Jeanne Prades, Narrative (de)securitizations of Islam in Western Europe. : A comparative analysis of public discourse in Germany, Britain, and France, thèse soutenue en 2022 à Institut polytechnique de Paris sous la direction de Thomas Lindemann
Cette thèse interroge la manière dont les représentations historiques de l’islam et des musulmans résonnent, ou non, dans la construction sécuritaire de l’islam et des musulmans dans des discours publics contemporains allemands, britanniques et français. Plus précisément, en proposant une approche narrative du concept de « sécuritisation » de l’Ecole de Copenhague, elle propose de créer un pont entre les études sur l’impérialisme, le colonialisme et l’orientalisme, et les études critiques sur la sécurité en relations internationales.Méthodologiquement, cette recherche repose sur une démarche comparative, qualitative et interprétative, fondée sur l’analyse des expressions, plutôt que la recherche des causes, de la sécuritization. Empiriquement, elle repose sur une analyse narrative de 356 discours produits par 66 différents acteurs politiques et médiatiques, construits d’abord en trois corpus nationaux allemand, britannique et français, puis en un corpus européen global.En réponse à la question de recherche, cette thèse valide en partie son premier argument selon lequel les constructions narratives de la menace varient en fonction de répertoires narratifs et sémantiques nationaux. Elle invalide néanmoins en partie le second, selon lequel les différents orientalismes cristallisés au tournant du XXème siècle influencent la manière dont l’islam et les musulmans sont construits dans les discours publics contemporains.Cette thèse a des implications pour la recherche sur la sécurisation, ainsi que pour les études sur l’orientalisme et la construction du rapport entre le « nous » national et l’« Autre » dans les relations internationales. D’une part, elle propose une méthode d’investigation empirique des processus de construction des menaces et des référents de sécurité, bien qu’encore expérimentale. De l’autre, elle démontre le pouvoir heuristique de la comparaison pour rendre explicite l’implicite de certaines représentations collectives qui resteraient autrement invisibles au commun.
Christian Sambou, Les conflits armés ouest-africains : Sénégal, Mali et Côte-d'Ivoire. Lecture des guerres pour la reconnaissance, thèse soutenue en 2021 à université ParisSaclay en co-direction avec Thomas Lindemann
Le travail que nous présentons porte sur « les conflits armés ouest-africains : Sénégal, Mali, Côte-d'Ivoire ». Nous contribuons à analyser ces conflits sous une perspective nouvelle des « guerres pour la reconnaissance ».Notre travail de recherche apporte deux innovations majeures dans le champ d'étude des conflits armés internes. A travers des études de cas, nous explorons plusieurs problèmes. Celui d'abord de la manifestation de ces conflits. Nous avons ainsi consacré un intérêt particulier à distinguer des formes de violences politiques - violences sécessionnistes, violences opportunistes- qui caractérisent les conflits dont l'interprétation est demeurée homogénéisant. Une telle démarche a permis de démontrer la diversité motivationnelle dans l'engagement violent des mouvements rebelles contre les gouvernements centraux. Nous analysons les violences sécessionnistes en Casamance (Sénégal) et dans l'Azawad (Mali), que nous distinguons des violences rebelles pour la conquête du pouvoir central en Côte-d'Ivoire, conceptualisées comme des "violences opportunistes".Ensuite, nous proposons une lecture nouvelle et critique de ces conflits en défendant la thèse que les mouvements rebelles s'engagent en guerre pour la reconnaissance d'une égale dignité au sein de l'État-nation. Cet engagement est fait au nom de groupes sociaux auxquels ils s'identifient et qui évoluent dans des territoires dont ils revendiquent l'indépendance et/ou l'autonomie. La thèse des guerres pour la reconnaissance est valable pour les cas des conflits armés au Sénégal et au Mali.Nous interprétons les conflits armés qui opposent des mouvements rebelles au gouvernement central, comme des effets de violences symboliques. Les frustrations, les dénis d'autonomie, l'indifférence, les dénis de droits civiques constituent des sources de conflictualités. Les comportements violents des mouvements rebelles sont analysés comme caractéristiques d'une guerre pour la reconnaissance. Notre lecture des conflits ouvre un regard critique par rapport à une grille classique dominée par des paradigmes économicistes et rationalistes.
Matthieu Grandpierron, War and the cult of virility : How leaders of great powers cope with status decline in their periphery, thèse soutenue en 2020 à Institut polytechnique de Paris sous la direction de Thomas Lindemann
Cette thèse s'intéresse aux motivations qu'ont les décideurs de grandes puissances à intervenir militairement lorsqu'ils sont confronté à un déclin de statut (réel ou perçu) dans leur périphérie. Plus précisément, il est question de voir quel pourrait être le rôle et l'impact, dans cette prise de décision, des émotions et du culte de la virilité (système de pensée tourné autour d'une certaine conception de la force physique, morale, et de la santé, ainsi que d'un sentiment de domination mentale). Plus précisément, il sera question de tester trois grands arguments les uns contre les autres: (1) l'argument de la quête de puissance; (2) l'argument de la guerre de diversion; (3) l'argument de punir des comportement jugés inacceptables basé sur une interprétation virile du statut de grande puissance. Trois cas d'études ont été sélectionnés pour tester empiriquement l'importance des émotions et du culte de la virilité: (1) les débuts de la guerre d'Indochine (1945-47); la reconquête britannique des iles Falklands/Malouines (1982) et (3) l'invasion américaine de la Grenade (1983). Ces cas ont été analysés quantitativement et qualitativement à partir exclusivement de documents d'archives et de documents déclassifiés. Il ressort de ces analyses que l'argument du culte nostalgique de la virilité était l'argument le plus présent dans chacun des trois cas d'études: 47.7% dans le cas Français 40,7% dans le cas britannique 41% dans le cas américain. Dans les trois cas, les décideurs ont structuré leur décision autour de l'idée de punir fortement un acteur ayant un comportement jugé comme étant moralement déviant et s'écartant par trop du model virile et ainsi réaffirmer la supériorité du modèle virile. Ce n'est pas tant punir l'acteur pour ce qu'il a fait qui importe, mais davantage de le punir pour ce que son comportement déviant représente sur le plan symbolique.
Louise Beaumais, On the use of quantitative data in foreign policy from datafication to datafiction, thèse en cours depuis 2020 en co-direction avec Thomas Lindemann
In my research, I aim to assess the consequences of the emergence of “big data” and, related to this, evidence-based decision-making in the field of foreign policy. I argue that the widespread use of quantitative data has consequences on the way agents understand and represent conflict, thus influencing the decision-making process. A particular interest is given to France and the United-Kingdom in their assessment of insecurity in the Arctic region
Fuad Pashayev, La médiation dans la résolution des conflits internationaux : Martti Ahtisaari à Aceh et au Kosovo, thèse soutenue en 2017 à Paris 1 sous la direction de Thomas Lindemann
Cette recherche analyse la médiation dans la résolution des conflits internationaux, à partir de deux interventions médiatives de Martti Ahtisaari, au milieu des années 2000. Cet ancien secrétaire général-adjoint des Nations unies, ancien président finlandais, prix Nobel de la paix 2008, se voit comme l'homme du centre et non l'homme du milieu. Il se perçoit intimement comme l'homme-de de la paix, son véritable co-décideur. Cette étude dévoile sa coulisse médiative selon une approche empruntée à E. Goffman. Ce travail s'appuie sur une trentaine d'entretiens, réalisées avec des personnalités impliqués dans le deux médiations. Notre approche donne la parole aux «adversaires médiatifs» du célèbre finlandais sous-représentés dans la littérature disponible, à l'instar de l'expert australien Damien Kingsbury. Nous avons aussi mobilisé des images animées ou fixes ; certaines sont inédites. La thèse examine les rapports entre médiation et négociation, via le rôle de divers acteurs internationaux, comme le ONG, l'UE, les États-Unis et l'ONU.
Justin Cook, Faire la paix par la reconnaissance : l'étude de cas de la transformation des relations moldo-pridnestroviennes de 1989 à 1998, thèse soutenue en 2017 à Lille 2 en co-direction avec Thomas Lindemann
Le conflit civil moldave entre 1989 et 1992 a laissé un pays et une population divisés entre le fleuve Dniestr/Nistru. Malgré la victoire de la Pridnestrovie (RMP) dans sa guerre d’indépendance, elle n’a pas atteint son objectif de devenir un Etat reconnu. L’Accord de cessez-le-feu de 1992 qui a mis officiellement fin à la guerre a renforcé la séparation de la RMP par la création d’une zone tampon et l’établissement des forces de maintien de la paix. Comme convenu dans cet accord, la fin du nouveau statu quo et donc la résolution finale du conflit devraient passer obligatoirement par la détermination d’un nouveau statut politique pour la RMP. Faute d’avoir réussi à déterminer un statut officiel, le conflit est resté gelé. Lors de la période d’après-guerre, l’équilibre des pouvoirs a favorisé la RMP sur le plan économique, énergétique et sécuritaire, la plaçant dans une position de force vis-à-vis de la Moldavie. Cependant, puisqu’une reconnaissance étatique n’a jamais été accordée à la RMP, cette dernière a donc hérité d’un déficit symbolique que seule la Moldavie pouvait lui octroyer par la reconnaissance. Une politique active de reconnaissance envers la RMP entre 1994 et 1998 a été le facteur déterminant dans la transformation du conflit, conduisant à la signature de trois « grands accords ». Le célèbre Mémorandum de Moscou de 1997 a souligné ce processus transformatif au travers duquel les deux « opposants » se sont dès lors considérés comme « partenaires » au sein des négociations. Au cours de l’année 1998, Chisinau et Tiraspol se sont engagées sur le chemin de la paix en adoptant des mesures de confiance et de sécurité avec l’Accord d’Odessa
Solène Nadia Soosaithasan, La quête de l’honneur apaisée de la « grandeur indienne ». : Déni de reconnaissance des « tigres tamouls » et événements catalyseurs au Sri Lanka. identité virile et inimitié des décideurs dans un conflit (1987-1990 puis 2000-2009), thèse soutenue en 2016 à Lille 2 en co-direction avec Thomas Lindemann
La quêtede l’honneurpeut paraitre désuète de nos jours en Occident mais cela n’est pas forcément le cas si l’on poussait plus loin les analyses. Elle caractérise depuislongtemps les relations entre les décideurs indiens et les dirigeants de la région Asie du Sud. Les relations avec les belligérants sri lankais n’en font pas exception. L’honneur et la gloire sont souvent le produit d’un éthos guerrier et d’une démonstration de virilité de la part des dirigeants politiques et non pas uniquement des militaires.La virilité n’est donc pas biologique mais est un construit politique et social. Les heurts ont été nombreux quant à la résolution du conflit sri lankais.Les décisions, attitudes et actions prises par les Indiens ont été façonnées par les interactions avec leurs interlocuteurs sri lankais et par des éléments extrêmement importants que nous qualifions d’« événements catalyseurs».Après le départ de l’IPKF et l’assassinat de Rajiv Gandhi, les dirigeants indiens ont adopté une autre attitude et des discours plus apaisés vis-à-vis des dirigeants sri lankais tout en refusant de reconnaitre les « Tigres tamouls » (LTTE), une guérilla tamoule au Sri Lanka. La reconnaissance de la part des dirigeants indiens vis-à-vis des décideurs sri lankais a par ailleurs permis la résolution du conflit sri lankais par des moyens militaires. Vingt ans auparavant, cela aurait été totalement inconcevable pour les dirigeants indiens de laisser ainsi faire les décideurs sri lankais. La reconnaissance de part et d’autre a donc pu permettre d’améliorer les relations interpersonnelles et interétatiques indiennes et sri lankaises.
Mustapha Arihir, Les relations extérieures franco-algériennes à l’épreuve de la reconnaissance des torts infligés, de 1962 à nos jours : étude du rôle de la reconnaissance dans le processus de la coopération et de la réconciliation, thèse soutenue en 2014 à Bordeaux en co-direction avec Thomas Lindemann
Les raisons qui incitent les anciens belligérants à se réconcilier et à coopérer intéressent autant les praticiens que les théoriciens, elles sont cependant un sujet de débats controversés.Les études, peu nombreuses, menées sur les relations franco-algériennes, bien qu’elles soulignent l’importance de l’élément du passé dans l’évolution de ces relations depuis l’indépendance, elles n’identifient pas néanmoins son rôle en confrontation avec d’autres facteurs, car elles visent à atteindre d’autres objectifs.Cette présente thèse se veut alors une étude constructiviste du rôle du passé dans le processus de coopération et de réconciliation. Une approche globalisante qui n’exclue pas le rôle des facteurs objectifs ou personnels de l’éclosion du processus de coopération et de réconciliation, mais elle tend à les lier à une représentation de soi et à l’identification de l’autrui. Ces deux derniers éléments sont importants dans la définition de la relation à autrui et dans l’expression des relations belliqueuses ou coopératives. La reconnaissance est un moyen par lequel des rapports conflictuels peuvent se transformer en rapports plus coopératifs.Notre étude des relations extérieures franco-algériennes, montre que l’interaction antérieure de l’Algérie avec la France a généré une quête de reconnaissance. La représentation du passé inclue l’image d’une mémoire victimaire (torts infligés) et/ou d’une mémoire de vainqueur (gloires). En langage constructiviste, ceci indique une reconnaissance ou un déni de reconnaissance.Le déni de reconnaissance a incité l’Algérie à chercher un rapport d’égalité. Le succès de sa révolution d’indépendance lui a octroyé une identité de rôle (porte parole de Tiers-Monde). Ces deux éléments (la quête de l’égalité mais aussi l’affirmation de son identité de rôle) ont influencé le processus de coopération et de réconciliations entre la France et l’Algérie, notamment à l’ère de Boumediene (1965-1978). Bien que le rapprochement avec la France depuis l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en 1999 a rendu la coopération inéluctable, néanmoins le processus de réconciliation a connu plusieurs reports, en raison de nombreux dénis de reconnaissance, tel que le vote d’une loi le 23 février 2005, au niveau de l’Assemblée française, qui insiste sur un certain « rôle positif » de la colonisation, suivi par d’autres dénis, lors de la présidence de Nicolas Sarkozy. Alors qu’à l’arrivée de l’élu socialiste sur la tête de l’Etat français, les choses ont changé progressivement vers l’établissement d’une réconciliation et de relations solides et durables. En concédant sur le plan de la mémoire, en reconnaissant les souffrances, les injustices et les torts, François Hollande veut donner aux relations franco-algériennes une nouvelle tournure, l’apaisement et la réconciliation
Okan Germiyanoglu, La lutte contre le terrorisme vue par les hauts fonctionnaires du Quai d'Orsay : pour une contribution française au concept d'operational code, thèse soutenue en 2014 à Lille 2 en co-direction avec Thomas Lindemann
La lutte contre le terrorisme est une préoccupation contemporaine des diplomaties, alors que sa définition internationale demeure introuvable. Dans une approche organisationnelle, les hauts fonctionnaires du ministère français des Affaires étrangères partageraient une vision commune sur la violence terroriste et un « savoir-faire » qui leur permettraient de prendre des décisions efficaces pour la prévenir et la combattre. Or, dans une approche constructiviste, la lutte contre le terrorisme relève de relations intersubjectives comprenant l’activation de systèmes de croyances ou Operational Codes (OPCODES) différents, selon que les diplomates français viennent de l’ENA ou du Concours d’Orient. Ces croyances jouent un rôle dans la façon que les hauts fonctionnaires voient le monde, l’ennemi, mais aussi se perçoivent dans leurs fonctions. Ce sont aussi des croyances préexistantes, forgées à partir des expériences et des engagements personnels, qui font que les décisions en matière d’antiterrorisme ne relèvent pas seulement de considérations sécuritaires, mais aussi de motivations matérielles, émotionnelles, cognitives et morales pour un État comme la France.
Johanna María González Mojica, Les FARC et la lutte pour la reconnaissance : aspects symboliques, émotionnels, moraux et identitaires de la violence armée en Colombie, thèse soutenue en 2013 à Bordeaux 4 en co-direction avec Thomas Lindemann
RESUME en français : La confrontation armée en Colombie se distingue par sa durée, son intensité et sa complexité. L’un des acteurs principaux de cet affrontement est la guérilla des FARC. Leur étude, à partir de la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth, permet de prendre en compte le rôle des besoins de reconnaissance, exprimés par ce groupe et ses membres, dans le développement du conflit. En effet, la violence guérillera plonge ses racines dans des dénis de reconnaissance dans les sphères de l’affection (maltraitance infantile, violence intrafamiliale, exactions des groupes armés), du droit (privation de droits-exclusion) et de la solidarité (indignité-injustice). Les aspects de la lutte pour la reconnaissance, menée par ce mouvement, ont évolué dans le temps, en fonction des interactions avec d’autres acteurs comme le gouvernement colombien et des variables comme le narcotrafic, passant d’une lutte pour l’obtention de la dignité et de l’égalité, à une lutte pour le prestige et l’affirmation d’identités idéalisées.
Boêvi Denis Lawson, Les identités partagées comme facteur de paix et de stabilité : le cas du Bénin, thèse soutenue en 2013 à Bordeaux 4 en co-direction avec Thomas Lindemann
Les grilles de lecture classiques sur la trajectoire sociopolitique du continent africain sont souvent pessimistes. Elles semblent avoir de beaux jours devant elles puisque l’histoire contemporaine montre une Afrique perpétuellement instable politiquement, traversée par des guerres civiles et des démocraties émergentes sous tension à l’approche des élections.Ce travail invite à une réflexion et une perspective scientifique alternatives, autour d’un pays comme le Bénin. Depuis son indépendance, il n’a pas connu la violence létale, facteur d’un état social « chaotique et pathologique » entraînant un gros volume de destructions et de catastrophes, pour les biens comme pour les individus. Cette thèse relie et articule plusieurs points : l’imaginaire collectif, la relation à l’autre, l’idée que les habitants ont de l’appartenance à un ensemble nommé Bénin, les symboles à l’actif du pays, le travail de socialisation à une communauté de sens et le processus de pacification. Les tensions d’un niveau infra-létal existent mais restent jusqu’à présent contenues. Elles sont les contingences de la construction d’une société politique et traversent certaines étapes de son histoire sociopolitique.Notre démarche théorique favorise une réflexion globale autour de l’interaction entre la double altérité ‒ on est toujours un "autre" pour "l'autre" ‒ et la question de la paix, principalement à l’intérieur d’un pays comme le Bénin. Les profils identitaires ne sont jamais les mêmes à travers le temps et l’espace. Mais au-delà des écarts différentiels, le fait qu’un espace favorise l’émergence des identités collectivement partagées rend probable tout processus de pacification. Dans la mise en œuvre de celui-ci, l’idée du Bénin devient ainsi plus forte que le Bénin lui-même, entité d’abord voire surtout substantielle. Les Béninois ne sont pas en paix parce qu’ils auraient nécessairement la même couleur de peau, la même histoire, une langue commune. Pour nous, même en l’absence de ces trois critères, la paix reste accessible. Pour le démontrer, trois années sur le « terrain » (2007-2010) ont constitué le temps fort de la recherche empirique. Nous avons mené une centaine d’entretiens et réalisé des focus group au sein des communautés où la question de l’identité partagée est mise à l’épreuve quotidiennement. Cette étude doctorale est ainsi un compte rendu des résultats obtenus et des analyses proposées.
Sardor Usmanov, Stabilité et changement des conceptions stratégiques de Tony Blair sur le processus de paix au Moyen-Orient : la mutation institutionnelle du Premier ministre en Représentant du Quartet, thèse soutenue en 2011 à Bordeaux 4 en co-direction avec Thomas Lindemann
Le monde académique a récemment démontré un vif intérêt envers les théories de la socialisation. Pourtant, de nombreux penseurs argumentent que le terme de « socialisation », surtout la socialisation des acteurs internationaux au sein des institutions internationales, demeure peu développé.Différentes approches des relations internationales traitent ce concept de façon divergente. Si le néoréalisme utilise la « socialisation » pour décrire l’homogénéisation de la conduite des acteurs internationaux sous les conditions de l’anarchie1, l’institutionnalisme contractuel aborde l’interaction sociale au sein des institutions comme un phénomène n’ayant pas d’impact sur les «identités» et les « intérêts » des acteurs. Par ailleurs, pour les constructivistes, la socialisation constitue un concept pivot. Dans leurs analyses sur la création et la diffusion des normes internationales, les constructivistes portent leur attention sur les «logics of appropriateness”. Ils expliquent que le comportement des acteurs pertinents subit des mutations dues aux changements endogènes dans leurscaractéristiques normatives et leurs identités. Une autre tendance peu développée dans le monde académique est l’application du concept de la socialisation dans le domaine d’étude de la paix, tout particulièrement, la médiation internationale. Il n’y a pas davantage de consensus parmi les spécialistes de la question même si la nature, l’identité et les caractéristiques cognitives sont indispensables pour effectuer une médiation efficace.Alors qu’un groupe d’experts (Oran Young, Jacob Bercovitch) a présenté l’identité des médiateurs en faveur de la paix comme une raison du succès de la médiation, un autre groupe (auquel appartient Marvin Ott) a réduit ce sujet à une position secondaire. La littérature sur la médiation a étudié plusieurs exemples significatifs, tant à propos du contexte que des conditions de l’intervention diplomatique au plus haut niveau. Parmi ces contributions académiques on peut remarquer une étude de cas sur le rôle du Président américain Carter au cours des négociations de Camp-David2. Dans le même esprit, Brian S. Mandell and Brian W. Tomlin ont étudié les activités de médiation d’Henry Kissinger pendant la période 1973-1976, et ont observé comment sa stratégie a modifié les paramètres qui régissaient la dispute entre les Israéliens et les Arabes, et a contribué à l’introduction de nouvelles conditions3de discussion. Pourtant cet exemple et d’autres études analytiques de la participation de hautes personnalités dans la médiation, n’ont pas suffisamment traité de l’impact des institutionsinternationales sur les processus cognitifs des acteurs. Nous croyons que l’exploration des approches stratégiques des médiateurs avant leur intégration au sein des institutions et l’impact de cette intégration sur leur compréhensionantérieure de la question pourrait constituer un profond intérêt académique. C’est pour cette raison que notre analyse doctorale vise à contribuer à remplir le vide mentionné ci-dessus en combinant ces deux perspectives : l’approche sociologique et la résolution des conflits. L’axe de notre étude doctorale est Tony Blair, ancien Premier ministre britannique et actuellement Représentant du Quartet international pour le Moyen Orient. Nous visons à investiguer sur l’attitude cognitive de Tony Blair à l’égard de la paix entre les Palestiniens et Israël dans les deux contextes institutionnels : d’abord, en tant que Premier ministre (de 1997 à 2007), ensuite en tant qu’Envoyé du Quartet (depuis 2007 jusqu’à maintenant).En termes généraux, nous tenterons de présenter un aperçu de la compréhension conceptuelle de Tony Blair sur des causes du conflit, sa perception des intentions et des capacités des partis concernés, ainsi que sa vision des stratégies les plus efficaces pour résoudre ce conflit. Nous suggerons que le choix de cette personnalité comme unité de notre analyse, parce qu’il a été Premier ministre britannique et qu’il est actuellement Représentant du Quartet est un choix assez pertinent par rapport aux argumentations des
Delphine Marie-Josée Natacha Loupsans, La place des intérêts et des normes dans l'action humanitaire de l'Union européenne, thèse soutenue en 2009 à Bordeaux 4 sous la direction de Thomas Lindemann
Il ressort largement des réflexions inspirées des théories traditionnelles, comme le réalisme et le libéralisme, qu'aucun Etat ou groupe d'états n'est disposé à intervenir - civilement et plus encore militairement - pour mettre fin à une urgence humanitaire, si aucun intérêt matériel ou stratégique ne l'y contraint. Toutefois, en s'accordant sur le refus de donner une exitence propre aux normes, aucun de ces paradigmes n'est en mesure d'expliquer de façon apodictique l'action humanitaire d'urgence mise en oeuvre par les institutions européennes, ni même d'en traduire le caractère original et novateur. En effet, l'intérêt des décideurs européens pour les normes humanitaires a évolué au point qu'ils prennent parfois des décisions jouant contre les intérêts matériels et stratégiques de l'Union européenne. Pour nous, c'est bien la marque que ces normes sont devenues un symbole constitutif, c'est-à-dire pour résumer Martha Finnemore "des attentes partagées par les décideurs européens à propos des comportements acceptables" et qu'elles façonnent le comportement européen en intervenant dans la constitution de l'identité et des intérêts de l'Union européenne. Dans notre optique onstructiviste, les identités dont sont issus les intérêts ne sont pas comprises comme étant données mais comme étant la résultante du processus d'interaction sociale par lequel se disséminent les compréhensions partagées et structurées autour des normes humanitaires. Les intérêts sont, alors, définis dans un contexte d'appropriation de ces normes, expliquant alors que les intérêts humanitaires priment sur les intérêts stratégiques.
Thomas Fraise, Restricted democracies : nuclear weapons programs, secrecy, and democracy in the United Kingdom, France, and Sweden (1939-1974), thèse soutenue en 2023 à Paris Institut détudes politiques co-présidée avec Thomas Lindemann
Comment les programmes d’armement nucléaires affectent-ils les Etats démocratiques ? Dans cette thèse, nous proposons de répondre à cette question en nous intéressant au développement des régimes de secret nucléaire et à leurs effets sur les mécanismes de contrôle démocratique au Royaume Uni, France et Suède entre 1939 et 1974. Nous défendons la thèse selon laquelle les implications de sécurité inhérentes aux armes nucléaires contraignent les acteurs étatiques à développer des régimes de contrôle de l’information afin de limiter leur vulnérabilité. Les technologies nucléaires, du fait de leur potentiel de destruction inégalée, ont une capacité agentique qui poussent les Etats à développer des régimes de secret. Il ne s’agit pas du seul facteur : la pression extérieure, notamment américaine, et les choix domestiques, influencent la manière dont le secret se développe. Ces régimes de secret, en tout cas, affectent les mécanismes de contrôle démocratiques et restreignent les champs des actions publiques contrôlables par les citoyens. Par conséquent, nous défendons l’idée que les armes nucléaires produisent des démocraties restreintes.
Christelle Comair, La médiation : un dispositif conceptuel pour repenser les Relations Internationales, thèse soutenue en 2023 à université ParisSaclay présidée par Thomas Lindemann
Cette thèse porte sur la théorie et la pratique de la médiation dans les relations internationales. Malgré un développement important de la recherche dans le domaine de la résolution de conflit, il existe peu de travaux comparatifs et empiriques suffisamment approfondis permettant une compréhension précise du phénomène de médiation et de son évolution. Pour combler cette lacune, cette thèse propose une étude comparative évaluant l'efficacité des processus de médiation dans le domaine des guerres civiles et de la diplomatie scientifique, en particulier les conflits de l'eau. Elle comporte six études de cas issues de la région du Moyen-Orient, dont les guerres civiles en Libye, en Syrie et au Liban, ainsi que les conflits sur l'eau autour du Nil, du Jourdain, et de l'Indus. Par une approche interdisciplinaire, la thèse aborde la question de la définition de la médiation dans le champ international marqué par une diversification des processus et des pratiques diplomatiques. Dans une perspective de clarification et d'amélioration des pratiques, des distinctions sont introduites entre différents types d'interventions diplomatiques. La thèse évalue en outre les liens entre les problématiques d'environnement, de paix et de sécurité. Elle soutient qu'à mesure que les conflits évoluent, il est possible de prévoir de futurs espaces de coopération et de partenariat pour la résolution des conflits. Ces nouveaux espaces nécessiteront des approches innovantes en matière de coordination, une refonte des stratégies actuelles de résolution de conflit et une meilleure intégration entre les composantes politiques, scientifiques et institutionnelles. Afin de repenser les approches actuelles de coopération et de partenariat pour la paix, une réflexion critique des théories des relations internationales et de leurs épistémologies est proposée, dont les approches centrées sur l'interdisciplinarité et les perspectives féministes.
Michaël Delaunay, Internet dans l’Arctique canadien, enjeu de Soft Power pour l’État fédéral et les Inuit, thèse soutenue en 2021 à université ParisSaclay co-présidée avec Thomas Lindemann
Alors que l’Arctique, du fait des effets du réchauffement climatique, pourrait bien devenir une nouvelle route de l’internet mondial et connecter 70% des internautes de la planète, le Canada lui se détourne des projets de câbles internet transarctiques. Ceux-ci, convoités par la Chine et la Russie, apparaissant pourtant stratégiques et comme pouvant servir d’outil d’influence et d’affirmation de la souveraineté canadienne dans l’Arctique. Bien que finançant le réseau au Nunavut, au travers du champion national du satellite Telesat, le gouvernement fédéral canadien ne retire pas d’avantages du contrôle d’un réseau de télécommunications par satellite sous dimensionné qui connecte le Nord. En faisant cela, le Canada laisse la place à d’autres, comme à la Chine ou à la Russie, le loisir de développer des projets transarctiques dimensionnants pour l’internet mondial, et ainsi la possibilité pour ces pays de peser dans l’avenir sur la gouvernance de l’internet mondial depuis l’Arctique. L’absence de stratégie à long terme dans le domaine de la connectivité et le choix historique du satellite pour connecter le Nord décidé par le gouvernement fédéral canadien, a encore aujourd’hui des répercussions sur la façon dont les Inuit peuvent ou non se connecter à Internet. Dans le même temps et au contraire du gouvernement fédéral canadien, les Inuit du Nunavut se sont eux appropriés internet, et notamment les réseaux sociaux, et l’utilisent à leur avantage tel un outil d’émancipation et d’empowerment dans le domaine culturel et économique, mais aussi comme un outil de Soft Power dans le domaine politique. En effet, malgré un accès à internet très limité du fait du manque d'investissements chronique dont souffre le Nord canadien, les Inuit se sont emparés de cet outil pour servir leurs besoins du quotidien, mais aussi leurs intérêts, qu'ils soient locaux, régionaux, nationaux voire internationaux. Internet semble être devenu un élément vital dans le quotidien des Inuit malgré l’infrastructure insuffisante en place au vu des besoins et de la demande.
Zivile Kalibataite, La reconnaissance internationale par la projection de la force armée : le cas de la politique d'intervention militaire extérieure de la Lituanie (1994-2019), thèse soutenue en 2020 à Paris Est co-présidée avec Thomas Lindemann
À travers l’étude du cas de la politique d’intervention militaire extérieure de la Lituanie située dans son contexte historique et régional particulier, cette thèse explore la possibilité de traduire les théories de la reconnaissance, un cadre de pensée d’origine philosophique introduit en sciences sociales au début des années 1990, dans l’analyse sociologique des relations entre États. À ce titre, nous faisons appel à divers concepts des sciences sociales tels que le contexte, le don, et le rôle pour opérationnaliser cette grille de lecture théorique dans l’étude empirique des rapports interétatiques. Nous montrons que les théories de la reconnaissance ont pour avantage d’allier les dimensions symbolique et stratégique de l’action internationale dans un même cadre interprétatif, et de proposer ainsi une approche nuancée des raisons d’agir des acteurs étatiques.À partir des documents juridiques et politiques encadrant la participation de la Lituanie aux opérations militaires extérieures (OPEX) depuis 1994, d’entretiens semi-directifs avec des acteurs ayant participé au processus de prise de décision et de mise en place de cette politique, ainsi que des archives et de la littérature grise du ministère de la Défense, cette thèse montre que le déploiement des troupes lituaniennes sur des théâtres d’opération extérieurs est un outil permettant aux autorités de ce pays balte d’exprimer les demandes de reconnaissance internationale de leur État. L’engagement des forces armées en dehors du territoire national est motivé par la recherche de relations de réciprocité durables entre la Lituanie et ses alliés et partenaires fondées sur la reconnaissance de leur appartenance commune à la communauté occidentale. Pour ce faire, la participation de Vilnius aux diverses OPEX est à la fois active et « atlantiste », c’est-à-dire principalement axée sur les missions militaires internationales menées par les États-Unis et l’Otan.
Aboubacar Sawadogo, Les stratégies de sortie de crises politiques au Burkina Faso, thèse soutenue en 2018 à Université ParisSaclay ComUE présidée par Thomas Lindemann
La dynamique des crises politiques au Burkina Faso a été empreinte de mobilisations multisectorielles ayant entraîné une désectorisation conjoncturelle de l'espace social avec pour corollaire une mobilité des enjeux des confrontations et des transactions collusives d’opposition et de gouvernement. Ces mobilisations se sont faites autour d’enjeux relatifs notamment : à la conquête du pouvoir d’État, au contrôle de l’appareil d’État ; à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs ; à la propriété foncière ; à l’intangibilité des règles constitutionnelles relatives à l’exercice du pouvoir d’État ; à l’alternance au sommet de l’État ; à la participation de certains acteurs à la compétition politique ; à la prise de mesures d’atténuation de la cherté de la vie ; à la quête de la vérité et de la justice.Au final, les mobilisations multisectorielles ont été à l’origine de changements politiques qui, selon la conjoncture, ont été soit pacifiques, soit violents.Quelles que soient leurs caractéristiques, les différentes crises politiques ont contraint les protagonistes, mais aussi des tierces personnes à ces crises, à y trouver des solutions par le recours à diverses stratégies.Ces stratégies de sortie de crises politiques se sont jouées autour d’enjeux liés à : la conservation du pouvoir politique, la préservation de la paix sociale, le redressement économique et financier de l’État, le rétablissement de l’ordre public, la quête de la vérité et de la justice, l’obtention du pardon et de la réconciliation nationale.Elles ont donné lieu à une diversité d’initiatives avec pour corollaire une variété des moyens, coercitifs et pacifiques, utilisés pour sortir des situations de crise. En outre, les initiatives de sortie de crises politiques ont débouché sur des dynamiques de transitions constitutionnelles et de justice transitionnelle. Si elles ont constitué des processus distincts, elles n’en ont pas moins eu des finalités communes : la garantie des droits et la reconstruction de l’État de droit. Ces finalités communes peuvent coïncider de sorte que la dynamique de justice transitionnelle intègre le texte constitutionnel consacrant ainsi sa constitutionnalisation. Finalement, ces dynamiques transitionnelles ont constitué des fenêtres d’opportunités pour procéder à des réformes constitutionnelles et de politiques publiques.
Florian Vidal, Les relations entre la Norvège et la Russie en Arctique : regard et analyse sur une dynamique régionale à l'ère de l'Anthropocène, thèse soutenue en 2018 à Sorbonne Paris Cité présidée par Thomas Lindemann
Cette recherche doctorale ambitionne d'étudier et d'analyser les dynamiques fondamentales qui lient la Norvège et la Russie dans la région arctique. Sur le plan de la démarche scientifique, nous avons fait le choix de nous rapprocher du paradigme de l'Anthropocène. Aussi, cette recherche souhaite valoriser l'approche interdisciplinaire. La région de Barents est un cas pertinent en ce qui concerne les questions structurelles que notre civilisation thermo-industrielle a conduites tels que le changement climatique, la politique énergétique, la militarisation et l'épuisement des ressources. En outre, il met en évidence les intérêts croissants des puissances économiques pour la région polaire. En premier lieu, la Chine qui a établi des partenariats stratégiques dans la région, notamment avec la Norvège et la Russie. De plus, cette thèse étudie avec attention les questions fondamentales entre ces deux pays tels que la pêche, la sûreté nucléaire, les relations sur l'archipel du Svalbard ou encore la coopération transfrontalière. Elle présente et discute aussi la façon dont les deux pays ont géré et maintenu leur coopération régionale, à part des dynamiques géopolitiques mondiales. Cette dynamique bilatérale a commencé en 1993, après la Guerre froide, à travers la mise en place du Conseil euro-arctique de Barents (BEAC). Cette organisation intergouvernementale a façonné le développement régional dans le nord de l'Europe. Pendant 25 ans, les acteurs locaux de la région de Barents ont démontré leur capacité à atténuer et maintenir cette gouvernance originale. En effet, la crise ukrainienne de 2014 et l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie ont initié une rupture significative entre les pays occidentaux et la Russie. À la lumière de ce changement géopolitique, nous discutons de la résilience de ces relations bilatérales à mesure que le système international devient instable et perturbé. Enfin, notre objectif est d'élever une nouvelle approche méthodologique dans les relations internationales, car la dynamique du système Terre (ESD) et la dynamique des systèmes humains (HSD) semblent être sur une trajectoire de collision à travers le XXIe siècle. À cet égard, les relations entre la Norvège et la Russie, comme puissances énergétiques, ont une position très spécifique. D'une part, les deux sont d'importants fournisseurs d'énergie pour le reste du continent européen. D'autre part, à mesure que le système international subit une pression croissante provenant du système Terre, les deux pays tentent de mettre en place une stratégie durable et pertinente. Finalement, cette nouvelle trajectoire peut affecter et transformer leurs relations.
Pauline Ségard, La négociation diplomatique dans une perspective constructiviste : Identité et refus de négocier., thèse soutenue en 2018 à Bordeaux présidée par Thomas Lindemann
Cette thèse propose une étude des représentations de la négociation diplomatique et de leurs implications sur la décision de négocier. A travers une analyse comparée de la politique étrangère des dirigeants américains confrontés aux programmes nucléaires nord-coréen et iranien de 1993 à 2012, elle entend mettre en lumière le rôle des pratiques représentationnelles dans l’acceptation et le refus de négocier et sur les modalités de négociation.L’analyse des discours des membres des administrations Clinton, Bush et Obama à l’aide d’une méthodologie constructiviste permet l’identification de leur imaginaire sécuritaire, grille de lecture à travers laquelle les dirigeants américains ont appréhendé la complexité des problématiques nucléaires nord-coréenne et iranienne et agi en conséquence. L’opérationnalisation de leurs interprétations a toutefois donné lieu à des politiques distinctes en matière de négociation. La thèse discute les implications identitaires que les dirigeants américains ont attribuées à ces politiques, en matière de sécurité ontologique des États-Unis face à la Corée du Nord, en matière de préservation de l’identité de la « communauté internationale » face à l’Iran. Ce faisant, elle propose une compréhension des différences de traitement des problématiques nucléaires nord-coréenne et iranienne et de leur évolution.
Milena Dieckhoff, Médiation, médiations ? : typologie d'une activité de pacification dans les conflits politiques violents de l'après-guerre froide, thèse soutenue en 2016 à Paris Institut détudes politiques co-présidée avec Thomas Lindemann
Comment comprendre, interpréter, et expliquer la médiation internationale ? Peut-on distinguer différentes formes de médiations internationales ? Face au recours croissant à la médiation sur la scène internationale depuis la fin de la guerre froide et à la diversité des acteurs pouvant entreprendre cette activité de pacification, un travail de clarification s’impose. Mêlant réflexion théorique et analyse de cas d’étude, nous proposons une typologie fondée sur la distinction entre une médiation politique, expertise et sociétale. Pour dégager ces types, nous interrogeons les différentes conceptions du conflit et de la paix ainsi que la rationalité à l’œuvre dans la médiation, la variété des pratiques de médiation et, en dernier lieu, les diverses fonctions de la médiation dans la recomposition du conflit et pour le médiateur. Dans un deuxième temps, nous montrons que les limites de la typologie nous informent sur des problématiques communes aux différentes médiations. En pensant « l’unique » ou les limites des types, nous interrogeons les contextes de médiations, en replaçant les activités de médiations dans leur environnement macro et micro. Penser « le multiple » est ensuite un moyen de mettre en évidence des complexes de médiations, qui redonnent une multi-dimensionnalité au phénomène – d’où le regard sur les médiations multi-types – et témoignent aussi des évolutions possibles des formes de médiations. Enfin, « l’entre-deux » permet de questionner les médiations hybrides, marquées par la combinaison de caractéristiques les rattachant à différents types, et qui émergent des décalages entre discours et actes ainsi qu’entre effets recherchés et résultats obtenus.
Benjamin Brice, La fin de la guerre ? , thèse soutenue en 2015 à Paris EHESS co-présidée avec Thomas Lindemann
Dans les relations internationales, le fait majeur actuel est peut-être la paix qui unit les démocraties libérales à travers la planète : depuis environ deux siècles, elles ne se sont pas fait la guerre entre elles. Forts de ce constat, les théoriciens de la « paix démocratique » - ou plus précisément de la « paix libérale » - cherchent à montrer que des « mécanismes » rendent compte de cette corrélation statistique, ce qui permettrait d'anticiper une véritable paix internationale, à condition toutefois que chaque entité politique adopte les différents aspects du « régime libéral » (économie de marché, démocratie représentative et droits individuels). Trois principaux « mécanismes » peuvent être dégagés pour asseoir ces théories : (1) le commerce et l'interdépendance économique créent une convergence des intérêts nationaux, (2) la démocratie représentative canalise les passions les plus guerrières et (3) les principes de justice du « régime libéral » sont susceptibles de mettre fin aux conflits liés aux idées. On retrouve dans l'ordre les trois principales constellations causales à l'origine des guerres : les intérêts, les passions et les idées. Or, ces « mécanismes » ont été discutés par les penseurs politiques dès le XVIIIe siècle. Ainsi Montesquieu, rejeté un peu vite par la « tradition » du côté du « doux commerce », se révèle d'un grand secours pour réfléchir à l'ambivalence des différents « mécanismes » à l'œuvre : (1) parallèlement à la convergence des intérêts le commerce moderne engendre aussi l'oppression et la conquête, (2) la réorientation des passions ne fait pas disparaître l'orgueil de régner et le désir de domination et (3) les principes de justice à vocation universelle, censés établir un accord général sur les idées, se muent facilement en une forme ou une autre d'impérialisme. Cette thèse est donc l'occasion de s'interroger sur ce qui change et sur ce qui ne change pas dans la vie internationale avec l'avènement et l'expansion de ce que nous appelons le « régime libéral ».
Marine Gassier, Anatomies of rebellion : determinants and implications of rebel modes of local engagement, thèse soutenue en 2021 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Pourquoi certains groupes rebelles s’appuient-ils sur les structures de pouvoir en place au niveau local quand d’autres s’efforcent de les remplacer ? Comment le fait de privilégier l’une ou l’autre approche influe-t-il sur l’évolution de ces groupes ? Cette thèse documente les multiples façons dont les groupes rebelles abordent les structures de pouvoir locales, et propose une typologie de leurs stratégies d’implantation locale. Sur la base de cette typologie, elle propose ensuite deux séries d’analyses. La première identifie les différents facteurs – structurels, circonstanciels et idéologiques – qui expliquent les différentes attitudes des groupes rebelles vis-à-vis des structures de pouvoir locales. La seconde examine les effets de ces attitudes, d’abord sur la capacité des groupes rebelles à maintenir leur cohésion, et ensuite sur l’issue des conflits dans lesquels ils sont engagés. Ces analyses s’appuient dans un premier temps sur des tests statistiques visant à confirmer les liens entre les rapports qu’ont les groupes rebelles aux structures de pouvoir locales et leur évolution en tant qu’organisation. Dans un second temps, ces analyses sont approfondies et affinées à travers une étude de la guerre civile en Ethiopie (1974-1991)
Adrien Estève, De la justification à l’anticipation : la construction d'une responsabilité environnementale et climatique des acteurs de la défense en France et aux États-Unis, thèse soutenue en 2020 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
À partir des cas de la France et des États-Unis, cette thèse montre que l’incorporation des enjeux écologiques dans les politiques de défense dépend des manières de définir la responsabilité environnementale et climatique et de l’attribuer aux forces armées. Le premier type de responsabilité, issu de la tradition de la guerre juste et du droit de la guerre, est défini comme l’obligation de limiter les destructions et les pollutions. Elle est attribuée par des victimes, des scientifiques et des juristes qui demandent des comptes aux organisations de défense pour les dommages écologiques causés en temps de guerre et de paix. Cette responsabilité n’est inscrite que tardivement et de manière limitée dans les doctrines militaires. Le deuxième type de responsabilité, issu d’une synthèse entre la norme stratégique de précision et le développement durable, est défini comme l’obligation d’économiser l’emploi de la force. Elle est issue d’une démarche de responsabilisation des organisations de défense, qui prend la forme d’un investissement dans des technologies et des équipements plus performants et alimentés par des énergies renouvelables. Cette exigence peine à dépasser le cadre de l’expérimentation. Le troisième type de responsabilité, issu de la synthèse entre l’adaptation climatique et l’anticipation stratégique, est la responsabilité d’anticiper et de prévenir les risques climatiques. Elle est issue de la réflexion prospective et géostratégique sur les implications du changement climatique pour la sécurité nationale. Elle représente le type de responsabilité le mieux intégré dans les politiques de défense, et en particulier dans les doctrines stratégiques qui accordent une place de plus en plus importante à l’emploi des forces armées dans le renforcement de la résilience climatique des sociétés.
Leonardo Orlando, La croyance et le désir : une approche tardienne des conflits hydriques, thèse soutenue en 2020 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Notre thèse explore deux anomalies quant aux théories sur les interactions hydriques transfrontalières. Le lac Victoria, où toutes les conditions matérielles, économiques et environnementales sont données pour les conflits, et pourtant la coopération s’impose. Et le fleuve Uruguay, où un régime institutionnel solide existait et les conditions environnementales étaient optimales, et pourtant la coopération fût brisée et le conflit éclata. Pour élucider l’énigme de ces cas, au lieu de sonder les aspects politiques et institutionnels des bassins, comme font certaines approches, ou ceux physiques, comme en font d’autres, nous proposons une autre voie. Notre démarche consiste à porter le regard vers ce qui donne naissance aux actions des agents en interaction avec leur milieu, à savoir la nature humaine et le fonctionnement du cerveau. Afin de conduire cette enquête, nous nous appuyions sur trois axes. Le premier est celui des entretiens que nous avons réalisés dans les bassins étudiés. Le deuxième est la sociologie de Gabriel Tarde, laquelle invite à une continuation actualisée d’un projet de recherche du social permettant l’intégration des développements scientifiques biologiques, évolutifs et cognitifs. Le troisième axe est celui des neurosciences, lesquelles confirment plusieurs intuitions tardiennes, et permettent de mieux cerner les aspects référant à la nature humaine dans son interaction avec la société et l’environnement. Notre enquête montre alors comment les dynamiques du conflit et de la coopération convergent dans la conscience, en tant que la clé qui, par-delà toute situation environnementale donnée, permet aux humains d’actualiser d’innombrables potentialités.
Laurent Borzillo, Les forces expéditionnaires bi/multinationales en Europe : analyse comparée des politiques d'alliance de la France et de l'Allemagne (1991-2016), thèse soutenue en 2020 à Montpellier, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Pourquoi des États créent-ils des forces expéditionnaires bi/multi-nationales ? Pourquoi celles-ci ne sont pas utilisées au final ? L’objectif de cette thèse est d’apporter une explication à ce paradoxe, illustré parfaitement par la brigade franco-allemande et les groupements tactiques de l’Union européenne. Bien que ces deux unités ne soient pas les seules en Europe pouvant être qualifiées de forces expéditionnaires, nous avons décidé de choisir ces deux cas d’études, afin d’analyser également à travers les mesures relatives à celles-ci, les processus décisionnels tant en France qu’en Allemagne. Nous nous sommes par conséquent focalisés sur ces unités et sur les politiques d’alliances à l’origine de celles-ci. Concrètement, notre recherche s’inscrit dans la lignée des travaux portant sur les alliances, mais également au sein du champ de l’analyse comparée de la politique étrangère. L’explication théorique développée pour expliquer les décisions étudiées s’appuie sur la théorie des rôles de Kal Holsti. Selon nous les décisions ne sont prises que par un groupe limité d’acteurs et résultent des rôles auxquels ces derniers adhèrent pour leur pays. Des arrangements institutionnels, ainsi que des conflits et des rapports de force modèrent ces rôles. Par ailleurs, en cas de décision ayant une portée institutionnelle, on constate une dépendance au sentier vis-à-vis d’anciennes mesures. Les décisions en faveur de la brigade franco-allemande et des groupements résultent in fine de la domination des rôles de promoteur du renforcement des capacités militaires européennes et d’allié fidèle, parmi les acteurs à l’origine de ces décisions. D’autres rôles présents en France et en Allemagne tendent au contraire à freiner l’emploi de ces unités, en particulier celui de grande puissance (pour la France) et celui de puissance civile (pour l’Allemagne). Plusieurs rôles coexistent en effet au sein de chaque appareil décisionnel et chacun voit son poids en termes d’influence fluctuer. Ceci résulte de la variation selon les décisions étudiées des acteurs impliqués, ainsi que des luttes et des rapports de force entre eux.Notre thèse se divise en sept chapitres. Dans les trois premiers, nous reviendrons sur la littérature consacrée aux forces étudiées et aux alliances, sur notre méthodologie, ainsi que sur les relations internationales en Europe des trente dernières années. Les parties suivantes traitent de l’évolution de la brigade franco-allemande en force expéditionnaire, de la création des groupements tactiques, des choix de partenaires au sein de ceux-ci et enfin du non-emploi de ces troupes militaires. Ces différentes thématiques constituent les quatre chapitres empiriques de notre recherche. En conclusion de celle-ci, on peut estimer que les chances de déploiement des unités étudiées dans les années à venir demeurent plutôt faibles. L’explication théorique développée pour ce travail et basée sur la théorie des rôles offre également un outil de compréhension du fonctionnement des appareils politico-militaires français et allemands. Validé pour cette analyse, il lui reste désormais à être testé sur d’autres cas d’étude et États.
Guilhem Penent, L'Amérique en orbite ou l'anomalie de la sous-arsenalisation de l'espace depuis la fin de la guerre froide : une analyse réaliste reflexive, thèse soutenue en 2017 à Bordeaux, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Ce travail offre une analyse holistique de la politique spatiale américaine après laguerre froide vue sous l’angle de l’armement limité de l’espace extra-atmosphérique. Prenantappui sur la distinction entre les notions de « militarisation » et d’« arsenalisation » del’espace, il cherche à répondre à la question suivante : pourquoi les États-Unis n’ont-ils pas,depuis la fin de la guerre froide, arsenalisé l’espace ? Dans le cadre de la théorie réalisteréflexive, la thèse montre que ce profil bas s’explique par la quête de l’honneur, laquelleimpose la mise en place d’une politique « hégémonique » fondée sur la recherche de lalégitimité et de la reconnaissance mutuelle entre les États-Unis, les autres puissancesspatiales établies et le reste du monde. La « sous-arsenalisation », en tant qu’alternative audéploiement d’armes spatiales, se situe à l’intersection de trois logiques liées, chacuned’entre elles, à la fameuse triade classique : le prestige, le profit et la sécurité. Plusprécisément, cette étude porte sur les différents programmes de coopération et efforts delibéralisation de l’espace par le marché et de régulation des armements dans l’espaceconduits par les États-Unis depuis l’administration Reagan jusqu’à la présidence Obama.
François Ahmed Michaux Bellaire, Les ruptures intellectuelles et scientifiques de la sociologie des relations internationales : enquête sur l'absence d'une conversation française en RI, thèse soutenue en 2017 à Bordeaux, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Cette thèse propose une étude disciplinaire des Relations internationales en France. Dans ce domaine très peu exploré, elle discute un ensemble de conventions historiographiques qui incitent à justifier la situation déficiente dans laquelle se trouvent aujourd’hui les RI françaises. En discernant à la place un ensemble de croyances partagées, la thèse entend renouveler la façon dont il faudrait appréhender la position actuelle des RI françaises.Les résultats de l’étude mettent en cause le label franco-français « sociologie des relations internationales » comme n’étant pas parvenu à représenter une école de pensée française et à instaurer une conversation scientifique telle qu’a pu l’accomplir avec succès l’Ecole anglaise.La figure de Raymond Aron, précurseur de la sociologie des relations internationales, apparaît à ce titre en pleine lumière. Incarnant une étude autonome des RI qui s’est déployée un temps avec vigueur en France, son rejet actuel symbolise les difficultés d’ordre avant tout scientifique dont souffre la sociologie des relations internationales contemporaine.Sont principalement mis en question les rapports de cette dernière à la théorie, à la distinction entre objets internes, étrangers et internationaux et à la conception pluridisciplinaire de l’étude des relations internationales.
Alice Baillat, Le weak power en action : la diplomatie climatique du Bangladesh, thèse soutenue en 2017 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Croisant la sociologie des relations internationales et la sociologie de l’action publique, et s’appuyant sur un travail d’enquête principalement qualitatif – observation participante, entretiens semi-directifs – mais aussi quantitatif – analyse statistique textuelle -, cette thèse analyse les ressorts de la diplomatie climatique du Bangladesh, ainsi que les acteurs qui participent à son élaboration et à sa mise en œuvre. Alors que la littérature sur la gouvernance mondiale du climat s’est longtemps d’abord intéressée au rôle des acteurs « dominants » du régime climatique, cette recherche enrichit ces travaux en étudiant, à l’aide d’un cas d’étude empirique, les capacités de négociation des États « dominés », mais aussi les obstacles à leur participation effective aux négociations climatiques. Elle met en évidence l’existence d’un weak power, qui correspond à la capacité d’un acteur « faible » de contourner et/ou de transformer en avantage comparatif son déficit de puissance structurelle, grâce notamment à des ressources « empruntées » à d’autres acteurs, en vue d’exercer une influence sur le processus et les résultats des négociations. Elle montre comment le Bangladesh est parvenu à acquérir une identité ambiguë dans le régime climatique, marqué par la reconnaissance à la fois de son statut de pays « le plus vulnérable » aux impacts du changement climatique, et de celui de « champion de l’adaptation », qui lui permet de faire entendre sa voix, de capter des financements internationaux et de légitimer ses revendications. Esquissant les contours d’un modèle d’analyse permettant d’analyser les conditions d’activation, les ressources, les stratégies diplomatiques et les types de leadership propres au weak power, cette thèse participe à une meilleure compréhension du « paradoxe structuraliste » identifié par William Zatman et à la place des États dominés dans les négociations internationales.
Rose Fazli Estabragh, L'Etat Taliban en Afghanistan 1996-2001, thèse soutenue en 2016 à Bordeaux, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Cette thèse est destinée à appréhender le phénomène Taliban d'un autre point de vue, c'est-à-dire en tantqu'État, durant la période 1996-2001. À cet égard, nous avons utilisé la théorie d'Alain Touraine relative auxmouvements sociaux, distinguant trois grands principes caractérisant un mouvement social : l'identité, l'oppositionet la totalité, ces trois éléments étant interdépendants. Le premier chapitre de cette thèse est destiné à analysercomment les Talibans, en tant que sujet historique, ont été créés dans un contexte de guerre et d'opposition. Sontainsi successivement abordés la guerre avec l'Union soviétique, les Moudjahidins, les guerres civiles, les oppositionsrégionales et le clivage essentiel entre sunnites et chiites. Ensuite, il a été tenté de clarifier la façon dont le caractèretotalitaire de l'identité de l'Etat Taliban est renforcé par ses deux dimensions organisationnelles : l'islamisme et lepachtounisme, ce qui a conduit à confronter le régime des Talibans à la définition du modèle classique de régimetotalitaire concernant les institutions et la domination. La dernière partie aborde la question de la chute de l'EtatTaliban. La contradiction entre l'universalisme idéologique et l'existence des Talibans en tant qu'Etat a conduit àl'isolement sur la scène internationale. Les Talibans échouent par ailleurs à établir une domination intégrale enAfghanistan et se trouvent confrontés à une crise de légitimité interne ouvrant la voie à leur chute. En conclusion, ilest souligné la façon dont les Talibans ont mis en place une centralisation politique, en dépit de la profondeur desclivages tribaux et idéologiques. Pour atteindre leurs buts, ils se sont concentrés principalement sur trois éléments :l'islam fondamentaliste, la conscience nationale et tribale et l'honneur du guerrier. Finalement par le moyen de lathéorie de George Bataille, l'auteur de la présente thèse tente de préciser que les Talibans ont échoué à établir leuremprise totalitaire dans le climat hétérogène de la société afghane, malgré leurs efforts pour imposer les troiséléments d'homogénéisation susmentionnés.
Adrien Schu, De la guerre à la paix : une explication clausewitzienne de la cessation du recours à la violence, thèse soutenue en 2015 à Bordeaux, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Ce travail de thèse a pour ambition de proposer une nouvelle explication dubasculement de la guerre à la paix. Nous débutons notre recherche en nous intéressant, dans unepremière partie, à la définition de la guerre et de la fin de la guerre. Nous défendons alors l’idéeselon laquelle la guerre, conçue comme l’une des phases alternatives des relations bilatérales entregroupes sociaux, prend fin dès lors qu’au moins l’un des deux belligérants aux prises cesse derecourir à la violence. Nous établissons ensuite une typologie des différentes modalités de la fin dela guerre : nous posons qu’un belligérant arrête d’employer la violence soit parce qu’il n’en est plusphysiquement capable (nous parlons d’incapacité physique), soit parce qu’il en a pris la décision(nous parlons de renoncement politique). Nous soutenons l’hypothèse selon laquelle seul lerenoncement politique conduit à la continuation des relations entre groupes sociaux et donc à lapaix.Dans une seconde partie, nous nous réapproprions l’opposition introduite par Clausewitz entre laguerre absolue et les guerres réelles afin de mettre au jour notre propre explication du renoncementpolitique. La notion de guerre absolue nous permet de démontrer que le renoncement politiquen’est possible qu’à condition que l’Etat valorise davantage un intérêt autre que celui à l’origine deson recours à la violence. Nous proposons finalement qu’un Etat prend la décision de renoncer àla violence quand il ne pense plus pouvoir réaliser l’objectif politique qu’il poursuit violemmentsans nuire de façon inacceptable à un intérêt qu’il juge plus important.
Élie Baranets, La démocratie irrésistible ? : une explication des défaites des démocraties à travers l'étude des guerres menées par les Etats-Unis au Vietnam et par Israͭl au Liban, thèse soutenue en 2015 à Bordeaux, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Les déboires, notamment récents, des démocraties en guerre ne peuvent êtreexpliqués par les théories de la « victoire démocratique ». Dominantes dans le champacadémique contemporain des Relations internationales, celles-ci confèrent aux démocraties unavantage militaire décisif. Rendre compte de cette anomalie, tel est l’objectif de cette recherche.Pour cela, nous posons l’hypothèse que la défaite survient pour un État démocratique lorsquel’exécutif présente publiquement des objectifs de guerre fallacieux : nous parlons de« contournement » (de la démocratie).Une telle pratique rend la guerre illégitime en interne. Les gouvernants en ont conscience et,anticipant la réaction négative du public, ils se restreignent dans l’engagement armé. Leurschoix stratégiques dépendent de cette contrainte. Trop prudents, et surtout trop discrets pourêtre efficaces, ils connaissent des difficultés sur le terrain. Constatant finalement l’existenced’une tromperie quant aux objectifs de la guerre, le public la conteste à mesure qu’elle provoquela mort des soldats de la nation. Les contraintes pesant sur les gouvernants augmentent, et avecelles les difficultés militaires et donc la contestation. Ces facteurs se renforcent mutuellementjusqu’à ce que les gouvernants renoncent à atteindre les objectifs majeurs qu’ils se sont fixés,trop coûteux politiquement. Un temps affaiblie, la démocratie se rétablit irrésistiblement, auxdépens de ceux qui l’ont contrariée. Ainsi les démocraties perdent-elles des guerres, ce quenous tentons de démontrer par l’analyse minutieuse de deux cas d’études représentatifs : laguerre du Vietnam pour les États-Unis et celle du Liban en 1982 pour Israël.
Marine Guillaume, "Fighting Justly" in the XXth century : why do weapons disappear from the battlefield ?, thèse soutenue en 2015 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Pourquoi certaines armes disparaissent des champs de bataille tandis que d’autres ne cessent d’y être déployées? Afin de répondre à cette question, notre travail entreprend d’analyser sous un angle inédit l’influence du droit de la guerre (jus in bello) dans le choix des acteurs (gouvernements et militaires) d’utiliser une arme plutôt qu’une autre. Plus précisément, il s’attache à démontrer que les perceptions collectives de ce que proscrit ou autorise le droit de la guerre concernant les conditions d’utilisation des armes (conceptualisées sous le nom de meta-norme du « combattre justement ») est décisif dans la manière qu’ont les acteurs d’appréhender, évaluer et utiliser leur armement. A travers l’analyse des trajectoires de trois armes différentes (armes chimiques, armes incendiaires et drones de combat) fondée sur des données objectives, archives et sources secondaires, nous démontrons que chacun des pics significatifs de l’utilisation de ces armes s’explique aussi par des changements importants dans les perceptions collectives du « combattre justement ». Ainsi, les acteurs cessent d’utiliser leurs armes, ou prétendent cesser, quand ils ne parviennent plus à justifier et démontrer que leur utilisation s’accorde avec leurs perceptions collectives du « combattre justement », et vice versa. In fine, notre travail démontre que la guerre demeure un processus de justification continu, et, parce que les perceptions du combattre justement forment le socle de ces justifications, elles sont décisives pour comprendre le choix des pratiques de guerre. En second lieu, parce que les perceptions collectives du combattre justement sont décisives pour comprendre les pratiques de guerre, notre travail s’intéresse à leur formation. Il démontre que les acteurs sont plus enclins à imposer leur propre perception comme étant la plus légitime lorsque leur argumentaire perpétue un ordre symbolique dominant et ne révèle pas les fondamentales contradictions inhérentes au droit de la guerre. Ainsi, notre travail propose d’analyser sous un nouvel angle l’impact du droit de la guerre, mais aussi celui des argumentaires et des symboles dans les pratiques de guerre.
Anaïs Laacher, Afficher sa souveraineté , thèse soutenue en 2014 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Pays fragile par excellence, le Tchad, dont le niveau de développement est parmi le plus bas au monde, pourrait se résumer par la formule d’Helman et Ratner utilisée dans leur article Failed States paru en 1994, comme un État « simplement incapables de fonctionner en tant qu’entités indépendantes ».Alors pourquoi a-t-il demandé le retrait de la MINURCAT, la mission de sécurisation européenne et onusienne déployée sur son sol en 2008. Nous postulons que la conséquence négative de la relation entre ces deux acteurs, matérialisée par l’exclusion de la MINURCAT, est à chercher dans une étude de la nature des espaces de rencontre et leurs effets, directs ou indirects, sur le Tchad. En effet, cette thèse met l’accent sur le caractère systémique du lien social entre le Tchad et les Nations unies et entend ainsi catégoriser les espaces de mise en relation comme un système à trois variables : la socialisation, l’éloignement et la rupture. L’analyse de la rencontre en termes de « spatialité » permet l’étude du lien entre « les temps et les lieux symboliques de l’interaction », qui donne la possibilité d’établir les motivations d’agir et les modes de formulation. Ces derniers consacrent l’établissement d’un nouveau langage : celui de la revendication d’une souveraineté qui ne soit pas de façade et de sa reconnaissance par la communauté internationale. Il conviendra d’étudier, d’une part, la formation progressive de cet espace de jugement et, d’autre part, la volonté manifeste de contrer le déni de reconnaissance qui permet au Tchad d’achever son rapport à sa souveraineté.
Ilinca Mathieu, La question du sens de l'action dans les opérations extérieures : décision politique, soutien public et motivation militaire dans le cadre de la participation française à la FIAS et à la FINUL renforcée, thèse soutenue en 2014 à ClermontFerrand 1, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
De nombreuses études concluent à la supériorité des démocraties dans la guerre. A travers notre analyse des relations unissant aujourd’hui les piliers de la trinité clausewitzienne classique – pouvoir politique, peuple et armée – notre recherche s’attache à mettre en évidence l’importance, à cet égard, de la définition du « sens de l’action ». Complexe à conceptualiser, cet objet naît de l’interaction des trois piliers de la trinité qui contribuent à le construire. Cette dynamique prend son origine dans le sens conféré, par le discours politique,à la décision de recourir à la force. Ce sens politique repose sur les intérêts nationaux tels qu’appréhendés par les décideurs, mais également, du fait de la contrainte démocratique, sur les préférences de l’opinion publique telles que perçues par le politique. Le soutien public apparaît essentiel pour alimenter la volonté politique dans le conflit, mais influence aussi le moral des militaires déployés en opérations. Notre étude s’attache donc, en second lieu, à analyser les composantes du sens conféré par les militaires à la mission qu’ils exécutent, afin de déterminer dans quelle mesure un sens politique insuffisamment clair peut influencer le soutien public et, in fine, une éventuelle perte de sens chez les soldats. Cette analyse multiscalaire cherche en définitive à répondre à la question de savoir pourquoi l’on se bat, en approfondissant deux cas d’étude : la participation de l’Armée de terre française à la FIAS, en Afghanistan, et à la FINUL renforcée, au Liban. Elle peut s’inscrire, plus largement, dans le courant d’analyse cherchant à déterminer les facteurs d’efficacité dans la guerre, en esquissant l’idée que les démocraties peuvent, du fait des contraintes qui leur sont propres, présenter une faiblesse à cet égard.
Ringaile Kuokstyte, Engagement par émulation des pays baltes en matière d’aide : une mise en perspective par rapport aux pays de Visegrád et l'étude de cas lituanienne, thèse soutenue en 2014 à Paris 1, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
La thèse a pour objectif principal de contribuer à l’étude des déterminants de l’engagement des pays donateurs en matière de développement. En constatant une progression universaliste dans la recherche de tels déterminants, qui consiste à identifier des variables indépendantes communes pour l’ensemble des bailleurs de fonds, la thèse est partie pour défier cette recherche tout en l’enrichissant. Le défi renvoie à l’étude de cas spécifique de l’engagement balte en faveur de l’aide. Il s’agit d’un défi pluriel, empirique comme méthodologique. Sur le plan empirique, c’est un contexte historique particulier des pays baltes, celui de l’adhésion à l’UE et l’obligation de contribuer aux efforts de la communauté des bailleurs de fonds européens, qui est à noter. De repères méthodologiques font défaut en raison du manque de données et de recherche systématique sur le sujet. La thèse propose de neutraliser les biais qui peuvent en résulter en mettant l’engagement balte en perspective par rapport aux pays de Visegrád, disposant de l’expérience en matière d’aide étrangère de l’époque d’avant 1989. En dépit du manque d’une expérience propre, le trio balte affichent des efforts en faveur des populations plus démunies à la hauteur des pays de Visegrád. L’engagement en ressort comme une réalité sociopolitique complexe, dépassant le registre incrémental et la contrainte de l’UE. Il s’affirme à l’échelle européenne comme un processus d’émulation intergouvernementale. Un ancrage social de ce processus relève pourtant moins d’une croyance absolue en ce qui est adéquat que d’un effort raisonné de ne pas se distinguer parmi ses pairs.
Hélène Dieck, The influence of American public opinion on US military interventions after the Cold War, thèse soutenue en 2014 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Les études académiques récentes sur l'influence de l'opinion publique sur les interventions militaires dans les démocraties occidentales concluent pour la plupart que l’opposition du public n’a pas empêché le président de faire usage de la force. Ces études se concentrent souvent sur le choix d'intervenir dans un conflit donné et omettent d'analyser les ajustements apportés à l'intervention elle-même du fait de l'opinion publique. Cette étude tente au contraire de montrer qu'on ne peut comprendre l’influence de l'opinion publique si l'on se limite à la décision d'intervenir et n’étudie pas les décisions connexes liées à la conduite et à la réussite d'une intervention: le choix des moyens humains et financiers, les objectifs, la stratégie de communication. La littérature scientifique actuelle omet également de dévoiler la manière dont l'exécutif tente de gérer la contrainte de l'opinion publique et comprendre ainsi quelle est sa véritable marge de manœuvre vis-à-vis de celle-ci. En effet, l’opinion publique et la présidence s’influencent mutuellement : le président est souvent contraint de trouver un compromis entre les objectifs politiques et militaires désirés et ce que le public est prêt à accepter. En incluant l'impact de l'opinion publique sur la mise en œuvre des opérations militaires, cette recherche conclut que le public américain a eu une influence majeure sur le degré d'engagement, les objectifs et la durée des interventions militaires de l'après Guerre froide. Notre étude s’appuie principalement sur des entretiens avec des responsables politiques impliqués dans le processus décisionnel ayant conduit à l’usage de la force après la Guerre froide. Ce processus décisionnel sera analysé à travers cinq études de cas.
Joëlle Hecker, Les temps et les modes de la reconnaissance politique : la RFA, Israël et la Claims Conference (1950-1990), thèse soutenue en 2014 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Ce travail explore l'impact des réparations sur les groupes en se concentrant sur la question du temps. Les distinctions opérées par Paul Ricœur entre temps objectif, temps raconté et temps perçu permettent de circonscrire avec précision le champ d'action des réparations : elles sont des vecteurs de reconnaissance caractérisés par leur pouvoir de reformulation du passé. Pour démontrer cela, l'étude s'appuie sur le cas des réparations allemandes à Israël et à la Claims Conference de 1950 à 1990. Ce cas est interprété dans le but de comprendre ce qui a motivé ces gestes, et aussi en vue de justifier le principe des réparations en général : il adopte une méthode herméneutique critique. Les réparations allemandes sont d'abord liées aux théories de la reconnaissance. Les revendications des victimes sont interprétées comme une lutte pour la reconnaissance, les réactions des offenseurs comme un parcours vers la reconnaissance de responsabilité. Le fonctionnement de la reconnaissance est ensuite précisé par une étude des formes qu'elle revêt au fil du temps. Les années 1950 sont celles de la justice civile, c'est-à-dire des réparations monétaires. Ce mode de reconnaissance se caractérise par une façon elliptique de raconter les événements. Dans les années 1960, la justice pénale prend le relais et propose un récit plus concret du passé à travers les témoignages et les verdicts. Dans les années 1970 et 1980, ce sont les gestes symboliques, de nature essentiellement narrative, qui prédominent. En fait, chaque mode de reconnaissance présente une façon distincte de raconter le passé et modifie la perception du temps. Ce pouvoir de reformulation constitue une réplique à l'irréparable.
Anaïs Laacher, Afficher sa souveraineté, thèse soutenue en 2014, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Pays fragile par excellence, le Tchad, dont le niveau de développement est parmi le plus bas au monde, pourrait se résumer par la formule d’Helman et Ratner utilisée dans leur article Failed States paru en 1994, comme un État « simplement incapables de fonctionner en tant qu’entités indépendantes ».Alors pourquoi a-t-il demandé le retrait de la MINURCAT, la mission de sécurisation européenne et onusienne déployée sur son sol en 2008. Nous postulons que la conséquence négative de la relation entre ces deux acteurs, matérialisée par l’exclusion de la MINURCAT, est à chercher dans une étude de la nature des espaces de rencontre et leurs effets, directs ou indirects, sur le Tchad. En effet, cette thèse met l’accent sur le caractère systémique du lien social entre le Tchad et les Nations unies et entend ainsi catégoriser les espaces de mise en relation comme un système à trois variables : la socialisation, l’éloignement et la rupture. L’analyse de la rencontre en termes de « spatialité » permet l’étude du lien entre « les temps et les lieux symboliques de l’interaction », qui donne la possibilité d’établir les motivations d’agir et les modes de formulation. Ces derniers consacrent l’établissement d’un nouveau langage : celui de la revendication d’une souveraineté qui ne soit pas de façade et de sa reconnaissance par la communauté internationale. Il conviendra d’étudier, d’une part, la formation progressive de cet espace de jugement et, d’autre part, la volonté manifeste de contrer le déni de reconnaissance qui permet au Tchad d’achever son rapport à sa souveraineté.
Martine Alonso Marquis, Sociologie de la reconnaissance internationale d'Etat : deux siècles d'évolutions et de transformations, thèse soutenue en 2013 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Chaque acteur d’une société élabore des stratégies pour obtenir l’approbation et la reconnaissance de ses pairs. En fonction de son niveau d’approbation, un acteur déduit son rôle et sa place au sein de la société. Cette thèse entreprend de répondre à une série de questions suscitées par la transposition de l’important constat ci-dessus à une problématique aux implications globales : la reconnaissance est un processus indispensable pour la stabilisation des relations internationales, notamment au regard de ses conséquences. Mais contrairement aux analyses qui en ont été faites jusqu’à présent, elle ne peut être uniquement envisagée dans sa dimension politico-juridique, c’est-à-dire en opposant règle de droit et pratiques des états. La reconnaissance est un « fait social total » de l’arène des relations internationales. S’inspirant des traditions sociologiques durkheimiennes et éliasiennes, cette thèse tente de démontrer dans quelle mesure les évolutions et transformations au sein de ce que nous considérons comme une « institution de la reconnaissance », reflètent les mutations globales de l’espace des relations internationales. Ainsi, notre thèse entreprend de déconstruire le processus de reconnaissance pour en proposer une lecture alternative et une compréhension nouvelle, plus proche de la réalité sociale internationale. Partout dans le monde, dans un système international de plus en plus basé sur la compénétration des sociétés, on observe une exposition importante des attentes et des demandes de reconnaissance, celles-ci étant sources de tensions et de conflits. Les changements systémiques du siècle dernier sont la cause d’insatisfaction des sociétés et acteurs qui sont exclus du jeu international. Le déni de reconnaissance peut entrainer des conséquences profondément négatives et nous oblige donc à prendre également en compte dans notre analyse les dimensions éthiques de la reconnaissance.
Kadidiatou Ali Gazibo, La régionalisation de la paix et de la sécurité internationales post-guerre froide dans le cadre de la CEDEAO : la construction d'un ordre sécuritaire régional, entre autonomie et interdépendance, thèse soutenue en 2013 à Paris 1, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Ce travail a pour objectif d'analyser la nature et l'ampleur des tentatives d'institutionnalisation d'un régime régional de sécurité dans le cadre de la communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Elle part du constat que la fin de la guerre froide et la globalisation ont provoqué un changement dans la nature de la conflictualité et changé la donne pour l'ONU et les grandes puissances dans le domaine du maintien de la paix. Face à la multiplication des conflits internes et régionaux, on observe l'émergence de nouveaux acteurs de sécurité qui leur contestent le monopole des opérations de maintien de la paix et de la sécurité. En Afrique de l'Ouest, sous l'action de la CEDEAO, on assiste à partir de 1990 à la "sécurisation" progressive d'enjeux non militaires (politique, social, économique et environnemental) avec comme objectif, la mise en place d'une communauté de sécurité. En nous appuyant sur les cas empiriques d'interventions de la CEDEAO au Libéria, en Sierra Léone et en Guinée-Bissau entre autres, nous analysons pourquoi et comment la régionalisation des opérations de paix a produit des transformations, notamment une politique d'intégration et une reformulation des enjeux sécuritaires dans la région. Cela nous conduit à appréhender la CEDEAO comme région et comme acteur de sécurité dans le champ des relations internationales. En recourant à différentes approches (fonctionnalistes, constructivistes, réalistes), nous explorons d'une part le processus régional de sécurisation au plan empirique et institutionnel, et d'autre part les difficultés, les apprentissages et les jeux d'acteurs dans le champ des opérations de paix. Dans la mesure où ce dernier est ouvert et investi par différents acteurs, se pose également la question de la coordination de leurs interventions.
Menent Savas, Règles d'engagement, intervention et normativité : éléments pour la construction d'un régime de l'intervention internationale, thèse soutenue en 2012 à Paris 2, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
Au lendemain de la seconde Guerre mondiale, le multilatéralisme est devenu la condition de légitimité des interventions à des fins de protection humaine. Néanmoins le multilatéralisme suscite des problèmes de coopération, de commandement et de contrôle dans une force multinationale composée des contingents ayant des cultures militaires propres. Les échecs successifs de la première moitié de la décennie 1990 générèrent des travaux concentrés sur le maintien de la paix suivant une démarche up-down. Ils proposèrent dans un premier temps, la création d’une doctrine ‘‘robuste’’ qui comprendrait également l’élaboration des règles d’engagement (ROE) fermes et dans un second temps, la mise en oeuvre de mandats sans ambiguïtés. Or, tant que la configuration du Conseil de sécurité restera inchangée, les mandats seront toujours ambigus puisque les résolutions dont ils découlent laissent une part d’ambiguïté afin d’éviter le risque de veto. Chaque opération de paix ayant ses particularités propres, la création d’une doctrine robuste pour le maintien de la paix ne serait pas efficace. Posant les directives déterminant le niveau de force qui peut être utilisé dans diverses situations, les ROE se trouvent au coeur des opérations de paix et affectent la légitimité de celles-ci. Plutôt qu’une doctrine, la création d’un régime des ROE suivant une démarche bottom-up et son intériorisation par les casques bleus entrainerait une harmonisation de leurs comportements. Il serait alors possible de rechercher l’émergence d’une perception commune entre les Etats à l’égard du maintien de la paix et ce à travers une norme safe-efficient qui assurerait un environnement safe pour les soldats et un environnement efficient pour la réussite des opérations de maintien de la paix. Plus les Etats seront conscients des problèmes et des ambiguïtés relatifs aux opérations de paix, plus ils pourront avoir la volonté politique de mettre en oeuvre des mandats plus crédibles par l’intermédiaire de cette norme safe-efficient.
Fabrice Argounès, L'australie, entre puissance moyenne et puissance régionale : une analyse réaliste néoclassique, thèse soutenue en 2011 à Bordeaux 4, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.)
En mars 1947, le gouvernement australien dirigé par Joseph Chifley présente devant le Parlement une liste des priorités en matière de politique étrangère et de sécurité pour le Commonwealth d’Australie : « en premier, un soutien plein et entier aux Nations Unies, en second le maintien des liens avec le Commonwealth, en troisième les accords de sécurité avec les Etats-Unis et d’autres Etats [et] en quatrième la participation à la politique régionale ». En 1994, selon le Livre Blanc de la Défense, la politique étrangère de l’Australie a considérablement évolué. Elle repose désormais en priorité sur l’Asie Pacifique : « la sécurité future de l’Australie – comme [sa] prospérité économique – est liée inextricablement à la sécurité et à la prospérité de l’Asie Pacifique ».
Catharine Damron, The making of U.S. policy with Iran, 2001-2016 : the construction and reassessment of strategic animosity, thèse soutenue en 2021 à Paris Institut détudes politiques, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Cette thèse démontre le rôle des représentations de l’ennemi dans la formulation de la politique américaine envers l’Iran de 2001 jusqu’en 2016, dans un cadre constructiviste qui considère les représentations et les intérêts comme des constructions sociales. Elle s’appuie sur une enquête de terrain menée aux Etats-Unis qui a permis la réalisation de 95 entretiens semi-directifs, ainsi que l’analyse de documents déclassifiés. Après une revue de la littérature et une discussion de l’approche constructiviste, nous esquissons une typologie d’acteurs impliqués dans la fabrique de la politique américaine envers l’Iran, comprenant les pouvoirs exécutif et législatif ainsi que la sphère publique, démontrant ainsi la multiplicité d’acteurs concernés. Ensuite, nous considérons les facteurs qui contribuent à la construction des représentations de l’ennemi iranien, en en définissant trois idéaux-types : l’ennemi existentiel, l’adversaire technique, et l’Autre. Nous montrons également le rôle de la qualité et de la quantité des informations sur l’Iran disponibles aux acteurs, ainsi que l’importance de l’expertise extérieure. La deuxième partie de la thèse traite, d’abord, l’évolution des représentations de l’Iran pendant l’administration George W. Bush, ainsi que l’impact des interventions en Afghanistan et en Irak sur ces représentations ; ensuite, nous montrons la mesure dans laquelle les représentations de l’Iran ont été instrumentalisées pendant l’administration Obama et le clivage partisan autour de la question iranienne pendant la conclusion du Plan global d’action conjoint. Enfin, nous voyons le rôle des représentations pendant les négociations elles-mêmes.
Colomban Lebas, La dialectique ambiguë de la puissance, à l’heure d’une transition majeure du système international, thèse soutenue en 2018 à Paris 2, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Le concept de puissance connaît aujourd’hui de profondes mutations, tant liées à la globalisation qu'à l'apparition d'acteurs transnationaux influents dont les actions parfois fort efficaces exercent aujourd'hui une contrainte significative sur les Etats. L'omniprésence des médias, comme la progressive émergence d'une opinion publique mondiale informée et éduquée, renforcent le rôle des idées sur l’échiquier planétaire. Sur une planète où sont redistribués atouts et vulnérabilités, où de nouvelles lignes de fracture opèrent et où de nouvelles dynamiques réticulaires agissent, en particulier dans le cyberespace, comment se redessine la dialectique de la puissance, dans ses rapports à l'espace géographique, aux Etats, aux structures macrorégionales comme aux acteurs transnationaux ? Afin de répondre à cette question, seront étudiés le concept de puissance et ses mutations ; puis les nouveaux lieux de déploiement de cette puissance ; les contraintes historiques pesant sur les modalités d'exercice de cette puissance – tenant en particulier aux vestiges de la guerre froide – ; pour enfin aborder les nouveaux visages de l'influence internationale, laissant entrevoir comme un "au-delà de la puissance" dont l'interprétation inciterait à élargir, voire à redessiner, la plupart des concepts classiques des relations internationales. Une attention particulière sera accordée aux rapports qu’entretiennent géographie et théorie des relations internationales ainsi qu’à l'éclairage apporté par les outils de la géographie comme de la sociologie. Enfin, des conclusions concernant le cas français seront tirées de l’analyse scientifique ici menée ainsi que des évolutions mondiales étudiées.
Rodolphe Modeste, Théorie néoréaliste et néo-institutionnaliste de l’OTAN à l’heure de la sécurité globale : d'une organisation de défense collective à une organisation de sécurité collective, thèse soutenue en 2017 à Paris 10, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Cette thèse présente une critique de la théorie néoréaliste et néo-institutionnaliste capable d’expliquer la transformation de l’OTAN depuis 1991 d’une organisation de défense collective en une organisation de sécurité collective, ainsi que de rendre intelligible l’alternance des moments de solidarité et de tensions entre pays membres (et entre pays membres et partenaires). Le travail s’appuie sur des études de cas tirés de l’histoire de l’Alliance Atlantique post-guerre Froide et permet d’observer la régularité d’un double phénomène : l’inefficacité des actifs institutionnels OTAN sur les questions de haute sécurité et leur efficience sur les questions de basse sécurité. Lorsque les thèmes de dialogue sont trop stratégiques (risques de coûts politiques/budgétaires/humains, perceptions sécuritaires), les acteurs (pays membres et partenaires) reviennent tendanciellement à des postures nationales. Lorsque les thèmes de dialogue sont moins sensibles (moindres coûts politiques/budgétaires/humains, perceptions sécuritaires basses), les acteurs acceptent plus facilement les concessions dans le cadre institutionnel. Notre modèle vise à comprendre la progressive globalisation de l’OTAN à travers deux catégories d’actions : élargissements/créations de partenariats et interventions extérieures. La thèse propose aussi en prenant acte des forces et faiblesses des actifs institutionnels de l’OTAN de démontrer qu’elle produit principalement de la sécurité globale par la voie de son réseau sécuritaire (progressivement construit depuis 1991) plus que par la voie militaire classique (semi-échec des opérations extérieures de haute intensité). La globalisation de son réseau sécuritaire est étudiée à travers l’ensemble des actifs institutionnels bilatéraux et régionaux créés après 1991 pour intégrer les relations entre pays membres et partenaires. Une partie spécifique de l’étude est consacrée aux rapports américano-européens à l’intérieur de l’Alliance Atlantique. La globalisation de son champ d’intervention est aussi étudiée à travers l’analyse de l’ensemble des opérations et missions menées par l’OTAN depuis 1991. Enfin, la thèse se veut une tentative de renouvellement des théories néoréalistes et néo institutionnalistes à la lumière du nouveau paradigme de la globalisation sécuritaire.
Julien Théron, L'expérience du trouble. Œuvre de liberté chez Sartre et Saint Augustin: Œuvre de liberté chez Sartre et Saint Augustin, thèse soutenue en 2017 à Paris Est, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Chez Augustin et chez Sartre, l’homme se confronte au trouble tout au long de son existence. Cette existence est un processus de réalisation pratique fondé sur la liberté de ses actions dans le monde. Toutefois, en l’absence de compréhension de ce que cette existence pourrait être, perdu, ignorant et isolé, il recherche le sens à lui donner. Son expérience initiale du trouble le mène à comprendre qu’il peut intentionnaliser un devenir, c’est-à-dire affirmer par ses actes une vérité qui lui est révélée par son expérience, que cette vérité soit immuable (Augustin) ou relative(Sartre). C’est en se confrontant activement à l’hostilité du monde dont il est partie que l’homme peut alors façonner son devenir. Contraint néanmoins dans son élan parles conditions du monde qui s’exercent à son encontre, il prend conscience de la limitation de sa liberté et de la nécessité de la transformer afin de la réaliser pleinement. Il comprend alors que la socialité, qui conditionne et trouble l’homme tout au long de son existence, peut et doit être utilisée afin de faire émerger sa liberté conjointement avec celle des autres, et que des liens forts peuvent être créés.L’affirmation collective d’une vérité constituante du groupe fonde alors le processus politique, aboutissement de l’existence. Cet épanouissement est pourtant lui aussi porteur de trouble, au sein du groupe comme entre les groupes. L’homme, singulier comme collectif, doit alors défendre sa liberté en projetant sa vérité avec abnégation vers une universalité historique (Sartre) ou eschatologique (Augustin).
Sanja Vujacic, Régulation des relations interétatiques en position de dépendance : Étude du cas de la Croatie, thèse soutenue en 2016 à Université ParisSaclay ComUE, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Dans cette thèse, nous avons cherché à mimer la gouvernance du système de régulation des relations interétatiques de l’Espace croate, dans le respect des propriétés structurelles des systèmes sociaux adaptatifs régis par les lois naturelles, en particulier les principes d’auto-organisation et de complexité. La modélisation de l’organisation des relations interétatiques dans l’Espace croate nous a permis d’étudier la complexité de la gouvernance qui est en jeu entre les parties et le tout, dans les interactions entre trois niveaux de régulation (national, régional, international). Elle nous a amenée aussi à définir les risques systémiques comme des défauts de capacité de régulation des relations interétatiques qui menacent la stabilité (la sécurité) de l’Espace croate. Nous sommes parvenue à la conclusion que la première source de risques est le projet géopolitique et géoéconomique de l’expansion de l’Alliance atlantique vers l’Est eurasiatique et l’absence de projets de politiques extérieures autonomes aux échelles nationale et européenne. La seconde source de risques est l’imbrication inter/transnationale entre les organisations, licites ou illicites : politiques, financières, économiques, juridiques, médiatiques, les services de sécurité et de renseignement selon le projet de mondialisation néolibéral dont est doté le système de régulation des relations interétatiques. L’étude du cas de la transition croate a débouché sur le constat qu’elle a été une émergence de cette imbrication, dont l’objectif principal n’était pas l’indépendance politico-économique nationale, mais une privatisation privilégiée au prix de la précarisation par la dévastation économique et démographique de l’Espace croate et de la mise en position de dépendance du jeune État croate par rapport aux intérêts de cette imbrication inter/transnationale.
Adeline Joffres, Le populisme comme matrice de la politique extérieure : Le cas du Venezuela., thèse soutenue en 2013 à Paris 3, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Cette thèse a pour objet les corrélations existant entre le leadership charismatique populiste et la politique extérieure vénézuélienne alors que, traditionnellement, ces deux objets sont considérés indépendamment l’un de l’autre. L’étude géo-historique de la construction de l’État-Nation vénézuélien aux XIXe et début du XXe siècles explique celle d’une « identité de corps ». L’État précède la Nation qui se construit par le conflit externe et la reconnaissance mutuelle, à la faveur de leaderships politiques dominants (personnalistes et/ou autoritaires) et, pour surmonter le traumatisme suscité par ces conflits et l’échec du projet supranational réunificateur (Grande Colombie), de représentations politiques mythifiantes du peuple et du pouvoir. Ce processus présage le façonnage d’une matrice populiste du politique ayant vocation à compléter cette identité en prolongeant l’interpellation du peuple, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ce travail se focalise alors sur les mécanismes de construction et de routinisation du leadership charismatique populiste d’Hugo Chávez Frías et étudie les canaux de diffusion et de globalisation de ce type de leadership qui sont aussi ceux de la diplomatie multiple « bolivarienne ». Ainsi, le peuple n’est plus seulement un groupement de nationaux vénézuéliens mais une communauté « bolivarienne » plus élargie. Le populisme n’est plus envisagé comme un moment ni comme s’exprimant exclusivement sur le territoire national, mais comme un système global qui alimente autant qu’il se nourrit de l’autre et de l’extérieur. La politique extérieure peut alors être analysée sous l’angle d’une politique transnationalisée.
Philippe Ryfman, L'action humanitaire au XXIe siècle , thèse soutenue en 2012 à Paris 1, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
L'hypothèse structurant les travaux présentés est que l'action humanitaire permet à des organisations privées d'accéder au champ international et d'y exercer une influence concrète sur les terrains de crise. Les caractéristiques qui font des ONG humanitaires des acteurs incontournables de l'aide et des constituants d'un univers professionnel méritent d'être repérées. Si l'humanitaire a acquis cette dimension globalisée, y compris pour les ressources et les campagnes, il faut alors s'intéresser à sa signification en terme de normativité. La mise en place d'un auto-contrôle et d'une gouvernance associative sont examinés. La montée en puissance remarquable de certaines organisations devenues transnationales (OTN) est scrutée. Enfin, acteurs privés et publics oscillent entre partenariat, concurrence et affrontement avec de fortes asymétries, non défavorables aux OTN. Si l'acteur non gouvernemental était d'aujourd'hui absent, il existerait une action humanitaire. Mais elle n'aurait ni la dimension, ni l'influence qui font son efficacité et sa force, au bénéfice des populations vulnérables. Sans construire une théorie générale, il s'agit de proposer un paradigme explicatif de cette singularité d'un acteur privé composé d'entités non marchandes. Car elles n'apparaissent pas en régression parmi les différents protagonistes humanitaires, mais - au contraire - leur attractivité semble s'élargir. Cette démarche conceptuelle vise à enrichir une analyse critique et à contribuer à la construction d'un futur champ transdisciplinaire d'Études humanitaires. Son absence dans l'espace académique français et francophone devient handicapante pour la recherche et la compréhension de cet univers complexe.
Aurélie Lacassagne, Une reconstruction éliasienne de la théorie d'Alexander Wendt , thèse soutenue en 2008 à Bordeaux 4, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Cette thèse propose une déconstruction critique de l'oeuvre d'Alexander Wendt. On mettra en lumière la généalogie de sa pensée qui se retrouve en théorie sociale et en relations internationales. Ainsi, on peut dire que la théorie wendtienne, loin d'apporter une réponse au traditionnel débat agency-structure, met en réalité en évidence le problème fondamental posé par les termes mêmes de ce débat. La volonté affichée par Wendt de synthétiser les deux approches co-déterministes que sont le constructivisme et le réalisme critique, démontre notamment l'impasse théorique d'un tel mode de pensée. Une reformulation sémantique des termes du débat apparaît nécessaire d'où le développement de concepts tels que processus, relations, habitus et configurations issus de la pensée éliasienne. Nous proposons également de faire une reconstruction de la théorie wendtienne qui se fonde en grande partie sur la sociologie relationniste ou sociologie des processus développée par Norbert Elias. Une approche relationniste permet de mettre l'emphase sur le caractère processuel de toute réalité sociale. On évite ainsi les réifications si courantes dans la pensée sociale traditionnelle. Par ailleurs, afin de comprendre et d'expliquer la politique internationale, il faut travailler sur la longue durée, seule façon de voir l'évolution (souvent lente) des processus sociaux. Enfin, avec Elias, nous réintégrons une dimension psychologique à la compréhension de la politique internationale au travers du concept d'habitus qui se révèle à la fois social et psychique. Il y a donc une discussion sur le rôle des émotions, des affects et de leur autocontrôle dans le rapport à la violence sur la scène internationale.
Emmanuel Puig, Du "péril jaune" à la "menace chinoise" , thèse soutenue en 2007 à Bordeaux 4, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Depuis la fin de la guerre froide, la montée en puissance de la Chine constitue un des sujets les plus largement débattus dans la discipline américaine des Relations internationales (RI). Il existe en son sein un consensus assez large sur les problèmes posés par cette émergence et les débats contemporains portent essentiellement sur la gestion de cette nouvelle configuration de la scène internationale. A partir de ce constat, notre analyse établit une sociologie historique des perceptions de la Chine dans la réflexion américaine sur la politique mondiale. De la genèse du "péril jaune" (conceptualisé ici comme un mythe politique) à l'appréhension de la Chine à travers le prisme de l'anarchie internationale dans la discipline des RI, les discours sur la Chine ont subi des évolutions historiques séquentielles au cours desquelles ont été élaborés les principes formatifs des représentations contemporaines. Aussi, loin de constituer les produits d'une raison scientifique dépolitisée, les conceptualisations de la Chine dans la discipline américaine des RI résultent historiquement de projets politiques.
Niels Lachmann, Dynamiques d'intégration et de désintégration dans une communauté de sécurité , thèse soutenue en 2007 à Bordeaux 4, membres du jury : Thomas Lindemann (Exam.)
Les relations de l'Espagne démocratique avec les États européens et nord-américains et les organisations multilatérales dans l'espace transatlantique marquent plusieurs transformations importantes. D'abord instrumentales et limitées, elles deviennent de plus en plus étroites, ce qui confirme de manière paradoxale la part importante jouée par l'Espagne lors de la récente crise des relations transatlantiques. En s'appuyant sur le concept de communauté de sécurité pour l'étude des dynamiques inclusives et exclusives qui y ont lieu, ce travail propose une lecture certes à priori positive de l'intégration communautaire espagnole, mais démontre aussi que cette trajectoire, si elle permet de dédramatiser durablement certains conflits, en crée aussi d'autres, qui peuvent mener à la crise de la communauté d'un côté, à l'action violente contre des acteurs extérieurs de l'autre.