• THESE

    Du gouvernement colonial à la politique racialisée : Sociologie historique de la formation d'un espace politique local (1949-2008), St-Laurent du Maroni, Guyane, soutenue en 2010 à Paris 1 sous la direction de Frédérique Matonti 

  • Stéphanie Guyon, Marie-Hélène Sa Vilas Boas (dir.), Relations sociales, relations ethno-raciales dans les trois Guyanes, IHEAL éditions, 2021, 224 p. 

    Stéphanie Guyon, Natacha Gagné, Benoît Trepied (dir.), Justices ultramarines, Presses Universitaires de France, 2018, 191 p. 

    Stéphanie Guyon, Audrey Célestine, Violaine Girard (dir.), L' Etat outre-mer, De Boeck, 2016, 240 p. 

    Stéphanie Guyon, Du gouvernement colonial à la politique racialisée: sociologie historique de la formation d'un espace politique local (1949-2008), St-Laurent du Maroni, Guyane, Atelier national de reproduction des thèses, Université de Lille 3, 2012, Lille-thèses 

    Stéphanie Guyon, Frédérique Matonti, Du gouvernement colonial à la politique racialisée: Sociologie historique de la formation d'un espace politique local (1949-2008), St-Laurent du Maroni, Guyane, 2010, 694 p.  

    La thèse analyse le processus de politisation et de formation d’un espace politique local à St-Laurent du Maroni (Guyane). A partir d’une sociologie historique localisée du politique, cette étude s’attache à la manière dont les inégalités sociales et raciales produites pendant la période coloniale se reproduisent et/ou se modifient dans la départementalisation. La première partie de la thèse montre ainsi que la structure sociale sous-jacente à l'espace politique contemporain s'enracine bien dans les hiérarchies coloniales qui ont établi la domination des Créoles sur les Amérindiens et les Noirs-marrons. Mais le processus d'accumulation de ressources qui assure la domination de l'élite politique créole contemporaine est néanmoins relativement récent. L'analyse du processus de spécialisation politique permet ainsi de mettre en évidence la montée en puissance des classes moyennes créoles. Le niveau de diplôme, la compétence administrative et l'affiliation il un parti politique permettent à un nouveau personnel politique créole d'établir des relations de clientèle avec les Amérindiens et les Noirs-marrons. Dans la seconde partie centrée sur un village amérindien, l’analyse de la constitution d’une entreprise de contestation de la domination créole et l’affirmation d’un pouvoir local à travers un processus complexe d’invention de la coutume met en lumière la manière dont cet espace politique spécifique est pris dans des légitimités et des logiques propres. Cette étude permet également de démontrer la complexité des rapports de domination qui résultent de la combinaison de la classe, de la race et du genre et de leur redéfinition.

  • Stéphanie Guyon, « Christiane Taubira, a Black Woman in Politics in French Guiana and in France », Black French Women and the Struggle for Equality, 1848-2016, UNP - Nebraska, 2018, pp. 19-36 

    Stéphanie Guyon, « L’engagement dans les associations amérindiennes et businenge de Guyane. Ancrage local de la participation, relation clientélaire et politisation », in COMBES Hélène, GARIBAY David, GOIRAND Camille (éd.) (dir.), Les lieux de la colère. La dimension spatiale des mobilisations, Karthala, 2016 

    Stéphanie Guyon, Benoît Trépied, « Les autochtones de la République : Amérindiens, Tahitiens et Kanak face au legs colonial français », in Irene Bellier (dir.), Peuples autochtones dans le monde : les enjeux de la reconnaissance, L'Harmattan, 2013   

  • Benoît Trepied, préfacier , Outre-mers indigènes, Belin, 2013, 159 p. 

  • Stéphanie Guyon, « Le privilège métropolitain ? Magistrat·es et construction de la métropolitanité dans les outre-mer français », Revue Européenne des Migrations Internationales, Université de Poitiers, 2024, pp. 37-58 

    Stéphanie Guyon, « Distance de classe, distance ethnique ? La réception des prétentions à la représentation politique à Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane) », Participations - Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté, De Boeck Supérieur, 2021, n°2 

    Stéphanie Guyon, Gérard Collomb, Marie-Hélène Sa vilas boas, « Penser les relations ethno-raciales dans les trois Guyanes : fluidité et performativité des catégories », Cahiers des Amériques Latines, Université Paris 3, Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine (IHEAL / Université Paris 3), 2020, n°93, pp. 13-28    

    « Trois Fleuves, trois fleuves coulent, trois fleuves coulent dans mes veines. »Léon-Gontran Damas, Black Label, 1956« One river so many creeks, all are going to one sea. »Robin Ewald Ravales, dit R. Dobru, Wan Bon, 1965 Mobilisant la métaphore des rivières qui se rejoignent pour ne plus former qu’une seule eau, le Guyanais L.-G. Damas et le Surinamien R. E. Ravales plaçaient chacun au cœur de leur poésie, ode à la construction d’un pays, la question de la diversité ethno-raciale. La Guyane f...

    Stéphanie Guyon, Marie Hélène Sa Vilas Boas, « Relations sociales, relations ethno-raciales dans les trois Guyanes », Cahiers des Amériques Latines, Université Paris 3, Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine (IHEAL / Université Paris 3), 2020, n°93 

    Stéphanie Guyon, N. Gagné, « Les langues de la justice républicaine: Interpréter en situation post-coloniale », Outre-Mers Revue d'Histoire, Société française d'histoire d'outre-mer, 2020, n°406407 

    Stéphanie Guyon, « Classe, genre et représentation politique, Saint-Laurent du Maroni, Guyane (1949-1983) », Études rurales, Éditions de l'École pratique des hautes études, 2019, n°204, pp. 22-41 

    Stéphanie Guyon, « Classe, genre et représentation politique, », EHESS, 2019    

    Avenue du Général-de-Gaulle, Saint-Laurent du Maroni en 1966. Photo : @ Fonds A. Heurtet. L’abolition française de l’esclavage a provoqué, l’effondrement progressif de l’économie de plantation en Guyane dans la seconde moitié du xxe siècle et le départ des colons blancs. Dès lors, le terme de « créole », qui englobait toute descendance locale de populations importées dans un cadre colonial, désigne uniquement les descendants des esclaves. Il comprend au xixe et au premier xxe siècle les Créo...

    Stéphanie Guyon, Natacha Gagné, Benoît Trépied, « Cultures à la barre : Regards croisés sur la justice civile outre-mer », Ethnologie française, Presses Universitaires de France, 2018, n°1, pp. 15-26 

    Stéphanie Guyon, « Passer devant le juge aux affaires familiales? Intermédiaires de la justice et alternatives au tribunal à Saint-Laurent du Maroni (Guyane) », Ethnologie française, Presses Universitaires de France, 2018, n°1 

    Stéphanie Guyon, Natacha Gagné, Benoît Trépied, « Justices ultramarines », Ethnologie française, Presses Universitaires de France, 2018, n°1 

    Stéphanie Guyon, Violaine Girard, Audrey Célestine, « L’État Outre-mer », Politix, De Boeck Supérieur, 2017, n°116 

    Stéphanie Guyon, « L'engagement des transfuges coloniaux en Guyane française : genre, relations coloniales et mobilité sociale », Politix, De Boeck Supérieur, 2016, n°2 

    Stéphanie Guyon, « Trajectoires post-coloniales de l’assimilation », Politix, De Boeck Supérieur, 2016, n°4, p. 9 

    Stéphanie Guyon, « III. Du gouvernement colonial à la politique racialisée. Sociologie historique de la formation d'un espace politique local (1946-2008), Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane », CNRS Editions, Paris : CNRS Editions et PERSÉE : Université de Lyon, CNRS & ENS de Lyon, 2012, pp. 813-822  

    Guyon Stéphanie. III. Du gouvernement colonial à la politique racialisée. Sociologie historique de la formation d'un espace politique local (1946-2008), Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane. In: Droit et gestion des collectivités territoriales. Tome 32, 2012. Transports et politiques locales de déplacement. pp. 813-822.

    Stéphanie Guyon, Marie-Emmanuelle Pommerolle, « La transformation des registres de légitimation politique en Guyane », Pouvoirs dans la Caraïbe , L'Harmattan, 2010, n°16, pp. 37-66   

    Stéphanie Guyon, Alexandra Oeser, Lucie Bargel, Céline Bessière, Magali Della Sudda, « Appropriations empiriques du genre. Introduction », Sociétés & Représentations, Éditions de la Sorbonne, 2007, n°24, pp. 5-13 

    Stéphanie Guyon, Lucie Bargel, Céline Bessière, Magali Della Sudda, Sibylle Gollac, « Appropriations empiriques du genre », Sociétés et représentations, , 2007, n°24, pp. 5-10 

  • Stéphanie Guyon, « Les sciences électorales. Expertises, dispositifs et circulations des savoirs sur les élections », le 28 mars 2024  

    Colloque organisé par le CURAP, Université de Picardie sous la direction scientifique de Clément Desrumaux et Sébastien Vignon, en collaboration avec Triangle et l’ANR VERELECT

    Stéphanie Guyon, « Un siècle d’adoption des enfants en France », le 20 juin 2023  

    Organisé par Yves Denéchère, Fabio Macédo, l’UMR TEMOS, le Pôle universitaire ligérien d’études sur l’enfance-jeunesse et sa chaire ‘Parole et pouvoir d’agir des enfants et des jeunes’ et le programme ANR EN-MIG

    Stéphanie Guyon, « Justice et inégalités au prisme des sciences sociales », le 23 novembre 2022  

    Colloque de clôture du programme JustineS – Justice et inégalités au prisme des sciences sociales, organisé par le Laboratoire Cresppa-CSU, organisé avec le soutien du Programme Emergence(s) de la Ville de Paris

    Stéphanie Guyon, « La vie privée des responsables publics », le 06 février 2019  

    Colloque organisé sous la responsabilité scientifique du Pr. Charles-Edouard Sénac

    Stéphanie Guyon, Benoît Trépied, « L'invisibilité de la question autochtone en France. Kanak et Amérindiens face au débat postcolonial français », XXIIe congrès de l'Association Internationale de Science Politique (IPSA), Madrid Spain (ES), le 08 juillet 2012 

  • Stéphanie Guyon, Le consentement des classes populaires à la domination politique : une évidence sociologique ?, semi-plénière avec la participation de Stéphanie Guyon, Violaine Girard et Julian Mischi 

    Stéphanie Guyon, Des échelles, des États et des peuples 

    Stéphanie Guyon, TABLE RONDE : La participation à la prise de décision 

ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Lise Laurence Gillot, Les fortunes de Guyane : sociologie politique d'un groupe aux privilèges intersectionnels, thèse soutenue en 2024 à Antilles sous la direction de Justin Daniel et Érik Neveu, membres du jury : Antoine Vion (Rapp.), Isabelle Dubost, Pierre Odin et Clémence Léobal      

    Les discours sur la Guyane mettent surtout en avant la pauvreté endémique de ce territoire français d’Amérique Latine. Pourtant, les contribuables à l’Impôt sur la fortune y sont parmi les plus riches de France et font partie des plus grands propriétaires fonciers du pays. Certes, aucune richesse personnelle n’atteint le milliard, et les plus hauts revenus et patrimoines de Guyane représentent des fortunes de seconde zone. Mais leur position périphérique dans le palmarès ne les prive pas d’un statut d’exceptionnalité à l’échelle locale. Quelles sont les ressources sociales de la richesse en Guyane ? Appréhendé à travers une enquête sociologique mêlant entretiens obtenus selon la méthode réputationnelle et observation participante de deux années au sein d’un club service de Cayenne, le terrain apparaît prédominé par des individus aux dispositions similaires. Ces derniers sont propriétaires et directeurs de plusieurs entreprises crées localement ou d’enseignes de grands groupes extérieurs. Ce sont majoritairement des hommes, âgés de plus de soixante ans et relativement dominants du point de vue de leurs propriétés ethniques métropolitaine, chinoise, libanaise, antillaise et créole guyanaise. Pour étudier les rapports de domination imbriqués qui produisent les ressources sociales de classe, de genre, de race et d’âge de l’élite économique, nous proposons de renouveler les usages scientifiques des capitaux bourdieusiens à partir de l’intersectionnalité. L’obtention d’un large volume de capital économique exige un travail de mobilisation stratégique de multiples attributs. Il s’agit de se réapproprier le leg colonial qui structure le rapport des sociétés ultramarines à l’Etat et de construire sa légitimité par l’activation conjointe des marqueurs de l’ubiquité, de l’autochtonie et de la blanchité. Il est également requis d’intégrer très jeune les attentes du milieu, de performer une masculinité hégémonique, de mettre à profit les capitaux hérités, d’entretenir ses réseaux avec le monde politique et de recourir aux illégalismes avec habilité et discrétion. Ainsi, les dirigeants d’entreprise étudiés font partie d’une petite « classe pour soi », un groupe privilégié organisé pour contrôler les normes d’accès aux leviers de pouvoir et défendre ses intérêts.

  • Juliana Rimane, Citoyennes-citoyens en situation coloniale , thèse soutenue en 2024 à Antilles sous la direction de Justin Daniel et Nassira Hedjerassi  

    Si la participation à la vie de la cité est corrélée au sexe, elle l’est aussi à la classe, et plus explicitement à la race, en situation coloniale. Ainsi jusqu'à l'obtention du droit de vote, les femmes dans l’espace public sont invisibilisées et marginalisées. Pour autant, si les hommes de la colonie deviennent citoyens votants, l’exercice de leur citoyenneté semble subir des restrictions qui s’apparentent selon eux à de la discrimination. Le droit de vote et l’engagement politique ne permettent pas à la population de se vivre comme partie intégrante de la France, le fossé se creusant entre leurs aspirations et leur vécu. En dénonçant jusqu’à l’extrême les manquements et les humiliations de la gestion coloniale, la population de la colonie montre qu’elle ne se satisfait pas des échelles de valeurs où la classe, la race et le genre font offices de marqueurs.Si l’acte d’abolition ouvre la porte à la réalisation de la démocratie, force est de constater que l’égalité ne peut se concrétiser en raison du statut colonial qui questionne d’autant la démocratie que les besoins des populations ne sont pas pris en considération. L’appropriation des leviers institutionnels républicains par les nouveaux citoyens à peine sortis de l’esclavage et des anciens libres de couleur est vécue comme un bienfait même si les inégalités deviennent d’autant visibles qu’elles se dévoilent dans un système déclaré comme égalitaire. L’école républicaine peine en effet à effacer les divisions socio-raciales héritées de la société esclavagiste. Les dynamiques raciales et sociales restent visibles dans le discours et les interactions quotidiennes où la couleur de la peau et l’éducation restent des marqueurs significatifs d'identité et de statut social.En instaurant des « doutes » sur la capacité des habitants à intégrer pleinement la nation française, la République ne se donnait pas les moyens de gommer les préjugés et les stéréotypes liés au passé. Entre dénonciation de la gestion coloniale et marginalisation de la parole des élus locaux qui exercent leurs droits politique dans un cadre légal qui ne les protège pas toutefois des représentations et des stéréotypes, les femmes de la colonie parviennent à s’immiscer dans les interstices laissés par la démocratie pour se rendre visible dans le corps des citoyennes, impulsant une dynamique dans les processus politiques, sociaux et culturels. Que quel que soit leur milieu et leur éducation, et sans attendre passivement l’octroi du droit de vote, elles avaient intériorisé les codes et les valeurs inhérents à la société nationale et à la République qui les pousse à agir pour faire évoluer et transformer la société. Malgré les dissonances locales, les Guyanaises et les Guyanais développent une identité culturelle propre marquée par des stratégies de résistance sociale et culturelle contre l'inefficacité et l'inaction de l'État ; renforçant la solidarité et la cohésion qui préfigurent les futures engagements politiques. Illettrées, elles marquent de leurs empreintes la vie politique sociale et culturelle de la société guyanaise, non pas pour défendre un quelconque droit des femmes, mais le maintien et le respect des droits communs. Elles instaurent une complicité teintée de complexité dans les rapports de genre qui sont autant de stratégies de survie dans le contexte colonial patriarcal où les tensions entre les élites cayennaises et la population rurale permettent aux premiers de justifier une rupture d’égalité au sein du territoire ; actant explicitement l’idée selon laquelle les institutions républicaines, dont le droit de vote, ont été appliquées trop prématurément dans les contrées rurales. Pour autant, l'implication des femmes dans la vie politique reste pour longtemps une question de classe sociale, même si leur participation à la politique reste limitée.

    Juliana Rimane, Citoyennes-citoyens en situation coloniale, thèse soutenue en 2024 sous la direction de Justin Daniel et Nassira Hedjerassi, membres du jury : Abdelhak Qribi (Rapp.), Isabelle Dubost et Fred Réno      

    Si la participation à la vie de la cité est corrélée au sexe, elle l’est aussi à la classe, et plus explicitement à la race, en situation coloniale. Ainsi jusqu'à l'obtention du droit de vote, les femmes dans l’espace public sont invisibilisées et marginalisées. Pour autant, si les hommes de la colonie deviennent citoyens votants, l’exercice de leur citoyenneté semble subir des restrictions qui s’apparentent selon eux à de la discrimination. Le droit de vote et l’engagement politique ne permettent pas à la population de se vivre comme partie intégrante de la France, le fossé se creusant entre leurs aspirations et leur vécu. En dénonçant jusqu’à l’extrême les manquements et les humiliations de la gestion coloniale, la population de la colonie montre qu’elle ne se satisfait pas des échelles de valeurs où la classe, la race et le genre font offices de marqueurs.Si l’acte d’abolition ouvre la porte à la réalisation de la démocratie, force est de constater que l’égalité ne peut se concrétiser en raison du statut colonial qui questionne d’autant la démocratie que les besoins des populations ne sont pas pris en considération. L’appropriation des leviers institutionnels républicains par les nouveaux citoyens à peine sortis de l’esclavage et des anciens libres de couleur est vécue comme un bienfait même si les inégalités deviennent d’autant visibles qu’elles se dévoilent dans un système déclaré comme égalitaire. L’école républicaine peine en effet à effacer les divisions socio-raciales héritées de la société esclavagiste. Les dynamiques raciales et sociales restent visibles dans le discours et les interactions quotidiennes où la couleur de la peau et l’éducation restent des marqueurs significatifs d'identité et de statut social.En instaurant des « doutes » sur la capacité des habitants à intégrer pleinement la nation française, la République ne se donnait pas les moyens de gommer les préjugés et les stéréotypes liés au passé. Entre dénonciation de la gestion coloniale et marginalisation de la parole des élus locaux qui exercent leurs droits politique dans un cadre légal qui ne les protège pas toutefois des représentations et des stéréotypes, les femmes de la colonie parviennent à s’immiscer dans les interstices laissés par la démocratie pour se rendre visible dans le corps des citoyennes, impulsant une dynamique dans les processus politiques, sociaux et culturels. Que quel que soit leur milieu et leur éducation, et sans attendre passivement l’octroi du droit de vote, elles avaient intériorisé les codes et les valeurs inhérents à la société nationale et à la République qui les pousse à agir pour faire évoluer et transformer la société. Malgré les dissonances locales, les Guyanaises et les Guyanais développent une identité culturelle propre marquée par des stratégies de résistance sociale et culturelle contre l'inefficacité et l'inaction de l'État ; renforçant la solidarité et la cohésion qui préfigurent les futures engagements politiques. Illettrées, elles marquent de leurs empreintes la vie politique sociale et culturelle de la société guyanaise, non pas pour défendre un quelconque droit des femmes, mais le maintien et le respect des droits communs. Elles instaurent une complicité teintée de complexité dans les rapports de genre qui sont autant de stratégies de survie dans le contexte colonial patriarcal où les tensions entre les élites cayennaises et la population rurale permettent aux premiers de justifier une rupture d’égalité au sein du territoire ; actant explicitement l’idée selon laquelle les institutions républicaines, dont le droit de vote, ont été appliquées trop prématurément dans les contrées rurales. Pour autant, l'implication des femmes dans la vie politique reste pour longtemps une question de classe sociale, même si leur participation à la politique reste limitée.

    Edenz Maurice, Faire l’École dans une vieille colonie : un État colonial aux prises avec le monde scolaire de la Guyane française (de 1928 au début des années 1950), thèse soutenue en 2018 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Romain Bertrand présidée par Marie Salaün, membres du jury : Sylvie Thénault (Rapp.), Éric Thomas Jennings et Pierre Singaravélou    

    Cette thèse s’est donnée pour objet l’étude du fonctionnement de l’État colonial en Guyane française au prisme de son action dans le domaine scolaire entre 1930 et 1951, soit la seule période pendant laquelle ce territoire se trouve scindé en deux entités administratives coiffées, cependant, par un même gouverneur. Au cœur de cette recherche réside l’hypothèse d’une singularité, dans une double perspective sociale et politique, de l’expérience coloniale guyanaise des années 1930 et 1940 – laquelle a conduit à forger les notions de « colonie-département » et d’« assimilation différenciée ». L’enquête menée articule ainsi histoire sociale de groupes professionnels issus du milieu éducatif et des sociabilités militantes, anthropologie des sociétés autochtones de l’intérieur amazonien et sociologie de l’Etat et des politiques publiques. Ce faisant, cette étude entend contribuer, d’une part, à une meilleure compréhension de l’Etat colonial à partir du cas trop souvent délaissé d’une « vieille colonie » ; de l’autre, à une histoire de la République donnant toute leur place aux Outre-mers.

  • Clémentine Lehuger, L'Etat magnégné : Imaginaires, pratiques et rapports à l'Etat à Mayotte, thèse soutenue en 2022 à Paris 1 sous la direction de Delphine Dulong et Florence Brisset-Foucault présidée par Anne-Cécile Douillet, membres du jury : Johanna Siméant-Germanos (Rapp.), Patrick Le Lidec (Rapp.)    

    La thèse étudie le champ politique local dans le département de Mayotte, en considérant ce microcosme insulaire comme un observatoire privilégié de l’État « au concret » aussi bien qu’idéalisé. En questionnant la dialectique centre-périphérie constitutive de la catégorie « outre-mer », que l’on retrouve dans les discours et les pratiques locales, cette thèse montre en effet comment l’État et ses agents se « réinventent » en outre-mer, à travers entre autres ce qui est souvent désigné sur place comme du « bricolage » (magnégné, en shimaoré). Attentive à l’histoire aussi bien qu’à ses usages politiques, la thèse décrit au moyen d’entretiens, d’observations et d’archives les différents rapports à l’État ainsi que les diverses formes de participation au gouvernement du territoire des agents de l’État métropolitain.es (préfecture, rectorat), de ses représentant.es loca.ux/les (élu.es et agents des collectivités territoriales), mais aussi de ses habitant.es (mahorais.es, « expatrié.es »). Elle analyse ainsi les luttes symboliques, sociales et politiques dans lesquelles l’État est pris à Mayotte, et via lesquelles il se déploie, proposant ainsi une redéfinition du gouvernement des marges en contexte post-colonial.

    Damien Riccio, La condition clandestine : une ethnographie des travailleurs migrants à Mayotte, thèse soutenue en 2022 à Bordeaux sous la direction de Antoine Roger et Benoît de L'Estoile présidée par Ronan Hervouet, membres du jury : Johanna Siméant-Germanos (Rapp.), Michael Joshua Lambek (Rapp.), Antoine Hochet      

    Ce travail de recherche ethnographique porte sur l’emploi, à Mayotte, de la main d’oeuvre migrante en provenance des îles voisines des Comores. Cette main d’oeuvre est localement qualifiée de « clandestine ». Pourtant, elle répond à un ensemble de besoins particuliers dans un contexte de déploiement rapide de dispositifs de politique publique, conséquences de la départementalisation de Mayotte. Si les travaux en matière de migration de travail se sont ordinairement intéressés aux raisons de l’exil et à ses effets sur les logiques migratoires, ou inversement aux relations entre les conditions accordées aux populations migrantes dans la société d’accueil et les processus d’acculturation et d’assimilation, l’objet de ce travail invite à une perspective différente. En effet, il ne s’agit pas seulement de se placer du point de vue des migrants, mais de rendre compte de l’ensemble des processus sociaux et historiques qui configurent la place de cette main-d’oeuvre dans la société mahoraise. La place et le traitement accordés à cette catégorie de population seront analysés au prisme des transformations structurelles qui traversent la société mahoraise depuis la départementalisation de ce territoire en 2011. En effet, le déploiement rapide des politiques publiques qui accompagnent cette transformation statutaire tendent à redéfinir les logiques de distribution des ressources parmi les populations locales. Traditionnellement, la société mahoraise, au même titre que les sociétés comoriennes, s’est construite sur un modèle stratifié, impliquant donc des accès inégaux aux ressources pour les membres qui composent cette société, en fonction de la position sociale de chacun. Or, les effets de normalisation qui accompagnent la départementalisation tendent à imposer une logique différente en termes de distribution des ressources : le modèle traditionnel de la stratification tend à être remplacé – au moins théoriquement – par un modèle « égalitaire » ne limitant pas l’accès aux ressources à la position sociale des acteurs. Ce travail de recherche propose d’analyser les effets de cette contradiction apparente sur la main d’oeuvre migrante. Partant du postulat que l’entretien et le renouvellement de la force de travail sont des éléments indispensables au fonctionnement et au maintien de toute économie, quelles sont les évolutions et les adaptations mises en oeuvre par la main d’oeuvre migrante face aux transformations imposées par la départementalisation ?

    Soizic Brohan, La femme politique paradoxale . Étude comparative sur la représentation des femmes dans les assemblées politiques en Guadeloupe et en Jamaïque depuis 1944. : Étude comparative sur la représentation des femmes dans les assemblées politiques en Guadeloupe et en Jamaïque depuis 1944, thèse soutenue en 2019 à Bordeaux sous la direction de Christine Chivallon et Catherine Achin présidée par Justin Daniel, membres du jury : Jessica Byron (Rapp.), Marion Paoletti      

    Les sociétés caribéennes de legs plantationnaire sont souvent associées à des sociétés « matrifocales » à tendance matriarcale où les femmes seraient détentrices d’un potentat féminin et les hommes dépossédés de leur autorité « naturelle ». Les femmes sont certes dotées d'une autorité féminine mais la « matrifocalité » ne nie pas des rapports de pouvoir inégaux entre les hommes et les femmes. Le champ politique en constitue un terrain d'expression privilégié. Le décalage paradoxal entre le pouvoir prêté aux femmes et leur position dans le système politique sert de point de départ à ce travail de thèse qui cherche à étudier les relations entre ordre social et représentation politique du point de vue du genre. Il analyse l'évolution de la représentation des femmes dans les assemblées politiques centrales en Guadeloupe (Conseil départemental et Conseil régional) et en Jamaïque (Chambre des représentants et Sénat) depuis 1944 au prisme des renégociations permanentes entre les contraintes structurelles des deux contextes politiques étudiés et les contraintes symboliques intériorisées par leurs acteur.rices.s porteur.se.s d'une histoire sociale particulière, ainsi que les modalités de professionnalisation politique des représentantes recouvrant une hétérogénéité de trajectoires personnelles, professionnelles et politiques. La méthode de recherche adoptée mobilise des sources archivistiques par le recueil de données de type statistique et monographique, donnant lieu à la réalisation d'une base de données sur les femmes siégeant dans les assemblées politiques et d'une typologie de leurs trajectoires, ainsi que la réalisation d’une série d'entretiens semi-directifs biographiques auprès de certaines d’entre elles afin d'approfondir l'analyse de leurs trajectoires. La perspective comparatiste entre la Guadeloupe et la Jamaïque souligne les spécificités de leurs systèmes de représentation politique en dépit de leurs similitudes socioculturelles.

    Clémence Léobal, Osu , baraques  et batiman  : redessiner les frontières de l'urbain à Soolan (Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane), thèse soutenue en 2017 à Sorbonne Paris Cité sous la direction de Anne Gotman et Benoît de L'Estoile présidée par Sylvie Tissot, membres du jury : Olivia Maria Gomes da Cunha (Rapp.), Alexis Spire (Rapp.)    

    Cette thèse porte sur la rencontre entre des politiques urbaines françaises et des modes d'habiter de l'Amazonie guyanaise, à Saint-Laurent-du-Maroni, à la frontière avec le Surinam. Cette vie urbaine est menée par des habitants de classes populaires souvent non francophones, confrontés à des normes d'urbanité concrétisées par les démolitions de « bidonvilles » et la construction de logements sociaux. Il s'agit d'analyser les interactions entre les acteurs en jeu dans cette situation postcoloniale impliquant habitants, élus communaux et professionnels de la ville, dans un contexte d'Outre-Mer aux hiérarchies sociales propres, croisant classe, nation, et race. Alliant une perspective historique et ethnographique, ce travail met en lumière les rapports d'habitants originaires de l'amont du Maroni aux administrations et à leurs agents. Ces derniers sont racialisés par le terme 'bakaa', qui renvoie à une blancheur postcoloniale spécifique, associée à l'urbanité, par opposition à une affirmation renouvelée de leur identification en tant que « personnes des pays de la forêt » ('bushikonde sama') - appartenance héritée du passé du marronnage des plantations surinamaises. Mises en lumière par l'ethnographie réalisée à leurs côtés, les démarches quotidiennes des habitants témoignent de leur progressive socialisation institutionnelle, tandis que certains agents des administrations adaptent les politiques publiques et les procédures administratives aux pratiques d'une population racialisée comme « Bushinenguée ». L'analyse passe des logements, catégorie de l'action publique, aux maisons, espaces vécus inscrits dans des configurations de parenté, des mobilités et des modes d'habiter de part et d'autre du Maroni. Les maisons sont appropriées par les habitants de manière dialectique : tout en se conformant aux normes d'urbanité 'bakaa' matérialisées par les logements sociaux, et sanctionnées par les bailleurs, les habitants transforment la ville par leurs modes d'habiter incorporés qui reflètent l'usage stratégique de ressources issues de la maîtrise d'un territoire transfrontalier. Les interactions asymétriques entre habitants et professionnels ont donc des effets sur les modes d'habiter et sur les politiques urbaines. Impliquant plusieurs normes d'urbanité, elles concrétisent leurs différences, constamment réitérées, dans les formes urbaines d'une ville ségréguée. Elles redéfinissent en permanence les frontières des personnes, des maisons, et des lieux.