Savoirs juridiques et décision publique

Appel à communication

Savoirs juridiques et décision publique

Colloque, Rouen, 20-21 novembre 2025

Date limite le samedi 31 mai 2025

Le souhait des décideurs publics de trouver dans les savoirs universitaires et scientifiques une source de légitimité n’est plus aujourd’hui quelque chose de nouveau. Au contraire, les périodes récentes de crise ont remis à jour la montée en puissance d’un désir d’ « épistocratie », voire actuellement le développement progressif des mouvements revendiquant une « evidence-based legislation », réaffirmant la nécessité de discuter de la relation entre la fabrication des savoirs et la fabrication de la décision publique. Or, au sein de cette capacité d’influence ou d’information que renferment les productions universitaires, c’est principalement autour des rapports entre les autres sciences sociales – ou naturelles – et la prise de décision publique que les discussions ont traditionnellement été axées. Le présent colloque entend, pour sa part, soulever la question des savoirs juridiques pour rouvrir des perspectives concernant les mécanismes de participation et d’influence réciproques entre les connaissances produites par les universitaires en droit et le processus de prise de décision publique.

Pour ce faire, nous n’entendons pas fixer de limite stricte à la question de ce qui constitue les savoirs juridiques. Il est au contraire pris pour acquis que les universitaires en droit produisent des connaissances, et ce sans se soucier du statut de ces dernières – qu’elles se considèrent comme scientifiques, comme discours d’expertise ou autre. En effet, il n’est pas nécessaire que les savoirs juridiques soient scientifiques pour qu’ils puissent être mobilisés à l’appui des décisions publiques. Dans le même sens, il est accepté de prime abord – même si cela pourra être questionné – que ces savoirs exercent une influence sur la décision publique (même si elle peut être mineure ou variable selon les champs observés). Ce postulat n’est pas dénué de tout fondement puisqu’il fut déjà pointé dans différentes recherches une certaine réutilisation des productions juridiques dans les décisions publiques et notamment de justice – que ce soit démontré par le biais de citations ou de circulation des concepts. À ce titre, la prise décision publique sera également intégrée au sens large pour englober les processus composites provenant tant d’organes juridictionnels, administratifs, mais également législatifs ou constitutionnels. Cela permettra aux discussions d’aborder les diverses facettes de cette relation entre savoirs et décision publique en intégrant les variations dues aux différents acteurs et aux exigences de leurs exercices décisionnels.

L’objectif de ce colloque reste donc de poursuivre les initiatives qui ont déjà été entreprises autour de la relation entre savoir et pouvoir. Il prend ainsi acte de ce qui fut discuté tant sous le prisme du militantisme académique ou encore sur celui de la relation entre argument scientifique et droit pour tenter de concentrer ses interrogations sur les moyens de mobilisation des connaissances juridiques par les acteurs publics dans leurs décisions. De ce point de vue, il ne s’agira pas de se demander si les universitaires doivent s’engager ou au contraire maintenir une neutralité axiologique – si tant est qu’elle soit possible – mais plutôt d’accepter que les connaissances produites puissent avoir un intérêt pratique pour la décision publique que ce soit dans les informations qu’elles offrent que dans les critiques qu’elles soulèvent. En ce sens, il sera davantage ici question de la manière dont ces connaissances arrivent à être prises en compte dans les décisions publiques autant que les conséquences que cela peut avoir sur l’encadrement juridique de l’usage des connaissances universitaires. De plus, le colloque a également pour objectif d’ouvrir la voie aux réflexions portant sur l’influence inverse, celle où la décision publique investit les problématiques de fabrication de la connaissance universitaire et les aiguille implicitement ou explicitement.

 

Axe I – Des savoirs juridiques à la décision publique I : les mécanismes d’influence

Dans cet axe nous souhaitons discuter des mécanismes par lesquels les savoirs juridiques en viennent à être mobilisés dans la prise de décision publique.

Parmi les pistes possibles, pourront être interrogés les mécanismes substantiels d’imbrication entre les savoirs juridiques et la décision publique. En effet, le juge, le législateur ou tout autre décideur public ne se posent pas des questions identiques aux universitaires qui étudient le droit. De ce fait, pourront être discutées différentes problématiques liées à l’intérêt, ou non, des savoirs juridiques pour les décideurs, si cet intérêt varie selon le type de recherche ou encore pour quels objectifs ces savoirs sont mobilisés – légitimation, critique ou encore argumentation.

D’autres pistes possibles pourront porter sur les mécanismes institutionnels d’influence de ces savoirs. Il serait alors intéressant d’analyser par quels moyens les décideurs publics en viennent à se confronter aux savoirs universitaires. Cette influence est-elle due aux revues académiques ? À l’intervention d’universitaires au sein des processus décisionnels – porte étroite, audition à l’assemblée, etc. ? Au recrutement ou au mandat d’universitaires dans les instances – en devenant magistrat, membres d’autorités administratives, etc. ? Aux organes de conseils ? L’objectif reste de questionner ces réseaux complexes de circulation d’idées entre les facultés de droit et les décideurs publics.

 

Axe II – Des savoirs juridiques à la décision publique II : les mécanismes d’encadrement

Les questions de cet axe viendront, quant à elles, s’inscrire sur les conséquences juridiques et éthiques à l’utilisation de ces savoirs dans la prise de décisions publiques.

S’inscrivent sous ce prisme les discussions renouvelées par la décision du Conseil d’État du 14 octobre 2024, Institut Montaigne venant soulever la problématique de l’encadrement de l’influence de certains réseaux de chercheurs. En ce sens, il pourra être interrogé cette question simple, les think tanks mais plus largement les universitaires peuvent-ils être compris comme des représentants d’intérêts ? Quel statut leur donner lorsqu’ils participent à la prise de décision ? Doivent-ils respecter des obligations de transparence ou d’intégrité ?

D’autre part, pourront intégrer cet axe des perspectives inverses, liées à la question de la responsabilité éthique des juristes quant aux savoirs qu’ils produisent et aux conséquences pratiques qui peuvent en découler.

 

 

Axe III – De la décision publique aux savoirs juridiques : les mécanismes d’orientation

Le dernier axe entend ouvrir plus largement à la question de la fabrique de nos connaissances juridiques. L’objectif est alors de soulever les questions des interrelations existantes entre les décisions publiques et la recherche juridique. En effet, bien que le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs soit consacré en France, cela n’empêche pas que les pouvoirs publics agissent directement ou indirectement pour orienter des politiques pour la création de certains savoirs juridiques.

En ce sens, les contributeurs pourront notamment développer des perspectives concernant les conséquences du financement et de l’évaluation de la recherche juridique sur les savoirs créés, que ce soit par le biais des lois de programmation de la recherche, de l’HCERES, des instituts finançant les recherches action, du développement d’une recherche sur appels à projets qui conduit à une modification de la manière d’appréhender la construction des savoirs en droit. Du reste, la relation spécifique qu’entretiennent les facultés de droit avec la formation des praticiens ou encore des fonctionnaires pourra également soulever des questionnements sur l’aiguillage des savoirs par l’enseignement.

Enfin, cette maîtrise indirecte des savoirs peut passer également par la question des sources accessibles ou non. Pourront donc être questionnées les difficultés liées l’accès aux archives et à leur ouverture, ce de la mise en place de l’open data des décisions de justice ou encore les difficultés qu’amènent les sources liées au secret-défense.

 

 

Modalités de candidature :

Les éléments évoqués ici n’aspirent pas à l’exhaustivité et d’autres pistes peuvent être proposées pour se greffer aux axes indiqués.

Les propositions de communication devront être transmises aux deux adresses suivantes matthieu.gaye-palettes@univ-rouen.fr et arthur.gaudin@univ-rouen.fr avant le 31 mai 2025. Elles devront indiquer le titre provisoire de la communication ainsi qu’un résumé de 3000 signes environ spécifiant l’axe dans lequel la proposition souhaite s’insérer.

Une publication des actes est envisagée par la suite.

 

 

Responsables scientifiques :

  • Arthur GAUDIN, Maître de conférences à l’IUT de Rouen
  • Matthieu GAYE-PALETTES, Maître de conférences à l’Université Rouen Normandie