Anne Lefebvre-Teillard

Professeur honoraire
Histoire du droit et des institutions.
Université Paris Panthéon-Assas

ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Baudouin Ancel, Lois de police et ordre public dans le droit des conflits (XIIe siècle-XXe siècle) : genèse et réception de l'article 3, alinéa 1er du Code civil, thèse soutenue en 2019 à Paris 2, membres du jury : Louis-Augustin Barrière, Louis d' Avout, Olivier Descamps, Pierre Mayer et Sylvain Soleil      

    Cette recherche propose un éclairage historique des avatars de deux mécanismes désormais intégrés au système français de droit international privé, celui des « lois de police » et celui de « l’ordre public international », qui ont pour trait commun de s’opposer au jeu normal de la règle de conflit et de s’appuyer, l’un et l’autre, sur l’art. 3, al. 1er du Code civil de 1804. Prévenant par préemption les atteintes à l’utilitas publica vel communis ou y réagissant par éviction de la loi normalement applicable, ces deux types de normes tissent une histoire commune depuis les antécédents que furent les statuts prohibitifs et les statuts territoriaux identifiés par la doctrine romano-canonique médiévale. Adaptés par les juristes de l’Ecole Hollandaise et de l’Ecole Française à l’hypothèse dominante à la fin de l’Ancien Régime des conflits de souverainetés, ceux-ci sont recueillis en 1804 par l’art. 3, al. 1er. Le travail conjoint de la doctrine et de la jurisprudence et une réaction à la notion hybride de « lois d’ordre public » qui émerge au long du siècle suivant permettent leur reformatage en les séparant l’un de l’autre dès le tournant des XIXe et XXe siècles. Le déclin du conflit des souverainetés qui porte à se désintéresser des lois de droit public, voire des lois pénales, et une représentation plus privatiste du conflit de lois qui ne peut cependant méconnaitre l’interventionnisme croissant de l’Etat, confirment la distinction de deux figures appelées à être théorisées sous les concepts de lois de police ou d’application immédiate (promouvant l’utilitas communis) et d’exception d’ordre public (défendant les valeurs fondamentales).

    Sabrina Bendahmane, Le droit aux aliments de l'enfant naturel au XIXème siècle, thèse soutenue en 2014 à Paris 2, membres du jury : Florence Demoulin-Auzary (Rapp.), Marta Peguera Poch (Rapp.), Olivier Descamps et Nicolas Warembourg    

    La présente étude a pour objectif de déterminer les spécificités du droit aux aliments lorsqu’il est appliqué aux enfants nés hors mariage à une époque où la définition de leur reconnaissance est strictement encadrée. Au XIXème siècle, les enfants naturels, dont la condition juridique est inférieure à celle des enfants légitimes, sont titulaires d’un certain nombre de droits à la condition d’être reconnus par leur père et/ou mère. Le Code Napoléon énumère limitativement les conditions liées à cette reconnaissance et interdit strictement la recherche de la paternité. Bon nombre d’enfants illégitimes ne sont pas reconnus, où ne remplissent pas les conditions nécessaires à établir leur lien de filiation. Laisser l’enfant dénué de ressources est ressenti comme une injustice criante. L’enfant né hors mariage peut-il réclamer ce droit aux aliments qui par essence est vital ? Les spécificités du droit aux aliments appliquées aux enfants nés hors mariage sont énoncées par la jurisprudence et la doctrine. Tout au long du siècle, l’interprétation audacieuse de la loi permet d’octroyer des aliments au plus grand nombre même si cette question soulève d’importantes discussions, et engendre des incertitudes, auxquelles le législateur ne met fin en partie qu’en 1912.

    Constance Cérèze, La responsabilité des parents du fait de leurs enfants du XVIe au XIXe siècle, thèse soutenue en 2013 à Paris 2, membres du jury : Jacqueline Moreau-David (Rapp.), Marta Peguera Poch (Rapp.), Olivier Descamps    

    L’histoire de la responsabilité des parents du fait de leur enfant entre le XVIe et le XIXe siècle est l’histoire de l’acceptation progressive de cette institution originale durant l’Ancien Régime, sa reconnaissance officielle par le Code civil en 1804, puis sa remise en cause dans les trente dernières années du XIXe siècle. La difficulté à admettre la responsabilité des parents du fait de leur enfant réside essentiellement dans la tradition pénale qui est à l’origine du droit de la responsabilité civile. La responsabilité pénale des enfants ainsi que celle de leurs parents pour un fait commis par eux sont vigoureusement combattues au moment où commence le sujet de cette étude alors pourtant que certaines coutumes admettent déjà la responsabilité civile des parents. Au cours de l’Epoque Moderne, la formulation d’un principe général de responsabilité pour faute, l’acceptation plus large du lien de causalité entre la faute de l’auteur et son dommage et la morale de l’éducation qui souligne le lien entre l’éducation des enfants et leur comportement social, sont autant de facteurs qui poussent à admettre le principe de responsabilité des parents pour faute personnelle. Le principe est confirmé par le Code civil qui en dispose dans son article 1384 alinéa 4. Soutien et sanction d’une puissance paternelle forte, application particulière du principe quasi-délictuel selon lequel chacun est responsable du dommage causé par son imprudence ou sa négligence, la responsabilité civile des parents pour faute personnelle connaît alors son apogée. La remise en cause d’une puissance paternelle forte d’une part et de la responsabilité pour faute d’autre part a conduit à une remise en cause de la responsabilité des parents à la fin du XIXe siècle.

    Luc Siri, Les conflits de lois du XIIe au XVIIIe siècle, thèse soutenue en 2011 à Paris 2, membres du jury : Bernard d' Alteroche (Rapp.), Louis d' Avout (Rapp.), Bertrand Ancel et Jacques Bouineau    

    Les conflits de lois du XIIe au XVIIIe siècle. L’étude des conflits de lois et des méthodes de leur résolution permet d’appréhender la naissance d’une nouvelle science juridique : le droit international privé. Cette étude montre comment, à partir du XIIe siècle, la doctrine s’est saisie de cette problématique en rejetant l’application systématique de la lex fori et en s’interrogeant sur la loi applicable au sujet étranger. De cette réflexion est née une première distinction entre la disposition ad ordinandam litem et la disposition ad decidendam litem. La première demeure la lex fori, alors que la seconde offre l’opportunité au juge d’appliquer une loi étrangère ; la théorie des statuts était née. Sous l’influence des juristes médiévaux français, la catégorisation des différentes normes suivant leur objet devient le fondement de cette nouvelle science juridique. Fort de cette avancée, Bartole tente une compilation systématique des règles de résolutions des conflits de lois sans pour autant voir son oeuvre reprise par la pratique. En effet, l’étude de la pratique révèle que la formation universelle du droit international privé envisagée par la doctrine médiévale ne correspond pas nécessairement à l’organisation politique des États en construction. Aussi, dès le XVe siècle, les Français envisagent la formation d’un système national de résolution des conflits de lois compatible avec l’affirmation de la souveraineté de l’État moderne. Cette formation conduit, au XVIIIe siècle, à une systématisation française de la théorie des statuts. Deux grandes catégories de lois subsistent : les statuts réels et les statuts personnels. Mais désormais le classement des normes se réalise ab effectu et non plus suivant l’objet des statuts. Cette dernière appréhension du conflit de lois appel une inclinaison de l’approche statutiste traditionnelle vers une approche plus conflictualiste ; l’objet de la loi est surpassé par l’effet de la norme et les circonstances du conflit.

    Franck Joseph Brami, Une grande carrière au service de la loi : Dupin aîné (1783-1865), thèse soutenue en 2011 à Paris 2, membres du jury : Jean-Pierre Royer, Jacques Krynen, David Deroussin et Laurent Pfister    

    Comme procureur général près la Cour de cassation, Dupin ne s’est pas contenté de proposer un avis sur les pourvois en cassation pour contravention à la loi, mais il a travaillé, en collaboration avec la Chancellerie à la surveillance des tribunaux de l’ordre judiciaire. Le procureur général se montre si préoccupé des pourvois pour excès de pouvoir et dans l’intérêt de la loi qu’il propose à la Cour de cassation une interprétation nouvelle de leur nature et de leurs conditions qui ont presque toujours été adoptées. Dans le cadre de ses conclusions partie jointe, son influence sur la jurisprudence de la cour suprême est déterminante, car son interprétation en droit a été suivie d’une très forte majorité d’arrêts conformes, tant en droit civil qu’en droit pénal. La doctrine de Dupin est intéressante d’abord par la formulation de son positivisme dans une oeuvre qui éclaire d’un jour nouveau la lente conceptualisation de la hiérarchie des normes à l’époque de la Restauration et de la Monarchie de Juillet. Le second intérêt de sa doctrine réside ensuite dans ses prises de positions en faveur d’une autorité judiciaire souvent contestée. L’évolution des idées de Dupin est cependant singulière, car après avoir mené un combat contre ce qu’il percevait comme une justice d’exception, il a fini par accepter un dualisme juridictionnel. Son apport concret à l’indépendance de l’ordre judiciaire a été tout de même très important, puisqu’il a fortement contribué à imposer l’inamovibilité des magistrats contre deux révolutions, à maintenir les juridictions militaires et coloniales sous le contrôle de la Cour de cassation et à leur imposer progressivement le respect des règles de droit commun.

    Axelle Paris-Hardy, La tutelle des enfants naturels aux XVIIIe et XIXe siècles, thèse soutenue en 2010 à Paris 2  

    L’ETUDE PRESENTE A POUR OBJECTIF DE DETERMINER LES SPECIFICITES DE L’INSTITUTION TUTELAIRE LORSQU’ELLE EST APPLIQUEE AUX ENFANTS NES HORS MARIAGE A UNE EPOQUE OU LA PROTECTION DE L’ENFANT NATUREL MINEUR NE FAIT L’OBJET D’AUCUNE REGLEMENTATION PARTICULIERE. AU XVIIIe COMME AU XIXe SIECLE, LES ENFANTS NATURELS, DONT LA CONDITION JURIDIQUE EST INFERIEURE A CELLE DES ENFANTS LEGITIMES, SONT TITULAIRES D’UN CERTAIN NOMBRE DE DROITS, MAIS SONT DURANT LEUR MINORITE FRAPPES, COMME CES DERNIERS, D’UNE INCAPACITE D’EXERCICE PLUS OU MOINS ETENDUE. L’ORGANISATION D’UNE TUTELLE POUR LES ENFANTS NATURELS EST POURTANT LARGEMENT MECONNUE SOUS L’ANCIEN REGIME : FACE A L’INSUFFISANCE DES ELEMENTS NORMATIFS ET AU SILENCE DE LA PLUPART DES AUTEURS, SEULE LA RECHERCHE PUIS L’ANALYSE D’ACTES DE LA PRATIQUE JUDICIAIRE PERMET DE METTRE EN EVIDENCE LES PRINCIPES GENERAUX DE L’ORGANISATION DE LA TUTELLE DES ENFANTS NATURELS AU XVIIIe SIECLE. AU XIXe SIECLE, LES SPECIFICITES DE LA TUTELLE APPLIQUEE AUX ENFANTS NES HORS MARIAGE SONT ENONCEES PAR LA JURISPRUDENCE ET LA DOCTRINE : L’ADAPTATION AUX ENFANTS NATURELS, JURIDIQUEMENT EXCLUS DE LA FAMILLE, DES REGLES PREVUES PAR LE CODE CIVIL POUR LES ENFANTS LEGITIMES SOULEVE D’IMPORTANTES DISCUSSIONS, ET ENGENDRE DES INCERTITUDES, AUXQUELLES LE LEGISLATEUR NE MET FIN QU’EN 1907.

    Marta Peguera Poch, La légitime en pays de coutumes , thèse soutenue en 2008 à Paris 2  

    La réserve héréditaire ne choisit pas entre la dévolution testamentaire et la dévolution légale, ce qui la rend « d’analyse difficile » (Michel Grimaldi). On oppose souvent sa fonction familiale, la protection des proches, à sa fonction individuelle, assurer un équilibre entre les parts échues à chaque héritier. Ces observations mettent en évidence l’ambiguïté de cette institution, fruit du compromis opéré par les rédacteurs du Code civil entre la légitime des pays de droit écrit et la réserve des pays de coutumes. Mais cette rencontre entre les deux protections successorales en vigueur sous l’ancien droit n’est pas seulement le fait du Code civil. Elle remonte à l’adoption de la légitime par quelques coutumes au moment de leur rédaction officielle au XVIe siècle. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, le recours à la légitime se généralise en pays de coutumes. Elle s’adapte à la logique successorale de la réserve, tout en la transformant. La légitime coutumière devient alors une institution d’équilibre, tenant à la fois de la légitime romaine et de la réserve, où les rédacteurs du Code civil pourront trouver une synthèse originale des différentes traditions successorales de la France. Partant de la rédaction officielle des coutumes au XVIe siècle, ce travail étudie l’arrivée progressive de la légitime en pays de coutumes, puis son évolution au contact de la réserve, jusqu’à sa consécration par le Code civil sous le nom de réserve héréditaire.

    Guerric Meylan, L'âge de la majorité coutumière en France du XVIe au XVIIIe siècle, thèse soutenue en 2003 à Paris 2 

    Laurent Villemin, Pouvoir d'ordre et pouvoir de juridiction , thèse soutenue en 2001 à Paris 4 en co-direction avec Michel Meslin et Hervé Legrand  

    La thèse étudie le rôle qu'a joué la distinction entre pouvoir d'ordre et pouvoir de juridiction tant dans le domaine du droit canonique que dans celui de la théologie. En réalisant un travail de première main et en revisitant des études anciennes, elle adopte un traitement chronologique du sujet qui débute avec le décret de Gratien (1140). Elle identifie l'apparition formelle du binôme potestas ordinis/potestas iurisdictionis à la fin du XIIe siècle et se déploie jusqu'au concile Vatican II en se limitant à l'église catholique d'occident. Le travail tente à chacune des époques de mettre en lumière les réalités diverses que recouvrent les deux notions, les relations qu'elles entretiennent entre elles et la place qu'occupe la distinction dans les débats théologique-canoniques. Il met en évidence la séparation progressive qui s'opère entre les deux catégories. Un dernier chapitre dresse un bilan de cette herméneutique historique et mesure les répercussions de la séparation pour l'ecclésiologie. Etant donnée la multiplicité des significations revêtues par la distinction au cours de son histoire et l'affinité qu'elle entretient avec un paradigme théologique né au XIIe siècle et qui n'est plus le nôtre aujourd'hui, la thèse en vient à recommander de ne plus faire usage de la distinction entre pouvoir d'ordre et pouvoir de juridiction en théologie. Cette position a été implicitement adoptée par le concile Vatican II qui n'utilise pas la distinction. La non-réception sur ce point des choix conciliaires par certains théologiens et canonistes entraine le doctorant à étudier les débats du concile sur la question pour tenter d'en saisir la raison. Par le biais d'une analyse historique, la thèse mesure les répercussions de la séparation entre pouvoir d'ordre et pouvoir de juridiction aussi bien du point de vue des relations entre théologie et droit canonique que du point de vue d'une épistémologie du droit canonique.

    Olivier Descamps, Les origines de la responsabilité pour faute personnelle dans le code civil de 1804, thèse soutenue en 2001 à Paris 2 

    Florence Demoulin-Auzary, Les actions relatives a l'etat des personnes en droit romano-canonique medieval (xiie-xve siecle), thèse soutenue en 2001 à Paris 11  

    Le present travail portant sur les actions relatives a l'etat des personnes en droit romano-canonique medieval, du xiie au xve siecle, a pour objectif d'expliquer la formation du regime juridique particulier qui caracterise aujourd'hui encore l'etat des personnes et les actions qui s'y rapportent. Ainsi, a une presentation conceptuelle de l'etat succedent deux etudes techniques abordant la notionde maniere concrete, dans le cadre plus restreint du droit de la famille, comme objet d'action en justice, puis comme objet de preuve. La doctrine, elaboree a partir du corpus juris civilis et du corpus juris canordci, a donc ete examinee sur des themes varies, tels que, entre autres, le caractere prejudiciel des actions, leur indisponibilite et leur imprescriptibilite, de meme que les specificites des jugements rendus en matiere d'etat. L'etude de la preuve a ete centree sur la possession d'etat, a la fois dominante et caracterisque du debat judiciaire medieval. Ces analyses permettent d'entre voir les motifs, les difficultes et les finalites du jus comune au regard de l'etat des personnes.

    Bernard d' Alteroche, De l'étranger à la seigneurie à l'étranger au royaume , thèse soutenue en 2000 à Paris 2  

    L'etude du passage de la notion d'etranger a la seigneurie a celle d'etranger au royaume de france permet d'apprehender la maniere dont s'est developpe a partir du xive siecle un jus soli applicable a l'ensemble du royaume lie au developpement et a l'affirmation de la souverainete royale. Le renforcement de l'autorite du seigneur sur tous ceux qui demeurent dans sa seigneurie, caracteristique du systeme feodal, conduit a considerer comme etranger celui qui n'y est pas ne et a le designer suivant les lieux, par les termes albanus, extraneus, foraneus, advena ou alienigena. Sous l'influence des juristes medievaux, l'ancienne notion romaine d'origo liee au jus sanguinis disparait au profit de la prise en compte de l'origo propria sur laquelle repose le jus soli. Avec la fin de la suzeraineteelle developpement de la souverainete royale apparait alors une nouvelle conception de l'etranger determinee par rapport au royaume. Progressivement les categories medievales s'estompent et disparaissent au profit de la notion moderne d'etranger opposant ainsi le naturel ou regnicole a l'etranger ou aubain. Intimement lie a cette evolution, et sous l'influence des officiers royaux, les regles feodales particulieres applicables aux etrangers disparaissent au profit de l'instauration generale d'une inaptitude testamentaire et successorale. Devenue le regime juridique de droit commun cette incapacite aboutit des la fin du xve siecle a reserver au roi, par droit d'aubaine, sous certaines conditions et au titre de sa souverainete, les biens des etrangers morts dans le royaume.

    Angela Santangelo Cordani, Les decisiones de la rote romaine et le systeme des benefices ecclesiastiques au xiv siecle, thèse soutenue en 1998 à Paris 11  

    La copieuse tradition manuscrite des collections de decisiones rotae du xiv siecle et la riche serie des editions du xv, xvi et xvii siecle demontrent l'importance de la jurisprudence rotale des origines. Les cinq recueils avaient pour but de fixer la jurisprudence du tribunal pour permettre aux auditeurs de considerer clarifiees les questions juridiques qui avaient ete discutees dans des debats approfondis. Il s'agissait ainsi de repertoires des causes tres utiles aux juges qui y retrouvaient toute une serie de 'precedents' a utiliser pour la solution de causes semblables. Au xiv siecle la rote s'occupait surtout de resoudre les causes nees en matiere de benefices, puisque chaque aspect de l'institution - le concept meme de benefice, les conditions de sa vacance, les obligations du beneficier, les causes de perte etc. . . - etait sujet a des contestations et a des difficultes d'application. Les juges rotaux defendaient a cet egard les assignations beneficiales papales en depit des assignations accomplies par les autorites ordinaires, premierement l'eveque; l'obtention des charges ecclesiastiques arrivait en effet au xiv siecle surtout par l'initiative du saint siege, a travers les provisions pontificales et les graces expectatives. Les auditeurs defendaient ainsi le principe de la primaute pontificale, mis en relief par innocent ni et solennellement affirme par clement vi. Le systeme beneficiai dessine par la rote etait destine a exercer une profonde influence sur les oeuvres de la science juridique contemporaine et successive, ou on a trouve frequemment des citations des decisions etudiees. C'est ainsi que l'originalite des solutions accueillies pendant les proces, l'utilisation des decisions a la facon de precedents qui lient et l'autorite extrarotale des decisions memes demontrent comment deja au xiv siecle la jurisprudence rotale joua un role de premier ordre dans la vie du droit et dans les sources du droit savant.

    Edoardo Dieni, Conception 'juscorporaliste' et divorce dans le droit matrimonial canonique l'idee de conjugalite chez les codificateurs de 1917 et ses ascendences, thèse soutenue en 1997 à Paris 11  

    Le travail se propose de donner une contribution critique par rapport a l'idee de 'conjugalite' qui est codifiee, aujourd'hui, dans le droit canonique - une idee selon laquelle la formation d'un couple engage a la continence, apres l'echec du premier mariage, ne fait pas injure au principe d'indissolubilite. Dans ce but, on a cherche les racines culturelles de cette idee en privilegiant l'age classique du droit canonique, ou fut fixe un durable schema theorique du mariage, et la periode de la codification de 1917, ou cette schema fut radicalise (en etudiant, en particulier, des sources inedites, dont la consultation est possible chez les archives secrets du vatican depuis quelques annees seulement). L'approche historique suggere que nombreux problemes qui se posent aux canonistes contemporaines, par rapport au mariage, et a sa crise, ne soient abordables convenablement que dans le sisteme des etats de vie chretienne; un systeme qui a ete mis en question, de quelques sorte, par le concile vatican ii. En attendent les developpements de l'ecclesiologie post-conciliaire, on avance des propositions pour une solution provisoire au probleme des divorces remaries dans l'eglise catholique.

    Franck Roumy, L'adoption dans le droit savant du 12e au 16e siècle, thèse soutenue en 1994 à Paris 2  

    L'etude de l'adoption a travers le discours des juristes medievaux permet d'apprehender la maniere dont s'est dessine, entre la renaissance du droit romain en occident, au xiie siecle, et le triomphe de l'humanisme juridique, au xvie siecle, le profil moderne de cette institution. Tributaire d'un triple heritage - romain, germanique et chretien - , les juristes medievaux ont ete confrontes a un mode d'acquisition des liens de filiation qui echappait en grande partie aux modeles sociaux et moraux de paternite qui etaient ceux de leur temps. L'aspect volontariste de la filiation adoptive, son caractere de fiction juridique et d'"imitation de la nature" sont les points qui retinrent le plus leur attention. Utilisant certains elements de son regime juridique pour batir une theorie originale de la fiction juridique, les juristes medievaux ont aussi contribue a l'effondrement de l'ancienne conception romaine qui voyait d'abord dans l'adoption un mode d'acquisition de la puissance paternelle et, donc, un moyen d'organiser les successions. Ils ouvraient ainsi la voie a l'elaboration d'un nouvel archetype qui, apres bien des vicissitudes, a fini aujourd'hui par s'imposer dans les legislations occidentales : une adoption dont le but premier n'est pas l'interet de l'adoptant mais celui de l'adopte.

    Jean-Paul Andrieux, La communauté de Saint-Philibert de 677 à l'an Mil , thèse soutenue en 1993 à Paris 2  

    Les canonistes du moyen-age ont puise dans le droit romain les elements permettant d'aboutir a la conception de persona ficta puis de persona representata. La presente these invite a se demander si la theorie ne se nourrit pas entre ces poles - droit romain droit savant - d'un passe plus recent que l'antiquite : le haut moyen-age qui offre une experience peu etudiee jusqu'ici. Nous avons choisi l'experience de la communaute de saint-philibert, des origines (677) jusqu'a l'an mil (989) pour poser certains jalons de l'histoire des origines de la notion de personne juridique. Les vicissitudes de cette congretation, liees a ses peregrinations renforcent sa cohesion dont la traduction juridique se manifeste dans les diplomes, bulles et actes prives qui lui sont adresses. Cette cohesion se construit et se stabilise primitivement grace au fondateur, par ses reliques et sa regle. La seconde etape consiste dans la constitution du patrimoine foncier car le statut juridique des monasteres releve de l'etude de la propriete ecclesiastique. La notion d'affectation de biens a un usage pieux qui garantit l'unite du patrimoine renforce le macanisme juridique de la fondation monastique. La mise en place pragmatique d'un systeme de representation de la personne permet finalement la reconnaissance par les pouvoirs temporels et spirituels de la communaute comme sujet de droit capable de jouir du privilege de l'immunite et de beneficier, pour son patrimoine, de la protection apostolique.

  • Benoît Alix, La notion de judex ordinarius en droit romano-canonique médiéval (XIIe-XVe siècle), thèse soutenue en 2020 à Paris 2 sous la direction de Franck Roumy, membres du jury : Patrick Arabeyre (Rapp.), Charles de Miramon (Rapp.), Florence Demoulin-Auzary et Laurent Pfister    

    L’influence de la terminologie issue du droit romain sur le vocabulaire juridique contemporain n’est plus à démontrer. Loin de se restreindre au seul monde du droit, ces ressources lexicographiques imprègnent également le discours de la science politique. Héritée du droit romain, la notion de judex ordinarius est reçue et réinterprétée lors de la renaissance des études juridiques à Bologne à la charnière du XIe et du XIIe siècle. Les juristes médiévaux s’attachent alors à imiter le modèle des fonctions publiques romaines qu’ils transposent aux offices, civils et ecclésiastiques, proposant ainsi une hiérarchie des agents. Le judex ordinarius, dont la caractéristique principale est d’être revêtu d’une dignité, fondement de l’exercice d’une juridiction propre, c’est-à-dire attachée à la fonction, constitue le magistrat par excellence. Ses prérogatives, en effet, qui ne se limitent pas au seul pouvoir juridictionnel, font de lui un administrateur-juge. En outre, susceptible de fonder la mise en place d’un ordre judiciaire (ordo judiciarius), à travers la définition de divers degrés juridictionnels, les civilistes comme les canonistes s’emparent de cette titulature. Celle-ci permet, les uns au profit de l’ordre séculier, les autres de l’ordre ecclésiastique, de déterminer une typologie des juges et de la juridiction. Rapidement présente au sein de la législation canonique, la mention du juge ordinaire, qui désigne, en principe, le juge de droit commun sur un territoire donné, se diffuse ensuite dans la législation séculière.

    Carole Avignon, L'église et les infractions au lien matrimonial , thèse soutenue en 2008 à Paris Est sous la direction de Laurent Feller  

    Appliquée à la formation du lien matrimonial, la clandestinité est une infraction multiple. Contrepoint doctrinal nécessaire pour établir le consensualisme matrimonial, la clandestinité n’en demeure pas moins une infraction aux lois de l’Eglise. Les mariages clandestins sont valides bien que moralement mauvais, potentiellement illicites, théoriquement illégitimes, canoniquement interdits. Théologiens et canonistes craignent d’inextricables dilemmes juridiques et moraux sapant les fondements de l’institution matrimoniale et discréditant l’action régulatrice de la justice d’Eglise empêchée de juger selon la vérité. De micro-processus de prise en charge, de recomposition d’une norme et d’une infraction apparaissent en pratique. La régulation judiciaire épiscopale a construit des instruments de lutte contre les mariages clandestins qui se révèlent des instruments de contrôle socio-religieux au service d’un renforcement du cadre paroissial et du pouvoir juridictionnel de l’évêque

    Carole Avignon, L'église et les infractions au lien matrimonial, thèse soutenue en 2008 sous la direction de Laurent Feller, membres du jury : Claude Gauvard (Rapp.), Catherine Vincent et Geneviève Bührer-Thierry    

    Appliquée à la formation du lien matrimonial, la clandestinité est une infraction multiple. Contrepoint doctrinal nécessaire pour établir le consensualisme matrimonial, la clandestinité n’en demeure pas moins une infraction aux lois de l’Eglise. Les mariages clandestins sont valides bien que moralement mauvais, potentiellement illicites, théoriquement illégitimes, canoniquement interdits. Théologiens et canonistes craignent d’inextricables dilemmes juridiques et moraux sapant les fondements de l’institution matrimoniale et discréditant l’action régulatrice de la justice d’Eglise empêchée de juger selon la vérité. De micro-processus de prise en charge, de recomposition d’une norme et d’une infraction apparaissent en pratique. La régulation judiciaire épiscopale a construit des instruments de lutte contre les mariages clandestins qui se révèlent des instruments de contrôle socio-religieux au service d’un renforcement du cadre paroissial et du pouvoir juridictionnel de l’évêque