Présentation
La campagne #MeToo, lancée en 2007 par la militante féministe afro-américaine Tarana Burke, a pris une ampleur mondiale sans précédent depuis la révélation de l'« affaire Weinstein » en octobre 2017. Que l'on s'intéresse à ce mouvement international de dénonciation des violences sexuelles ou à son pendant français, #BalanceTonPorc, on distingue un nouveau paradigme de justice face aux discriminations que subissent les femmes : l'opinion publique semble se réapproprier les débats institutionnels et judiciaires. Devançant un législateur français hésitant, nombreux sont les acteurs politiques et sociaux qui qualifient les homicides en raison du sexe de « féminicides ».
De ce fait, se posent à la fois la question de la nécessité d'une traduction juridique systématique des réalités sociales et celle de la compatibilité de ce néologisme avec les principes de neutralité et d'universalisme du droit français. Par le biais des réseaux sociaux, la possibilité de mettre en lumière des inégalités sociales et sexuelles s'ouvre au plus grand nombre, et l'on observe, par ces verdicts sociaux, un phénomène de sentences publiques et morales, échappant aux procédures judiciaires classiques et dépassant le carcan législatif national. Ces aspirations parajudiciaires rappellent aujourd'hui plus que jamais, la nécessité d'une dialectique entre les sciences sociales et le droit. Car, à travers la question des femmes, les pratiques juridiques et sociales, publiques et privées, collectives et individuelles dialoguent et reflètent des rapports de domination.
En parallèle, des initiatives politiques, telles que le « Grenelle contre les violences conjugales », faisant écho aux revendications sociales grandissantes, soulignent le lien permanent entre évolutions sociales/populaires et récupération politique. La notoriété de la Servante Ecarlate, la relecture des écrits de Christine de Pizan, la parité entre hommes et femmes brandie comme slogan politique lors de diverses élections sont autant d'exemples qui interrogent sur la portée idéologique de la question du genre.
Après les premières journées doctorales organisées en novembre 2018, portant sur le corps en droit, le Centre d'Histoire et d'Anthropologie du Droit (CHAD) propose une deuxième édition consacrée au statut des femmes : domination et constructions identitaires.
Tournées vers l'ouverture académique, nos premières journées avaient réuni des doctorants et jeunes docteurs de Pa- ris-Nanterre et d'ailleurs, proposant des communications au large spectre chronologique (de ['Antiquité à la période contemporaine) et spatial (tant en Occident, qu'en Orient ou en Afrique). Si nous avions déjà tourné le dos à la mono- disciplinarité lors de cette première expérience, en privilégiant une approche multi- et intra-disciplinaire, nous souhaitons aller plus loin dans le décloisonnement et tendre vers l'interdisciplinarité. La philosophie, le droit, la littérature ou encore l'anthropologie seront convoqués.
C'est à travers le prisme des constructions idéologiques et identitaires que le statut de la femme sera envisagé. Nous examinerons diverses thématiques. Quelles représentations idéologiques ont eu cours dans l'histoire en matière de statut juridique accordé aux femmes ? Dans quelle mesure des concepts ou des pratiques ont permis la formation de représentations dominantes et de contre-représentations ? Par quels moyens la domination sexuelle est-elle justifiée ? Quelles constructions sociales et juridiques octroient à certaines femmes un statut particulier extraordinaire ?
Il faudra bien 48 heures dans la vie des femmes pour tenter de dessiner, à la manière de la « carte du tendre », celle du statut juridique féminin. Prenons à présent le chemin des dames et explorons-le aussi bien que possible.
Instructions relatives aux échanges en ligne
Au regard de la situation sanitaire, les journées doctorales se dérouleront de manière dématérialisée. Afin de faciliter les échanges entre participant.e.s, intervenant.e.s et présidentes de séance, une organisation en deux temps a été retenue. Chaque présentation sera enregistrée et mise en ligne sur la plateforme Youtube une semaine avant la date annoncée, permettant ainsi un visionnage préalable aux discussions à toute personne intéressée. Nous vous invitons à vous inscrire en écrivant un mail à etienne.lamarche@outlook.fr. Les liens vers les présentations vous seront ainsi transmis une semaine avant les séances de discussion. Les débats autour des communications, animés par les présidentes de séance, s'ouvriront aux dates et horaires indiqués sur le programme. Ceux-ci auront lieu sur la plateforme Microsoft Teams, et sont ouverts au public. Le lien permettant d'y assister vous sera communiqué de la même manière que celui des interventions filmées.
En raison du grand nombre d'inscrit.e.s, il vous sera demandé de garder votre micro et webcam désactivés pendant l'intégralité des interventions. Vous pourrez poser vos questions à l'issue de celles-ci, en demandant la parole depuis la discussion-chat (en inscrivant « je demande la parole » ou en levant la main). Un.e modérateur.rice, en charge d'organiser les débats, vous indiquera alors quand allumer votre micro et webcam. Vous pourrez également poser directement votre question sur la discussion- chat au modérateur si vous ne souhaitez pas prendre la parole.
Programme
Jeudi 3 juin 2021
9h30
Ouverture
Soazick Kerneis, Université Paris-Nanterre - CHAD
Sous la présidence d'Anne-Emmanuelle Berger, Paris VIII Vincennes Saint-Denis - LEGS
La condamnation de la mémoire des femmes romaines sous l'empire
Claire Laborde, doctorante en histoire du droit, Paris-Nanterre
Traités de médecine légale et viol au XIXe siècle : l'inscription dans le corps des femmes et des filles des critères de détermination de leur crédibilité dans le cadre de la mise en œuvre d'une procédure judiciaire
Ghislaine Pedito, doctorante en histoire du droit, Paris-Nanterre
Les contours des vérités historique et judiciaire
Antonio Laguado, doctorant en anthropologie du droit, Paris-Nanterre
Incels (la communauté des « hommes célibataires involontaires ») et de leur rapport aux droits des femmes
Marjorie Coulas, doctorante en histoire du droit, Paris-Nanterre
14h
Sous la présidence de Sonia Dayan-Herzbrun, Paris-Diderot
Les vestales sont-elles des femmes ? le statut des prêtresses romaines de Vesta
Ralph Evêque, docteur en histoire du droit, Paris-Nanterre
Magiciennes ou soignantes : la place des femmes dans les activités de guérison dans l'Angleterre de l'époque moderne 1542-1604
Marion Attia, doctorante en histoire du droit, Paris-Nanterre
Le crime de poison de l'édit de 1682 à la veille de la Révolution : un crime féminisé ?
Tom Riché, doctorant en histoire du droit, Paris-Nanterre
Les femmes face à l'invisible, la vision juridique de l'administration importée en Afrique Occidentale Française durant la seconde vague de colonisation (XIXe-XXe siècles)
Maxime Tourette, doctorant en histoire du droit, Paris-Nanterre
Vendredi 4 juin 2021
9h30
Sous la présidence de Beatriz Collantes-Sanchez, Paris-Nanterre – LEGS
Le statut des femmes-colons en Islande à l'époque du Landnàm : le témoignage du Livre de la colonisation
Natalia Danilova, doctorante en histoire du droit, Paris-Nanterre
« One great brothel ». Critique du mariage et amélioration du statut des femmes dans la communauté abolitionniste de Nashoba (1825-1828)
Etienne Lamarche, doctorant en histoire du droit, Paris-Nanterre
Celles qui partent ne reviennent pas. Migration, genre, et recompositions communautaires chez les Mayas tseltals de San Juan Cancuc
Juliette Danfakha, doctorante en anthropologie, Paris-Nanterre
Les femmes et les procès pour terrorisme en France: une approche ethnographique
Joshua Isaac Bishay, doctorant en anthropologie du droit, Paris-Nanterre
14h00
Sous la présidence de Livia Holden, Paris-Nanterre – CHAD
La répudiation de l'épouse infidèle dans l'église romaine orientale - une sanction distincte selon les genres émanant des lettres canoniques de saint Basile
Martin Le Roy, doctorant en histoire du droit, Paris-Nanterre
L'évolution du crime de rapt dans le droit byzantin
Christavgi Athanasiou, doctorante en histoire du droit, Paris IV Sorbonne
« Mama » en kiswahili entre appellatif affectueux et titre d'appel courant
Naomi Omeonga Wa Kayembe, doctorante en anthropologie du droit, Paris-Nanterre
The traditional role of women in contemporary Japan
Mariko Nakahara - doctorante en anthropologie du droit, Paris-Nanterre
Pour participer veuillez contacter : etienne.lamarche@outlook.fr
Journées doctorales du Centre d'histoire et d'anthropologie du droit (CHAD), Université Paris Nanterre.