Depuis l’apparition de l’automobile, l’action du conducteur est mise en avant comme l’une des principales causes de l’insécurité routière. Or, la recherche en accidentologie montre que la conduite est une activité plus complexe qu'il n'y paraît, le conducteur n'étant qu'un opérateur final, intervenant à la jonction de composantes qu’il n'a pas toujours la capacité de maîtriser . En effet, l’accident résulte d’un dysfonctionnement dans l’interaction des éléments d’un système articulé qui comprend l’environnement routier, le véhicule et l’intervenant humain. Ainsi, il est possible de trouver, très en amont du choc, des faits ayant contribué à la mise en place de la situation accidentogène. Le conducteur doit en permanence ajuster son activité à l’environnement dans lequel il évolue et faire face à des situations conflictuelles. Pourtant, cette complexité est rarement prise en compte dans l’appréciation des faits . Lorsqu'il est question d'accident de la circulation, tout un chacun a fortement tendance à raisonner en termes de responsabilité et de faute, attribuable à tel ou tel protagoniste, notamment, celui qui se trouve en première ligne : le conducteur. Or, la notion de faute du conducteur reste une notion ambigüe dans la mesure où elle se présente d’une part comme un fait, générateur d’un dommage causé à autrui (et imputable à la conduite du sujet de droit), et d’autre part comme une qualité de ce fait, résultant de l’appréciation portée par un juge (le manquement à la norme). Ainsi, il est demandé au juge d’apprécier dans chaque cas d’espèce le caractère à risque des situations auxquelles sont confrontés les conducteurs. Les indices élaborés en accidentologie, sur la base de connaissances et de vérités de type scientifique, permettent théoriquement d’établir des constats qui reflètent la réalité des faits et aident les juges dans l’appréciation des événements soumis à leur examen. Ainsi, dans chaque cas, le risque inhérent à la circulation routière rend nécessaire une relecture fine du comportement erroné ou fautif du conducteur.Le travail présenté ici ne s’intéressera qu’accessoirement à la question de savoir si le conducteur est « fautif » ou « responsable ». Notre interrogation portera plutôt sur les moyens de faire évoluer la situation juridique du conducteur et de permettre au juge d’appréhender à la fois le pouvoir et les moyens dont le conducteur dispose potentiellement mais aussi les difficultés inhérentes à l’activité de conduite.La thèse mobilise les compétences en droit civil et en droit pénal pour dresser un bilan des textes applicables, de la doctrine, et de la jurisprudence qui aborde les questions telles que les circonstances contributives à l’accident, mettant en jeu différents facteurs. La forte évolution de l'utilisation des véhicules au cours des dernières décennies appelle la mise en œuvre de mesures juridiques ciblées qui s'appuient sur les résultats de la recherche en accidentologie, notamment celle qui analyse le comportement du conducteur en le resituant dans un système d’une grande complexité.