Présentation
Alors que les technologies numériques pénètrent massivement les systèmes judiciaires en Europe, affectant profondément la façon dont la justice est rendue et dont les professionnels du droit y concourent, qu'en est-il de la prison ? Quelles sont les formes d'accès aux technologies numériques dont bénéficient les personnes détenues sur le continent ? Quelle place ces technologies occupent-elles dans la gestion de la détention, provoquant quelles transformations dans le quotidien carcéral ? Le développement de la société numérique suscite de nouveaux enjeux du point de vue des droits fondamentaux des personnes détenues, enjeux que le colloque se propose d'explorer.
D'un côté, les limitations d'accès à Internet constituent en soi une restriction du droit des personnes détenues de recevoir des informations. Elles affectent en outre l'exercice de nombreux autres droits, tant il est désormais acquis que l'accès à Internet apparaît de fait comme un moyen de désenclaver la prison, en termes d'accès au droit et au juge, mais aussi d'instruction, de travail, d'accès à l'information... Dans ces conditions, comment promouvoir l'accès aux droits numériques et à Internet des personnes détenues ?
De l'autre, dans le contexte des politiques d'austérité, comment empêcher que des procédés technologiques (audiences en visioconférences, visites familiales virtuelles, activités en ligne, etc.) ne se substituent à l'intervention humaine et, ce faisant, isolent davantage encore les personnes détenues du monde extérieur ? De même, le traitement automatisé des données des personnes détenues ouvre la voie à un contrôle accru des intéressés. Les logiciels consignant les observations d'ordre comportemental rendent vivace la mémoire des incidents anciens et brouillent les contours des comportements prohibés, au risque d'une amplification du pouvoir discrétionnaire administratif.
Enfin, la perspective d'une pénétration plus massive des technologies numériques et, inévitablement d'Internet, en prison pose la question de la collecte des données de navigation à des fins d'évaluation de la capacité de réadaptation des détenus ou leur potentielle dangerosité, dans le prolongement du déploiement en cours d'outils prédictifs évaluant notamment le comportement des intéressés en détention. Dès lors, comment garantir la protection du droit au respect de la vie privée et en particulier des données personnelles derrière les murs ?
Programme
9h00 : Ouverture
Isabelle Fouchard, Chargée de recherche CNRS, Université Paris 1 -Panthéon Sorbonne(ISJPS), Contrôleure extérieure auprès du Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Krasimir Kanev, Vice-Président du European Prison Litigation Network, Fondateur du Bulgarian Helsinki Committee
Me Alexis Flitzjean ou Virginie Aubrée, La Quadrature du Net
9h20 : Table ronde 1. Expériences nationales d'accès des personnes détenues à Internet
Présidence : Vincent Eechaudt, chercheur à l'Institute for International Research on Criminal Policy, Université de Gand
Réglementation en matière d'accès à Internet dans les établissements pénitentiaires ukrainiens : perspectives d'amélioration
Ivan Ostrenko, Responsable de la direction de la réglementation au ministère de la Justice ukrainien
Accès à Internet dans les prisons lituaniennes
Karolis Liutkevičius, Directeur juridique duHuman Rights Monitoring Institute
Accès à Internet dans les prisons françaises
Benoîte Beaury, Contrôleure auprès du Contrôleur général des lieux de privation de liberté
10h25 : Discussion
10h55 : Pause
11h15 : Table ronde 2. Les droits de l'homme face aux restrictions d'accès à Internet en prison
Présidence : Sofia Ciufoletti, Présidente de l'organisation L'Altro Diritto, chercheuse à l'Université de Florence
Les multiples effets sociaux des restrictions d'accès à Internet en prison
Damien Scalia, Professeur de droit pénal à l'Université Libre de Bruxelles
Accès à Internet et inégalité des droits des personnes détenues
Christiaan van Veen, Conseiller spécial sur les nouvelles technologies et les droits de l'homme auprès du Rapporteur spécialdes Nations Unies sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme
12h00 : Discussion
12h30 : Pause déjeuner
14h00 : Table ronde3. Usages sociaux d'Internet en prison
Présidence : Daniel Witko, Juriste à la Helsinki Foundation for Human Rights, Poland
La réalité virtuelle des prisons russes : l'impact des médias sociaux sur la structure de la prison en Russie
Laura Piacentini, Professeur à l'Université de Strathclyde, Glasgow
L'usage des réseaux sociaux dans le contrôle des prisons russes
Asmik Novikova, Directricede recherche au sein de l'ONG Public Verdict Foundation, Moscow
L'accès à Internet dans la jurisprudence de la CEDH
(Intervenant à confirmer)
15h05 : Discussion
15h30 : Pause
16h00 : Table ronde 4. L'introduction des outils numériques de la prison, quels risques ? quelles garanties ?
Présidence : Anne Simon, Maître de conférences à l'Université Paris 1 -Panthéon Sorbonne
Evaluer le risque d'extrémisme violent en prison ? Critiques des professionnels d'un outil actuariel standardisé
Gilles Chantraine, Chargé de recherche au CNRS,Centre Lillois d'Etudes et de Recherches Sociologiques et Economiques, Université de Lille 1
Outils numériques, principes éthiques fondamentaux et protection de la santé
Michel David, Président de l'Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu pénitentiaire
Les dangers de la digitalisation de la justice au regard du droit à un procès équitable
Benoît David, Avocat au Barreau de Paris, membre du Conseil d'administration de l'Association pour la Défense des Droits des Détenus (A3D), Président de l'association Ban Public
17h00 : Discussion
17h30 : Fin du colloque
Entrée libre, inscription : http://www.prisonlitigation.org/registration23may2019/
La manifestation est validée au titre de la formation continue des avocats
Organisé par l'Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne (ISJPS-Univ. Paris 1) et European Prison Litigation Network dans le cadre des Rencontres Européennes « Prison et numérique »