Pascal Texier

Professeur émérite
Histoire du droit et des institutions.
Faculté de Droit et des Sciences Economiques

Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Bruno Lamiges, L'asseurement , thèse soutenue en 2013 à Limoges  

    Dans le royaume des Capétiens et des Valois, tout homme offensé éprouve l’impérative nécessité de se venger, alors que le roi est investi de la mission d’assurer la paix à ses sujets. Comment concilier ces deux devoirs antagonistes ? Le système vindicatoire comporte des moyens de régulation de la violence et d’apaisement des tensions entre groupes ennemis qui offre au roi et à sa justice des possibilités nouvelles d’accomplir la mission régalienne de maintien de la paix publique. A partir de la suspension de vengeance qu’est l’asseurement, en fait une promesse de non-agression, les agents du roi, dès la seconde moitié du XIIIe siècle, s’inspirant du modèle communal de l’institution, vont élaborer un système mixte associant ce mode de gestion des conflits, issu des pratiques sociales à la mise en oeuvre d’une politique d’expansion de la justice royale. Désormais, les juges du roi disposent d’un moyen de contrôler la violence soit en la prévenant, soit en la réprimant. Au XIVe siècle, le traitement contentieux de l’asseurement brisé, susceptible alors de constituer un crime de trahison dont le juge royal peut se saisir, illustre l’instrumentalisation de l’asseurement par la royauté. Les officiers royaux ont cherché à employer l’asseurement remanié par leurs soins hors de son aire originelle entre Somme et Escaut. De fait, l’enracinement de ce modèle suit l’expansion du domaine royal et participe, en tant qu’instrument de coercition, au développement de l’emprise politique opérée au nom de la paix du roi, sur un ensemble territorial toujours plus vaste. Cependant, l’activisme des officiers du roi s’est heurté à des critiques, principalement celles des seigneurs hauts justiciers, et à des résistances opposées par des institutions ayant même fonction que l’asseurement, notamment dans le Midi. Face à cette situation le roi et le Parlement ont dû mettre un frein aux menées des agents royaux et prendre en compte des pratiques régionales de régulation de la violence. Malgré ces limites, l’asseurement judiciaire mis au service de la paix du roi a contribué à sa propagation dans une large moitié nord de la France médiévale, participant ainsi à la mise en oeuvre du principe de souveraineté judiciaire royale. Dans la seconde moitié du XVe siècle, alors que le pouvoir royal sort finalement renforcé des vicissitudes de la guerre de Cent Ans, la pratique de l’asseurement judiciaire entre en désuétude. Le processus d’instrumentalisation par la royauté de l’asseurement est arrivé à son terme. En effet, la justice royale commence à disposer d’un appareil répressif de type étatique et peut maintenant se dispenser de faire souscrire des asseurements à d’éventuels fauteurs de troubles. Désormais, l’Etat émergeant se trouve pourvu de moyens suffisants pour réprimer directement les atteintes à la paix publique.

    Xavier Perrot, De la restitution internationale des biens culturels aux XIXe et XXe siècles , thèse soutenue en 2005 à Limoges  

    La masse hétérogène des biens culturels (monuments, objets d'art, objets ethnologiques, scientifiques ou d'intérêt religieux) est régulièrement menacée par des enjeux économiques et politiques qui priment sur leur contenu symbolique et identitaire. Certains d'entre eux peuvent être ainsi séparés d'un contexte d'origine signifiant, spatial et intellectuel. La question complexe de l'aire culturelle d'origine à laquelle ce genre de biens est historiquement et esthétiquement rattaché, invite à élaborer un statut juridique spécial pour ceux d'entre eux suffisamment important, dont la situation incite à déroger aux règles mises en place par le droit positif qui interdisent retour et reconstitution. De tels objets sont en effet, à la fois confondus dans un droit des biens englobant qui nie leur spécificité et dépendant d'un droit international qui, malgré les efforts mis en place pour réguler le trafic illicite et encourager la restitution, ne parvient pas à intégrer l'intérêt culturellement spécifique de ces derniers. Se nouent alors en la matière le rôle joué par la mémoire, l'Histoire, l'espace, mais également le temps et les impératifs du droit positif. La constatation de la lente émergence d'une spécificité juridique des biens culturels en deux siècles de mutation du droit de la restitution, trouverait ainsi à s'enrichir au contact de constructions et de concepts juridiques anciens, dont la permanence historique et la valeur paradigmatique autoriseraient l'utilisation. Les biens culturels isolés, dont les règles de droit positif figent le destin, pourraient ainsi regagner leur espace culturel d'origine à la faveur d'un droit vivant réactualisant son propre passé.

  • Yann Mocaër, Le crime d’agression devant la Cour pénale internationale , thèse soutenue en 2024 à Limoges sous la direction de Aurélien Lemasson  

    Comment expliquer que la définition du crime d’agression ait pris plus de 70 ans, alors qu’il est fréquemment présenté comme l’équivalent du crime contre la paix, tel qu’il fut mis en œuvre par les juridictions militaires internationales d’après-guerre ? L’article 5 du Statut de Rome, adopté en 1998, prévoyait uniquement que le crime d’agression intégrerait à terme la compétence ratione materiae de la Cour. Le 17 juillet 2018, la compétence de la Cour pénale internationale est enfin entrée en vigueur à son égard. Unanimement saluée comme une avancée majeure du droit international pénal, cette entrée en vigueur résulte toutefois de très nombreux compromis. Les dispositions relatives au crime d’agression souffrent de ces décennies de négociations politiques. En premier lieu, étudié relativement à la compétence de la Cour pénale internationale, le crime d’agression paraît restreint à un nombre très faible de cas théoriques d’agression interétatique. En second lieu, étudié relativement au système général de la responsabilité individuelle prévue par le Statut de Rome, le crime d’agression semble déroger aux mécanismes classiques du droit pénal, tels que la tentative et la complicité. Enfin, étudié relativement aux nouvelles méthodes guerrières ainsi qu’à l’asymétrie croissante des conflits armés, le crime d’agression s’avère désuet au regard de son élément matériel parce qu’inadapté aux réalités contemporaines. Cette thèse ambitionne, en adoptant une approche prospective, d’identifier les principaux obstacles à une pleine effectivité du crime d’agression. Cette méthode permet de construire un projet d’amendement au régime juridique de l’agression criminelle. Celui-ci vise à harmoniser le fonctionnement du crime d’agression avec celui des trois autres crimes internationaux par nature relevant du jus in bello. Cette solution offre alors au jus ad bellum une véritable dimension pénale.

    Yann Mocaër, Le crime d'agression devant la Cour pénale internationale: Propositions d'amendement pour une réinvention criminelle de l'agression, thèse soutenue en 2024 sous la direction de Aurélien Lemasson, membres du jury : Raphaëlle Nollez-Goldbach (Rapp.), Damien Scalia (Rapp.), Olivier Schaub   

    Comment expliquer que la définition du crime d’agression ait pris plus de 70 ans, alors qu’il est fréquemment présenté comme l’équivalent du crime contre la paix, tel qu’il fut mis en œuvre par les juridictions militaires internationales d’après-guerre ? L’article 5 du Statut de Rome, adopté en 1998, prévoyait uniquement que le crime d’agression intégrerait à terme la compétence ratione materiae de la Cour. Le 17 juillet 2018, la compétence de la Cour pénale internationale est enfin entrée en vigueur à son égard. Unanimement saluée comme une avancée majeure du droit international pénal, cette entrée en vigueur résulte toutefois de très nombreux compromis. Les dispositions relatives au crime d’agression souffrent de ces décennies de négociations politiques. En premier lieu, étudié relativement à la compétence de la Cour pénale internationale, le crime d’agression paraît restreint à un nombre très faible de cas théoriques d’agression interétatique. En second lieu, étudié relativement au système général de la responsabilité individuelle prévue par le Statut de Rome, le crime d’agression semble déroger aux mécanismes classiques du droit pénal, tels que la tentative et la complicité. Enfin, étudié relativement aux nouvelles méthodes guerrières ainsi qu’à l’asymétrie croissante des conflits armés, le crime d’agression s’avère désuet au regard de son élément matériel parce qu’inadapté aux réalités contemporaines. Cette thèse ambitionne, en adoptant une approche prospective, d’identifier les principaux obstacles à une pleine effectivité du crime d’agression. Cette méthode permet de construire un projet d’amendement au régime juridique de l’agression criminelle. Celui-ci vise à harmoniser le fonctionnement du crime d’agression avec celui des trois autres crimes internationaux par nature relevant du jus in bello. Cette solution offre alors au jus ad bellum une véritable dimension pénale.

    Laura Viaut, Les mécanismes de gestion des conflits dans l'espace aquitain au haut Moyen-Age (VIII-XIIe siècle), thèse soutenue en 2018 à Limoges sous la direction de Jacques Péricard, membres du jury : Alexandre Jeannin (Rapp.), Soazick Kerneis (Rapp.), Hélène Débax et Vincent Martin  

    Le premier Moyen Âge a longtemps souffert d’une mauvaise réputation, celle d’être une période sombre et particulièrement violente. À l’appui de nouvelles grilles de lecture, la recherche a entrepris, au cours des dernières décennies, une réévaluation de sa justice. Mais ce champ d’études est encore lacunaire, et plus encore pour l’Aquitaine. La présente étude s’attache donc à reconstituer ses cadres institutionnels et sociétaux entre le début de la période carolingienne et la fin du XIIe siècle. Une étude d’anthropologie historique du droit permet, à partir de cas concrets, de démontrer les mécanismes par lesquels les conflits pouvaient être gérés, tout en dégageant les évolutions majeures qui s’observent dans les sources. Appréhender la justice altimédiévale passe par la reconstitution des structures, des procédures judiciaires et des stratégies sociales alors déployées pour trouver une solution aux différends. Il apparaît bien vite que les juges se sont appliqués à donner des réponses aux litiges en privilégiant les accords et la paix, plus que la coercition. Leur action se situe à la croisée du droit, du social et du religieux. Dans cette perspective, il est nécessaire de regarder le Moyen Âge, non pas du dehors avec des yeux modernes, mais du dedans pour comprendre les logiques qui en soutiennent toute la structure. Cette analyse donne l’occasion de mettre en lumière les manuscrits juridiques aquitains, dont une partie est encore inédite, pour reconsidérer l’efficacité de la justice altimédiévale.

    Laura Viaut, Fecimus concordiam: les mécanismes de gestion des conflits dans l'espace aquitain au haut Moyen-Age (VIII-XIIe siècle), thèse soutenue en 2018 à Limoges sous la direction de Jacques Péricard, membres du jury : Alexandre Jeannin (Rapp.), Soazick Kerneis (Rapp.), Hélène Débax et Vincent Martin   

    Le premier Moyen Âge a longtemps souffert d’une mauvaise réputation, celle d’être une période sombre et particulièrement violente. À l’appui de nouvelles grilles de lecture, la recherche a entrepris, au cours des dernières décennies, une réévaluation de sa justice. Mais ce champ d’études est encore lacunaire, et plus encore pour l’Aquitaine. La présente étude s’attache donc à reconstituer ses cadres institutionnels et sociétaux entre le début de la période carolingienne et la fin du XIIe siècle. Une étude d’anthropologie historique du droit permet, à partir de cas concrets, de démontrer les mécanismes par lesquels les conflits pouvaient être gérés, tout en dégageant les évolutions majeures qui s’observent dans les sources. Appréhender la justice altimédiévale passe par la reconstitution des structures, des procédures judiciaires et des stratégies sociales alors déployées pour trouver une solution aux différends. Il apparaît bien vite que les juges se sont appliqués à donner des réponses aux litiges en privilégiant les accords et la paix, plus que la coercition. Leur action se situe à la croisée du droit, du social et du religieux. Dans cette perspective, il est nécessaire de regarder le Moyen Âge, non pas du dehors avec des yeux modernes, mais du dedans pour comprendre les logiques qui en soutiennent toute la structure. Cette analyse donne l’occasion de mettre en lumière les manuscrits juridiques aquitains, dont une partie est encore inédite, pour reconsidérer l’efficacité de la justice altimédiévale.

    Aurélien Tavella, Chronique d'une fin annoncée. La disparition de la forêt usagère au XIXème siècle. Etude des droits d'usage forestiers dans les Vosges, thèse soutenue en 2012 à Université de Lorraine sous la direction de Christian Dugas de La Boissonny, membres du jury : Dominique Gaurier (Rapp.), Pierre-Yannick Legal (Rapp.), François Vion-Delphin    

    En décidant, au XIXe siècle, d'abolir les droits d'usage forestiers, les autorités gouvernementales décident unilatéralement de mettre un terme au mode de vie ancestral des populations rurales. Dès lors que les propriétaires voient dans leur patrimoine forestier une ressource à valoriser, la libre jouissance usagère des premiers temps laisse la place à une réglementation de plus en plus stricte pour les usagers, avec pour point d'orgue l'adoption du Code forestier de 1827. Caractérisées par la prédominance des espaces boisés, dont la majeure partie appartient à l'État, les Vosges sont le département français possédant le plus grand nombre de communes usagères. Les autorités ont donc concentré leurs efforts sur cette région, au XIXe siècle, pour dégrever leur patrimoine ligneux de ces servitudes dévorantes, frein à l'exploitation commerciale de cette ressource première essentielle en pleine Révolution industrielle.Mais l'État parvient difficilement à ses fins. Avant de mettre en oeuvre sa nouvelle politique forestière, le gouvernement est contraint dans un premier temps d'effectuer le recensement des droits d'usage au moyen d'une double procédure de vérification, en 1804, puis en 1827. Devant les intentions des autorités de mettre un terme à ces pratiques, les communes usagères vosgiennes réagissent en nombre, durant les années 1830 et 1840, pour faire valoir le bien-fondé de leurs droits devant les tribunaux. Si ces actions poussent les juridictions à élaborer le régime juridique hybride des droits d'usage, les communes vosgiennes n'ont cependant fait que retarder l'inexorable. Dès le milieu des années 1840, en effet, l'État contraint les usagers de ses forêts à la procédure de cantonnement, abolissant ainsi les usages au bois en échange d'une partie de la propriété de la forêt. Il procéda différemment à l'égard du pâturage des animaux en forêt. Conscient de l'évolution du monde agricole et de l'exode rural qui se fait jour au XIXe siècle, l'État prend le parti d'attendre la prescription de ces droits, au lieu de procéder à leur rachat en argent comme le Code forestier le lui permet.

  • Apo Seka, La femme dans les conflits armés et le droit international, thèse soutenue en 2023 à Limoges sous la direction de Virginie Saint-James et Djedjro Francisco Meledje, membres du jury : Bérangère Taxil (Rapp.), Philippe Lagrange (Rapp.), Roger Koussetogue Koudé      

    Les débats sur les rôles de la femme dans les conflits armés existent depuis des temps immémoriaux. Mais à chaque étape du développement historique, des particularités dues à la singularité de certaines civilisations a existé. L'idée que la femme a des expériences multiformes dans les conflits armés n'est-elle qu'une vision théorique ? Le chemin a été long tant étaient nombreux les obstacles qui faisaient de la diversité des rôles de la femme, une utopie. En effet, la femme est catégorisée comme une victime des conflits armés. Ce rôle qui s'est développé au fil des époques, en raison de son exclusion des activités guerrières s'es accentué avec la naissance du droit international humanitaire. Les conditions historiques évoluant, les rôles de la femme dans les conflits armés évoluèrent aussi. Elle assume désormais des rôles de moins en moins traditionnels, et ces rôles sont multiples, compliqués et parfois contradictoires. Dans le cadre de cette thèse, nous proposons de prendre en compte cette nouvelle donne en rendant fidèlement compte des expériences de la femme. Ce travail se fonde sur l'évolution des règles de droit international applicables aux conflits armés, qui voient désormais, aux côtés du droit international humanitaire, l'applicabilité d'autres branches de droit international: le droit international des droits humains, le droit international pénal, le droit international du maintien de la paix.