Présentation de l’éditeur
Cet ouvrage propose de prendre au sérieux un phénomène à l’oeuvre dans la jurisprudence de l’Union européenne : l’implantation croissante de références à la situation personnelle des individus dans le raisonnement de la Cour de justice. La formule « situation personnelle », ainsi que des notions substituables et voisines, sont en permanence sous les yeux des lecteurs de la jurisprudence. Pourtant, les études juridiques européennes n’ont pas pris la peine d’analyser et de contextualiser l’usage de cette formule.
D’où l’ambition du présent ouvrage de rendre compréhensible sa signification, son rôle et ses effets dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union.
L’ouvrage présente le processus de conceptualisation de la notion de situation personnelle dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Bien plus qu’une notion utilisée de manière éparse par la Cour de justice, la situation personnelle est un concept juridique en formation. L’analyse du « travail de conceptualisation » du juge de l’Union montre que malgré le recours très variable, et apparemment instable, à la notion de situation personnelle, une cohérence et même un projet émergent des différents usages de la notion de situation personnelle par la Cour de justice de l’Union européenne.
La pratique de référence à la situation personnelle donne à cette notion une substance (ses composantes), une utilité (ses fonctions) et une portée (ses effets) qui en font un concept en puissance du droit de l’Union. Instrument de liberté pour le juge de l’Union et de contraintes pour les autorités nationales, le concept de situation personnelle s’est ancré dans le raisonnement judiciaire européen. Sur un plan plus macroscopique, ses effets sont considérables aussi : à l’échelle de la personne, l’attention donnée à sa situation personnelle contribue à renforcer ses droits et rendre légitime la protection de certaines formes d’existences sociales et européennes (« effet protecteur ») ; à l’échelle de la jurisprudence de la Cour de justice, la casuistique née de la pratique de référence à la situation personnelle comporte des risques de fragmentation du droit de l’Union et d’insécurité juridique (« effet perturbateur »). Fort de ce constat, l’ouvrage s’achève par la proposition de remèdes voués à mieux concilier les effets bénéfiques de l’essor du concept de situation personnelle avec les impératifs de sécurité juridique et d’unité du droit de l’Union européenne.
Loin d’être anecdotique, donc, le processus de conceptualisation de la situation personnelle interroge le pouvoir de la Cour de justice, jette un éclairage nouveau sur l’évolution du droit européen des personnes et, enfin, stimule la réflexion sur la réalité de la société européenne contemporaine saisie par le droit.
Alexis Husser, docteur en droit public, maître de conférences en droit public à l’Université de Strasbourg
Ségolène Barbou des Places, professeure à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.