Céline Braconnier, Nonna Mayer (dir.), Les inaudibles: sociologie politique des précaires, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2015, Fait politique, 291 p.
Ce livre va au-devant d'une population oubliée et hétérogène, celle des « précaires » : travailleurs pauvres, chômeurs en fin de droits, mères seules avec enfants, bénéficiaires des minima sociaux ou personnes en hébergement d'urgence. Il s'appuie sur une enquête réalisée lors de l'élection présidentielle de 2012, qui cherchait à comprendre et à mesurer l'impact de la précarité sur les rapports des individus à la politique, et sur des entretiens effectués dans des centres d'accueil de jour et lieux de distribution alimentaire à Paris, Grenoble et Bordeaux. La lutte quotidienne pour la survie incite aux comportements individualistes, à la « débrouille » plus qu'à l'action collective. Elle suscite un profond sentiment d'injustice face aux riches, mais ne pousse pas à la révolte. Le lien avec la politique institutionnelle n'est pourtant pas rompu : les hommes et les femmes en situation de précarité suivent la campagne présidentielle, expriment des préférences, font davantage confiance à François Hollande qu'à Nicolas Sarkozy et plus à Marine le Pen qu'au candidat du Front de gauche. Ces positions se traduisent néanmoins rarement en bulletins de vote. Faute de dispositifs leur facilitant l'accès à l'espace public, les individus en situation de précarité demeurent, la plupart du temps, inaudibles
Céline Braconnier, Une autre sociologie du vote, Lextenso éditions et LEJEP, 2010, Collection LEJEP, 207 p.
Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, La démocratie de l'abstention: Aux origines de la démobilisation électorale en milieux populaires, Gallimard, 2007, Folio ( Actuel ), 464 p.
Céline Braconnier, Benoît Verrier, Jean-Yves Dormagen, Non-inscrits, mal-inscrits et abstentionnistes, la Documentation française, 2007, Rapports et documents, 79 p.
Céline Braconnier, Pierre-Yves Baudot, Marie-Victoire Bouquet, Ghislain Gabalda, « Les politiques publiques façonnent-elles les listes électorales ? Le cas des personnes handicapées en 2017 », Revue Française de Science Politique, 2020, n°6
Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Vincent Pons, « Voter Registration Costs and Disenfranchisement: Experimental Evidence from France », American Political Science Review, 2017, n°3, pp. 584-604
Céline Braconnier, Baptiste Coulmont, Jean-Yves Dormagen, « Toujours pas de chrysanthèmes pour les variables lourdes de la participation électorale », Revue Française de Science Politique, 2017, n°6, pp. 1023-1040
Céline Braconnier, « Sociologie de la mal-inscription et de ses conséquences sur la participation électorale », Revue française de sociologie , 2016, n° 57, pp. 17-44
Cet article établit pour la première fois à l’échelle nationale, à partir d’un échantillon représentatif de quelque 40 000 inscrits dont on croise l’adresse de résidence et l’adresse d’inscription, l’ampleur et la sociologie de la mal-inscription électorale. Il montre, en prenant appui sur les scrutins de 2012, qu’elle affecte à cette date 6,5 millions d’inscrits, et frappe en particulier les catégories les plus mobiles, notamment les étudiants et les cadres supérieurs, dont elle contrarie les prédispositions à la participation électorale. Il démontre, à partir de l’analyse des pratiques effectives de participation, que le fait de ne pas être inscrit dans le bureau de vote de sa commune de résidence multiplie par trois les risques d’être un abstentionniste constant.
Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Ghislain Gabalda, Xavier Niel, « Sociologie de la mal-inscription et de ses conséquences sur la participation électorale », Revue française de sociologie, 2016, n°1, pp. 17-44
Céline Braconnier, Antoine Jardin, Léa Morabito, Manon Réguer-Petit, « Les Inaudibles . Comportements et attitudes politiques des précaires », Idées économiques et sociales, 2015, n°182, pp. 51-61
Céline Braconnier, « Une démocratie de l'abstention. Retour sur le non-vote et ses conséquences politiques lors des scrutins municipaux et européens de 2014 », Hérodote , 2014, n° ° 154, pp. 42-58
L’abstention a constitué un facteur déterminant des scrutins de 2014. D’abord par son ampleur. En progression constante aux municipales, elle affecte aujourd’hui presque un citoyen sur deux. Elle s’est stabilisée à un niveau très élevé aux européennes puisque moins d’un Français sur trois y participe désormais. Cette situation produit de fortes inégalités sociales de participation électorale. Les plus jeunes, les moins diplômés, les plus instables professionnellement sont nettement sous-représentés dans les urnes, en 2014 comme, déjà, en 2008 et 2009. Enfin, la mobilisation différentielle, traditionnellement défavorable au camp qui gouverne, a été particulièrement marquée cette année, expliquant largement la défaite historique de la gauche qui a échoué à faire voter nombre des segments de son électorat sociologiquement composite.
Céline Braconnier, « Quand les milieux populaires se rendent aux urnes : Mobilisation électorale dans un quartier pauvre de Brasilia », Revue française de science politique , 2013, n° Vol.63, pp. 487-518
Cet article présente les résultats d’une étude sur la mobilisation et la production des choix électoraux dans un quartier pauvre de la banlieue de Brasilia réalisée à l’occasion des élections de 2010. L’objectif est ici d’expliquer les taux de participation très élevés enregistrés dans ce quartier pourtant très populaire et faiblement politisé. La dimension « obligatoire » du vote en est un facteur essentiel à condition de ne pas la réduire à sa dimension de norme contraignante pesant sur les électeurs. L’étude souligne également les effets que cette obligation induit sur la production des campagnes électorales. Elle constitue, en effet, une puissante incitation pour les candidats à produire une offre attractive y compris en direction des publics les moins politisés. L’observation localisée montre ainsi que les taux de participation très élevés que l’on enregistre dans cet environnement populaire résultent, en grande partie, d’un intense campaigning qui repose principalement sur des transactions de type clientélaire, sur l’activation des structures d’encadrement, sur des interactions directes et la présence de relais d’opinion plus ou moins professionnalisés et bien insérés dans le tissu social.
Céline Braconnier, « Ce que le terrain peut faire à l'analyse des votes », Politix , 2013, n° ° 100, pp. 99-112
L’analyse électorale se nourrit surtout, aujourd’hui, de données de sondages atomistiques. Le modèle explicatif de l’électeur rationnel produisant ses votes seul à partir d’une étude de l’offre politique s’en trouve encore renforcé. En prenant appui sur des expériences de recherche par plans d’observation localisés, il s’agit ici de souligner l’intérêt scientifique que présente un retour au terrain pour comprendre plus en profondeur ce dont les votes sont faits. D’une part, l’étude de cas, par le cumul et le croisement de données variées dont la solidité est contrôlée, permet de dessiner des logiques fines de comportement dont d’autres enquêtes peuvent ensuite établir la distribution dans l’espace social. D’autre part, elle ménage une appréhension des électeurs dans leurs environnements – familiaux, amicaux, résidentiels – qui autorise l’analyse de la nature collective du vote. Les caractéristiques socio-démographiques des individus, leur parcours scolaire, professionnel, résidentiel, sont alors appréhendés comme des prédispositions incorporées à s’abstenir, à voter ou à le faire dans un certain sens dont le chercheur saisit l’actualisation dans des pratiques ou au contraire la neutralisation par les environnements. Faire du terrain conduit donc à penser le vote autrement.
Céline Braconnier, « À plusieurs voix. Ce que les entretiens collectifs in situ peuvent apporter à la sociologie des votes », Revue française de sociologie , 2012, n° 53, pp. 61-93
Distincts des focus groups comme des entretiens menés en face à face, les entretiens collectifs in situ n’ont pas encore trouvé leur place dans le répertoire des outils à la disposition des chercheurs en sciences sociales. À partir d’une expérience de recherche en sociologie électorale, notre objectif est ici de souligner la spécificité des données produites dans ce cadre et leur particulière adéquation à la prise en compte des déterminants contextuels des comportements individuels. Interrogés ensemble dans les espaces où ils ont l’habitude de se retrouver, les conjoints, les amis, les collègues, les voisins assument dans les entretiens collectifs des comportements politiques qu’ils taisent dans d’autres situations d’enquête. Mais ils donnent aussi et surtout à voir les relations qu’ils entretiennent entre eux et les processus d’influence, de pression, d’entraînement électoral qu’elles peuvent alimenter. On dispose donc là d’un instrument adapté à la compréhension de ce que recouvre notamment, aujourd’hui, la dimension collective de l’acte de vote.
Céline Braconnier, « Le vote des cités est-il structuré par un clivage ethnique ? », Revue française de science politique , 2010, n° 60, pp. 663-689
RésuméLes résultats présentés dans cet article sont issus d’une enquête de terrain menée entre l’élection présidentielle de 2002 et les élections européennes de 2009 dans une cité HLM de la banlieue Nord de Paris. L’un des résultats de cette étude réside dans le fait d’établir que les identités individuelles et collectives, ainsi que les rapports sociaux sont, dans un quartier de ce type, largement structurés par les catégories de l’ethnicité et de la race. L’ ethnicité pour soi, telle qu’elle est produite et mobilisée par les agents, est, en effet, devenue l’une des composantes identitaires du vote. Le rapport entretenu subjectivement aux « origines » et, plus globalement, l’ ethnicisation des cadres cognitifs constituent des facteurs déterminants permettant de comprendre pourquoi les Français d’origine africaine (qui représentent la moitié des électeurs de la cité) accordent presque exclusivement leurs suffrages à la gauche, tandis qu’une fraction importante des Français dits de « souche » votent en faveur du Front national (ou de Nicolas Sarkozy lors de la dernière élection présidentielle).
Céline Braconnier, « Les sages interpellés : Quelques usages profanes du Conseil constitutionnel », Revue française de science politique , 2008, n° 58, pp. 197-230
RésuméLe Conseil constitutionnel a conquis, au cours des 30 dernières années, une place de premier plan dans l’espace institutionnel français. Sa visibilité dans l’espace public s’en est trouvée accrue, suscitant des interpellations spontanées de la part de citoyens ordinaires. À partir d’un échantillon de courriers adressés aux juges de la rue Montpensier au cours des années 1990, cet article dresse un premier répertoire des usages profanes dont l’institution fait l’objet. Via les figures de l’expert, du justiciable et du citoyen prenant la plume, il montre qu’au moins trois types bien différenciés sont mis en œuvre, qui se comprennent par référence aux perceptions que les auteurs entretiennent des neuf sages, aux ressources qu’ils investissent dans l’acte d’écriture et aux rétributions attendues de leur démarche.
Céline Braconnier, « Le vote dans les périphéries urbaines. Constantes et évolutions », Savoir/Agir , 2007, n° ° 1, pp. 65-77
Céline Braconnier, « Traquer le politique : le repérage policier à la fin du XIXe siècle », 2001, pp. 124-138
Les logiques qui président au repérage du politique par les agents de la Préfecture parisienne à la fin du XIXe siècle dépendent de la mission qu 'ils ont à mener et des enjeux particuliers qu'elle charrie. Elles relèvent, d'une part, du bricolage généralisé de normes ambiguës, visant à pallier l'absence de définition par le législateur. Mais elles renvoient aussi à une qualification plus maîtrisée, dans laquelle se joue l'affirmation de l'autorité de la police alors mise à mal.
Céline Braconnier, « Braconnages sur terres d'État. Les inscriptions politiques séditieuses dans le Paris de l'après-Commune (1872-1885) », 1999, pp. 107-130
■ Céline Braconnier: Braconnages sur terres d'État. Les inscriptions politiques séditieuses dans le Paris de Paprès-Commune (1872-1885) Dans les rapports de police qui en rendent compte au jour le jour, ce qui : s'inscrit illégalement sur les murs de Paris dans la décennie qui suit la Commune est lu comme le signe d'une immaturité politique propre aux gamins, aux fous, aux barbares. L'étude - systématique tend à invalider cette hypothèse en consacrant l'inscription - comme : élément d'un : répertoire : d'action politique. Comme tel. il prendrait sens par référence au contexte particulier d'une transition démocratique à la fois porteuse d'incitations à prendre la parole et d'interdits sur la manière dont elle doit l'être. L'attention prêtée à la répartition temporelle et spatiale des inscriptions comme à leur contenu discursif révèle en effet deux types de logique d'action régulièrement à l'œuvre. La première est une logique contestataire: la confiscation : de la rue par l'État est à la fois dévoilée et dénoncée au nom des valeurs de . liberté et/ou d'égalité. La seconde est une logique de résistance: à travers des mises en scènes gestuelles et discursives d'eux-mêmes, les auteurs anonymes se réapproprient la rue et l'inventent comme espace d'un pouvoir citoyen imaginaire.