La Révolution du 17 juin 1789 qui créa l'Assemblée nationale est-elle survenue par hasard, par audace, ou encore par un enchaînement aussi soudain qu'imprévisible, ou au contraire est-elle l'aboutissement d'une idéologie mise en action ? Pour répondre à cette question, non encore réellement élucidée par l'Histoire, ce travail va analyser l'incroyable production littéraire libérée de pratiquement toute réelle censure par l'arrêt du 5 juillet 1788. Il s'agit de 804 documents totalisant 32000 pages, représentants 70% de la littérature politique de la première campagne électorale française, qui s'articulent autour de dichotomies radicales : monde nouveau et ancien, changement et immobilisme, raison et superstitions, égalité et privilèges, droit naturel et droit positif, Tiers et société ordinale, Etat et province, intérêt général et intérêt particulier ! Ils sont lus, relus, discutés et étant relayés par la principale presse à peu prés libre, la Gazette de LEYDE, ils vont générer dans l'opinion en général et plus précisément dans l'esprit des futurs électeurs du Tiers, des points d'ancrage idéologiques non négociables : vote en commun par tête dans une assemblée unique, constitutionnalisme et captation de la puissance législative.Plus précisément, ce travail démontre :- le socle historique et politique de la thèse germaniste ;- la référence globalement négative à Montesquieu, car ses fameux corps intermédiaires sont perçus par le Tiers comme un obstacle, une entrave ;- le faible recours à Rousseau et à son fameux contrat social qui confirme son influence limitée telle qu'elle a été pressentie par certains historiens ;- le triomphe du droit naturel légitimant le droit à la représentativité et à la participation au pouvoir législatif assis « légalement », selon eux, sur le fameux Edit de Pistres et sur son non moins fameux Lex fit consensu populi et Constitutione regis ;- les modèles importants qu'ont été les Etats-Unis où d'anciens sujets d'un monarque firent la démonstration concrète d'un pouvoir constituant représentatif fondant une société égalitaire, et surtout le Dauphiné, avec la nouvelle constitution de ses Etats provinciaux ;- enfin, qu'il fallait faire descendre l'abbé Sieyès et son célèbre « Qu'est ce que le Tiers » du piédestal d'auteur référent, vraisemblablement érigé par des historiens trop férus de téléologie.Pour actionner cette idéologie, les idéologues du Tiers forts de la puissance de la représentativité de 90% de la population du royaume substituèrent le mandat représentatif conforme à l'intérêt général, à l'impérativité défendant les intérêts particuliers et locaux. C'est ainsi que par une double transsubstantiation, celle de l'élection transformant l'élu en représentant pressenti de la Nation, et celle de la vérification en commun créant un collectif transcendant, naîtra symboliquement et juridiquement le 17 juin 1789 l'entité matricielle de la Nation souveraine : l'Assemblée Nationale.