Le droit à l’oubli et les données sensibles constituent deux notions qui ne semblent pas, à première vue, présenter des liens étroits. Cependant, la jurisprudence européenne et nationale a permis de constater que les deux notions se nourrissent mutuellement. Dans un premier temps, la CJUE, dans un souci de protection de la vie privée et des données personnelles, a soumis à la fois les données sensibles et les données relatives aux condamnations pénales à un régime de déréférencement quasiment identique. Elle a ainsi établi un lien transitif entre les deux notions et a permis aux données sensibles et aux données relatives aux condamnations pénales, qualifiées de données « à caractère sensible », d’enrichir la notion du droit à l’oubli.Par la suite, la CEDH, qui a tout récemment reconnu le droit à l’oubli en tant que droit protégé par l’article 8 de la ConvEDH, a mis en avant les données à caractère sensible et, en particulier, celles qualifiées de sensibles « par ricochet ». Celles-ci peuvent, de manière réciproque, enrichir ce droit et ainsi renforcer son effectivité et son efficacité. En conséquence, la relation entre le droit à l’oubli et les données à caractère sensible doit être requalifiée en relation essentielle et, notamment, en relation d’interdépendance. Néanmoins, l’efficacité du droit à l’oubli numérique est limitée par sa portée cantonnée par la CJUE sur le seul territoire de l’UE. Elle a été, de fait, mise en cause par la jurisprudence postérieure de la CEDH.Enfin, la relation qui unit le droit à l’oubli et les données à caractère sensible devient aussi essentielle, voire existentielle à l’ère de l’Open data, du Big data et de l’intelligence artificielle. Ce contexte invite le droit à l’oubli à faire preuve de son caractère protéiforme et, en s’appuyant sur une appréhension extensive des données à caractère sensible, assurer pleinement son efficacité, surtout dans les grands modèles de langage, sous la forme du désapprentissage automatique.