Coll. Léviathan, 328 pages
Présentation de l'éditeur
C’est généralement au nom des valeurs que l’on refuse au « droit nazi » sa qualité de « droit ». Cette manière, évidemment légitime, présente cependant le défaut de ne pas permettre une véritable compréhension de ce droit étrange et inquiétant, de ce droit monstrueux et, à travers lui, de l’idéologie du nazisme, plus précisément de sa grammaire et de sa rhétorique. Au-delà d’une histoire du « droit nazi », de ses institutions et pratiques, ce sont ses discours qui sont ici interrogés, l’ordre du discours des nombreux juristes engagés pour dire le droit nazi.
Par un exercice de tératologie juridique est ici mise au jour la façon dont les oxymores et inversions d’un langage totalitaire viennent bouleverser, renverser et travestir la langue du droit léguée par Rome, afin de justifier « en droit » l’injustifiable moral. Invitation à penser le droit « normal » et les enjeux de ses mutations actuelles qui semblent abandonner les ressources de son trésor latin – son abstraction et sa conceptualité –, cet essai ne se réserve pas aux seuls spécialistes ; il est porté par la conviction que l’analyse d’un versant monstrueux peut aider, en contrepoint, à méditer l’ordre raisonnable du droit.
Olivier Jouanjan est professeur de droit public à l'université 2 Panthéon-Assas et professeur honoraire à l'université Albert-Ludwig de Fribourg-en-Brisgau. Membre honoraire de l'Institut universitaire de France, ancien Fellow du Wissenschaftskolleg de Berlin (2011-2012), son précédent ouvrage, Une histoire de la pensée juridique en Allemagne (1800-1918), paru dans la collection « Léviathan » en 2005, a été honoré du prix de la recherche de la Fondation Alexander-von-Humboldt en 2007.
Sommaire
Introduction – Prendre le « droit » nazi au sérieux ?
Première partie – Conversions
Chapitre premier – Doctrines weimariennes, doctrines nazies : Entre continuité et discontinuité
La faute du positivisme
Weimar et la « querelle des méthodes et des approches »
Chapitre 2 – La « mise au pas » du monde des juristes
La mise au pas des universités et le « nouveau droit des étudiants »
La Fédération des juristes nationaux-socialistes allemands
L’Académie pour le droit allemand
Le contrôle de l’édition juridique
Chapitre 3 – Se convertir au nazisme : Essai d’interprétation
Deux itinéraires : Ernst Rudof Huber et Reinhard Höhn
La « génération 1900 » et l’engagement nazi
Seconde partie – Inversions
Chapitre premier – Inverser, renverser, rénover : Le renversement des valeurs juridiques
Tradition et révolution juridiques
L’exemple de la « rétention de protection » (Schutzhaft)
Chapitre 2 – Le mythe juridique de la communauté
Destins allemands de la communauté
La communauté et la destruction du droit public
La communauté et la « rénovation » des droits civil et criminel
Chapitre 3 – Deux théories du droit nazi : Carl Schmitt, Karl Larenz
Carl Schmitt et la pensée concrète de l’ordre et de la configuration
Karl Larenz ou les errements du néo-hégélianisme nazi
Épilogue – Perversions
Le droit, forme de vie
Être juif, de quel droit ?
Une déformalisation radicale du droit
Une idéologie du management
La langue du droit