant la IIIe République vise à la conservation des colonies sans avoir de politique et d’autre stratégie que de se maintenir. Cette organisation « désorganisée » est marquée par l’éloignement de la métropole et un manque criant de temps. Ces handicaps rendent impossible toute évolution institutionnelle.. Dans l’organisation la fonction de commandement est surdimensionnée tout en étant éparpillée entre de multiples structures. Celles-ci sont présentées : du ministère des colonies à l’administration sur place des colonies. L’organisation multiplie les spécificités et les singularités organisationnelles.

    Leçon 4 : Une justice « tout terrain »
    Bien qu’il apparaisse étrange d’accoler à la réalité de la colonisation, celle de la justice, le fait est que le colonisateur français a mis en place une organisation judiciaire, d’abord pour asseoir sa légitimité et préserver l’ordre public, ensuite pour durer et parfois tenter d’assimiler. Cette justice se caractérise d’abord par sa dualité d’ordre : d’une part, la justice dédiée aux sujets indigènes, d’autre part, celle des citoyens français. Toutefois, cette dualité d’ordre dissimule une réalité plus complexe où les magistrats français remplacent parfois les juges « naturels » des populations locales. Mais de quels magistrats parle-t-on ? Une nouvelle fois, la réalité de la justice nécessite de ne pas voir le magistrat colonial comme un être essentialisé. En Afrique subsaharienne, il peut s’agir d’administrateurs alors que des magistrats de l’ordre judiciaire opèrent au Maghreb. Leurs formations et leurs pratiques elles-mêmes sont différentes.

    Leçon 5 : Du sujet au citoyen
    Lorsqu’un État colonise, il se doit de décider du statut des peuples colonisés. La France fait coexister une subtile hiérarchie dans les divers statuts d’indigènes : il y a les citoyens des quatre communes du Sénégal, il y a les citoyens algériens que l’on a remerciés ainsi de leur combat pour la défense de la France, il y a les juifs algériens devenus citoyens par l’effet du décret Crémieux (mais pas tous), il y a ceux qui se sont fait naturaliser en renonçant à leur statut local et qui ont un statut civil de droit commun et ceux qui ont conservé leur statut civil de droit local, il y a ceux qui sont nés sur un territoire français mais de parents étrangers... Contrairement au dogme révolutionnaire « tous ne sont pas égaux en droit ». Mais il y a surtout la majorité des indigènes qui sont des Français minuto jure : ils ont beaucoup de devoirs et peu de droits (ils doivent faire le service militaire par exemple, mais n’ont pas le droit de vote) ce sont des « sujets » de l’empire. Tout au long de la période coloniale on proposera à certains de devenir citoyens mais sous conditions. Enfin il y a les citoyens optimo jure qui ont les mêmes droits que les Français de métropole. On comprend bien que cette cohabitation, entre « sujets » soumis au colonisateur et citoyens par « récompense », va faire naître des tensions. La citoyenneté serait-elle la récompense d’une conduite conforme au désir du colonisateur ? Tous ces statuts variables selon les époques et les colonies prennent leur importance lors des indépendances pour les indigènes qui décident de se réfugier en métropole. Sont-ils Français ? Ont-ils des démarches à faire et quelles sont les conditions de l’obtention de la nationalité française ?

    Leçon 6 : Du travail forcé au salariat dans le Second empire colonial
    Souvent uniquement assimilé à l’esclavage, l’histoire du droit du travail colonial est pourtant beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Complexe dans ses formes de domination et de contrainte (engagisme, main-d’œuvre pénale, etc.). Complexe également dans ses rapports au droit du travail métropolitain puisqu’il représente également une histoire de rendez-vous manqués en raison de l’affrontement des lobbys. L’influence des groupes de pression, des considérations économiques (parfois masquées par des justifications civilisationnelles) ont conduit à la mise en place progressive au XXème siècle d’un « réformisme lent », incapable de suivre le rythme métropolitain. La grande avancée égalitariste n’aura lieu qu’après la Seconde Guerre mondiale, avec le Code du Travail des territoires d’Outre-Mer. Pourtant, de nouveau, cet accouchement s’est fait dans la douleur. Il permet de voir le travail des groupes de pression traditionnels en fonction de l’exploitation coloniale, mais également l’entrée en lice d’acteurs partisans des réformes en Outre-mer, comme en France métropolitaine.

    Leçon 7 : Le maintien de l’ordre : un impératif colonial
    L’ordre colonial est le corollaire incontournable d’une colonisation profitable. En effet, tant pendant le premier empire colonial que pendant le second, s’expatrier dans des contrées lointaines et inhospitalières n’a jamais suscité l’enthousiasme des Français. Les colonies françaises n’ont donc pas été des colonies de peuplement. Même en Algérie où de nombreux Français se sont installés, le ratio a été toujours très défavorable aux colons. Le colon est donc très isolé face aux indigènes ce qui explique la nécessité absolue de garantir l’ordre public et la sécurité.Pendant le premier empire colonial, la justice est déléguée aux compagnies à Charte à qui les terres conquises sont concédées, c’est un peu le système de la justice pratiquée sur les bateaux, le capitaine est seul maître à bord. Ce qui va être développé ici, c’est le système répressif mis en place lors du deuxième empire colonial, de la fin du XIXème siècle aux décolonisations au milieu du XXème. L’ordre public est d’abord du ressort de l’armée dans les phases de conquête, puis on le confiera à la fois aux autorités administratives et au système judiciaire. Le Code pénal métropolitain est appliqué aux colonies moyennant certains aménagements et des juridictions répressives sont implantées dans tous les territoires. La colonisation influera également sur le système répressif métropolitain par la création de bagnes et la déportation (section 1). Mais nous le verrons, les autorités tiennent à maîtriser les indigènes. La peur en priorité et le désir de « civiliser » les autochtones vont faire naître un système répressif administratif qui échappe aux juges : l’indigénat (section 2)

    Leçon 8 : La question foncière
    La question foncière est l’une des deux questions majeures du droit colonial (avec la question de la main d’œuvre). Le colonisateur se sert de sa domination pour s’approprier les terres nécessaires à la mise en valeur des colonies. Confronté à des sociétés essentiellement agricoles il s’efforce non seulement de spolier les colonisés mais d’introduire de force son droit de propriété afin de créer un marché de la propriété fort d’une véritable sécurité juridique. Le colonisateur impose une conception extensive du domaine public en ayant recours aux ressources du droit administratif (exemples des pas géométriques et du régime des eaux). Il transforme les terres dites vacantes en terres appropriées. II assure la transposition de manière directe et indirecte de son régime de la propriété dans les colonies. On signale les exemples les plus criants de dépossession et le système des concessions et des mines.

    Leçon 9 : Famille et droit en contexte colonial
    En matière de droit de la famille, le colonisateur n’a pas fait table rase des règles locales. Il s’est au contraire engagé à les respecter. Pourquoi ? Ce respect de principe correspond-il à la réalité ? Les juges semblent avoir progressivement fait infléchir ces règles, mais le législateur n’a-t-il pas également tenté de les modifier ? En outre, ces interrogations acquièrent une dimension politique accrue en cas de confrontations entre les règles locales et les règles du droit commun français, c’est-à-dire dans les situations de métissage au sein de la famille – que ce métissage soit physique ou religieux.

    Leçon 10 : De la connaissance à la réorganisation du droit
    Pour des raisons pratiques, les colonisateurs ont dû faire l’apprentissage des droits locaux, c’est-à-dire des droits qui préexistaient à leur venue. Ils étudient également les législations particulières qui vont se former sur le terrain ultramarin où le droit commun est, du moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, adapté, donc marqué par la spécialité. L’apprentissage des sources locales est nécessaire car elles avaient été maintenues dans certains domaines. Le juge français doit alors parfois les appliquer. Mais pour les appliquer encore faut-il les connaître. Les autorités françaises cherchent donc à identifier et à traduire ces sources. Ce sont d’abord des non-juristes qui s’attèlent à cette tâche, puis les magistrats et les professeurs de droit. Les acteurs de cette connaissance du droit ont développé leur savoir au sein d’institutions, en particulier d’établissements d’enseignement supérieur. L’apprentissage n’est toutefois qu’une première étape. La seconde consiste à réorganiser systématiquement ces règles au moyen de méthodes propres au droit continental (rassembler les coutumes, codifier). Des outils traditionnels du droit sont utilisés (manuels, revues) pour légitimer ces méthodes. Elles doivent également légitimer une nouvelle branche du droit (le droit colonial) et une nouvelle catégorie juridique (le « droit musulman »).

    Leçon 11 : Décolonisation et droit
    Les tentatives, un peu « désespérées » de sauvetage de l’Empire colonial, malgré la nouvelle donne mondiale, n’éviteront pas les indépendances qui étaient en marche. Elles sont obtenues de manière plus ou moins dramatique et s’étalent de 1954 à 1962. Cette période voit la France perdre presque la totalité de son empire colonial. Cela entraîne de forts mouvements de population. Face à ce problème, tout à fait inédit, l’État français réagit en mettant en place des institutions administratives spécifiques et en légiférant de manière prolifique.Cette situation, pour laquelle l’État français ne connaît pas de précédent dont il pourrait s’inspirer, nait des décolonisations qui, commencées avec l’Indochine, se termineront avec l’Algérie. Les indépendances successives donnent lieu à des traités et des conventions. Mais la conséquence inévitable, c’est le retour, en métropole, des Français installés aux colonies. Près d’un million et demi de personnes devront trouver leur place dans la mère patrie. Les indépendances entraînent bien sûr une obligation de quitter le territoire des anciennes colonies. Donc l’État et tous ses représentants et fonctionnaires doivent effectuer un repli en métropole. Ces replis, d’Indochine, d’AOF et d’AEF, d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, ce sont des traités qui les organisent, mais derrière ces généralités et ces protocoles qui règlent le sort des institutions, il y a des hommes et des femmes qui occupaient des fonctions.Pendant le temps court de la transition au moment des indépendances, chaque traité d’indépendance s’accompagne d’une Convention judiciaire. Cette Convention a deux objets : d’une part, elle règle le problème des affaires pendantes lors de l’indépendance et d’autre part, elle décide de l’avenir : soit on renvoie tous les magistrats en métropole, soit on en conserve quelques-uns à titre d’assistance technique, soit on demande à certains d’entre eux de continuer à assurer leurs fonctions pendant un temps déterminé.Enfin, le droit doit gérer la réinsertion des rapatriés qui ont tout perdu et prendre en compte les réfugiés Harkis ayant dû quitter l’Algérie. À cette occasion de nombreux textes tentent de régler le problème. Cet empilement de normes parfois incohérentes conduit à saisir les juges qui joueront un grand rôle dans ce domaine ; Il s’agit là d’un droit d’exception chargé de résoudre des questions qui sont la conséquence directe des décolonisations.

     

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