Géraldine Muhlmann

Professeur
Science politique.
Université Paris Panthéon-Assas

Centre d'Études et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques
  • THESE

    Le regard du journaliste en démocratie : conditions et enjeux de 1880 à nos jours, soutenue en 2001 à Paris 7 sous la direction de Miguel Abensour 

  • Géraldine Muhlmann, Pour les faits, Les Belles Lettres et Cyberlibris, 2023, 158 p.  

    Nous n’arrivons même plus à nous mettre d’accord sur les faits. Il y aurait des faits « CNews » ou « Fox News », et des faits « médias mainstream » ou « politiquement corrects ». L’échange public des opinions est miné par cette conviction : À chacun ses faits. Vraiment ? Le travail de recueil de « faits », par une subjectivité soucieuse de les transmettre à d’autres subjectivités, ne renverrait à aucune histoire riche de sens ? Sait-on seulement tout ce qu’a apporté, sur ce sujet, la naissance du journalisme moderne dans la deuxième moitié du XIXe siècle ? La notion de « fait » est cruciale pour notre vie collective. Y renoncer, à l’heure où menace, déjà, le « deep fake » rendu possible par l’intelligence artificielle, c’est accélérer, la virtualisation du monde. Celle-ci est en cours. Il ne faut pas s’y résoudre.

    Géraldine Muhlmann, L'imposture du théologico-politique, Les Belles lettres et Cyberlibris, 2022, 447 p.  

    Le « théologico-politique », c’est l’idée selon laquelle au « fond » des choses politiques, il y a toujours quelque chose de religieux : quelque chose ayant à voir avec notre rapport au sacré. Même à l’heure où la politique moderne s’est « sécularisée » (séparée des pouvoirs religieux) et où les références religieuses, parfois présentes en elle, ont infiniment moins de poids que par le passé, la pensée théologico-politique est formelle : le fond de l’affaire serait encore et toujours « religieux ». Depuis une trentaine d’années, le théologico-politique est en plein triomphe dans la philosophie contemporaine. Très au-delà de la mode « Carl Schmitt », c’est une vague qui passe par Giorgio Agamben, Charles Taylor, le dernier Jürgen Habermas, le dernier Richard Rorty… et qui fait revivre, aussi, certaines œuvres du passé : celles de Jacob Taubes et d’Eric Voegelin, ou certains écrits de Karl Jaspers. Toute une myriade d’auteurs contemporains la nourrit (Gianni Vattimo, Marcel Gauchet, Luc Ferry…), non sans échos à un air du temps général (dont témoigne, par exemple, le succès des thèses de René Girard). Alors que l’histoire politique moderne avait fini par accomplir le désir de Spinoza d’une rupture avec le théologique – désir formulé dans son Traité théologico-politique de 1670 –, voilà que le théologique est à nouveau présenté comme le secret caché du politique. Et c’est d’autant plus troublant que les années 1960 et 1970 avaient énergiquement combattu la tentation d’affirmer, dans les choses politiques, une détermination « en dernier ressort », de quelque nature que ce soit. Le théologico-politique, aussi « renouvelé » soit-il aujourd’hui, est une imposture. Une démesure de la pensée, qui force les réalités politiques pour imposer sa « thèse ». Et ce triomphe parle non des choses politiques, mais de la philosophie. De ses désirs à elle, rarement tout à fait éteints, d’atteindre une toute-puissance théorique, c’est-à-dire un savoir total sur l’histoire : sur sa direction, sur sa véritable « ressource », sur son prétendu « fond ». Voilà ce que montre ce livre. Mais il propose aussi une enquête : pourquoi cette quête de toute-puissance théorique a-t-elle resurgi, à ce moment-là de notre histoire philosophique et de notre histoire tout court ?

    Géraldine Muhlmann, Olivier Duhamel, Éric Thiers, Marc Guillaume, Claire Zalc [et alii], La Ve République: nouveaux regards, Seuil, 2018, 224 p. 

    Géraldine Muhlmann, Du journalisme en démocratie: essai, Éditions Payot & Rivages, 2017, Critique de la politique Payot, 347 p. 

    Géraldine Muhlmann, Emmanuel Decaux, Élisabeth Zoller, La liberté d'expression, Dalloz, 2015, À savoir, 308 p.   

    Géraldine Muhlmann (dir.), Histoire des idées politiques, Presses universitaires de France, 2012, Quadrige ( Manuels ), 818 p. 

    Géraldine Muhlmann, Anne Kupiec, Étienne Tassin, Martine Leibovici (dir.), Hannah Arendt abroad: lectures du monde, Ed. Kimé, 2008, 266 p. 

    Géraldine Muhlmann, Une histoire politique du journalisme: XIXe-XXe siècle, Points, 2007, Points, 488 p. 

    Géraldine Muhlmann, Du journalisme en démocratie: essai, Éd. Payot & Rivages, 2006, Petite bibliothèque Payot, 445 p. 

    Géraldine Muhlmann, Une histoire politique du journalisme: XIXe-XXe siècle, Presses universitaires de France, 2004, Partage du savoir, 247 p. 

    Géraldine Muhlmann, Miguel Abensour (dir.), L'École de Francfort: la Théorie critique entre philosophie et sociologie, Éditions Kimé, 2002, 436 p. 

  • Géraldine Muhlmann, Claire Zalc, « La laïcité, de la IIIe à la Ve République », Pouvoirs - Revue française d’études constitutionnelles et politiques, Le Seuil, 2008, n°3 

  • Géraldine Muhlmann, « Etats, droit et religions », le 21 mars 2024  

    Colloque organisé par le Centre de droit public comparé (CDPC), Université Paris Panthéon-Assas

    Géraldine Muhlmann, « Les institutions politiques dans l’Italie de Giorgia Meloni : permanences et mutations », le 26 janvier 2024  

    Colloque organisé par l’Institut de droit comparé (IDC) - Université Paris Panthéon Assas.

    Géraldine Muhlmann, « La Constitution », le 07 novembre 2023 

    Géraldine Muhlmann, « Science versus théologie ? », le 20 avril 2023  

    Organisée par le CPJP, Faculté de droit, CY Cergy Paris Université

    Géraldine Muhlmann, « Séminaire général 2023 de l'Institut Michel Villey », le 02 février 2023  

    Séminaire organisé et coordonné par Elodie Djordjevic et Quentin Epron

    Géraldine Muhlmann, « L’usage des sondages », le 24 février 2022  

    Organisée à l’Institut catholique de Paris (FASSE) sous la direction de Marie-Caroline Arreto et Jérôme Sainte-Marie

    Géraldine Muhlmann, « La déclaration universelle des droits de l’homme 70 ans après : les fondements des droits de l’homme au défi des nouvelles technologies », le 13 décembre 2018  

    Colloque 2018 du C.R.D.H.

ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Lucie Fortin, Une autre mélancolie , thèse en cours depuis 2022 en co-direction avec Isabelle Alfandary  

    Au premier abord, la notion de mélancolie et son évolution au cours de son histoire analytique portent le soupçon de l’inaction, de l’isolement et du renfermement, du découragement et du désœuvrement. Elles semblent en ce sens éloignées de toute considération politique. Dans la première moitié du XXIe siècle avec la publication de Auguste Blanqui, Libérer l’enfermé et Les passages Blanqui : Walter Benjamin entre mélancolie et révolution, Miguel Abensour affirme la force politique de la mélancolie. Elle porterait la possibilité de son renouveau, de l’écart utopique, de l’émancipation et de l’espoir démocratique. Inspirée par cet auteur, la thèse reprendra cependant l’idée suivante : en lisant Walter Benjamin, Miguel Abensour n’a pas épuisé l’ensemble des forces politiques de la mélancolie. La question de la communauté et du sens commun y reste entière. Ce travail cherchera ainsi à répondre aux interrogations suivantes : comment manier la mélancolie afin que la politique n’y soit pas un domaine de pensées isolées ? Comment les pluralités mélancoliques peuvent-elles s’exhausser en communauté ? Qu’est-ce qu’un engagement commun pour les individus que la mélancolie séparent et dispersent ? Quel projet commun la mélancolie peut-elle porter pour l’avenir ? En s’appuyant sur les auteurs romantiques, exprimant la perte de la « vision indivise » (Albert Béguin) et le sentiment diffus de la séparation, ainsi que sur les textes de Freud, Nietzsche, Benjamin et Derrida, ce projet vise à ouvrir et renouveler les définitions de la mélancolie, afin de repenser dans leurs sillages l’exigence personnelle et le sens commun au sein des démocraties contemporaines.

    Tom Husson, La haine dans l'espace numérique français, thèse en cours depuis 2022  

    La haine peut-être partiellement définie comme volonté de destruction d'un objet jugé comme menaçant notre existence, qu'il s'agit de mettre à grande distance ou de détruire. Un tel niveau d'aversion présente nécessairement un danger pour la vie en commun, que ce soit à l'échelle du voisinage ou d'une nation. Dès lors, l'affect de haine comporte par définition une menace pour l'équilibre social démocratique. L'une des questions centrales de ce travail sera de se demander : si la haine semble aujourd'hui omniprésente, savons-nous la reconnaître ? La haine reste encore une notion fourre-tout, un sentiment sombre qui paralyse et empêche d'être pensé. Nous avons donc tendance à rejeter les discours de haine dans l'irrationnel ou le pathologique. Or pas prendre le temps de comprendre les sources des actions et paroles haineuses est selon moi un risque politique majeur. Je souhaite donc analyser et mettre en question la manière dont les organes politico-juridiques se proposent de réguler et d'endiguer la présence de haine dans l'espace public, et plus particulièrement sur les réseaux sociaux. La propagation et la prolifération de haine dans les espaces numériques nécessite des réflexions autour de la définition des discours de haine, sur la liberté d'expression, et sur la propension destructive sous-jacente à toute société humaine. Cette recherche à pour objectif de comprendre ce que change la numérisation de nos échanges dans la configuration de la haine aujourd'hui.

    Gervais Ngovon, La justice pénale et la construction de l’État de droit en Centrafrique, thèse soutenue en 2019 à Paris 2, membres du jury : Dominique Darbon (Rapp.), Jean-Pierre Olivier de Sardan (Rapp.), Olivier Jouanjan et Renée Koering-Joulin  

    Le fonctionnement réel de la justice pénale en Afrique suscite peu l’intérêt des chercheurs en sciences sociales. Des juristes s’y consacrent certes mais ne l’étudient que sous le prisme réducteur de l’exégèse juridique classique ou de l’analyse normative. Les études sur son fonctionnement routinier, sur ses rapports avec les usagers ainsi qu’avec la construction de l’État de droit restent rares. Séminaires ou conférences ne soulignent que l’épineux problème de l’indépendance de la magistrature ou la question de l’accessibilité de la justice au plus grand nombre. Institution pourtant par excellence, la justice pénale est un instrument crucial dans la construction de l’État de droit. Par les multiples interactions qu’elle entretient avec son environnement social et politique, elle a vocation à diffuser et à défendre les valeurs d’un État soucieux des droits et des libertés. La présente thèse s’attache à analyser la justice pénale en Centrafrique, dans la perspective de l’édification de l’État de droit, en orientant le regard d’une part vers les acteurs du système judiciaire, leurs stratégies individuelles et collectives ainsi que leurs rapports au système politique, et, d’autre part, vers la société à travers les relations quotidiennes que les acteurs du système judiciaire entretiennent avec les usagers.

    Benjamin Torterat, Le mythe entre émancipation et domination., thèse en cours depuis 2017  

    Le travail se consacre à une étude du mythe, dans ses acceptions historiques, philosophiques, anthropologiques et esthétiques, avec pour question centrale : le mythe est-il réductible à la domination ? Il s'agit dans un premier temps, de comprendre pourquoi et comment le mythe est devenu synonyme de domination. Nous faisons donc d'abord une étude du fascisme et de ses mythes mais aussi du capitalisme et de ses mythes. Le mythe ici, c'est "le temps de l'ordre". Dans un second temps nous déplacerons le regard grâce aux travaux de Lévi-Strauss, Clastres et Castoriadis. Dans cette seconde histoire, nous voulons montrer que le mythe est aussi "le temps de la création et de la pensée sauvage". Nous identifions plusieurs mythes qui attestent de la création d'un "espace de liberté et d'altérité". Enfin, nous montrerons que derrière la question du mythe se trouve celle du rêve et du sommeil, longtemps négligée sauf par les surréalistes. Le rêve semble pouvoir ouvrir le mythe, être source de chaleur commune, de refuge, de révolte contre l'oppression et de merveilleux.

    Christian Ferrié, La politique entre réforme et révolution : le sens de la position kantienne, thèse soutenue en 2012 à Paris 2, membres du jury : Miguel Abensour, Claude Gautier, Bertrand Guillarme et Gérard Raulet  

    La pensée politique moderne a admis la dichotomie entre réforme et révolution. Le réformisme en a fait un principe qui domine actuellement les esprits. Mais la politique n’est-elle pas irrémédiablement partagée entre révolution et réforme ? La politique de Kant constitue un paradigme idéal pour poser le problème du rapport entre réforme et révolution. A l’initiative de Burke, l’opposition moderne entre réforme et révolution se forme à cette époque en réaction aux révolutions en Europe. Kant accepte bien l’opposition entre la réforme entreprise par le souverain et la révolution accomplie par le peuple. Mais sa sympathie bien connue pour la Révolution française l’amène à élaborer une politique pragmatique qui prend en compte les conditions historico-politiques de l’application des principes républicains défendus par la Révolution. Animé par un esprit révolutionnaire, le réformisme kantien entend réussir le processus politique de la républicanisation par le moyen de la réforme, tout en rendant justice à la nécessité du processus naturel de la révolution qui réagit à l’oppression de la liberté. Selon le philosophe de la Révolution, la réforme (révolutionnaire) accomplit la révolution. Pour le montrer, il faut réinscrire la politique de Kant dans son temps. La partie I en précise le contexte historique et sémantique : la réfutation kantienne du droit de rébellion est dirigée contre les monarchomaques ; l’articulation kantienne de la réforme à la révolution s’inscrit dans la lignée du consensus entre réforme et révolution mise en place par les Lumières. La partie II retrace la mise en place de la dichotomie « réformiste » entre réforme et révolution par les burkiens allemands : ils opposent à la violence destructrice de la Révolution l’option d’une réforme conservatrice qui se contente d’améliorer ponctuellement les institutions monarchiques. Kant, en revanche, se révèle être le théoricien secret d’une réforme révolutionnaire qui bouleverse le système monarchique de fond en comble : pour le montrer, la partie III décrypte l’esprit révolutionnaire de sa politique.

  • Doris Parra Salas, Des sociétés closes aux sociétés ouvertes : les enjeux de l´État du XXIème siècle, thèse soutenue en 2023 à Paris Est sous la direction de Patrick Savidan, membres du jury : Serge Audier (Rapp.), Camille Riquier (Rapp.)    

    Prenant comme point de départ la distinction proposée par Henri Bergson entre sociétés ouvertes et sociétés closes, cette thèse parcourt le travail du philosophe français en passant par sa métaphysique, son épistémologie, son analyse sur le rapport entre matière et vie et son explication sur les origines de la morale et de la religion.Cette œuvre complexe développée dans la première moitié du XXème siècle par Henri Bergson a inspiré d´autres auteurs, notamment le philosophe Karl Popper qui a utilisé la distinction entre sociétés ouvertes et sociétés closes pour défendre le libéralisme du XXème siècle et attaquer le socialisme de l´URSS de Staline et tout système totalitaire. Cet effort de Popper démontre que son analyse en philosophie politique est tout aussi remarquable que son travail en épistémologie, domaine dans lequel il a établi de nouvelles références tranchant avec l´approche de la philosophie analytique qui prévalait dans le milieu anglo-saxon de la première partie du XXème siècle.Cette thèse prend également en compte les travaux du philosophe et sociologue Raymond Aron, qui a analysé la tension entre libéralisme et socialisme issue de la distribution binaire du monde et caractéristique de la guerre froide. Néanmoins, bien qu´Aron critique le bloc socialiste assimilable à la société close et défende la démocratie libérale assimilable à la société ouverte, il reconnaît la nécessité pour la démocratie libérale d´être questionnée afin de s´améliorer constamment.Une fois cette analyse effectuée, qui met en évidence l´approche de la dichotomie conceptuelle et appliquée, il devient impératif de se demander si un juste milieu entre libéralisme démocratique et socialisme est possible. Et si les Trente Glorieuses ont montré que l´État-providence semble être la meilleure réponse, depuis la fin du XXème siècle diverses critiques démontrent la nécessité pour l´État-providence, notamment en France, de se renouveler. La cause de ces critiques a été principalement l´assistanat, qui rend les individus dépendants de l´État et de la société. C´est pourquoi différents secteurs de la société contemporaine font des propositions pour renforcer l´État-providence. Nous avons choisi l´approche du Républicanisme critique où l´agentivité des individus peut en faire des êtres plus autonomes qui contribuent non seulement au renforcement de l´État-providence mais aussi à la consolidation de la société dans son ensemble.

    Paloma Haschke-Joseph, Les médias, les élites et l’armée en Egypte du début des années 2000 à aujourd’hui : le rôle des chaînes satellitaires et d'internet, entre période révolutionnaire et mutation néo-autoritaire, thèse soutenue en 2016 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Gilles Kepel, membres du jury : Frédéric Charillon (Rapp.), Bernard Rougier (Rapp.)  

    L’évolution du secteur des médias en Égypte depuis les années 2000 a eu une influence déterminante sur le cap politique que prend le pays au lendemain du soulèvement populaire de 2011. Ce travail cherche à démontrer qu’en Égypte, l’intrication complexe d’intérêts entre les médias, le milieu des affaires et l’armée, a été un élément central au renouvellement des stratégies du régime militaire pour assurer sa propre survie, et que cette connivence a joué un rôle capital dans le succès de la mutation néoautoritaire du système politique égyptien. La collusion entre l’armée et le secteur privé de l’audiovisuel qui se développe au cours des années 2000, permet au régime d’encadrer le passage de l’Égypte à l’ère satellitaire, de superviser la relative libéralisation de la sphère publique qui en découle, et de coopter les discours dissidents modérés en leur offrant un accès nouveau aux médias de masse. L’arrivée d’internet en Égypte au cours de cette même période, favorise le développement d’une sphère publique parallèle qui se politise rapidement et engendre la constitution d’une opposition bien plus radicale que celle qui s’exprime à la télévision, et qui cherche à exploiter le potentiel mobilisateur des nouvelles technologies dans l’espoir de déclencher le changement politique. Mais malgré les bouleversements engendrés par la révolution dans le domaine de l’expression publique, l’industrie des médias ne parvient pas à s’émanciper des dynamiques autoritaires qui la structurent depuis des décennies, et tandis qu’ils semblaient porteurs de promesses démocratiques, les médias égyptiens sont rapidement relégués à leur fonction originelle de cerbères du régime.

  • Salima Nait Ahmed, Le féminin dans les écrits de Theodor W. Adorno : une critique de l'aliénation à l'épreuve du genre, thèse soutenue en 2021 à Amiens sous la direction de Estelle Ferrarese, membres du jury : Stéphane Haber (Rapp.), Sonia Dayan-Herzbrun et Yves Sintomer  

    Avec comme point de départ l'hypothèse de la pertinence toujours vivace de l'œuvre de Theodor W. Adorno, la thèse propose une critique et une actualisation féministes de la réflexion du philosophe sur l'aliénation des femmes. Dans un premier moment, on exhume les questions de genre à l'Institut für Sozialforschung (IfS) pour éclairer le paradoxe suivant : alors que ces questions donnaient lieu à des recherches florissantes au début de l'histoire de l'Institut, elles connaissent une éclipse surprenante, précisément à partir de l'intégration officielle d'Adorno à l'IfS en 1938, alors même que sa réflexion sur l'aliénation liée au genre semble être la plus radicalement critique.On interroge l'évolution du traitement des questions de genre depuis l'héritage du dernier Marx jusqu'à Adorno, en passant par la période importante du passage d'Erich Fromm à l'Institut. Une seconde partie du travail est consacrée à l'interprétation critique des figures de la féminité dans l'œuvre d'Adorno. Le fil conducteur de la dialectique adornienne entre histoire et nature [Naturgeschichte] permet de surmonter leur apparence de figures totalement aliénées, y compris contre l'intention initiale d'Adorno, pour les considérer dans leur historicité, en dépassant de façon matérialiste l'alternative binaire entre essentialisme et constructivisme, sans conclure à une féminité qui serait "déjà là". Enfin, on montre que le potentiel féministe de la pensée adornienne se trouve dans le corpus le moins explicitement féministe. La Dialectique négative (1966) peut ainsi offrir les ressources conceptuelles d'une pensée à la fois anticapitaliste et féministe de l'aliénation, capable d'opérer une synthèse entre les nouvelles théories de l'aliénation et la critique proprement féministe de l'aliénation et de la réification

    Alessia Smaniotto, Les faits, les news et l'opinion publique : Robert Ezra Park et l'enjeu démocratique du journalisme moderne, thèse soutenue en 2020 à Paris EHESS sous la direction de Bruno Karsenti, membres du jury : Maria Chiara Pievatolo (Rapp.), Sylvain Piron  

    Pour le journaliste et sociologue américain Robert Ezra Park (1864-1944), les “news” sont une forme de connaissance. À partir de l’étude approfondie de ses textes portant sur la pratique journalistique, cette thèse contribue à la compréhension du rapport particulier qui unit la pratique journalistique et un certain “devoir de vérité” qui se développe dans les sociétés modernes et dans un cadre démocratique. Grâce à cette analyse il est possible d’avancer que c’est parce qu’un certain idéal de la vie politique commune surgit que le journalisme moderne tente, à un moment donné, de se fonder sur une idée empirique de vérité en suivant le mouvement qui a caractérisé les sciences modernes. Cette thèse vient compléter la connaissance de l’œuvre de R. E. Park, analysée jusqu’aujourd’hui principalement à partir des thèmes parkiens du comportement collectif et de la sociologie urbaine. Elle contribue au domaine d’études des Journalism Studies à partir d’une approche de philosophie des sciences sociales.La notion de “news” sert de fil conducteur et fait l’unité du corpus étudié, permettant de proposer une description de la pratique journalistique qui rende compte de la place qu’a prise en démocratie l’activité journalistique en général, indépendamment des formats et des médias de diffusion. R. E. Park identifie les racines et la portée sociale et politique de la pratique journalistique précisément dans cette opération cognitive et sociale que constitue la production de “news”. Le journalisme n’est pas alors, seulement, une action de médiation qui diffuse un savoir produit par ailleurs. À travers les “news”, qui est sa forme de connaissance propre, il opère une transformation des faits et des opinions en une connaissance qui fait agir.Cette lecture de R. E. Park permet de faire ressortir plus précisément ce qui relie, dans la modernité, la pratique du journalisme à la question de la vérité et à celle de l’idéal démocratique : en mettant en lumière d’une part le lien entre journalisme et sciences modernes, d’autre part une visée collective d’un savoir sur le social. Le journalisme alors, qui pratique l’enquête et considère les faits comme la base incontournable des discussions, en les ancrant dans un réel partagé, n’est pas indépendant du mouvement des sciences modernes. Il est solidaire des sciences modernes et concurrence les sciences sociales, en particulier l’histoire et la sociologie, dans une entreprise collective de connaissance sur le social.De la lecture des textes de Park ressort une nouvelle compréhension du journalisme qui permet aussi de reconsidérer certaines des catégories de la politique moderne – comme celle d’opinion publique ou de démocratie. Renversant les perspectives plus courantes, il ne s’agit pas dans cette thèse d’évaluer ou de juger la pratique journalistique à l’aune d’une idée de démocratie donnée, mais plutôt de réinterroger les pratiques démocratiques à partir de l’émergence du journalisme en tant qu’opérateur de connaissance. Par là, enfin, cette thèse amorce une réflexion sur le rapport qui relie historiquement journalisme et sciences sociales, dans la perspective d’un renforcement mutuel de ces deux formes de connaissance.

  • Bruno Quélennec, Retour dans la caverne. Philosophie, religion et politique chez le jeune Leo Strauss, thèse soutenue en 2016 à Paris 4 sous la direction de Gérard Raulet et Anselm Haverkamp, membres du jury : Miguel Abensour, Miguel E. Vatter et Pablo Valdivia Orozco    

    Le travail de thèse entreprend une reconstruction critique de la philosophie politique de Leo Strauss (1899-1973) en partant de ses écrits de jeunesse allemands, replacés dans leur contexte politique et philosophique d’émergence et particulièrement dans les mouvements de la « renaissance juive » des années 1920. Au lieu de comparer son œuvre à celle d’autres grands classiques de la philosophie politique du XXe siècle ou d’analyser ces textes de jeunesse à la lumière de sa réception aux États-Unis, où lui et ses disciples sont souvent associés au mouvement néoconservateur américain, il s’agit ici de voir comment son positionnement politico-philosophique spécifique se construit dans la confrontation au « dilemme théologico-politique » dans lequel la pensée juive-allemande est prise face à la radicalisation de l’antisémitisme allemand pendant et après la Première Guerre Mondiale : judaïsme national ou judaïsme religieux ? Dans ses premiers écrits des années 1920, Strauss transforme cette opposition en celle entre Lumières et orthodoxie, entre athéisme et théisme, opposition qu’il ne cessera de vouloir dépasser à travers la construction d’un « athéisme biblique ». Nous montrons que ce n’est cependant que dans les années 1930, après son « tournant platonicien », que Strauss trouvera, par l’intermédiaire d’une nouvelle interprétation de Maïmonide, sa solution au « dilemme théologico-politique », sur des bases philosophiques pré-modernes. Avec le retour à ces Lumières platoniciennes, Strauss tente d’harmoniser Lumières et anti-Lumières, la défense du rationalisme et la justification d’un ordre théologico-politique autoritaire, projet paradoxal qui forme le cœur de son néoconservatisme philosophique.

    Eléna Morenkova, Mémoire et politique. Les représentations du passé soviétique en Russie, thèse soutenue en 2014 à Paris 2 sous la direction de Jacques Chevallier, membres du jury : Frédéric Charillon (Rapp.), Yves Déloye (Rapp.), Marie Mendras-Rosdhal et Georges Mink  

    Le présent travail met en lumière la dialectique des relations entre mémoire et politique par l’étude des processus de construction, négociation, diffusion, adoption et reproduction des représentations du passé soviétique dans la Russie postsoviétique. S’appuyant sur la multitude de sources hétérogènes véhiculant les représentations du passé soviétique, le travail révèle les raisons et les mécanismes de l’évolution de la mémoire du passé soviétique en Russie, ainsi que son rôle politique et social. Le travail démontre que la mémoire du passé soviétique a joué un rôle important dans la légitimation symbolique du pouvoir de Boris Eltsine et de Vladimir Poutine et dans la construction identitaire de la société russe postcommuniste, tout en soutenant le glissement progressif de la Russie vers un régime autoritaire. En effet, malgré des oppositions marquées entre les différents régimes politiques qui se sont succédé, la tradition d’un usage politique du passé perdure, le passé soviétique restant un enjeu de pouvoir majeur en Russie. Aussi bien à la fin de l’époque soviétique qu’au début des années 2000, le passé national a été entièrement réinterprété et reconstruit. Toutefois, la mémoire collective du passé soviétique représente également un cadre contraignant qui limite les choix institutionnels et les décisions du pouvoir. Dans la mesure où la mémoire est porteuse de références politiques, économiques et sociales, elle crée des effets de dépendance au sentier, favorisant la reproduction de schémas de fonctionnement politiques, économiques et sociaux hérités du passé soviétique.