Le début du xxie siècle coïncide avec deux événements majeurs dont la thèse analyse les rapports. D'un côté, les attentats du 11 septembre 2001 à New York imposent la lutte antiterroriste dans les politiques publiques et l'inconscient collectif. De l'autre, la démocratisation de l'accès à internet conduit à l'émergence de plateformes dominantes. Cette dynamique n'échappe pas au gouvernement fédéral américain qui adapte le droit aux exigences modernes du renseignement. Toute information utile pour la sécurité nationale doit être interceptée et analysée. Alors, le gouvernement contraint par voie légale, judiciaire et contractuelle les opérateurs privés tels qu'Apple, Google, Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), Microsoft ou X (Twitter) à participer aux efforts de renseignement. En particulier, ces entreprises doivent communiquer aux agences fédérales les flux de données mondiaux qui transitent par le territoire national, plaçant de fait les Américains au même rang que les étrangers et les privant de la protection des Premier et Quatrième Amendements. Ces entreprises, transformées en collaboratrices permanentes du renseignement, bénéficient par ailleurs d'un cadre juridique particulièrement favorable. En effet, la section 230 du Communications Decency Act (1996) leur offre une irresponsabilité civile et de facto pénale pour les contenus publiés par leurs clients. Fortes de ce régime protecteur, les firmes adoptent des normes contractuelles, des standards constitutionnels privés mondiaux et un droit disciplinaire pour imposer, au moyen d'une modération humaine et algorithmique des contenus, la civilité des échanges entre les internautes en contrepartie d'une forme de garantie des droits. Le contrôle des plateformes offre aux opérateurs une domination technique, informatique et fonctionnelle qui s'apparente à une forme de souveraineté. Cependant, celle-ci est artificielle car ces entreprises bénéficient en réalité de l'abstention du gouvernement fédéral soucieux de récolter un maximum d'informations. Cette domination est régulièrement remise en question, notamment après les scandales liés aux ingérences dans les élections de 2016 (Cambridge Analytica), à l'invasion du Capitole en 2021, et à la désinformation meurtrière durant la pandémie de covid-19. Toutefois, les innombrables tentatives de réforme se traduisent en échec car le Premier Amendement, tel qu'interprété par les tribunaux et instrumentalisé par les plateformes, protège le contrôle des entreprises sur le réseau et leurs clients. À l'heure où l'intelligence artificielle suscite autant d'espoir que d'inquiétude pour nos sociétés, cette thèse offre aux juristes et au grand public une lecture approfondie et critique des rapports entre le gouvernement fédéral américain et les plateformes numériques à l'aune de leurs conséquences sur les libertés individuelles.