Jean-Pierre Poly

Professeur émérite
Histoire du droit et des institutions.
UFR de Droit et  Science politique

Centre d'Histoire et d'Anthropologie du Droit
ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Zülâl Muslu, Mutation à la Maison des Roses : Souveraineté ottomane et tribunaux mixtes de commerce dans le Long XIXème siècle, thèse soutenue en 2018 à Paris 10 présidée par Rainer Maria Kiesow, membres du jury : Sophie Démare-Lafont (Rapp.), Mathieu Soula (Rapp.), Capucine Nemo-Pekelman, Luigi Nuzzo et Michael Stolleis  

    Sous l’impulsion d’un commerce croissant, la multiplication des relations interétatiques avec l’Empire ottoman amena celui-ci à encadrer la résolution des conflits mixtes, qui se contentait jusque-là de négociations par voie diplomatique et extrajudiciaire. Le tribunal de commerce mixte (ticaret), une juridiction extraordinaire composée de juges ottomans et étrangers, fut créée à cet effet dans le cadre d’un profond mouvement de réformes sur le modèle européen (les Tanzimat), qui est communément considéré comme le processus dit de modernisation de l’Empire. S’inscrivant dans la droite lignée de la tradition de pluralisme juridique de l’Empire ottoman, le tribunal portait aussi le sceau des capitulations et des privilèges d’exterritorialité qui leur sont inhérents. Le tribunal incarnait à ce titre une grave transgression au droit de souveraineté de la Sublime Porte, offrant aux puissances un cadre institutionnel pour l’implantation d’une hypo-colonie. En mettant la question de cette modernisation à l’épreuve de l’acculturation et des transferts juridiques dans une approche globale, ce travail déconstruit les allégations de passivité orientale. Il examine comment l’appropriation d’une culture juridique -même imposée- a pu servir à l’émancipation et l’affirmation de la souveraineté d’un Etat. Car, dans sa stratégie d’imitation, le mimétisme comporte une force subversive.

    Habib Barzani, La coutume chez les Kurdes de la région de Barzan, thèse soutenue en 2018 à Paris 10 présidée par Aram Mardirossian, membres du jury : Sophie Démare-Lafont (Rapp.), Ali Dolamari, Soudabeh Moghtader-Marin et Nathalie Kálnoky    

    En l’absence d’autorité nationale, la majorité du peuple kurde a vécu selon un mode d’organisation social tribal régi par des coutumes. C’est donc en prenant les coutumes des sociétés tribales des Barzani comme exemple que nous allons montrer en quoi la coutume est le fondement de toute société tribale kurde. La confédération tribale Barzani regroupe sous son nom sept tribus (les Chérwâni, les Baroji, les Mazouri, les Dolamari, les Nazâri, les Harki-Bénagi et les Gardi) et est gérée par les cheikhs du village de Barzan, tout au nord du Kurdistan Irakien. La coutume des Barzani comprend l’ensemble des normes à la fois à l’origine des coutumes des Kurdes tribaux en général mais également les règles coutumières qui se sont développées selon l’évolution des conditions socio- économiques sous l’impact religieux des cheikhs de Barzan.Le mode de fonctionnement du pouvoir des cheikhs qui se donne pour objectif de garantir l’autonomie et la survie de la société tribale en s’appuyant sur la coutume et des principes de justice et de fraternité nous permet d’affirmer que la société tribale des Barzani peut être éventuellement comparée à un État.Parmi les Barzani le lien de parenté fondé sur la filiation patrilinéaire joue un rôle principal dans la vie sociale. La lignée avec à sa tête un chef est le segment le plus important dans un village et correspond à une unité du groupe agnatique composé de plusieurs familles. Au sein d’une lignée, les Barbes blanches, de par leur sagesse et leur grande connaissance des règles coutumières, sont respectées. Au sein de la famille de nature patriarcale, le père avait un pouvoir absolu sur les membres et les biens de sa famille. Une femme devait obéir à son mari, en respecter le prestige et la renommée notamment en faisant de l’hospitalité une valeur de la famille. De plus, la fidélité d’une femme envers son mari et la pureté des filles représentaient l’honneur de la famille.

    Xhyher Mecorrapaj - Cani, Le canon de Scanderbeg au coeur du coutumier albanais, thèse soutenue en 2011 à Paris 10 présidée par Aram Mardirossian, membres du jury : Sophie Démare-Lafont (Rapp.), Laurent Aynès et Nathalie Kálnoky    

    Le Canon de Scanderbeg n'est libellé ni proclamé par aucun organe législatif ou exécutif de l'État, il n'est décrété par aucun monarque et n'est imposé par aucun envahisseur : le droit coutumier est né de la nécessité de régler la vie des communautés rurales sur le plan judiciaire en l’absence de lois.Un rôle important y est accordé aux Anciens dans la gestion de la vie de la communauté rurale. Jusqu’à la création de l'État albanais, les us et les coutumes ont fonctionné comme des organes régissant les rapports entre personnes, entre membres d’une famille, d’une tribu, d’une région et entre les régions.Au fil du temps, ils sont devenus des normes, donnant naissance au droit coutumier albanais. L'évolution du droit coutumier non écrit s'est reflétée au cours des siècles dans les normes coutumières.Le Canon de Scanderbeg est conçu comme une unité organique comportant des éléments convergents et divergents avec les autres Canons. Cette diversité y a été représentée en une mosaïque de nuances définies en termes spécifiques.Le coutumier de Scanderbeg est riche en normes qui embrassent plusieurs aspects de la vie du peuple ; leur diversité témoigne de l'ancienneté de son usage.Bien qu’il offre l’aspect d’une unité organique indépendante, le Coutumier de Scanderbeg, au même titre que les autres coutumiers du peuple albanais, se rattache d'une part à une plus grande unité et d'autre part se subdivise à son tour en plusieurs subdivisions plus petites.Il confirme l’idée que les différents coutumiers du peuple albanais ont un grand nombre de points de contact entre eux ; cela justifie la thèse de l'existence d'un patrimoine commun comme une unité plus haute, que l'on peut appeler le droit coutumier du peuple albanais.Le Canon de Scanderbeg est donc considéré comme un corpus juris appliqué jusqu'à une période récente dans les régions placées sous la domination des Kastriotes, en particulier les régions de Mat, Krujë, Dibër, Kurbnesh, Bendë, Tamadhë et Martanesh.Le Canon de Scanderbeg comprend 225 pages ; il est reparti en 7 parties, 33 chapitres, 241 articles et 3534 paragraphes. Cette œuvre traite de l'organisation de la vie en famille, des droits et des devoirs de ses membres, des règles concernant le domicile et le patrimoine, du droit au patrimoine et à l'héritage, de la division de la famille, de la vente et l'achat d'une maison, des institutions de l'hospitalité et de la parole donnée, de l'organisation et de la cohabitation au niveau du voisinage et au niveau régional.Elle évoque aussi la hiérarchie et le fonctionnement de la vie au sein de la famille, de la tribu, du village, de la bannière, de la région, ainsi que des droits et des devoirs de l'individu et de la collectivité. Les normes coutumières de la vendetta, de la justice privée, des institutions, des garanties, du serment et de la réconciliation font l’objet de chapitres particuliers. On y trouve aussi des normes qui définissent la position des institutions religieuses, de l'église et de la mosquée.

    Frédéric Constant, Le droit mongol dans l’état impérial sino-mandchou (1644-1911) , thèse soutenue en 2007 à Paris 10  

    L’empire sino-mandchou des Qing (1644-1911) étendit sa souveraineté à l’ensemble des peuples mongols, dépassant ainsi de loin les limites traditionnelles des empires chinois. Parmi les problèmes que posa l’administration de ces peuples, ce travail s’intéresse plus particulièrement à celui de l’autonomie juridique accordée par les Qing aux Mongols et à ses limites. Une législation spéciale aux Mongols fut en effet promulguée à côté du Code pénal des Qing, reprenant de nombreuses caractéristiques du droit mongol. L’administration sino-mandchoue garda néanmoins la maîtrise du processus menant à l’élaboration de ce droit. L’évolution subie par cette législation souligne aussi l’importance des transferts juridiques opérés du droit chinois vers le droit mongol. Un système de révision des affaires jugées par les tribunaux mongols permettait en outre d’assurer l’unité du droit et le respect par la noblesse mongol du droit impérial. Les juges mongols gardaient néanmoins toute leur autonomie pour les affaires non soumises à révision, c’est-à-dire celles pour lesquelles la peine prononcée était légère ainsi que dans les procès touchant à la matière civile. C’est au sein de ce domaine que la noblesse disposait encore d’une véritable autonomie et d’un pouvoir d’interprétation des normes impériales. La dernière partie de ce travail consiste en une traduction des principales lois pénales applicables aux Mongols.

    Soudabeh Moghtader-Marin, Vérité et jugement , thèse soutenue en 2006 à Paris 10 en co-direction avec James Winston Morris  

    Ostad Elahi est né en Perse en 1895 dans la province de Kermanshah. Héritier de la tradition mystique kurdo-persane Ahl-e Haqq, Ostad Elahi se consacre dans un premier temps à l'ascèse et à la contemplation avant d'entrer dans la vie active et de se consacrer à la magistrature. Ostad Elahi s'insère dans la vaste entreprise de réformes poursuivie par Reza Shah et visant à moderniser et à centraliser l'ensemble des institutions du pays, notamment celle de la justice. Il rejoint le nouveau Ministère de la Justice, structuré à la française et qui vient de retirer officiellement aux juges religieux l'essentiel de leurs fonctions judiciaires et notariales. Ostad Elahi débute sa carrière en tant que juge de paix en 1934 et termine son parcours, à l'issue d'une trentaine d'années passées au sein des juridictions des différentes régions de l'Iran, en tant que Président de la Cour d'appel et de la Cour d'assises de la province du Mazandaran. Il aura exercé ses fonctions, durant cette période, tantôt au parquet comme procureur général tantôt au siège et aura appliqué un droit mixte, mélange du droit imamite et des divers Codes Napoléon. Parallèlement à sa carrière de juge, Ostad Elahi, en tant que philosophe, a poursuivi ses recherches notamment dans le domaine de la métaphysique, de l'éthique et de la philosophie du droit ; sa pensée reflète de façon intéressante les éléments de la tradition gréco-islamique et une appréhension du droit dégagée d'une vision littéraliste.

    Aram Mardirossian, Le livre des canons arméniens (Kanonagirk Hayoc) , thèse soutenue en 2002 à Paris 10 en co-direction avec Jean-Pierre Mahé  

    Pays de droit coutumier, le royaume de Grande Arménie adopte le christianisme comme religion officielle au début du IVe siècle. Cette conversion a des conséquences juridiques: à côté de la loi orale apparaît une nouvelle catégorie de normes, le droit canonique qui est écrit. Ces nouvelles normes ne se substituent pas aux anciennes; on assiste plutôt à une sorte de répartition entre les canons, limités à la sphère religiieuse et le droit coutumier qui garde un caractère plus général. Cette évolution s'accélère après l'invention de l'alphabet arménien vers l'an 400. Le synode de Sahapivan réuni en 444 édicte pour la première fois une législation canonique réellement adaptée au pays. Celle-ci reprend les canons d'origine gréco-syriaque déjà présents en Arménie qu'elle complète par une série de canons qui présentent sur plusieurs points un caractère révolutionnaire par rapport à la société arménienne fondée sur le dynasticisme, c'est-à-dire un type de structure politique qui occupe une place intermédiaire entre une société clanique et un État centralisé. Le corpus établi à Sahapivan est interpolé et augmenté au début du vue s. Par le célèbre docteur julianiste Yovhannés Mayragomec i, chef de la frange de l'Église arménienne radicalement opposée au concile de Chalcédoine (451), que celle-ci avait rejeté en 552/553. Ce nouveau recueil qui n'a pas un caractère officiel insiste sur les origines apostolique et orthodoxe du droit canonique arménien, mais sur le fond, il trahit fréquemment la doctrine ultra-monophysite de son auteur. Au début du Mlle s. , le catholicos Yovhannés Awjnec'i met fin à la pluralité confessionnelle qui existait jusqu'alors dans le pays pour imposer une doctrine anti-chalcédonienne modérée avec l'appui du Califat arabe destiné à prévenir toute intrusion des Byzantins. Dans le cadre de cette politique, le catholicos procède à une normalisation juridique qui se concrétise par la promulgation officielle du Livre des canons. Ce dernier reprend le corpus de Sahapivan et la partie des canons du vue s. Qui ne trahissent pas une coloration trop nettement monophysite. Le Livre des canons restera dans l'histoire comme l'oeuvre juridique majeure de l'Église arménienne.

    Nathalie Kálnoky, Les constitutions et privilèges de la Noble Nation Sicule , thèse soutenue en 2002 à Paris 10  

    Dans la plupart des sociétés modernes, et même anciennes, les formes d'appropriation sont au coeur des rapports sociaux et politiques; et l'histoire du droit et des institutions polotiques ne peut se passer d'étudier les formes historiques de leur expression juridique. En Hongrie, au XIIIe siècle, les Sicules - communauté mentionnée à partir du XIe siècle et dont l'origine reste un sujet de débats - se sont vu octroyer un territoire (Terra Siculorum, Székelyföld), à la frontière orientale du royaume. Ces terres ont été données par la royauté à la communauté dans son ensemble en échange d'un service armé de garde-frontière. L'application du droit coutumier sicule, fondé sur une structure clanique militaro-judiciaire - vraisemblablement multi-ethnique - est reconnue et confirmée par la royauté hongroise. . .

    Christophe Archan, Les chemins du jugement , thèse soutenue en 2001 à Paris 10  

    L'étude de la procédure dans l'ancienne Irlande ne peut être dissociée de celle des textes de droit des VII' et VIIIe siècles. Ces derniers résultent du mélange de la tradition vernaculaire et de l'influence latine que l'Irlande a connu à partir du Ve siècle. Ceux qui les couchèrent par écrit et qui les utilisèrent étaient de véritables professionnels du droit - poètes, juges ou avocats - dont la profession était organisée et hiérarchisée. La formation qu'ils suivaient, se déroulait dans des écoles de droit, où la grammaire latine était aussi enseignée. La production de ces écoles illustre le phénomène d'acculturation qu'a connu l'Irlande à cette époque. Le texte de procédure appelé `les Cinq chemins du jugement' en est le parfait témoignage. Les affaires y sont réparties en cinq groupes d'après leur nature et certaines classifications rappellent les auteurs latins. Notre étude a pour but de décrire le déroulement du procès et de constater dans quelle mesure la culture latine a pu pénétrer une discipline si traditionnelle. Ce travail s'achève par l'édition et la traduction du texte en vieil irlandais qui est le plus riche en la matière: `les Cinq chemins du jugement'.

    Frantz Pellaton, Pouvoir et société chez les saxons d'Auguste à Charlemagne, thèse soutenue en 1994 à Paris 10  

    La thèse s'attache à retracer les contours de l'évolution politique du stamm germanique des vieux-saxons jusqu'à sa soumission par charlemagne. La source principalement étudiée est l'origo saxonne. Apres que les deux premiers chapitres restituent les étapes de la recherche allemande sur ce sujet. L'origo est abordée à partir de deux "moments institutionnels": la conquête du royaume thuringien examinée a partir des sources franques; l'ethnogenèse envisage a la lumière des sources antiques. Les deux derniers chapitres tentent de restituer les structures politiques et sociales du stamm et conduisent a distinguer une première période pendant laquelle les saxons étaient constitues en royauté d'une seconde période durant laquelle la société saxonne se transforme en "confédération tribale". Cette évolution institutionnelle pourrait s'expliquer par l'épisode d'une domination anglo-danoise au cinquième siècle qui aboutit à l'abolition de la royauté et au départ de la noblesse. L'examen des sources franques semble confirmer que les standes constituent une introduction carolingienne. L'étude des mécanismes institutionnels de la confédération laisse apparaitre celle-ci comme une version républicaine de la royauté.

    Soazick Kerneis, Les armées de l'Ile de Bretagne , thèse soutenue en 1991 à Paris 10  

    L'objet de cette thèse est de prouver l'établissement de prisonniers de guerre bretons dans l'empire romain. Pour cela, je commence par étudier le limes, cette marge de l'empire ou avait été installé un groupe social marginal : les déditices, l'exception de l'édit de Caracalla. On a depuis longtemps souligné que l'édification du limes correspondait à un choix stratégique. Rome renonçait à une politique d'expansion systématique. Cette mutation des procédés de défense de l'empire permettait seule de comprendre l'installation des prisonniers de guerre sur le sol de l'empire ; une installation que j'estime plus précoce et à terme beaucoup plus massive qu'on ne l'estime généralement. J'ai consacré une part importante de ma recherche à décrire le processus d'acculturation dans toute sa complexité et j'ai reconstitué ce qu'étaient les cadres juridiques et administratifs de l'établissement des deditices aux frontières. J'ai ensuite montré que chacun des règnes des empereurs du bas empire reprenait finalement la même politique mais de façon plus ou moins audacieuse : la seule variante qui semble possible est le choix entre une politique qui accepte la fusion - ou qui l'exploite - et une politique qui organise les rivalités ethniques.

  • Payam Ahmadi Rouzbahani, Les interactions du droit romain et du droit musulman : l'exemple du droit des obligations, thèse soutenue en 2021 à Paris 2 sous la direction de Georges Khairallah et Emmanuelle Chevreau, membres du jury : Mohammed Hocine Benkheira (Rapp.), Yves-Marie Laithier et Sophie Démare-Lafont    

    La question du rôle du droit romain sur le développement du droit musulman invite à une étude historique des éléments qui ont évolué vers la constitution du droit musulman. Cette recherche historique qui utilise une méthode comparative, aborde plusieurs questions concernant la diffusion et la transplantation de la normativité. Le droit musulman est apparu à partir du VIIe siècle dans un environnement juridique proche-oriental qui disposait d’un ordre coutumier bien établi. La forme développée du droit musulman est représentative d’un grand pluralisme juridique, issu de la coexistence des différentes traditions. Cependant, les sources ne montrent pas la contribution directe des institutions du droit romain impérial dans le développement du droit musulman. En revanche, le droit musulman a pu absorber certaines institutions des systèmes juridiques voisins, dont le droit romain, par les diffusions et les transplantations indirectes. Cela explique le fait que le droit musulman reste comparable avec le droit romain sur le plan structurel et fonctionnel du droit matériel, par exemple dans certains aspects du droit des obligations. Ces ressemblances concernent les caractéristiques du droit romain dans sa phase préclassique et classique, plutôt que dans sa phase postclassique ; cela confirme que les éléments romains entrés dans le droit musulman se sont limités aux éléments diffusés par le biais du droit proche-oriental dans l’ordre normatif coutumier des Arabes préislamiques, servant comme la base du nouvel ordre juridique après l’avènement de l’Islam. Le droit musulman dans sa forme définitive reste cependant le résultat de l’effort intellectuel des juristes musulmans.

    Francesca Nebiolo, Nîš ilim zakârum . Prêter serment à l’époque paléo-babylonienne : étude comparative des serments mésopotamiens du début du IIe millénaire av. J.-C., entre grammaire et société, thèse soutenue en 2018 à Paris Sciences et Lettres ComUE sous la direction de Dominique Charpin présidée par Sophie Démare-Lafont, membres du jury : Nele Ziegler (Rapp.), Maria Giovanna Biga  

    Prêter serment est un acte humain propre à toutes les sociétés historiques. Sur cette base, ce travail doctoral dédié au serment à l’époque paléo-babylonienne (2002-1595 av. J.-C.) vise à analyser les aspects grammaticaux, religieux et sociaux qui le constituent. Grâce à une étude détaillée d’un corpus hétérogène qui couvre l’ensemble des villes mésopotamiennes de cette époque, on établit les composants des formules du serment, on suit leur évolution dans le temps et on observe les particularismes régionaux détectés. Établir la structure grammaticale du serment permet ainsi de mieux le définir en tant qu’acte religieux qui agit sur la société. Le serment se révèle être le point de conjonction entre religion, justice et pouvoir royal. Dans ces trois domaines, il est utilisé de manière constante afin de garder intact un équilibre entre les relations humaines, autant à l’intérieur des différents royaumes qu’au niveau international. Cette étude philologique et historique des sources analyse le serment paléo-babylonien comme miroir d’une société remarquable par sa complexité.

    Hélène Mounier, Tu rendras tes serments au Seigneur : Une histoire politico-religieuse du serment. XVIe-XVIIIe siècle, thèse soutenue en 2012 à Montpellier 1 sous la direction de Jean-Marie Carbasse, membres du jury : Laurent Reverso (Rapp.), Yves Mausen    

    Le serment constitue un instrument privilégié pour étalonner la prégnance du domaine religieux alliée à l'instabilité du contexte politique qui caractérise la période Moderne (XVIe-XVIIIe). Il apparaît ainsi que les époques particulièrement troublées que représentent les guerres de religion puis la Révolution française connaissent un emploi permanent du serment destiné prioritairement à renforcer la solidité des liens et des accords. L'utilisation de l'institution connaît une évolution sans précédent dès les guerres de religion, mettant ainsi en lumière la nécessité d'exprimer une adhésion idéologique au côté de la traditionnelle garantie de fidélité. Durant cette période douloureuse et tout particulièrement son épilogue, le serment dessine une unité nationale désormais articulée prioritairement autour du lien politique, la dimension religieuse, bien que demeurant fondamentale, passant alors au second plan. La Révolution quant à elle, constitue l'âge d'or du serment d'adhésion, qui permet à « l'homme nouveau » d'apporter la sacralité indispensable à la régénération à une société qu'il veut déchristianisée. Au cours de cette période, le serment joue un rôle d'exclusion tout en servant de fondement à la répression révolutionnaire. Surtout, l'institution recèle des effets destructeurs, même lorsqu'elle est censée constituer l'outil créateur de la nouvelle Cité. Le recours au serment durant les périodes considérées met donc en lumière une construction de l'Etat Moderne par une sacralisation de la politique. Toutefois, l'essence même de l'institution résidant dans ses racines religieuses, un serment laïc ou servant de fondement à une société strictement laïque ne saurait exister sous peine de devenir vide de sens ou de se muer en une simple promesse.

  • Etienne Lamarche, Les usages du droit dans les communautés utopiques aux Etats-Unis (1843-1878), thèse soutenue en 2022 à Paris 10 sous la direction de Emmanuel Dockès et Anne-Sophie Chambost présidée par Thomas Bouchet, membres du jury : Jérôme Henning (Rapp.), Annamaria Monti (Rapp.), Charlotte Girard      

    Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les doctrines socialistes — parfois qualifiées d’utopiques — d’Étienne Cabet (1788-1856) et de Charles Fourier (1772-1837) font l’objet d’applications au sein de communautés intentionnelles. Celles-ci, situées pour la plupart aux États-Unis d’Amérique, doivent remplir deux missions. La première est de réaliser, dans un cadre d’abord restreint, les systèmes d’organisation sociale prônés par ces auteurs et de permettre à ceux le désirant de vivre en socialistes. Le second est de prouver aux yeux de tous la faisabilité et le caractère désirable de ces systèmes, première étape d’une stratégie de réalisation mondiale basée sur la libre adoption généralisée de ces doctrines. Cette thèse s’appuie sur un échantillon de quatre de ces communautés afin d’étudier ces expériences au prisme du droit, cœur de la stratégie réalisatrice des fouriéristes et des icariens. Ces derniers fondent en effet le caractère socialiste de leurs communautés par d’importantes législations internes, développant autant d’ordres juridiques alternatifs à celui de l’État. Mais pour cela, et afin de bénéficier de la tolérance et de la reconnaissance des institutions étasuniennes, ils respectent et utilisent le droit étatique. Ils espèrent ainsi faire émerger une alternative à l’ordre juridique étasunien, première pierre d’un mouvement de transformation du droit et de l’État, de manière légale.

    Dominique Messineo, La Jeunesse irrégulière (1830-1912), thèse soutenue en 2010 à Paris 10 sous la direction de Jean-Pierre Baud présidée par Christian Bruschi, membres du jury : Marie-Sylvie Dupont-Bouchat (Rapp.), Corinne Leveleux-Teixeira et Laura Lee Downs    

    La thèse se propose de revenir sur les traces de l’histoire de l’éducation correctionnelle et sur celles de la jeunesse coupable, malheureuse et irrégulière. Comprise entre 1830 et 1912, cette étude s’attache à montrer comment à partir de l’émergence de la question sociale et de la réforme pénitentiaire et jusqu’au vote de la loi sur les tribunaux pour enfants et adolescents, des dispositifs contraignants de correction, de rééducation et d’assistance à l’égard des mineurs de seize ans ont été justifiés, mis en place et ont fonctionnés. En marge des écrits historiques déjà nombreux sur la question, la thèse entend s’illustrer par la volonté de décrire et d’expliquer les rouages juridiques et administratifs au coeur du système spécifique de répression des infractions de la jeunesse irrégulière.Ce faisant, elle envisage l’éducation correctionnelle comme un cas limite de la répression préfigurant l’évolution du droit pénal vers un système de défense sociale et de prévention des comportements irréguliers porteurs de désordre, de troubles et d’une délinquance d’habitude. Héritière des anciennes mesures de police propres au pouvoir royal, l’éducation correctionnelle dérive, à mesure qu’elle se confronte à une population d’enfants urbains, misérables et pitoyables (I), vers un système individualisé de surveillance et de bienveillance qui forme à partir du foisonnement des sciences sociales de la fin du XIXe siècle les savoirs, les discours et les pratiques administratives et judiciaires permettant d’agir efficacement à l’encontre d’une jeunesse socialement inadaptée. L’ancien Code pénal qui retenait par le fil de la responsabilité morale les mineurs de seize ans est progressivement amendé par une série de lois civiles et pénales ainsi que par des pratiques administratives qui ont pour but de rejeter le jeune enfant ou adolescent hors des sanctions du droit pénal tout en le maintenant dans l’auréole d’un nouveau pouvoir répressif fondé sur un juridisme pénal qui s’ignore (II)

    Auguste Batina-Mafinka, Le code de la famille congolais , thèse soutenue en 1991 à Paris 10 sous la direction de Alain Bénabent  

    Par la loi no 073/84 du 17-10-84, le Congo s'est doté d'un code dit "code de la famille" comportant quinze titres dont celui du mariage ayant fait l'objet de nos travaux. Le législateur congolais a-t-il fait table rase des coutumes ? A-t-il tenté leur brassage avec le droit français en vigueur jusque-là ou a-t-il simplement consacré ce dernier pour élaborer ce code ? La célébration du mariage légal est précédée du pré-mariage, nouvelle institution qui n'est ni un mariage à l'essai, ni les fiançailles, mais qui est en fait le mariage coutumier "modernisé". Les conditions de fond, de forme et les effets du mariage, les causes, la procédure et les effets du divorce ainsi que la séparation de corps sont fortement inspirés du droit français, avec quelques nuances mineures ici et là. Un titre est consacré au veuvage. La polygamie est reconnue sans être règlementée ; la monogamie est le régime de droit commun. La "dot" est maladroitement règlementée ; son taux ne peut dépasser 50 000 francs CFA. En conclusion, nous relevons que le législateur congolais a célébré un mariage de raison entre le droit français et le droit traditionnel congolais, avec une prédominance manifeste du premier.