Pierluigui Vattimo, De la citoyenneté industrielle à la citoyenneté numérique , thèse en cours depuis 2024
Patrick Burgermeister, Généalogie de l’ordre libéral moderne Paris, Londres, et la naissance du projet de police libéral à l’ère industrielle (1750-1850), thèse en cours depuis 2024 en co-direction avec Mark Neocleous
Roberta DEL PEZZO, «pouvoir de gouvernement». le concepts de gouvernement et de répresentation du mouvement dans les oeuvres de m. hauriou et dans la réception italienne de w. cesarini sforza., thèse en cours depuis 2024
Louis Bremond, Un siècle de législation de l’urgence et son impact sur les droits fondamentaux et sur la pensée juridique et politique » ou “A Century of Law and Emergency in France , thèse en cours depuis 2024
Fabrizio Armano, Prévenir la possibilité du risque , thèse en cours depuis 2023 en co-direction avec Filippo Corigliano et Ciro Tarantino
Marie Giovanna Brancati, Struttamento del lavoro : sistema economico, diritto penale ed etica della produzione, thèse soutenue en 2022 à Paris EHESS sous la direction de David Brunelli, membres du jury : Helena Alviar García (Rapp.), Ilaria Merenda (Rapp.), Roberto Borgogno et Stefania Sartarelli
La thèse part de la question de recherche de savoir si et sous quelle forme il est approprié de considérer l'exploitation du travail comme une infraction pénale. Le chemin suivi part d'une brève analyse des prémisses du système relatives à la manière d'être de la réalité empirique-matérielle spécifique sur laquelle se greffe le droit pénal étudié de l'exploitation comme élément qualificatif d'un système de production donné, pour tailler à l'extérieur de celui-ci un périmètre de pertinence pénale d'une " condition d'exploitation " qui n'est même plus conforme à la physiologie des relations économiques-productives de type capitaliste (Chap. 1) ; viennent ensuite les questions plus strictement fondatrices de l'intervention pénale en la matière et l'examen exégétique de l'art. 603-bis du Code pénal italien, qui est dédié à la répression de l'exploitation du travail (Chap. 2), soutenu par quelques profils de comparaison juridique avec les systèmes français et allemand (Chap. 4). Une discussion séparée est réservée à la question de la responsabilité des entreprises dans les contextes d'exploitation du travail, à propos de laquelle certaines lignes d'intervention possibles sont esquissées dans une perspective de iure condendo (Chap. 3).
Sebastian RODRIGUEZ CARDENAS, Fictio vel persona , thèse en cours depuis 2022 en co-direction avec Elettra Stimilli
« Une nouvelle tendance semble se dessiner dans la théorie et la pratique juridiques et politiques dès lors que la catégorie des sujets de droits, ainsi que celle des personnes, s’est étendue aux animaux non humains et même à d'autres entités comme les forêts ou les rivières, entre autres. Le but de ma recherche est d'examiner, sous un éclairage philosophique, le mécanisme utilisé par les ordres juridiques pour réaliser une telle extension de la personnalité à des entités non humaines, à savoir la fiction. En effet, je me propose d'examiner le rôle que les fictions jouent dans les ordres juridiques et politiques en utilisant la personne comme le seuil par lequel il est possible de voir et de saisir le sens de la présence de ces artifices dans le jeu du pouvoir juridique et politique, ce qui est à la fois un mécanisme d'appréhension de l'extérieur de l'ordre politique, et le seuil par lequel la conception d'une nouvelle idée de l'ordre devient possible.
Davide Zanoni, La fabbrica del pluralismo. Il governo della conflittualità sociale da parte della Corte costituzionale alla luce delle più recenti modifiche del suo processo, thèse soutenue en 2022 à Paris EHESS sous la direction de Michele Spanò et Barbara Boschetti, membres du jury : Isabelle Boucobza (Rapp.), Marilisa D'Amico (Rapp.), Damiano Palano et Filippo Pizzolato
Le but de ce travail est d’étudier la transformation de la justice constitutionnelle italienne à la lumière de certaines nouveautés récemment introduites par la Cour constitutionnelle. Nous étudierons plus précisément les Norme integrative per i giudizi davanti alla Corte costituzionale, récemment exposées dans une délibération, formellement faite par la Présidente de la Cour mais fondamentalement collégiale puisqu’elle a été adoptée « Au vu de la proposition de la Commission pour les études et les réglementation » du 8 janvier 2020, publiée dans la Gazetta Ufficiale (G.U.) n°17 du 22 janvier 2020, qui contient parmi les changements les plus importants l’art. 4-ter, alinéa 1, qui introduit les amici curiae et l’art. 14-bis qui règlemente quant à lui l’audition des experts. Selon le communiqué de presse qui a annoncé la délibération, la Cour franchit ce pas afin de s’ouvrir le plus possible au dialogue avec la sphère sociale. Le texte commence par l’affirmation selon laquelle « dorénavant, la société civile aussi pourra faire entendre sa voix à propos des questions examinées devant la Cour constitutionnelle ».Afin de poursuivre notre étude, il semble nécessaire de (re)définir les concepts utilisés dans cette tentative de réforme, puisque dans les discours doctrinaux, ceux-ci présentent un éventail d'utilisations très variées et hétérogènes. Ajoutons que les juristes ont souvent l'habitude d'identifier leur signification sans tenir compte des théories et des thèses philosophiques que ceux-ci impliquent. Par exemple, pour expliquer leur ratio, l’on peut même aller jusqu’à parler de « participation » au processus, de « démocratisation » du contrôle de constitutionnalité ou d’« instrument de lutte politique par le biais du droit », sans jamais définir précisément sur quelle base culturelle de référence l’on s’appuie.En ce sens, notre enquête méta-doctrinale portera en particulier sur l'utilisation de deux concepts juridiques : l'amicus curiae et les experts, n'abordant ainsi qu'incidemment d'autres cas pertinents pour le raisonnement. Chaque moment de la discussion qui leur sera consacré s’articulera en deux parties : dans la première, un exposé de l'utilisation du concept dans le discours des juristes, et dans la seconde, les répercussions théoriques et philosophiques des résultats de notre analyse. Dans le cas de l'amicus curiae, cette solution est confirmée par la littérature qui identifie, dans le domaine des procédures judiciaires, le terrain privilégié pour oblitérer la frontière entre le militantisme politique et le droit. Ce thème, lu à travers le prisme de la dichotomie entre un point de vue interne et externe au monde juridique, nous a conduit à adopter une méthodologie utilisée pour éclairer de manière significative l'institution et le rôle de la Cour constitutionnelle. Les conclusions à tirer se fondent sur l'idée que l'amicus curiae sert à prévenir les dérives autoritaires dans la gouvernance du conflit social par la Cour, surtout à la lumière de l'utilisation de plus en plus évidente par le juge des lois de techniques non interprétatives du droit. Dans la troisième section consacrée aux experts, compte tenu de la même composante méthodologique, nous étudierons la description par les juristes de l'influence des différentes rationalités technico-scientifiques sur la théorie de l'argumentation. Nous arriverons à la conclusion différente que la Cour défend également sa position dans l'environnement social mais, contrairement à la situation résumée par l'amicus curiae, cela se fait non pas en ignorant volontairement ce pluralisme qui ne peut être apprivoisé par sa légitimation technique, mais plutôt en mimant les autres rationalités systémiques, par l'internalisation de leur point de vue dans son langage.
Alexandre Truc, Entrer en rapport de droit avec l'environnement , thèse en cours depuis 2022 en co-direction avec Charlotte Girard
Dana Portaleone, Che cosa significa emancipazione? Organizzazione sociale, norme giuridiche e potere paterno dalla Rivoluzione francese agli anni Quaranta dell'Ottocento, thèse soutenue en 2022 à Paris EHESS, membres du jury : Luca Scuccimarra (Rapp.), Anna Bellavitis (Rapp.), Cristina Cassina et Paola Rudan
Cette thèse présente une analyse historico-conceptuelle du concept d'émancipation en France entre la Révolution française et les années 1840, en partant de la centralité des femmes dans le processus révolutionnaire et du problème, qu'elles révèlent, de la puissance paternelle et de l'ordre familial. Dans cette perspective, on reconstruit le moment de l'affirmation de la signification moderne du concept : d'abord avec les Lumières, puis avec la Révolution française, on détermine un élargissement sémantique progressif qui fera place à de nouvelles significations politico-sociales et à une série de sujets imprévus. En effet, la Révolution présente sur la scène un sujet collectif, déjà mature, qui donne forme à l'émancipation révolutionnaire. Cette dernière nécessite une science spécifique capable d'endiguer ses effets politiques les plus dangereux sans trahir ses prémisses formelles. L'Idéologie comme science sociale à la fin de la Révolution y répond. Si les femmes dans ces années sont mobilisées sur la base de l'émancipation révolutionnaire, elles constituent en même temps un problème fondamental pour l'ordre révolutionnaire comme le montre le débat sur la puissance paternelle qui éclaire le passage, fondamental pour le concept d'émancipation, de la puissance émancipatrice du père à celle de l'État émancipateur. Les résultats de ce débat se retrouvent dans le Code civil et son émancipation codifiée, qui définit les limites juridiques et formelles de l'émancipation révolutionnaire et de ses hiérarchies. Ensuite, la thèse reconstitue les transformations du concept au lendemain de la Révolution dans la doctrine de Saint-Simon et de ses élèves. Celle-ci sera à l'origine du discours qui se développe en France entre les années 1830 et 1840 sur le problème de l'émancipation des femmes, et qui trouve son expression dans les écrits des saint-simoniennes. La thèse s'arrête aux portes des années 1840, lorsque l'émancipation dans son sens moderne se stabilise et devient un véritable concept de mouvement, expression des processus d'émancipation qui avaient été préparés dans les années précédentes.
Amine Benabdallah, Paysages de l’immunité pénale de l’Etat en droit interne, thèse en cours depuis 2021 en co-direction avec Pierre-Yves Quiviger
En premier lieu, mon travail comporte une partie principalement typologique où je distingue différents modèles d’immunités pénales de l’État en droit interne ( les deux premiers types d'immunité proviennent des travaux de Michel Cosnard en droit international public). D’abord l’immunité pénale par exception où l’État est exclu du champ de la responsabilité pénale (France). Puis l’immunité pénale par exemption qui correspond à un régime atténué de mise en œuvre de la responsabilité pénale de l’État. Cette forme est, depuis 2018, en vigueur en Belgique où toutefois la seule peine prévue est la déclaration de culpabilité.
En second lieu, je propose, à partir de cette typologie, une approche prospective qui a pour finalité de proposer un modèle alternatif de responsabilité pénale de l’État. En effet, la comparaison de ces deux modèles d’immunité aboutit à une interrogation sur l’absence d’une pleine et effective responsabilité pénale de l’État, où celui-ci ou l’un de ses organes, pourrait être condamné, par exemple, à une amende substantielle. Enfin, je distingue un troisième type, une immunité résiduelle, qui serait commune aux deux autres immunités étudiées. Celle-ci serait un frein à la mise en place d’une responsabilité pénale qui sanctionnerait l’État symboliquement mais aussi financièrement. Ce résidu est exploré à travers une question intermédiaire reliant mon travail typologique et prospectif : comment penser une responsabilité pénale de l’État qui ne serait pas au même moment une pénalisation de sa population ? La réponse appelle, selon moi, à une séparation entre le patrimoine étatique et le patrimoine public. La conceptualisation de cette séparation sera au cœur de ma réflexion finale sur l’impact que la levée de l’immunité pénale de l’État aurait sur sa légitimité et sa pérennité.
Virginie Laurent, Transgresser la Souveraineté, optimiser la Majesté ? Approche institutionnelle et esthétique de la représentation politique contemporaine., thèse en cours depuis 2020 en co-direction avec Bernard Bourdin
Cesare Saluzzo, Misérables et Chemineaux : contrôle du territoire et affaires criminelles dans la Vénétie autrichienne et napoléonienne (1805-1862), thèse soutenue en 2020 à Paris EHESS, membres du jury : Anna Bellavitis, Simona Cerutti, Jean-François Chauvard et Vincent Denis
En première analyse, misérables et chemineaux apparaissent à l’historien comme des figures typiques de toute société. En fait, en dehors des caractéristiques du régime politique, ils exigent le même genre d’attitude et des mesures, de sorte que les critères normatifs réglementaires semblent identiques de tout temps. La question préliminaire est alors de savoir si certaines situations, ou conditions d’incertitude ou doute sur le statut juridique des personnes sont ou non indépendantes de leur qualification administrative et ainsi du type d’ordre social ou du régime actuel. Cette recherche propose de maintenir ces catégories dans deux formes de justice pour les pauvres, ayant un rôle de liaison dans la construction d’une affaire pénale/politique, depuis l’apparition des circonscriptions administratives de la Vénétie napoléonienne. Les réactions face à des manifestations de pauvreté sont notées surtout et avant tout d’une certaine prudence, plutôt que par la solidarité et les secours. C’est le signal d’une attitude spécifique réservée à la conduite de l’indigence. L’analyse de l’expérience dans un contexte local nous permet aussi de reconstituer la signification pratique d’une situation en termes juridiques ou sociaux. Ce qui démontre comment ces catégories conceptuelles sont les plus largement utilisées dans le schéma d’un discours à un niveau plus élevé de généralisation, qui peut être opérationnel en appliquant à la situation historique ces régimes normatifs réglementaires. L’objectif est également de comprendre comment les catégories influencent le processus de construction identitaire, non seulement en attribuant à chaque personne un rôle avec différents droits, obligations et pouvoirs, mais en soulignant également cette condition à chaque instant de la vie. Il s’agit aussi de tracer un profil juridique et social des misérables et des chemineaux, à partir de l’exploration de la documentation produite par l’administration de certains centres de pouvoir au début du XIXe siècle. L’objectif est de comprendre comment certaines catégories réapparaissent de manière systématique dans le droit codifié ou étatique et de quelle manière ces dernières sont employées dans l’administration.
Veronica Pecile, How the commons became government : grassroots mobilizations and institutional cooptation in Palermo, Sicily, thèse soutenue en 2019 à Paris EHESS en co-direction avec Maria Rosaria Marella, membres du jury : Mikhaïl Xifaras, Adalgiso Amendola, Clelia Bartoli et Michele Spanò
Le mouvement pour les communs a émergé après la crise économique de 2007-2008 sous la forme d'une série de pratiques de résistance à la privatisation croissante des ressources et des services promue par la politique néolibérale. Les activistes ont revendiqué le droit d'utiliser et d'accéder à toutes les choses et à tous les espaces de propriété publique ou privée dont l'usage permet l'exercice des droits fondamentaux, également dans l'intérêts des générations futures. Un élément clé du mouvement a donc été la critique de la notion de propriété privée prédominante dans les systèmes juridiques occidentaux et l'expérimentation d'une vision non absolue et non individualiste de la propriété conçue comme un instrument de redistribution des ressources. La relation entre le mouvement pour les communs et le droit est étroite, car dans plusieurs cas les communautés qui les ont revendiqués ont eu recours, parmi leur tactiques, à un usage contre-hégémonique d'outils juridiques.Cette recherche examine la catégorie des communs selon une perspective politico-juridique et intègre cette analyse avec celle d'une étude de cas sur la trajectoire des communs à Palerme dans la décennie d'après-crise 2009-2019. L'investigation des pratiques menées par des activistes revendiquant les beni comuni dans le chef-lieu sicilien montre comment la praxis des communs a été progressivement cooptée dans le cadre administratif de la municipalité et est devenue une technique gouvernementale cruciale pour établir un contrôle public sur l'espace urbain. Dans ce cas le droit n'a pas agi comme un instrument émancipateur entre les mains des activistes, mais plutôt comme un outil mobilisé par l'acteur public afin d'apprivoiser le potentiel transformatif des communs. La trajectoire du mouvement à Palerme offre donc un point de vue sur comment la rationalité néolibérale opère aujourd'hui dans un scénario urbain du sud de l'Europe, c'est-à-dire en extrayant de la valeur des pratiques spatiales informelles historiquement enracinées dans ces contextes.
David Samson, La crise environnementale : critique historique et philosophique des notions de conscience écologique et de rationalité instrumentale, thèse soutenue en 2019 à Paris EHESS, membres du jury : Catherine Larrère (Rapp.), Saverio Ansaldi (Rapp.), Pierre-Benoît Joly et Christine Noiville
En partant de la « crise environnementale », ce travail empirique et théorique interroge deux notions qui structurent les études environnementales et la philosophie de la technique : la « conscience écologique » et la « rationalité instrumentale ». Il met en œuvre une réflexion sur les rapports entre philosophie et sciences sociales et sur l’interdisciplinarité qui caractériseraient tant la « postmodernité » que le « règne de la technique ». Pour ce faire, il s’appuie sur des sources diverses (juridiques, politiques, médiatiques et académiques) et plusieurs expériences d’observation participante de dispositifs de démocratie participative (notamment au Haut Conseil des Biotechnologies).En prolongeant la critique du paradigme d’une « Modernité réflexive », la première partie analyse la problématisation de l’ « environnement » en France (1870-1945) et en Allemagne (1900-1945). Cette généalogie de la gouvernementalité environnementale et de l’expertise conduit à interroger l’opposition entre « anthropocentrisme » et « biocentrisme » et à reconceptualiser l’idée d’une « prise de conscience environnementale ». Nous concevrons plutôt l’ « environnement » comme un agencement composite, variable, hétérogène et potentiellement contradictoire.Dès lors, nous substituons au triangle conceptuel « technique-environnement-Modernité » un losange « technique-environnement-Modernité-nazisme ». Outre le rôle de la technique dans l’Holocauste et le statut d’Heidegger, le nazisme conduit en effet à s’interroger sur l’équivocité des appels à vivre « en harmonie » avec la nature et à « maîtriser la technique » et sur l’idée qu’on pourrait déterminer un « rapport occidental à la nature ».Dans notre seconde partie, le commentaire d’Heidegger puis de l’école de Francfort permet d’analyser la notion de « rationalité instrumentale » et l’idée selon laquelle l’anthropocentrisme serait la cause de la crise environnementale. En faisant appel tant à l’histoire de la philosophie qu’à la problématisation de cas historiques et juridiques, nous analysons ainsi des problèmes communs à la critique de la technique et à l’éthique environnementale, dont celui de « conversion écologique » ou d’indétermination des techniques. Nous y traiterons en particulier du projet de démocratie technique et environnementale et de ses limites. Il s’agit de penser autrement notre rapport à l’environnement, aux techniques et aux sciences, mais aussi la manière dont le droit et la politique les régulent et peuvent faire face à la crise environnementale.
Valentina Antoniol, Genealogie in guerra. Foucault critico di Schmitt : Foucault critico di Schmitt, thèse soutenue en 2019 à Paris EHESS sous la direction de Giovanni Giorgini, membres du jury : Francesco Mancuso (Rapp.), Vincenzo Sorrentino (Rapp.), Ottavio Marzocca, Adalgiso Amendola, Ninon Grangé et Philippe Sabot
Notre actualité nous interroge sur la compréhension de la guerre et sur le statut de ses relations avec la politique. Ce travail examine cette question et il le fait à partir des réflexions de Michel Foucault sur le sujet. En nous appuyant aux manuscrits inédits du philosophe, conservés dans les archives du « Fonds Foucault » à la Bibliothèque nationale de France, nous montrons que les analyses foucaldiennes sur ce thème, qui n'ont pas toujours reçu la juste attention, jouent en réalité un rôle déterminant dans l’œuvre de l'auteur. À partir de cette première investigation l’on a développé un deuxième parcours de recherche, lié au précédent : les réflexions de Foucault sont mises en relation avec celles de Carl Schmitt – une comparaison entre deux différentes généalogies qui a rarement été établie, sur laquelle la littérature critique reste encore très modeste aujourd'hui. Compte tenu des matériaux non encore publiés, nous montrons que le modèle polémocritique foucaldien se construit sur la base de certaines proximités théoriques importantes autour de la formulation schmittienne de la théorie du politique et se développe comme une critique radicale de celle-ci. Penser Foucault comme critique de Schmitt se révèle non seulement décisif pour comprendre la pensée du philosophe français, mais fondamental aussi pour enquêter l’actualité de ces deux auteurs par rapport à la question de la guerre. C’est finalement ce sujet qui traverse tout au long ce travail.
Charles Ogoubiyi, Le solidarisme comme "cure convenable" du mal social (des lendemains de la Révolution à la veille de la Première Guerre mondiale), thèse soutenue en 2019 à Paris EHESS, membres du jury : Frédéric Audren (Rapp.), Anne Simonin (Rapp.), Claude Didry, Barbara Biscotti et Michele Spanò
Ce travail se propose de traiter du solidarisme, non pas seulement comme d’un mouvement réformateur, mais comme le fruit d’un siècle de luttes et de tâtonnements d’une élite intellectuelle, politique et administrative. Une élite administrante, qui, préoccupée par un danger social duquel elle se sentait responsable, tenta d’y remédier. Cette élite apercevait dans ce danger une menace fatale pour elle-même et pour la société tout entière. Solidarité, l’ouvrage publié par Léon Bourgeois en 1896, marqua pour un temps l’unité « solidariste » réalisée de cette élite et constitua un mouvement politique homogène sociologiquement et disciplinairement disparate qui, né de l’hygiénisme et des révolutions médicales, voulut se saisir des méthodes étiologiques des sciences physiologiques pour isoler les sources du « mal social » et en trouver la « cure » convenable. La véritable originalité du solidarisme fut de se constituer en une « école » et d’établir cette « cure » convenable en se proposant d’identifier, grâce aux sciences sociales, l’être social comme un ensemble de normes et de liens, comme un fait de solidarité. En se proposant de soigner ces maladies décelées par une cure juridique appropriée ; une cure fondée sur ces mêmes sciences, le solidarisme tenta d’imposer un nouvel horizon normatif, une réforme du droit et de l’organisation sociale où toutes les obligations se justifiaient par l’emprisonnement mutuel de l’individuel et du collectif dans la solidarité.
Dario Fiorentino, Le procès contre le mouvement politique "Autonomia Operaia" (1979/1987) , thèse en cours depuis 2015
Nour Benghellab, Du modernisme juridique chez Carl Schmitt : de la fiction à la mythopoïèse, thèse soutenue en 2023 à Paris EHESS sous la direction de Rainer Maria Kiesow, membres du jury : Ninon Grangé (Rapp.), Alejandro Lorite Escorihuela (Rapp.), Vincent Forray
L’œuvre de Carl Schmitt a été largement revisitée, critiquée, commentée et (ré-)interprétée. Et ce que d’aucuns ont interprété comme un gain (ou un regain) d’intérêt pour la pensée schmittienne ne semble n’être ni un gain, ni même un regain. En effet, le juriste s’attire très tôt commentaires et critiques de la part de ses contemporains et c’est avec une relative constance qu’il est lu, commenté et critiqué depuis. Cette étude entend faire un pas de côté au regard des lectures dominantes, afin de s’y intéresser comme un acteur, mais surtout un agent d’un Zeitgeist (un esprit du temps) spécifique, et ce, en débordant les limites de l’axe traditionnel conservateur-progressiste, qui malgré son utilité, ne nous permet pas d’appréhender ou d’expliquer certains phénomènes (en premier lieu le fascisme et le nazisme intimement liés à Schmitt), hormis comme paradoxes. À cet effet, nous allons adopter une approche qui ne se pense pas sur cet axe, nommément le « Modernisme » tel qu’il en est venu à être défini par les New Modernist Studies. Cette étude s’intéresse au modernisme tel qu’il a pris « forme » dans la pensée juridique – ou tel qu’on lui a donné « forme » dans cette pensée –, tel qu’il a fait éclater les formes qui l’ont précédée et tel qu’il a donné forme à cette pensée (ou à certains types de pensées juridiques). Pour ce faire, cette étude entreprend une lecture diachronique de deux proses littéraires, Schattenrisse et Die Buribunken, afin d’explorer les expérimentations littéraires de Schmitt (notamment l’usage de la satire et du pastiche) qui lui ont servi à constituer le socle mythologique qui instruit ses travaux ultérieurs.
Martino Sacchi Landriani, Naissance du moderne régime de mobilité : politique de l'identification en France (1770-1880), thèse soutenue en 2019 à Paris 1 sous la direction de Vincent Denis et Raffaele Laudani, membres du jury : Alessandro Stanziani (Rapp.), Judith Revel (Rapp.), Sandro Mezzadra
Cette recherche vise à tracer une généalogie des rationalités de gouvernement et d’identification de la mobilité du travail dans la France métropolitaine et coloniale du XIXème siècle. Gouverner la mobilité ne comporte pas un pouvoir simplement coercitif, mais plutôt un certain degré de liberté nécessaire à canaliser et orienter la circulation des individus. Plus précisément, la thèse analyse l’histoire du livret ouvrier en tant que révélateur administratif des tensions qui accompagnent la configuration, la crise et la reformulation du contrat civil classique en France. Par cette technologie d’identification on retrace aussi la genèse globale des notions historiques de travail libre, esclavage et domesticité, dont on suit les métamorphoses à la lumière des politiques de la mobilité après l’abolition de l’esclavage. Les derniers chapitres considèrent la naissance de l’État Providence et des nouvelles pratiques d’identification, telles que l’anthropométrie et les empreintes digitales, en tant que reformulations historiques du problème à la base de notre recherche : comment contrôler la force de travail sans insérer une coercition illégitime sur les corps qui en sont les porteurs? La généalogie du régime de mobilité montre la nécessité paradoxale du libéralisme de cycliquement relancer un projet universel (la généralisation de la personne juridique) afin de pouvoir définir des hiérarchies en son sein (multipliant les statuts par lesquelles l’accès à l’usage de la liberté est filtré). À partir de cette complication on peut repenser le rapport entre souveraineté, État et marché mondial.
Dimitrios Antoniou, La justice pénale en Grèce sous la monarchie absolue (1833-1843), thèse soutenue en 2016 à Paris EHESS sous la direction de Marie-Elisabeth Mitsou
Cette thèse porte sur la mise sur pied et le fonctionnement de l'appareil de justice pénale en Grèce juste après son indépendance. La période retenue dans ce travail est celle de la monarchie absolue, c'est-à-dire de 1833, avec l'accession au trône du jeune prince bavarois Othon, jusqu'en 1843, où une révolte de l'armée l'obligea à octroyer une constitution. L'argument central est que la royauté nouvellement instaurée s'efforce de créer certaines structures étatiques de base par lesquelles elle aspire à saisir progressivement le contrôle du territoire et de monopoliser la violence légitime. Dans une première partie la thèse se concentre sur les rapports entre l'État et les justiciables. Les perceptions, tant officielles que populaires, de la déviance et du crime sont examinées dans le premier chapitre. Le second chapitre est consacré au brigandage, qui constitue la cible par excellence des instances. Les gens et les lieux de déviance, ainsi que l'arsenal extrajudiciaire mis en place par les instances étatiques sont abordés dans les chapitres suivants. Dans un second temps, l'analyse poursuit la mise sur pied des instances judiciaires. La constitution du corps de magistrature, l'introduction d'un nouveau cadre normatif cohérent, largement emprunté aux législations occidentales ainsi que la formation et le fonctionnement des nouvelles structures judiciaires, les tribunaux, sont examinées dans la seconde partie de notre travail. Enfin, la troisième partie se focalise sur l'arsenal pénal mis en vigueur. L'administration des peines, les efforts pour la mise en place d'un système pénitentiaire et la question de la peine capitale constituent l'objet de la troisième et dernière partie de la thèse.
Dante Fedele, Naissance de la diplomatie moderne. L'ambassadeur au croisement du droit, de l'éthique et de la politique, thèse soutenue en 2014 à Lyon École normale supérieure sous la direction de Michel Senellart et Francesco Senatore, membres du jury : Jean-Claude Waquet (Rapp.), Alain Wijffels (Rapp.), Romain Descendre et Giulia Maria Labriola
S’appuyant sur un corpus de textes que l’on qualifie normalement de « traités sur l’ambassadeur », cette thèse s’attache à reconstruire la naissance de la diplomatie moderne tout au long d’une période qui va du XIIIe au XVIIe siècle, en essayant d’analyser la manière dont la figure de l’ambassadeur à été élaborée à l’intérieur d’un champ de problématisation qui se caractérise par une imbrication réciproque du droit, de l’éthique et de la politique et va constituer une véritable expérience de la diplomatie.Ce travail s’articule en deux parties. Dans la première il s’agit de comprendre comment la figure de l’ambassadeur a été façonnée sous le profil de son statut juridique, à savoir comme une persona publica chargée d’un officium et devant représenter son mandant, avec les conséquences qui en découlent quant à l’établissement de son pouvoir de négociation, à la définition de ses immunités ainsi qu’à la détermination des honneurs qu’il a le droit de recevoir. L’analyse de ces questions permettra d’apprécier la contribution apportée par notre corpus non seulement à la définition du statut juridique de l’ambassadeur, mais aussi à la formation du nouveau droit des gens destiné à régir l’Europe moderne. La seconde partie s’attache à comprendre comment la figure de l’ambassadeur a été façonnée sous le profil de son statut professionnel : on s’interroge alors sur les fonctions qui lui sont attribuées, sur les moyens qui lui sont fournis et les conditions qui lui sont demandées pour s’en acquitter de la manière la plus efficace, ainsi que sur la problématisation éthique à laquelle son action est soumise. Tout en essayant de faire ressortir la spécificité de l’ambassadeur, cette partie se propose aussi de contribuer à l’étude de la professionnalisation du fonctionnaire public.
Sara Olivia Miglietti, La Methodus ad facilem historiarum cognitionem di Jean Bodin : Edizione critica, traduzione e studio delle varianti d'autore (1566-1572), thèse soutenue en 2012 à Paris 5 sous la direction de Yves Charles Zarka et Michele Ciliberto, membres du jury : Mario Turchetti (Rapp.), Gianni Paganini (Rapp.), James Hankins
On trouvera dans cette thèse une édition critique, une traduction italienne et une étude introductive à la Methodus ad facilem historiarum cognitionem du juriste français Jean Bodin (1530-1596), mieux connu pour être l'auteur des Six livres de la République (1576), vrai chef d'oeuvre de la pensée politique du XVI siècle. Publiée d'abord à Paris en 1566, pour être ensuite reprise, corrigée et augmentée par son auteur et publiée une seconde fois chez le même éditeur en 1572, la Methodus rémonte à une phase cruciale et fascinante de la pensée bodinienne, toujours en pleine évolution. Rien de la République qui va paraître quelques ans plus tard n'est encore donné ici, et pourtant on peut déjà très bien voir l'itinéraire intellectuel qui mène Bodin du constitutionnalisme de sa jeunesse (idée d'une monarchie temperée et limitée) vers cette théorie de la souveraineté absolue qu'il formule pour la première fois en 1576, et qui marquera un tournant décisif pour la pensée politique des siècles suivants. Cette édition, grâce à un travail systématique d'identification des variantes et des ajouts introduits par l'auteur à l'occasion de la deuxième édition parisienne (1572), permet pour la première fois de mettre en place une étude évolutive de la pensée bodinienne au cours de cette décennie cruciale 1566-1576, de remettre certaines idées politiques de Bodin dans leur contexte, de formuler de nouvelles hypothèses autour de leur genèse, et de mieux saisir enfin différences et analogies entre la Methodus et la République. Dans l'étude introductive, où l'on souligne avec force l'unité d'inspiration de la Methodus et son originalité par rapport à la République, on propose également une nouvelle interprétation de la “naissance de l'absolutisme” bodinien: à l'appui des variantes de 1572, on cherche à montrer qu'aucun “tournant absolutiste” n'eut lieu chez Bodin à la suite de la Sainte-Barthélémy, puisque l'évolution de la pensée bodinienne dans un sens anti-constitutionnaliste était déjà en cours bien avant cette date, pour des raisons qui ont moins à voir avec le contexte historico-politique (certes troublé) de la France des années 1570, qu'avec un souci d'exactitude et de cohérence théorique très aigu chez cet auteur.