Yassin Boughaba, Citoyennetés populaires en Suisse : Sociabilités et politique à Renens (1945-2013), thèse soutenue en 2016 à Nantes sous la direction de Jean-Noël Retière et Olivier Fillieule, membres du jury : Laurent Tissot (Rapp.), Gianni D'Amato et Cécile Péchu
Cette thèse porte sur les citoyennetés populaires en Suisse, c’est-à-dire les formes plurielles d’implication politique des membres des classes populaires. Elle vise à analyser leurs rapports à la politique, à partir d’une étude localisée portant sur les fractions ‘hautes’ des classes populaires, à savoir des ouvriers et des employés subalternes par ailleurs investis dans les lieux de sociabilité qui fondent la vie politique locale et cantonale. En d’autres termes, il s’agit de mettre au jour les rapports de domination qui traversent les classes populaires et les conséquences de cette segmentation sur leur implication politique. Dès lors, j’ai analysé des engagements partisans, syndicaux, associatifs et électoraux dans différents contextes historiques. En m’appuyant sur des investigations archivistiques et ethnographiques ainsi que sur des données statistiques, je montre que, dans les années 1940, le militantisme d’employés des Chemins de fer fédéraux au sein du Parti Ouvrier et Populaire induit une mise à distance des ouvriers du privé ; que la forte division existant dans les années 1960-1970 entre les ouvriers suisses et les ouvriers immigrés se manifeste par des prises de position xénophobes au sein de la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l’horlogerie ; enfin que, dans les années 2000, la participation de résidents d’origine étrangère au sein des lieux de sociabilité liés à la scène politique – le corps des sapeurs-pompiers et la section locale du Parti Ouvrier et Populaire – se fait sur un mode minorisant.
Nordine Kireche, "Garder le contrôle" : les politiques municipales à Nanterre de l'après-guerre à nos jours face à la désindustrialisation, aux conflits avec l'Etat et aux transformations du peuplement de la ville, thèse soutenue en 2014 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Patrick Le Galès, membres du jury : Anne-Cécile Douillet (Rapp.), Emmanuel Bellanger
Cette thèse est une contribution à l'analyse de décennies de recompositions sociales et politiques dans les anciens espaces industriels aux portes de Paris. La question qui a structuré ce travail est celle des manières dont plusieurs générations d'élus communistes de la région parisienne ont pu se maintenir au pouvoir dans le temps, malgré un ensemble de déstabilisations internes (via les transformations de la base sociale de leurs villes), et externes (à travers la dépendance de ces territoires à Paris ainsi qu'à un ensemble de transformations économiques, institutionnelles et politiques de portée nationale). Ce travail a été mené sous la forme d'une monographie de Nanterre. Cette ville, de par son histoire sociale, politique et sa géopolitique particulière constitue en effet un cas propice à l'étude de ces villes comme des systèmes sous pression, contraints aux changements. La direction de cette ville a certes été reconduite sous les couleurs du P.C.F jusqu'aux élections municipales de 2008, mais elle a également muté, en témoigne le départ du maire de la ville du P.C.F en 2010. Nous avons montré au fil de ce travail, grâce au passage par la sociologie de l'action publique, que ce changement d'étiquette politique n'est qu'un aspect d'un ensemble plus vaste d'adaptations des pratiques de ces élus. Les données produites permettent en effet de suivre près d'un demi-siècle d'adaptation de la stratégie électorale et des politiques municipales des différentes générations d'élus issus du P.C.F qui se sont succédées, dans le but de s'adapter aux changements d'environnement de la ville et ainsi conserver sa direction.
Jessica Sainty, Les fabriques territoriales du raisonnement politique : analyse contextualisée dans quatre territoires de l'Isère, thèse soutenue en 2012 à Grenoble sous la direction de Bernard Denni, membres du jury : Nonna Mayer (Rapp.), Michel Bussi
Le territoire a-t-il une influence sur le raisonnement politique des individus ? C'est à cette question, en apparence classique, de la science politique que cette thèse entend répondre. A partir d'une enquête menée dans le contexte de l'élection présidentielle française de 2007, nous proposons d'aborder les voies théoriques et méthodologiques d'une étude de l'effet du « territoire » sur les raisonnements et les arguments mobilisés par les individus lorsqu'ils « parlent » de politique. En prenant successivement en compte le territoire comme agrégat de données quantitatives (territoire objectif) puis comme construction sociale opérée par les individus (territoire subjectif), nous proposons de revenir sur les apports d'une approche « écologique » et « processuelle » du raisonnement politique, permettant de comprendre les rouages et l'ampleur de la mobilisation du « territoire vécu » par les individus. La « politique » apparait à la fois comme le résultat d'un repérage des problèmes territoriaux et comme une série de thèmes définis a priori (l'Union Européenne, la mondialisation, le vote lors de l'élection présidentielle), donnant à voir deux aspects distincts de l'influence du territoire sur la politisation des individus. Nos résultats plaident pour le prolongement d'une analyse qualitative et contextualisée des compétences et des raisonnements politiques individuels.
Camille Amilhat, Apprendre le métier de citoyen : contribution à l'étude de la socialisation politique scolaire, thèse soutenue en 2021 à Paris 1 sous la direction de Daniel Gaxie, membres du jury : Bertrand Geay (Rapp.), Stéphane Beaud (Rapp.), Julien Fretel, Stéphane Bonnéry et Julie Pagis
En 2015, à la suite des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, le ministère de l’Éducation nationale a doté l’école française d’un nouvel enseignement moral et civique (EMC), du CP à la terminale. Jusqu’alors, et malgré la valorisation internationale de l’éducation à la citoyenneté face aux tensions démocratiques croissantes, cette dernière était peu enseignée dans les classes. Depuis l’instauration de l’EMC, dans quelles conditions le système scolaire français participe-t-il à équiper les futurs citoyens d’une compétence politique et civique ? En prenant ancrage dans la sociologie politique, les sciences de l’éducation et l’analyse des politiques publiques, notre recherche propose de comprendre ce processus de socialisation politique scolaire à partir de l’observation directe de cours d’EMC sur les institutions publiques dans sept classes de primaire et de secondaire de deux villes franciliennes entre 2016 et 2019, de la conduite d’entretiens approfondis avec les élèves et leur enseignant, et de l’étude des documents officiels du Ministère concerné. Bien que la dimension civique de l’EMC soit mise au second plan par le contexte d’action de la réforme et ses implications matérielles, certains professeurs, mus par un idéal démocratique, font quand même le choix de l’enseigner. Les effets de cette inculcation scolaire sur la familiarisation des élèves avec l’univers politique et judiciaire peuvent alors être forts et inattendus par rapport aux modèles sociologiques connus. Au-delà de l’influence des contextes scolaires, ils révèlent en effet des mécanismes de transmission et d’appropriation d’une nouvelle espèce de capital culturel : le capital culturel civique.
Jérémie Moualek, A la recherche des "voix perdues" : contribution à une sociologie des usages pluriels du vote blanc et nul, thèse soutenue en 2018 à Université ParisSaclay ComUE sous la direction de Jean-Pierre Durand, membres du jury : Yves Déloye (Rapp.), Isabelle Sommier (Rapp.), Frédéric Lebaron, Jean-Gabriel Contamin et Patrick Lehingue
Pourquoi l'électeur, s'il sait que son vote ne sera pas pris en compte, s'attache-t-il quand même à voter blanc et nul ? Plus globalement, comment le vote blanc et nul a-t-il pu persister et même augmenter, en dépit de son absence de prise en compte dans les suffrages exprimés ? C'est à ce double questionnement qu'est consacrée cette thèse.En prenant appui sur l'analyse de 52 entretiens semi-directifs avec des électeurs ayant déjà votés blancs et nuls ainsi que sur des archives de bulletins annulés issus des scrutins présidentielles et législatifs de 2007 et 2012 (près de 16 000) et des réponses à un questionnaire diffusé en ligne (1632), notre démarche est donc d'allier le comment au pourquoi (et au « pour quoi ? ») et d'étudier le vote en acte davantage que le vote comme choix ou orientation. Le tout, en interrogeant le vote blanc et nul, non pas seulement comme un refus conjoncturel de choisir – lié essentiellement à un défaut conjoncturel de l'offre politique –, mais en mettant en évidence une autre lecture du phénomène. Plus précisément, nous abordons le vote blanc et nul comme un ensemble d'usages et significations socialement différenciés.Ainsi, dans une Partie n°1, nous étudions l'apparition de la catégorie « blanc et nul », la variation historique de ses normes (explicites et implicites) et les luttes dont sa définition a été l'objet. Le tout, pour comprendre comment une certaine définition du vote blanc et nul s'est imposée au point de faire sens commun (notamment la binarité manichéenne « blanc » versus « nul »). Dans une Partie n°2, il s'agit alors d'analyser la façon dont ce sens commun peut être l'objet de réceptions (voire de réappropriations) individuelles ou collectives – légitimes et illégitimes – par les agents sociaux. Et ce, au point de faire du vote blanc et nul une pratique aux usages pluriels, car socialement différenciés. Enfin, loin d'être réduits aux rôles de « récepteurs », des électeurs peuvent apparaître aussi comme des contributeurs dans la construction – toujours mouvante – de la définition de ce vote, au point d'en faire, par exemple, un outil d'action collective.
Guillaume Petit, Pouvoir et vouloir participer en démocratie , thèse soutenue en 2017 à Paris 1 sous la direction de Loïc Blondiaux
Les élus locaux veulent associer les citoyens, qui veulent pouvoir être entendus et peser dans les décisions. Ces propositions résument les enjeux d'une démocratie participative, à la fois comme idéal de gouvernement et comme norme de l'action publique locale. La thèse revient sur la mise à l'épreuve de l'impératif délibératif à l'échelle municipale, depuis les années 1990. L'enquête repose sur l'analyse des conditions sociales de la production et de la réception d'offres institutionnelles de participation, dans trois communes de 20 000 habitants. Au travers d'une approche inductive et pluri-méthodologique, nous proposons une sociologie de l'engagement participatif, entre études sur la socialisation politique et sur l'action publique locale. L'attention portée aux contextes, aux acteurs et aux formats de l'offre de participation, permet d'en constater l'institutionnalisation inaboutie et les appropriations socialement situées. Nous argumentons en faveur d'une compréhension dispositionnelle et situationnelle des parcours de participation et de non-participation, pour élaborer une théorie ancrée de l'engagement participatif, entre pouvoir et vouloir. Dans ce cadre, la possibilité intermittente d'une participation réalisée ne se comprend qu'au regard d'un engagement distancié, critiqué, empêché ou évité. En toute fin, si elle est une voie d'intéressement à un intérêt local commun, l'offre de participation voit sa portée sociale et politique fondamentalement limitée par l’encastrement de la participation dans la représentation.
Guillaume Petit, Pouvoir et vouloir participer en démocratie, thèse soutenue en 2017 sous la direction de Loïc Blondiaux, membres du jury : Nonna Mayer (Rapp.), Rémi Lefebvre (Rapp.), Guillaume Gourgues et Frédéric Sawicki
Les élus locaux veulent associer les citoyens, qui veulent pouvoir être entendus et peser dans les décisions. Ces propositions résument les enjeux d'une démocratie participative, à la fois comme idéal de gouvernement et comme norme de l'action publique locale. La thèse revient sur la mise à l'épreuve de l'impératif délibératif à l'échelle municipale, depuis les années 1990. L'enquête repose sur l'analyse des conditions sociales de la production et de la réception d'offres institutionnelles de participation, dans trois communes de 20 000 habitants. Au travers d'une approche inductive et pluri-méthodologique, nous proposons une sociologie de l'engagement participatif, entre études sur la socialisation politique et sur l'action publique locale. L'attention portée aux contextes, aux acteurs et aux formats de l'offre de participation, permet d'en constater l'institutionnalisation inaboutie et les appropriations socialement situées. Nous argumentons en faveur d'une compréhension dispositionnelle et situationnelle des parcours de participation et de non-participation, pour élaborer une théorie ancrée de l'engagement participatif, entre pouvoir et vouloir. Dans ce cadre, la possibilité intermittente d'une participation réalisée ne se comprend qu'au regard d'un engagement distancié, critiqué, empêché ou évité. En toute fin, si elle est une voie d'intéressement à un intérêt local commun, l'offre de participation voit sa portée sociale et politique fondamentalement limitée par l’encastrement de la participation dans la représentation.
Kevin Geay, Enquête sur les rapports au politique des classes supérieures, thèse soutenue en 2015 à Paris 9 sous la direction de Brigitte Le Grignou et Éric Agrikoliansky, membres du jury : Philippe Aldrin (Rapp.), Nicolas Mariot (Rapp.), Stéphane Beaud
Cette thèse s’appuie sur une série d’enquêtes qualitatives et quantitatives pour proposer une analyse systématique du rapport au politique des classes supérieures françaises. Notre hypothèse est que l’on peut mieux spécifier la manière dont les mieux dotés participent, opinent, et font valoir leurs intérêts, si l’on prend au sérieux tous les comportements qui ne collent pas avec la description usuelle d’une classe supérieure compétente, investie et intégrée politiquement. Ainsi, s’intéresser aux formes bourgeoises de scepticisme et de relâchement dans la participation conventionnelle autorise une compréhension plus fine du lien entre statut social et politisation. De même, être attentif aux ratés de la reproduction des préférences politiques révèle en creux ce qui, dans le fait d’appartenir aux classes supérieures, dispose au vote de droite. Enfin, nous préciserons les conditions de possibilité du pouvoir des classes supérieures en prenant pour objet les rendements incertains du capital social spécifique que constitue la proximité aux élus, d’une part, et les tentatives malheureuses de contrôle territorial, d’autre part.
Samir Hadj Belgacem, Représenter les "quartiers populaires" ? : une socio-histoire de l'engagement électoral et partisan dans les cités d'une municipalité communiste, thèse soutenue en 2015 à Paris Ecole normale supérieure sous la direction de Stéphane Beaud et Bernard Pudal, membres du jury : Éric Agrikoliansky (Rapp.), Sylvie Tissot (Rapp.), Annie Collovald
Au croisement d’une histoire sociale du pouvoir local, d’une ethnographie des mobilisations électorales et d’une sociologie des porte-parole, cette thèse se consacre à l’étude des conditions de représentation électorale des habitants des cités dans une ancienne municipalité communiste de la banlieue parisienne. Elle s’intéresse aux processus de production de porte-parole et à leur accès au pouvoir municipal. L’enquête s’appuie sur des entretiens approfondis et croisés avec les différents protagonistes, sur des observations directes, sur l’analyse d’archives ainsi que sur des statistiques descriptives. La thèse montre que la faible représentation des porte-parole de cités parmi les élus n’est pas tant liée à une crise des vocations qu’à une crise des débouchés dans un marché électoral fermé et dans un contexte de dévaluation du militantisme partisan. La première partie rend compte du déclin du modèle ouvriériste de représentation des classes populaires et du creusement de la distance sociale entre les élus de la gauche municipale et les fractions minoritaires des classes populaires. La seconde partie explique comment les métiers « d’éducateurs » deviennent une filière propice au porte-parolat et offrent un modèle alternatif de militantisme, faisant de l’encadrement de la jeunesse populaire, un nouvel enjeu de luttes dans l’espace du pouvoir local. Enfin, la dernière partie envisage les logiques d’importation de ces conflits associatifs et professionnels dans le champ électoral. La mobilisation des éducateurs de cités aux élections se déroule en plusieurs étapes, passant de la recherche d’alliances avec la gauche municipale à des logiques de concurrence partisane, puis d’opposition.
Julien Audemard, Influences interpersonnelles : comment les contextes structurent les opinions et les votes, thèse soutenue en 2013 à Montpellier 1 sous la direction de Jean-Yves Dormagen, membres du jury : Loïc Blondiaux (Rapp.), Florence Haegel (Rapp.), Daniel Gaxie et Nonna Mayer
« Les gens qui parlent ensemble votent ensemble ». En écrivant ces quelques mots, le sociologue britannique William Miller résumait, à la fin des années 1970, une tradition de recherche déjà ancienne : le vote, en tant qu‟expérience de groupe, se joue d‟abord dans les rapports que les citoyens ordinaires entretiennent avec ceux avec qui ils vivent quotidiennement. La recherche présentée dans cette thèse propose de réinterroger cette hypothèse par l‟intermédiaire d‟une enquête visant à saisir comment le contexte social d‟appartenance – entendu comme l‟entourage relationnel d‟un individu - structure la pratique des échanges politiques, et en quoi cette pratique peut-elle impacter les comportements électoraux individuels. L‟enquête en question a donc consisté à adapter la technique de l‟échantillonnage en boule-de-neige à la passation de questionnaires de personne à personne. Partant d‟un échantillon de base de dix personnes mobilisées à trois reprises – en 2009, 2010 et 2012 – il m‟a ainsi été possible d‟identifier des chaînes de relations grâce à la circulation de questionnaires au sein des cercles d‟interconnaissance des participants. En plus de données statistiques, l‟enquête s‟appuie sur une analyse ethnographique de la phase de construction des différents échantillons. Ce travail repose sur le postulat selon lequel les questionnaires élaborés constituent des "objets politiques", avec pour conséquence que les échanges de questionnaires au sein des populations étudiées instaurent de fait un cadre d'interactions présentant une dimension "politique". L‟étude ethnographique de la mise en oeuvre de cette passation offre ainsi l‟occasion de porter un regard original sur les moyens par lesquels des citoyens ordinaires organisent des échanges à dimension politique au sein de leurs réseaux d‟appartenance. Les résultats de cette analyse, confrontés à celle des échanges politiques plus ordinaires pratiqués au sein des contextes identifiés au cours de l‟enquête, montrent que le politique, loin d‟obéir à des logiques autonomes, prend sa source et prolonge les normes et les identités sociales produites par les groupes. La structure sociale du contexte – notamment son degré de cohésion – et sa composition en termes de ressources économiques, culturelles et politiques, déterminent le déroulement des échanges politiques et leur capacité à créer de la mobilisation et à faire en sorte que les identités collectives se traduisent en choix électoraux.
David Gouard, La "banlieue rouge" face au renouvellement des générations : une sociologie politique des cités Maurice Thorez et Youri Gagarine à Ivry-sur-Seine, thèse soutenue en 2011 à Montpellier 1 sous la direction de Jean-Yves Dormagen, membres du jury : Florence Haegel (Rapp.), Michel Hastings (Rapp.), Olivier Masclet et Bernard Pudal
Durant plusieurs décennies, au sein de ce qui s'est appelé la « banlieue rouge », Ivry-sur-Seine faisait figure de « bastion » modèle pour le Parti Communiste Français. Le communisme municipal ivryen avait fait de ses cités ouvrières des espaces laboratoires au service d'un creuset d'affiliation sociopolitique particulièrement efficace. Jusqu'au tournant des années 1980, aux cités Maurice Thorez et Youri Gagarine, les résultats électoraux enregistrés par les différents représentants communistes en ont attesté. Avec la remise en cause du modèle de politisation fondé sur l'écosystème industriel, le renouvellement des générations pose avec acuité la question des conditions de reproduction d'une affiliation sociopolitique favorable aux représentants communistes. Une approche ethnographique sur la longue durée a permis de renseigner cette question. Depuis le milieu des années 1980, la trajectoire sociopolitique contrastée des deux quartiers atteste des ruptures infra-communales touchant ce type de territoire de la banlieue parisienne. Dans le quartier Youri Gagarine, la majorité des anciennes familles ouvrières a été remplacée par les nouveaux milieux populaires essentiellement composés de populations issues de l'immigration. Entretenant une historicité tout à fait différente à l'égard de l'étiquette « communiste(s)», les nouvelles générations participent, parfois activement, d'une contestation de l'ancienne autorité politique locale. À l'inverse, dans le quartier Maurice Thorez, situé au cœur du centre-ville, les descendants des familles ivryennes les plus proches de l'appareil partisan et/ou municipal ont maintenu résidence. Dans ce quartier, autour d'une endocratie politique locale, se maintiennent des liens communautaires fonctionnant de manière relativement indépendante de l'ancien encadrement partisan. Pour de nombreuses familles ivryennes appartenant à la classe moyenne, le maintien d'une certaine autorité communiste facilite leur accompagnement social, politique et électoral des métamorphoses contemporaines du communisme municipal.