Patrick Savidan

Professeur
Science politique.
Université Paris Panthéon-Assas

Centre d'Études et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques

Responsabilités administratives et scientifiques :

  • Directeur de la rédaction de la revue Raison publique (https://www.raison-publique.fr)
  • THESE

    La théorie kantienne du sujet : de la critique de la métaphysique à son aboutissement théologique, soutenue en 1999 à Paris 4 sous la direction de Alain Renaut

  • Patrick Savidan, Le multiculturalisme, 3e éd., Presses Universitaires de France et Imprimerie des Presses Universitaires de France, 2022, Que sais-je ? ( Société ), 127 p.  

    La diversité ethnoculturelle n'est pas nouvelle : c'est une donnée de base de l'histoire humaine. La nouveauté réside dans l'idée d'une nécessaire prise en compte par l'État de cette diversité qui caractérise la population. Dans un monde globalisé, le besoin de réévaluer le lien entre liberté individuelle et culture d'appartenance se fait pressant. Mais comment prendre en compte les différences sans induire des inégalités ? Parce qu'il engage les conceptions et les pratiques contemporaines de la citoyenneté, le modèle multiculturaliste d'intégration correspond bien à un véritable changement de paradigme dont il faut apprécier le sens, la portée, la valeur et les risques. À travers la question du multiculturalisme, c'est en fait le devenir de l'État démocratique qui est interrogé.

    Patrick Savidan (dir.), Collection ÉthiCité, Éditions Raison publique, 2022 

    Patrick Savidan, Jean-Baptiste Vuillerod, Emmanuel Tawil, Estelle Ferrarese, Matthew B. Crawford [et alii], Prismes: théorie critique, Editions la Tempète, 2021, 317 p. 

    Patrick Savidan (dir.), Ainsi philosophait Amélie Nothomb, Albin Michel, 2019, 205 p. 

    Patrick Savidan (dir.), Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale, Presses universitaires de France, 2018, Quadrige ( [Dicos-poche] ), 1727 p. 

    Patrick Savidan, Raphaëlle Guidée (dir.), Dire les inégalités: représentations, figures, savoirs, Presses universitaires de Rennes, 2017, Essais, 150 p.  

    La 4e de couverture indique : "Depuis les années 1990, un pan important de la recherche contemporaine et une part non moins significative des discours relayés ou construits par la littérature, l'art et les médias ont appréhendé l'injustice sociale à travers le prisme de la misère et de l'exclusion. Sans contester la pertinence de cette perspective, cet ouvrage s'efforce d'en élargir le spectre : plutôt que la seule catégorie de l'exclusion, c'est la notion d'inégalité qui permet ici d'interroger les manières de figurer le caractère juste ou injuste de l'ordre social pris dans son ensemble. Plutôt que la figuration de l'opprimé en tant qu'exclu du champ social, ce sont les représentations de l'écart, de la cohabitation, des misères de position, qui se trouvent au centre de la réflexion. L'ambition est ici de saisir et de questionner, dans l'écriture et la forme elles-mêmes, telle que celles-ci se déploient en philosophie, en littérature, en art et dans le champ des sciences humaines, la diction de l'inégalité et le répertoire des perceptions, émotions, sentiments, représentations, arguments et idéaux à travers lesquels elle se constitue comme injustice et comme violence."

    Patrick Savidan, Koula Mellos (dir.), Pluralisme et délibération: enjeux en philosophie politique contemporaine, Les Presses de l’Université d’Ottawa | University of Ottawa Press et OpenEdition, 2017  

    Cet ouvrage à voix plurielles se place résolument dans une perspective interdisciplinaire. Neuf auteurs de premier plan, œuvrant sous des horizons diversifiés, se confrontent à la crise actuelle de la démocratie. Une thèse centrale ordonne le travail d'analyse : cette crise tire son origine de l'oubli de la notion même de démocratie, dans le rejet de toute problématique de fondements. Identité et différence, communauté et pluralisme, droits individuels et droit collectifs, discours public et légitimation de valeurs, autant de problèmes cruciaux pour le renouvellement de la démocratie et de sa pratique publique, autant de centres autour desquels gravite la réflexion de la philosophie politique contemporaine. C'est ce qu'interroge ici chacune des contributions. Un fil rouge les traverse : la question de la reconnaissance de l'identité et de la différence.

    Patrick Savidan, Roberto Merrill (dir.), Du minimalisme moral: essais pour Ruwen Ogien, Editions Raison publique, 2017, 264 p. 

    Patrick Savidan, Voulons-nous vraiment l'égalité ?, Albin Michel, 2015, 346 p.   

    Patrick Savidan, Alain Blondiaux, Jean-Michel Helvig, Jean-Pierre Le Goff, Pascal Perrineau [et alii], Où va notre démocratie ?, Éditions de la Bibliothèque publique d’information et OpenEdition, 2014  

    Nul ne songerait en Occident à contester la démocratie pour instituer une autre forme de régime : dans son principe, la démocratie est aujourd'hui indiscutable et triomphante. Et pourtant au nom de ce principe même, on reproche à son fonctionnement de n'être pas assez « démocratique ». Le système représentatif est en crise, comme en témoignent la dépolitisation croissante des citoyens, la montée de l'abstention, la défiance envers le discours politique, le sentiment d'éloignement vis à vis des institutions. Notre monde change : le rôle croissant de l'économie y réduit l'influence du politique, la société civile s'autonomise et se fragmente en une somme d'individus défendant leurs intérêts particuliers, le sens du collectif tend à se perdre, les affrontements traditionnels qui fondaient les identifications partisanes se diluent, la séparation s'efface entre sphère publique et sphère privée. Au cœur de ces mutations, la démocratie fait l'objet de revendications croissantes : protection individuelle, reconnaissance de droits nouveaux, participation plus directe à la décision politiques, prise en charge des questions économiques, sociales, sociétales... Face à ces transformations, à ces remises en cause, où va notre démocratie ? Comment se répartissent les rôles entre société civile et institutions politiques ? Quel impact ont les médias, les sondages, l'opinion ? Une nouvelle citoyenneté doit-elle être imaginée, rééquilibrant représentation et participation ? La démocratie peut-elle se bâtir dans le cadre européen ?

    Patrick Savidan, Le multiculturalisme, Cairn et Presses Universitaires de France, 2011, Que sais-je ? ( Société ), 127 p. 

    Patrick Savidan, Repenser l'égalité des chances, Hachette littératures, 2010, Pluriel, 325 p. 

    Patrick Savidan, Le multiculturalisme, Cairn et Presses Universitaires de France, 2010, Que sais-je ? 

    Patrick Savidan (dir.), Excuses d'Etat, Presses de l' université Paris-Sorbonne, 2009, 320 p. 

    Patrick Savidan, Sylvie Mesure (dir.), Dictionnaire des sciences humaines,, 2008 

    Patrick Savidan, Repenser l'égalité des chances, Bernard Grasset, 2007, 325 p. 

    Patrick Savidan, Alain Renaut (dir.), Critique de la raison pure, 3e éd., Flammarion, 2006, G.F., 749 p. 

    Patrick Savidan, Sylvie Mesure (dir.), Dictionnaire des sciences humaines, Presses universitaires de France, 2006, Quadrige ( Dicos poche ), 1277 p. 

    Patrick Savidan (dir.), A quoi bon la vérité ?, Bernard Grasset, 2005, Nouveau collège de philosophie, 91 p. 

    Patrick Savidan (dir.), Liberté et neurobiologie: réflexions sur le libre arbitre, le langage et le pouvoir politique, B. Grasset, 2004, Nouveau collège de philosophie, 105 p. 

    Patrick Savidan (dir.), La République ou l'Europe ?, Librairie générale française, 2004, Le Livre de pocheN° Biblio essais, 400 p. 

    Patrick Savidan (dir.), L'éthique de la discussion et la question de la vérité, Bernard Grasset, 2003, Nouveau collège de philosophie, 87 p. 

    Patrick Savidan, Jean-Paul Fitoussi (dir.), Les inégalités, Presses universitaires de France, 2003, 374 p. 

    Patrick Savidan, Alain Renaut (dir.), Critique de la raison pure, 2e éd., Flammarion, 2001, G.F., 749 p.   

    Patrick Savidan, Alain Renaut, Pierre-Henri Tavoillot (dir.), Histoire de la philosophie politique, Calmann-Lévy et Impr. Brodard et Taupin, 1999, 497 p.           

    Patrick Savidan, Koula Mellos (dir.), Pluralisme et délibération: enjeux en philosophie politique contemporaine, Presses de l'Université d'Ottawa, 1999, 193 p. 

    Patrick Savidan, Alain Renaut (dir.), Critique de la raison pure, Aubier, 1997, Bibliothèque philosophique, 749 p.   

    Patrick Savidan, Patrice Martin, La culture de la dette, Boréal, 1994, 136 p. 

    Patrick Savidan, Anne-Marie Riss (dir.), Almanach au fil des mots, Regards culturels en Bessin, 1991, 285 p.   

  • Patrick Savidan, « « Quelle justice économique pour l’éthique minimale ? » », in R. Merrill & P. Savidan (dir.), Du minimalisme moral. Essais pour Ruwen Ogien, Raison publique, 2018, pp. 217-249 

    Patrick Savidan, P Savidan, Jean-Marc Ferry, « Intégration politique et identité européenne », in Biblio Essais Librairie générale française (dir.), La République ou l’Europe ?, 2004 

  • Patrick Savidan, « “France: Social justice and perceptions of inequalities” », Handbook on Global Social Justice, 2018 

    Patrick Savidan, « Politique des inégalités : une nouvelle complication démocratique », The Tocqueville Review/La revue Tocqueville, 2017 

    Patrick Savidan, « L'Etat social produit des effets positifs », Alternatives Économiques , 2015, n° ° 347, pp. 58-58   

    Patrick Savidan, « Multiculturalisme libéral et monoculturalisme pluriel », Raisons politiques , 2009, n° ° 35, pp. 11-29    

    RésuméDans sa version libérale, le multiculturalisme défend une politique de reconnaissance fondée sur un engagement en faveur de la liberté de choix et de l'autonomie. Cet engagement impose précisément que soit reconnue, dans une certaine mesure, l'appartenance culturelle. Sur cette base, on peut relever trois justifications de la reconnaissance de droits différenciés en fonction de l'appartenance à des groupes nationaux : 1) égalité : le groupe minoritaire subit une injustice qui peut et doit être corrigée ; 2) historique : la minorité a une revendication à faire valoir qui se fonde sur des accords antérieurs (ex : traité entre colons et peuples aborigènes) ou une jurisprudence ; 3) La valeur intrinsèque de la diversité culturelle. Cet article propose d'examiner le premier type de justification qui porte sur le niveau fondamental des principes, en examinant le double défi du multiculturalisme : être « hospitalier à la différence », tout en assurant la justice et la cohésion sociale d'ensemble.

    Patrick Savidan, « Démocratie participative et conflit », Revue de métaphysique et de morale , 2008, n° ° 58, pp. 177-189    

    Dans certaines sociétés démocratiques, nous connaîtrions un âge de « dissolution du politique ». Dans sa forme politique, cette tendance s’exprimerait selon deux modalités : la distanciation à l’égard des institutions politiques et l’exacerbation de la fonction de contrôle et de surveillance du pouvoir politique. Face à une telle montée en puissance du « citoyen-surveillant », et afin de lutter contre la défiance qu’exprime son intense activisme, les gouvernants sont naturellement portés à s’investir plus ou moins résolument dans la mise en place et le fonctionnement de dispositifs participatifs. Il en résulte une tension au sein même de ces dispositifs, qui tient au fait qu’ils sont le plus souvent institués pour capter et neutraliser les ressources de la « souveraineté négative », alors même qu’ils cherchent à abolir cette distanciation et à recadrer la fonction de surveillance assumée par le citoyen pour le conduire à réintervenir dans le cadre des contraintes inhérentes au rôle de producteur (même très indirect) de la décision collective.

    Patrick Savidan, « Individu et société : les enjeux d'une controverse : Les vecteurs de la cohésion sociale », Informations sociales , 2008, n° ° 145, pp. 6-15    

    RésuméOn oppose très souvent l’individu et la société. Comme si la promotion de l’un ne pouvait jamais se faire qu’au détriment de l’autre. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pour le comprendre, il faut s’intéresser à la logique et aux enjeux du passage, au XVIIIe siècle, de la société aristocratique et hiérarchique à une société constituée d’individus libres et égaux. De ce passage, tel que Tocqueville l’a supérieurement formulé, procède une interrogation constante sur les exigences de la cohésion sociale et du “vivre ensemble” qui ne trouvera de réponse que dans le dépassement d’une opposition trop franche entre l’individuel et le collectif.

    Patrick Savidan, « Inégalités : il est temps de lever le voile », Alternatives Économiques , 2006, n° °251, pp. 76-76   

    Patrick Savidan, Jean-Paul Fitoussi, « Les inégalités », Comprendre - Revue annuelle de philosophie et de sciences sociales, 2003 

  • Patrick Savidan, « Entrées « Pareto (V.)», », Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale, Presses universitaires de France, 2018 

    Patrick Savidan, « Arrow (Kenneth J.) », Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale, PUF, 2018 

    Patrick Savidan, « « Compromis » », Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale, PUF, 2018 

  • Patrick Savidan, « Philosophie libérale de la religion », le 26 juin 2023  

    Rencontre organisée par le CESPRA, EHESS sous la direction de Luc Foisneau et Charles Girard à l'occasion des 15ans de la collection "L'avocat du diable" - Hermann

    Patrick Savidan, « La citoyenneté multiculturelle 25 ans après », le 18 novembre 2021  

    Colloque organisé par Sophie Guérard de Latour, François Boucher et Esma Bayçan Herzog, ISJPS, Paris 1 Panthéon-Sorbonne / CNRS.

    Patrick Savidan, « Animation de table ronde "Tous égaux face à l’effondrement ? La mesure des inégalités" », 31èmes Journées Scientifiques de l'Environnement - Grandes crises de l’environnement : effondrement et résilience, Créteil, le 04 mars 2020 

    Patrick Savidan, « Univ Poitiers, CRHIA: colloq internat., "La raison publique en débat", Poitiers, 4-5 nov 2011 », le 05 novembre 2011 

    Patrick Savidan, « Colloque CNRS, CERSES, Univ. Paris-Sorbonne: "Le nouveau-né, un objet philosophique?", Paris, 17 juin 2009 », le 17 juin 2009 

Actualités Publications ENCADREMENT DOCTORAL
  • Pierre Valentin, Le « post-libéralisme », une troisième voie entre étatisme et consumérisme au service du bien commun, thèse en cours depuis 2023  

    Le préfixe « post » peut se lire de deux façons : « contre », mais également « après ». Le mouvement post-libéral estime que dans un monde qu’il perçoit comme dominé par le projet libéral qui serait allé au bout de sa logique à tous les niveaux de la société, toute réponse doit partir de ce constat. L'anti-libéralisme n'étant ni une affirmation ni même une doctrine cohérente à proprement parler, le post-libéralisme cherche lui à être une force proposition unificatrice. Ils s'inspirent de traditions suivantes (tout en les critiquant sur certains points) : le conservatisme, le socialisme, le communautarianisme, et le républicanisme. Les post-libéraux critiquent le nationalisme, l'étatisme, le consumérisme, la neutralité de l’État, l'actuel clivage gauche/droite, et la liberté négative. À l'inverse, ils font l'éloge des notions suivantes : le Bien Commun, le principe de subsidiarité, la notion de vertu, et les corporations économiques. Ils jugent que la gauche occidentale a eu tendance à privilégier des politiques « d’émancipation » aux politiques de « solidarité ». Ils estiment que la droite occidentale s'est plus concentrée sur l'individu que sur le bien commun et l'épanouissement de la communauté. Le mouvement post-libéral s’inscrit dans une posture critique vis-à-vis des effets de la mondialisation sur la classe moyenne et des zones périurbaines en général, ainsi que de « l’ubérisation » et la tertiarisation de l’économie. Nous nous concentrerons sur sept figures intellectuelles principales : Patrick Deneen, Gladden Pappin, Chad Pecknold, Adrian Vermeule, Sohrab Ahmari, Adrian Pabst et John Milbank.

    Dimitra Spartopoulou, L'évolution du principe d'égalité en droit public français, thèse en cours depuis 2023 en co-direction avec Olivier Jouanjan  

    Le travail du juriste consiste en la rationalisation des textes juridiques (législatifs, doctrinaux et jurisprudentiels) à travers des concepts juridiques . Ainsi, ce projet de thèse propose d’examiner l’opérationnalité du concept juridique d’égalité en droit public français. L’opérationnalité d’un concept juridique dépend, d’une part, de la cohérence normative entre celui-ci et d’autres concepts et, d’autre part, de la capacité du dispositif à faire face aux exigences de la réalité. En effet, cette relation entre l’abstraction et la concrétisation du concept d’égalité est au cœur de sa compréhension. Notre étude s’appuiera sur les notions philosophiques d’« identité » et de « différence » afin de pouvoir déduire les relations que celles-ci entretiennent avec le principe général d’égalité et le principe de non-discrimination. Cela nous permettra d’identifier le caractère paradoxal de la problématique du principe d’égalité qui consiste à unifier des choses différentes. Notre étude propose de systématiser le discours juridique sur l'égalité à travers une démarche interdisciplinaire ; entre la philosophie et le droit, et de répondre aux questions actuelles concernant les inégalités et les discriminations.

    Doris Parra Salas, Des sociétés closes aux sociétés ouvertes : les enjeux de l´État du XXIème siècle, thèse soutenue en 2023 à Paris Est, membres du jury : Serge Audier (Rapp.), Camille Riquier (Rapp.)    

    Prenant comme point de départ la distinction proposée par Henri Bergson entre sociétés ouvertes et sociétés closes, cette thèse parcourt le travail du philosophe français en passant par sa métaphysique, son épistémologie, son analyse sur le rapport entre matière et vie et son explication sur les origines de la morale et de la religion.Cette œuvre complexe développée dans la première moitié du XXème siècle par Henri Bergson a inspiré d´autres auteurs, notamment le philosophe Karl Popper qui a utilisé la distinction entre sociétés ouvertes et sociétés closes pour défendre le libéralisme du XXème siècle et attaquer le socialisme de l´URSS de Staline et tout système totalitaire. Cet effort de Popper démontre que son analyse en philosophie politique est tout aussi remarquable que son travail en épistémologie, domaine dans lequel il a établi de nouvelles références tranchant avec l´approche de la philosophie analytique qui prévalait dans le milieu anglo-saxon de la première partie du XXème siècle.Cette thèse prend également en compte les travaux du philosophe et sociologue Raymond Aron, qui a analysé la tension entre libéralisme et socialisme issue de la distribution binaire du monde et caractéristique de la guerre froide. Néanmoins, bien qu´Aron critique le bloc socialiste assimilable à la société close et défende la démocratie libérale assimilable à la société ouverte, il reconnaît la nécessité pour la démocratie libérale d´être questionnée afin de s´améliorer constamment.Une fois cette analyse effectuée, qui met en évidence l´approche de la dichotomie conceptuelle et appliquée, il devient impératif de se demander si un juste milieu entre libéralisme démocratique et socialisme est possible. Et si les Trente Glorieuses ont montré que l´État-providence semble être la meilleure réponse, depuis la fin du XXème siècle diverses critiques démontrent la nécessité pour l´État-providence, notamment en France, de se renouveler. La cause de ces critiques a été principalement l´assistanat, qui rend les individus dépendants de l´État et de la société. C´est pourquoi différents secteurs de la société contemporaine font des propositions pour renforcer l´État-providence. Nous avons choisi l´approche du Républicanisme critique où l´agentivité des individus peut en faire des êtres plus autonomes qui contribuent non seulement au renforcement de l´État-providence mais aussi à la consolidation de la société dans son ensemble.

    Salomé Girardeau, Approche féministe en droit de la question de la propriété de soi, thèse en cours depuis 2022  

    La propriété de soi ou propriété du soi désigne la souveraineté, l’empire, que chaque personne a sur son être. Lié à l’individualisme possessif, c’est-à-dire à l’individualisme « conçu comme l’affirmation d’une propriété » (Macpherson, 1962), l’émergence de l’idée d’une propriété de soi est contemporaine des Lumières et du développement d’une philosophie dite libérale. Appréciée sous l’angle du droit, la propriété de soi conduit à s’interroger sur des problématiques juridiques relevant par exemple de la disponibilité du corps ou de la dignité des personnes. La présente étude porte ainsi sur la liberté du sujet, sur son existence comme sujet de droit propriétaire de soi mais nécessairement limité par des contingences politiques et sociales qui nuancent la liberté totale qu’il pourrait prétendre avoir sur lui-même. Ce qui nous intéresse plus précisément à cet égard est d’analyser ce qu’implique l’idée de propriété de soi s’agissant du développement et de l’application des théories juridiques et politiques relevant de la philosophie féministe, en particulier concernant les questions des droits reproductifs et de la liberté sexuelle des sujets de droit. Si la propriété de soi a été historiquement mobilisée pour penser la question de l’esclavage, elle est pertinente pour appréhender la condition juridique des femmes. En effet, l’être et le corps des femmes font toujours l’objet de débats quant à leur autonomie et à leur propriété, ce qui exerce une influence sur la construction des droits qu’on leur accorde et du droit qu’on leur applique en tant que sujets de droit historiquement particuliers.

    Azalaïs Kehm, Compréhension comparée des politiques multiculturelles et des politiques publiques migratoires en France, au Danemark et en Suède du XXème siècle à nos jours., thèse en cours depuis 2022  

    Peut-on améliorer les effets de la redistribution des ressources en s’opposant à un déni de reconnaissance ? La réponse à cette question apportée par Nancy Fraser entraîne deux objections. D’une part, l’épuration du statut risque de conduire à une définition appauvrie de la classe sociale parce qu’elle laisse penser que celle-ci se définit uniquement par des critères économiques. D’autre part, elle risque d’aboutir à une définition appauvrie du statut parce qu’elle laisse penser que celui-ci se définit uniquement par des représentations et des pratiques culturelles plus ou moins institutionnalisées qui n’ont pour objet que ce qui est distinct de la classe. Il s’agirait alors de déterminer, s’il est légitime, de : 1. Soit mettre de côté une politique de reconnaissance au profit d’une politique de redistribution. 2. Soit pencher en priorité vers une politique de reconnaissance pour garantir la justesse des politiques de redistribution. 3. Soit constater que les politiques de redistributions et de reconnaissance sont indissociables. Notre projet de recherche vise à déterminer, à travers les cas français, danois, et suédois, les stratégies qui ont été choisies par le républicanisme et le pluralisme communautaire. Le cas français semble s’être davantage penché vers la possibilité 3, le cas suédois vers la possibilité 1, et le cas danois la possibilité 2. Nous tenterons de déterminer les enjeux et les conséquences de ces stratégies, si elles se vérifient.

    Lucía Vinuesa, L'émancipation dans la théorie politique contemporaine : politique, temps et subjectivation chez Étienne Balibar et Jacques Rancière, thèse soutenue en 2022 à Paris 12 sous la direction de Eduardo Rinesi et Beatriz Davilo, membres du jury : Emmanuel Biset (Rapp.), Senda Inés Sferco (Rapp.), Federico Galende et Matías Leandro Saidel  

    La thèse que nous présentons ici est le résultat d'une recherche doctorale développée au cours des cinq dernières années, qui s'inscrit à l'horizon d'une problématique à la fois politique et conceptuelle : comment penser l'émancipation en termes philosophico-politiques à la fin du XXe siècle et au début du XXIe. Dans ce cadre, nous abordons les travaux d'Étienne Balibar et de Jacques Rancière, en cherchant à retracer les réseaux conceptuels à travers lesquels cette problématique a été articulée dans la thématique de ces auteurs.Cependant, les trajectoires théorico-conceptuelles et politiques de Rancière et Balibar ne sont pas nettement éclairées sans remonter au terrain archéologique de la philosophie française des années 1960, fortement marqué par la tension entre structure et sujet. En ce sens, la figure de Louis Althusser est clé : formés dans leur jeunesse dans le cercle althussérien, leur production ne peut être interrogée en profondeur sans partir de la reconstruction d'une scène polémique dont les lignes fondamentales de confrontation théorique passent, d'abord, par le débat entre Althusser et l'humanisme marxiste, ensuite, par la révision des positions des membres de ce cercle à la lumière de la reconfiguration des perspectives philosophiques sur la politique soulevée par le Mai français. Dans ce contexte, le contrepoint avec Althusser acquiert une centralité car il permet de rendre compte d'une nouvelle modalité de la pratique philosophique articulée avec l'événement et engagée dans une logique d'élaboration conceptuelle conçue comme point d'appui des luttes politiques.Afin d'aborder le lien entre événement, élaboration conceptuelle et émancipation, notre approche des travaux de Balibar et de Rancière se concentre sur trois catégories : l'histoire, la politique et le sujet. Cette approche permet de rendre compte de la lecture singulière que les deux auteurs déploient à la fois autour de la tradition de la philosophie moderne et des disputes politiques qui leur sont contemporaines, et qui a contribué à délimiter une perspective un peu amphibie d'analyse du politique qui se déplace sans cesse entre transformation et émancipation.

    Delphine Irac, La pré-distribution comme élément préalable à une égalité démocratique robuste, thèse en cours depuis 2022  

    Predistribution as a prerequisite for robust democratic equality The first purpose of my dissertation will be to define conceptually predistribution. Pre-distribution is based on the intuitive idea that the work of distributive justice must also be based on non-State institutions (like the institutional framework of markets and exchanges, productive justice in firms, educational system, price and wage settings etc.) and not only on income fiscal redistribution by the State. The first part of the dissertation will try to propose and test a generic definition of predistribution as an action of the state on institutions. The second purpose of my dissertation will be to investigate the links that predistribution has with non- domination. I argue that some economic justice of incomes is necessary for non-domination; I call it non- domination-sustaining economic justice. I will study the claim that non-domination-sustaining economic justice must be based on predistribution rather than redistribution. The argument is based on the idea that predistribution, which is founded on institutions, as previously discussed, is more robust to electoral shock than redistribution that targets wealth. I will argue that the following sequence is not robust: Redistribution (without productive justice) => economic equality =>Non domination=> democratic equality. Indeed, possible electoral outcomes can break it by suppressing redistribution and damaging democratic equality. There is no restoring force. I claim that the following sequence is more robust: Predistribution => economic equality => Non- domination => democratic equality. Why? Firstly, because the state can deviate from the fulfilment of non-domination-sustaining economic justice and, secondly, predistribution is not immediately sensitive to such a deviation (it takes much longer to unravel big public services in education or egalitarian ethos in business than it does to remove a specific social allowance). Predistribution serves as an anchor of democratic equality.

    Gabriel Gay-Para, Enquête sur le caractère aristocratique des élections, thèse en cours depuis 2021 en co-direction avec Yves Sintomer  

    L’idée selon laquelle, dans une démocratie, le peuple, à défaut d’exercer le pouvoir, doit voter pour élire ceux qui l’exerceront à sa place, et en son nom, s’impose aujourd’hui comme une évidence. Le lien entre la démocratie et les élections est si fort que nous finissons par les assimiler. Toute démocratie serait électorale. Inversement, toute élection – organisée dans de bonnes conditions, sans fraude ni trucage – serait démocratique. Ces deux affirmations, aussi banales soient-elles, sont pourtant problématiques. Si la démocratie désigne étymologiquement le pouvoir du peuple, rien ne la relie, à première vue, à l’élection en tant que procédure de désignation des gouvernants. Non sans paradoxe, pour nous, qui avons tendance à considérer les élections comme l’institution démocratique par excellence, de l’Antiquité grecque jusqu’aux révolutions américaine et française, l’idée dominante est que l’élection est une procédure, non pas démocratique, mais aristocratique. L’objectif de la thèse est d’interroger, à nouveaux frais, le « caractère aristocratique » de l’élection. Ce caractère est-il intrinsèque ou extrinsèque ? Est-il universel et nécessaire, car inhérent à la nature même de l’élection ? Ou est-il plutôt contingent, et propre à un contexte historique particulier ?

    Anaïd Mouratian, Parcours de la proximité et herméneutique ricoeurienne de l'action, thèse soutenue en 2021 à Paris 12, membres du jury : Johann Michel (Rapp.), Olivier Abel (Rapp.), Corine Pelluchon    

    Le travail de thèse vise une recherche sur l'herméneutique de la proximité et un parcours ricoeurien de cette notion. Il s'agit de lier deux points cruciaux qui motivent mes recherches : la compréhension de l'affect de proximité dans l'espace public et la sphère sociale et la lecture de Paul Ricoeur comme herméneutique et éthique de la bonne et juste distance. Par cette double approche, il est possible de dégager une problématique philosophique qui joint l'espace de la proximité et la temporalité d’un « se rendre proche », de comprendre ce qui se joue dans la sphère sociale et publique en articulation avec une herméneutique d'une pratique vivante. La proximité entendue comme affect démocratique est abondamment développée dans les travaux de sciences humaines.Il s'agit dans un premier temps d'apporter un regard philosophique et historique sur la transformation de l'espace politique : ce qui ressort du domaine politique renseigne sur la manière d'aborder les frontières du privé et du public. L'affect de proximité est couplé à une compréhension spatiale de la proximité. Ce qui s'ajoute ici à la réflexion première sur l'importance contemporaine et l'évolution de la place de l'affect de proximité dans nos organisations politiques et la vie de la cité, c'est de voir que le terme même de proximité désigne un rapport, une relation spatiale entre deux ou plusieurs individus, structures, organisations. La proximité enfin, peut être étudiée comme une pratique d'ajustements individuels dans la sphère sociale. Avec l'anthropologie et le développement des études de « proxémie », l'intérêt pour la proximité s'est manifesté autour d'une attention pour les usages de la vie quotidienne. A partir du paradoxe politique de Paul Ricoeur, celui de l’articulation de la question du rapport de la politique comme relation verticale et du politique comme rapport horizontal entre les individus, nous nous intéresserons au deuxième versant, le lien horizontal de proximité au sein de la société.Après un examen en trois temps des enjeux particuliers de la prise en compte horizontale du politique au sens de ce qui réunit au sein d’une société, en termes de besoins, d’examen critique de cette notion et du questionnement éthique contemporain, l'herméneutique ricoeurienne de l'action peut nous permettre d'envisager la proximité dans sa temporalité. Expliquer la structure de notre conception du temps nous éclaire sur la praxis de la proximité, comme un « se rendre proche » dynamique. Envisager le triptyque ricoeurien de la mémoire, du récit et du rôle des institutions, est un axe de thèse pour étudier la temporalité propre d'une telle praxis, se rendre proche. L'herméneutique de l'action de Paul Ricoeur peut nous mener à la question de la juste distance, comme discussion finale de ce parcours de la proximité. La notion de juste distance est chez Ricoeur au cœur de la visée éthique et de son articulation aux pratiques institutionnelles.

    Ivan Recio, De la critique du travail à la critique de la forme-sujet. Analyse, à partir du développement kurzien de la critique de la forme-sujet au sein de la théorie critique de la valeur-dissociation, du traitement de la subjectivité au sein de l'œuvre d'André Gorz, du marxisme « humaniste » et sa confrontation avec d'autres courants philosophiques en France à partir des années 1940., thèse en cours depuis 2018  

    Cette étude veut participer à refonder la critique du capitalisme à travers une approche originale du concept de domination. Elle confronte les thèses de Robert Kurz sur la forme-sujet, qui s'inscrivent dans la théorie critique de la valeur-dissociation, avec le traitement de la problématique de la subjectivité dans l'œuvre d'André Gorz, tout en revenant sur les discussions qui ont lieu à partir des années 1940 entre le marxisme dit « humaniste » et son dialogue avec d'autres courants philosophiques comme l'existentialisme. La critique de la valeur - développée comme critique de la valeur-dissociation après une scission en 2004 par le groupe Exit ! - regroupe des théoriciens critiques souhaitant relire Marx au-delà de Marx et du marxisme « traditionnel », d'abord autour de deux revues en Allemagne à partir des années 1980 puis au Brésil et plus récemment en France. Elle ne permet pas seulement une refondation théorique pour comprendre et critiquer le capitalisme et sa domination « impersonnelle », mais aussi des relectures critiques d'autres développements théoriques, plus anciens. C'est ce que notre thèse cherche à faire. L'enjeu de cette étude est d'abord de présenter ce courant de pensée, tant dans ces développements présents que dans son évolution historique. Nous montrons que ce courant théorique passe d'une critique du travail à une critique de la forme-sujet moderne, ce qui lui permet de dépasser les impasses de la critique du travail depuis la troisième révolution industrielle, qui ne cesse de reposer les mêmes questions sans avancer d'un pas supplémentaire. Nous proposons alors une révision critique du débat sur « la fin du travail » en France et un traitement de ses contradictions théoriques et pratiques. Au sein de ce débat impliquant des disciplines très différentes – psychopathologie du travail, sociologie du travail, philosophie du travail, etc. –, André Gorz est celui qui développe la critique du travail la plus radicale mais aussi la plus instructive de par son évolution. Ainsi, il se rapproche de plus en plus d'une critique catégorielle du travail et de la critique de la valeur. Cela nous permet de montrer les différentes étapes d'une radicalisation de la critique du travail jusqu'à demander une critique de la forme-sujet du travailleur. Après cette deuxième étape, nous revenons sur l'œuvre d'André Gorz, au-delà de ses liens évidents avec la critique de la valeur, pour procéder à une relecture à « contre-courant », permettant de développer la critique de la forme-sujet. Un croisement entre les écrits existentialistes et marxistes-existentialistes d'André Gorz – le plus éloigné dans le temps de la critique de la valeur - et la critique de la valeur-dissociation, telle qu'elle s'est développée après Gorz, s'avère très fécond pour déployer la problématique de la critique la forme-sujet, que Robert Kurz désigne comme étant le nerf central d'une critique de la forme sociale capitaliste et de sa « domination sans sujet ». Nous montrons alors la fécondité inexploitée des discussions qui ont eu lieu en France à partir des années 1940 autour du marxisme « humaniste » et notamment de l'existentialisme/la phénoménologie française, autour de la problématique de l'action subjective au sein d'une forme sociale qu'on désigne comme étant source de réification, d'aliénation, de fétichisme. Si Sartre, Lukacs ou encore Merleau-Ponty sont les noms les plus en vus dans ces discussions, nous montrons comment André Gorz apporte des contributions décisives. Nous ne restituons pas seulement un ancien débat théorique mais récupérons des développements qui trouvent une pertinence inédite et radicale, qui viennent après-coup enrichir la critique de la domination de la forme sociale capitaliste.

    Matthieu Niango, Agir et faire agir, thèse en cours depuis 2018  

    Prenant acte de la crise de la politique, jugeant insuffisantes les réponses pratiques et théoriques qui lui ont été apportées, la thèse propose de saisir la représentation à la racine en en interrogeant l'existence même. À cette fin, elle se donne pour objet d'établir un principe susceptible de mieux répartir le pouvoir entre citoyens et représentants. Procédant en quelque sorte par l'absurde en identifiant les conditions de la délégation pour mieux dévoiler l'immensité de ce que devrait être le champ d'action du citoyen, la thèse s'interroge ainsi sur ce qui peut justifier ce fait exorbitant : que je remette mon pouvoir à quelqu'un pour qu'il agisse en mon nom. La réponse à cette question amène à restreindre considérablement la représentation, légitime seulement là où le citoyen estime être moins apte que celui ou celle à qui il confie son pouvoir. On peut appeler principe de subsidiarité radicale le mécanisme par lequel cette délégation doit alors seulement se faire. L'objet de la thèse est d'établir ce principe comme le plus à même de produire une représentation optimisant l'action politique. Ce principe se trouve être au fondement de la démocratie liquide, ici rebaptisée système délégatif, qui place la délégation à la main de chacun dès lors à même de déléguer ou non son pouvoir. Un tel système met l'accent non sur la délibération, contrairement à la démocratie délibérative, mais, en amont de celle-ci, sur l'expression même de ce qu'il y a à faire et l'objet même de la discussion. Outre la connaissance des entités politiques dont il est une partie et sur lesquelles il agit, la thèse estime que l'exercice de cette phase expressive devrait constituer, avec celui d'une comparaison permanente entre ses forces et celles d'autrui pour traiter les tâches politiques, le propre de l'art civique. Stimulé par la capacité institutionnellement garantie de conserver son pouvoir ou le remettre à qui en fera le meilleur usage, l'art civique ainsi conçu implique de se connaître soi-même, autrui et le monde pour mieux y agir.

    Naël Desaldeleer, Réévaluer la condamnation du monisme éthique au prisme du néorépublicanisme : de la pertinence d'une approche perfectionniste de la liberté politique moderne, thèse soutenue en 2018 à Paris Est, membres du jury : Magali Bessone (Rapp.), Christophe Miqueu (Rapp.), Cécile Laborde  

    Condamner le monisme éthique ne suffit pas à définir la liberté politique moderne. Contrairement à la thèse, inspirée par I. Berlin, selon laquelle la reconnaissance du pluralisme des valeurs comme réalité ontologique impliquerait que la liberté suppose l’absence de toute contrainte éthique, nous démontrons que le monisme éthique est un concept complexe. Il comprend au moins deux variantes, le « monisme complet » liberticide, et le « monisme pluraliste ». La cohérence de ce dernier repose sur la distinction entre deux prémisses – ontologique et épistémologique – lui permettant de conjuguer une contrainte éthique quant à l’horizon de l’existence humaine avec la liberté individuelle de définir le contenu de la vie bonne. Le « monisme pluraliste » permet alors de redéfinir le concept de perfectionnisme en le séparant plus clairement du paternalisme, qui s’oppose à la liberté individuelle.Cette étude s’enracine dans la question désormais classique des distinctions entre libertés des anciens et des modernes chez Constant, et libertés positive et négative chez Berlin. Mais elle souligne surtout que la tension problématique est plus profonde : au lieu de chercher à identifier la meilleure conception de la liberté, nous démontrons qu’il faut avant tout interroger la pertinence des outils conceptuels fondamentaux à partir desquels nous nous posons la question de la liberté. Ce décentrement du regard, appliqué au cas du néorépublicanisme, rend possible la refondation d’une vertu civique moderne respectueuse du pluralisme. En développant un néorépublicanisme perfectionniste « post-Pettit », nous faisons du monisme éthique bien compris la condition de la liberté politique moderne.

    Kévin Cirille, Le statut de la contestation dans les démocraties., thèse en cours depuis 2017  

    Cette recherche porte sur la relation entre les citoyens et les institutions démocratiques. D'une part, les institutions et les gouvernements dits représentatifs prennent des décisions en vue de l'intérêt général. D'autre part, ces mêmes décisions peuvent être contestées par les citoyens. S'ils les contestent ce peut être parce qu'ils se considèrent exclus du processus au terme duquel la décision a été prise. Comment penser cette confrontation qui s'ouvre alors entre les revendications des citoyens et le rôle des institutions démocratiques ? Ces institutions gagneraient-elles en légitimité en faisant une place plus large aux possibilités de contestation émanant des citoyens au cours des différents processus amenant aux décisions prises par le gouvernement ? Ou bien cela conduirait-il à affaiblir le fonctionnement des institutions en les rendant plus instables et inefficaces ?

    Ramatoulaye Diedhiou, les chemins de l'individu et de l'individualisme, thèse en cours depuis 2015  

    Mon projet est d'explorer les aspects philosophiques des mutations de l'individu et de l'individualisme afin d'examiner par la suite les conséquences dans le domaine social et celui du travail, de la famille, des relations extérieures etc.

    Marie-Hélène Motard-lucon, Care et syndicalisme, thèse en cours depuis 2015 

    Pauline Colonna d'Istria, Discours philosophiques de la conflictualité dans la théorie politique contemporaine.Penser une démocratie agonistique avec Claude Lefort, Jacques Rancière et Étienne Balibar, thèse soutenue en 2015 à Poitiers, membres du jury : Justine Lacroix (Rapp.), Étienne Tassin (Rapp.), Marco Geuna  

    L'expression de « démocratie agonistique » est relativement récente et surgit le plus souvent à travers une opposition – démocratie agonistique vs. démocratie délibérative – qui la fait apparaître comme un paradigme alternatif à celui qui prévaut aujourd'hui dans la théorie politique, où la question du conflit, sans être nécessairement mineure, se trouve généralement subordonnée à la recherche de sa résorption. Si l'on ne peut résumer l'opposition démocratie agonistique/démocratie délibérative au choix du conflit contre le choix du consensus, ces deux paradigmes recouvrent au moins une différence de polarité quisuffit à nous mettre en présence de conceptions très différentes de la démocratie. Ce travail s'intéresse précisément à la façon dont une certaine compréhension de la conflictualité sociale conduit à repenser entièrement le fait démocratique. Une pensée dupolitique peut-elle vraiment se déployer sans horizon d'entente ? Peut-on construire un nouveau projet démocratique dans la perspective d'une irréductibilité des conflits sociaux et en abandonnant toute ambition de les résoudre, voire simplement de les résorber ? Telle est la question centrale de cette étude et qui justifie de se tourner vers les analyses de Claude Lefort, Jacques Rancière et Étienne Balibar qui ont contribué de façon décisive à imposer en France l'idée d'une démocratie nécessairement et irréductiblement conflictuelle. L'inclusion de ces auteurs au « corpus », essentiellement nord-américain, de la démocratie agonistique que nous appelons de nos voeux est le moyen d'entamer un débat plus large sur les métamorphoses du conflit dans les sociétés contemporaines et les politiques d'émancipation qu'il est possible d'élaborer en conséquence.

    Raphaëlle Théry, Libéralisme pénal , thèse soutenue en 2015 à Paris EHESS en co-direction avec Bernard E. Harcourt  

    Alors qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles, la question de la justice pénale était le fer de lance du libéralisme politique, le libéralisme politique avancé observe un silence troublant sur ce point. Comment expliquer une telle désaffection, dans un contexte caractérisé par une crise profonde des institutions pénales depuis la fin des années 1960 ? Ce travail vise à défendre une approche libérale du droit pénal, tout en soulignant les contradictions qui la traversent et les difficultés qu'elle soulève. Parce que l'institution pénale est profondément ambivalente (à la fois bouclier protecteur des libertés individuelles et glaive qui les pourfend), on peut la caractériser comme une institution non idéale : elle pose ainsi un problème particulier au libéralisme avancé, fondé sur une confiance très large dans les institutions. La thèse centrale de ce travail est que le libéralisme pénal bien compris est un minimalisme pénal, fruit de la méfiance vis-à-vis de l'institution pénale (quelles que soient les bonnes intentions qui y président) et de la conscience de son inéluctable faillibilité. Le minimalisme pénal appelle une délimitation claire de la sphère pénale et un contrôle fort de ses institutions, pour lutter contre la punitivite, qu'elle soit entendue de manière subjective (volonté de punir) ou objective (extension de la sphère pénale). Il donne enfin à la justice pénale un rôle résiduel par rapport à la justice sociale dans l'analyse des problèmes sociaux contemporains. Le minimalisme pénal s'oppose ainsi à deux approches concurrentes de la justice pénale 1) une conception moraliste (ou conservatrice), 2) une conception économiciste (ou « néolibérale »).

    Cédric Rio, Préservation de la nature, protection sociale et justice entre les générations : Privilégier le présent pour transmettre au futur un monde plus juste, thèse soutenue en 2013 à Poitiers, membres du jury : Catherine Larrère (Rapp.), Axel Gosseries (Rapp.), Solange Chavel  

    Comment peut-on concilier le respect des droits à la liberté des membres des générations futures et présentes ? Agir en faveur des premiers ne doit pas se faire aux dépens des seconds. Selon nous, la garantie pour tous de pouvoir développer et concevoir une conception spécifique de la vie bonne suppose de privilégier l'objectif d'une justice sociale globale dans le temps présent pour ainsi transmettre à la postérité un monde plus juste. Nous indiquons en premier lieu en quoi les générations qui se succèdent sur Terre ont des devoirs envers celles qui les suivront dans le temps, mais également pourquoi nos actes ne reflètent pas la reconnaissance de tels devoirs. Nous nous interrogeons ensuite sur le contenu du monde à transmettre en conformité avec ces devoirs. Il incombe aux générations de préserver autant que possible l'environnement naturel et d'édifier un environnement politique et social suffisant. Cela requiert la constitution d'une épargne intergénérationnelle au cours d'une phase limitée, suivie d'une phase de croisière dans laquelle l'accumulation doit être stoppée. Mais les efforts pour cette épargne et les ressources générées par celle-ci sont à répartir équitablement au sein et entre les générations : ce point est l'objet de notre troisième partie. Nous montrons que les efforts demandés à chacun au sein de la phase d'accumulation devraient dépendre de l'environnement dont disposent les individus, tandis que les ressources produites sont à redistribuer en priorité aux contemporains les plus démunis. Une telle préférence sociale pour le présent ne va pas à l'encontre des droits des individus futurs : elle permet au contraire de limiter la perpétuation, de génération en génération, des inégalités intragénérationnelles et de favoriser le respect de leurs droits par les individus qui vivent dans le temps présent.

    Hyun sook Kim, Esthétique du squat artistique , thèse en cours depuis 2013  

    Le Squat signifie "occuper un espace vide" et est apparu pour désigner les occupations illicites de terres par les bergers autrichiens pour nourrir leurs moutons. Ce terme prend un sens social pendant la période de la révolution industrielle, lorsque les travailleurs et les personnes sans domicile fixe marqués par la précarité de l'urbanisation, occupent les espaces vides du centre-ville. A l'époque de la crise de mai 68, les militants artistes, écologistes et du mouvement social formaient le squat et mettaient en place un lieu pour un mode de vie et une culture de différents types, afin de contester le capitalisme. Après les années 80, le squat est en pleine expansion dans toute l'Europe à travers les artistes. Dans les années 80 et 90, il existe plus de 200 squats à Paris et en Ile de France. En 2002, le Palais de Tokyo organise "Art et Squats" pour célébrer son ouverture. pour ce faire, environ 20 squats de la ville de Paris et d'Ile de France participent et élaborent une exposition de "Arts et squats" ainsi qu'un débat portant sur les enjeux politiques. De plus, en 2001, un rapport rédigé par Fabrice Lextrait sert de tremplin pour une nouvelle approche des squats artistiques, "Nouveaux Territoires de l'art" qui transforme une friche industrielle en un espace culturel artistique. (Fabrice Lextrait fait un rapport des squats artistiques en France. Une nouvelle époque de l'action culturelle à Michel Duffour. Secrétaire d'Etat au Patrimoine et à la Décentralisation Culturelle en 2001). Malgré un sens péjoratif d'illégalité connoté au terme du squat, il souligne de diverses problématiques sociales, culturelles et politiques et influence un grand nombre d'artistes contemporains. Plusieurs recherches ont été menées dans le domaine d'anthropologie et de sociologie, ce qui n'est pas eu lieu dans l'esthétique. Aussi ai-je décidé d'analyser des problématiques provocantes soulevées par le squat artistique , site urbain devenu espace de vie communautaire artistique, dans l'esthétique contemporaine.

    Faustin Lekili, Principe de charité et croyances irrationnelles. essai de philosophie analytique dans une perspective interculturelle, thèse en cours depuis 2011 en co-direction avec Hubert Faes 

    Gabriel Ngadou, La deliberation en bioethique au cameroun, thèse en cours depuis 2011  

    La question de la délibération en bioéthique se pose avec ocuité dans un pays comme le cameroun, véritable afrique en miniature,qui compte plus de 240 ethnies et langues réparties sur cinq grands groupes, où la grande diversité culturelle et religieuse et l'apprentissage de la démocratie complexifie l'éventuel débat national sur l'encadrement des pratiques biomédicales. les sujets liés au vivant restent tabous. le pouvoir en place semble décider sur le sort des citoyens dans le plus grand secret. un paternalisme qui contraste avec la grande transparence du processus français de légiférisation en bioéthique. notre travail consiste à analyser la situation camerounaise en nous inspirant du contexte français, proposer un cadre normatif au niveau national et entamer la recherche du consensus sur certains aspects universalisables en bioéthique.

    Solange Chavel, "Se mettre à la place d'autrui" , thèse soutenue en 2009 à Amiens en co-direction avec Sandra Laugier 

    Laury Bacro, La gestion de la diversité en france et au québec , thèse en cours depuis 2008 

    Jean Nestor, Le phenomene du don gratuit et la raison pratique, thèse en cours depuis 2008 

  • Mathilde Duclos, Les frontières de la solidarité en France au défi des débats sur le revenu universel, thèse soutenue en 2023 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Réjane Sénac et Roberto Merrill, membres du jury : Antonella Corsani (Rapp.), Daniel Dumont (Rapp.), Mathieu Hauchecorne  

    Pourquoi le revenu universel ne fait pas l’objet d’une décision politique ou d’un débat public plus large ? Comment expliquer qu’il reste une « non-solution » ? L’analyse de 60 entretiens menés avec des acteurs de la fabrique des politiques sociales et de la littérature grise confirme l’hypothèse que la mesure n’est pas mise à l’agenda car elle exprime une conception de la solidarité concurrente à celle portée par ces responsables politiques. Le travail doit rester l’horizon de la solidarité. A priori oblique vis-à-vis de cet objectif, l’inconditionnalité est critiquée. L’universalité est, elle, unanimement rejetée : jugée coûteuse et injuste, elle déplacerait aussi ces acteurs hors de leur domaine traditionnel d’intervention. Mais le revenu universel est aussi peu discuté car il serait peu clair. Ensuite, il ne rompt pas nécessairement avec l’idée que la solidarité doit viser le retour à l’emploi : il peut s’agir d’une politique d’activation alternative. Enfin, le fait que le revenu universel incarne une forme de solidarité dépend de ses modalités d’application. Versé sans condition de ressources, cette mesure décale le « pour quoi » de la solidarité et questionne ses frontières. Il ne s’agit pas seulement de lutte contre la pauvreté, mais aussi d’émancipation vis-à-vis de l’emploi. Les outils de la théorie politique permettent de clarifier cette perspective normative et de reconnaître ses mérites et ses limites. Nous critiquons ainsi l’idéal d’autonomie promu par les partisans de la mesure : il ne saurait constituer la pierre angulaire de l’émancipation, au risque de servir le statu quo. Ici, l’idéologie écosocialiste nous paraît être une meilleure boussole.

    Vivien Krystkowiak, L’utilitarisme à l’épreuve de la philosophie contemporaine de l'action, thèse soutenue en 2020 à Paris Est sous la direction de Ali Benmakhlouf, membres du jury : Valérie Aucouturier (Rapp.), Bruno Gnassounou (Rapp.), Vincent Descombes et Isabelle Delpla  

    Ce travail vise à interroger la célèbre tradition morale utilitariste à partir des développements relativement récents de la philosophie de l'action. On aborde souvent l'utilitarisme par le biais de questionnements sur le bien-être et sa production en termes de conséquences et en fonction de ses fondations psychologiques. La discussion concernant cette théorie morale se concentre généralement sur les conséquences pratiques auxquelles ses principes devraient nous conduire. Ainsi, la plupart des critiques montrent, par exemple, l'impossibilité d'effectuer un calcul des plaisirs et des peines dans des situations concrètes et le caractère néfaste d'une telle entreprise ou bien encore les problèmes concrets auxquels se confronterait une approche du bien être en termes de préférences. D'autres encore mettent l'accent sur la notion de conséquence et tentent de montrer que ce seul indicateur n'est pas suffisant pour se prononcer sur la moralité d'une action. Les défenseurs de l'utilitarisme, à leur tour, se concentrent sur ces éléments et manières de les aborder et rivalisent d'amendements et de précisions pour apporter des réponses à leurs détracteurs. Pourtant, certains auteurs ont mis l'accent sur une caractéristique méconnue de l'utilitarisme classique : son origine linguistique. Jeremy Bentham et John Stuart Mill, ont tous deux, à leur manière, senti l'importance de commencer leurs analyses morales par des considérations sur la signification des énoncés moraux. Ce faisant, ils ont tous deux apporté des éléments nouveaux aux théories de la signification existantes, éléments qui ont été interrogés, plus tard, dans la philosophie analytique Ludwig Wittgenstein. Dans la lignée de Wittgenstein, certains philosophes, notamment Elizabeth Anscombe, ont souligné l'importance de commencer une étude morale par l'analyse de la signification des concepts psychologiques, des concepts de l'action humaine. Il nous semble donc nécessaire, pour effectuer une étude de la théorie utilitariste, de réinterroger les principaux concepts de l'action qui caractérisent cette morale à la lumière des recherches qui ont été effectuées par les philosophes d'inspiration wittgensteinienne et qui sont en rapport avec celles qui ont été initiées par les utilitaristes. Notre objectif est de montrer qu’il est possible de réviser en partie une interprétation répandue, souvent critique, de l’utilitarisme classique et, plus généralement, de la position utilitariste, en suivant les conséquences des théories du langage des utilitaristes classiques et en nous aidant des outils que nous confère la philosophie contemporaine de l’action.

    Yaël Gambarotto, La blessure ou la brèche : la vulnérabilité comme expérience moderne du politique dans la philosophie de Claude Lefort, thèse soutenue en 2020 à Paris Est sous la direction de Guillaume Le Blanc, membres du jury : Jean-Yves Pranchère (Rapp.), Judith Revel (Rapp.), Frédéric Gros et Martine Leibovici  

    Ce travail se propose d’interroger la conception du politique moderne dans la philosophie de Claude Lefort à partir du concept de vulnérabilité. S’il est vrai que la modernité doit être comprise comme une nouvelle « expérience » du politique, ainsi que l’affirme le philosophe, alors nous formulons l’hypothèse que cette expérience est celle d’un corps politique qui fait l’épreuve de sa vulnérabilité. A la différence des sociétés prémodernes qui se représentent à elles-mêmes comme corps homogènes et clos, la mise en forme des sociétés modernes, comme le découvre Machiavel, repose sur les principes de la division sociale et de l’indétermination historique. Ces deux symptômes, parce qu’ils entraînent un processus de désincorporation du politique, confrontent les sociétés à leur corps vulnérable et redéfinissent aussitôt le rôle du pouvoir moderne : celui de maintenir l’ouverture et l’exposition de ce corps au conflit et à l’événement, sans qu’il ne se déchire tout à fait ni ne se referme sur lui-même. Car cette expérience moderne de la vulnérabilité du politique peut être différemment interprétée par les sociétés qui l’éprouvent. A lire Lefort, nous sommes conduits à identifier deux grandes réactions symboliques à celle-ci, deux manières de « vivre la modernité » : par la négation de cette expérience d’une part, par sa reconnaissance d’autre part. La dénégation de l’expérience moderne du politique apparaît ainsi comme une défaillance de son travail d’interprétation, un dysfonctionnement dans l’opération de son déchiffrement. Selon Lefort, il y a dans la modernité une ambiguïté fondamentale, la tentation d’un retournement de cela même qu’elle inaugure. La dénégation de la vulnérabilité du politique conduit de ce fait les sociétés modernes à mettre en place des mécanismes bien réels de négation de cette expérience, cherchant par là-même à renverser les principes modernes qui les constituent. Claude Lefort découvre ainsi dans le marxisme, mais aussi dans l’idéologie et la bureaucratie, cet « attrait pour l’Un » qui traverse la modernité, la fantastique volonté de recréer un corps politique débarrassé du conflit et se fermant au principe du changement. Cette négation de la vulnérabilité politique trouve son accomplissement dans le phénomène totalitaire, véritable fantasme d’une société invulnérable, de corps homogène et pur. A l’inverse, Claude Lefort repère dans la démocratie la forme de société proprement moderne qui accepte cette épreuve et reconnaît ainsi sa vulnérabilité. L’avènement de la démocratie moderne apparaît ainsi comme le lieu d’accomplissement de la vulnérabilité du politique dont elle doit permettre une reconnaissance implicite. Car si la démocratie est le régime qui prend en charge sa vulnérabilité en acceptant l’épreuve du conflit et de l’indétermination de l’histoire, elle se trouve en même temps constamment menacée d’apparaître comme régime réellement faible et morcelé. Il faut donc à la société démocratique reconnaître symboliquement sa vulnérabilité. Une telle opération suppose tout à la fois une « mise en forme », « mise en scène » et « mise en sens » de la vulnérabilité du politique.

    Jacques Koyanyo Kongatua, Du développement comme extensions des libertés : le cas des Pygmées Ndenga de la République démocratique du Congo, thèse soutenue en 2019 à Paris Est sous la direction de Corine Pelluchon, membres du jury : Emmanuel Picavet (Rapp.), Ernest-Marie Mbonda (Rapp.), Hélène L'Heuillet et Alain Renaut    

    Cette recherche se propose d’étudier les possibilités de concevoir un programme de développement applicable aux situations d’extrême pauvreté telles que celles que connaissent les Ndenga de la République Démocratique du Congo puisque cette dernière, compte tenu de l’obsolescence de ses structures minées par la corruption et la mauvaise gouvernance n’offre pas les mêmes opportunités à ses citoyens de se choisir un modèle de développement. Ainsi, l’extrême pauvreté a gagné de manière systématique l’espace public congolais affectant ainsi la qualité de vie de tous les Congolais, mais davantage la population la plus démunie telle celle des Ndenga. À la suite d’Amartya Sen, nous considérons que la pauvreté n’est pas seulement due au manque de revenu, mais elle est surtout considérée comme l’absence de « capabilités ». C’est-à-dire le manque de libertés réelles pour convertir les biens à disposition en fonctionnements effectifs. Une optique poursuivie aussi par A. Sen, Thomas Pogge, Martha Nusbaum et A. RenautÀ partir de ce constat, notre première tâche constituera à justifier, si parmi les théories contemporaines de justice, notamment celles qui sont conçues comme appliquées au développement, s’en trouvent qui soient susceptibles d’être appliqué plus spécialement dans un contexte d’extrême pauvreté, comme celui du cas évoqué, en vue de proposer sur ce point un programme de développement acceptable. Puisque jusqu’à ce jour, le programme de développement mis en place en République démocratique du Congo a montré, dans la façon dont il a été compris (ou incompris, ou encore trahi au Congo), ses limites en créant des conditions d’injustice. Dans le deuxième moment, nous nous sommes appuyés sur le constat d’échec des théories de justice traditionnelle inadaptée aux situations d’extrême pauvreté pour proposer une démarche en nous engageant dans une philosophie politique appliquée partant des indicateurs de l’extrême pauvreté ou des indicateurs du développement humain au Congo plus spécialement chez les pygmées Ndenga et essayer d’élaborer, à partir de là, de nouveaux référentiels normatifs pour dégager les priorités qu’il serait juste de mettre en avant dans un processus de remédiation à ces injustices qui s’expriment en termes d’extrême pauvreté.Au-delà de la question particulière, soulevée par le sort des Pygmées du Congo, la démarche entreprise a consisté aussi à une contribution à la réflexion sur l’alternative, entre philosophie de principes et philosophie ex datis dans le domaine du développement. Il s’agira aussi de justifier si les théories contemporaines de la justice fondée sur un principe comme celui de l’extension des libertés réelles, et à quelles conditions, ont atteint l’objectif qu’elles se sont fixé elles-mêmes pour la réduction des inégalités entre les individus lorsqu’elles sont confrontées à des situations d’injustice extrême. Dans la troisième et la dernière partie, il est question d’une série de propositions susceptibles de résoudre tant soit peu, l’extrême pauvreté des Ndenga. En clair, la priorité portera essentiellement sur l’homme Ndenga qui devra être porté par les institutions juridiques, politiques, sociales et économiques plus justes pour lui permettre de vivre en fin, selon son choix. L’agenda à mettre en place porte essentiellement sur le processus d’autonomisation des pygmées Ndenga afin qu’ils jouissent de plein droit des toutes les prérogatives reconnues aux citoyens Congolais.

    Magali Brailly, Social-libéralisme et libéralisme social : incertitudes conceptuelles et politiques, thèse soutenue en 2018 à Paris Est sous la direction de Monique Castillo, membres du jury : Stéphane Douailler (Rapp.), Roland Reitter (Rapp.)    

    On se propose de mener une étude sur les transformations du sens du libéralisme face à l'évolution des impératifs de la responsabilité, envisagée tant du point de vue de l'individu que sous l'angle du collectif (responsabilité éthique, responsabilité civique et politique, responsabilité sociale, responsabilité environnementale, responsabilité globale). Il s'agit d'interroger la notion de responsabilité telle qu'elle a été élaborée par les libéraux classiques puis reprise et transformée par les néo-libéraux pour la confronter aux nouveaux enjeux sociétaux, écologiques et culturels de notre époque. Associé aux idées des Lumières, le libéralisme a pu se présenter comme un projet de civilisation soucieux d'articuler les deux exigences d'émancipation individuelle et d'émancipation collective, de responsabilité personnelle et de solidarité sociale. Sous l'influence de critiques initialement externes (socialisme, républicanisme), les philosophes libéraux ont procédé à des autocorrections du libéralisme et ont ouvert la voie au projet d'un libéralisme démocratique combinant efficacité économique, justice sociale et liberté politique qui trouvera son expression la plus aboutie dans la théorie rawlsienne et l'expérience de la social-démocratie. De son coté, le néo-libéralisme contemporain revient sur cet héritage, en travestie les principes. Ce libéralisme, que l'on peut qualifier de libertarien, conduit à privilégier l'intérêt individuel, la prospérité et la concurrence, y compris par l'action de l'Etat qu'il redéfinit en profondeur lorsqu'il ne prend pas la forme de l'anarcho-capitalisme. Il postule un sujet entrepreneur, rationnel, entièrement responsable de ses actions et capables de minimiser tous les risques. Ce faisant, il tend à substituer l'efficacité à la justice, l'individualisation de la responsabilité et la privatisation des risques au détriment de leur socialisation. En retrouvant les principes sur lesquels se fonde le libéralisme, pour les confronter aux problèmes soulevés par la question écologique, la question de la techno-science et la nouvelle question sociale, ce travail démontre que l'actuel paradigme néo-libéral s'avère peu adapté aux dimensions spécifiques et aux impératifs nouveaux introduits par la problématique du développement durable, à savoir l'exigence de soutenabilité sociale et environnementale et d'équité entre les générations présentes et futures, dans un contexte de globalisation des risques civilisationnels. En interrogeant les conditions de possibilités d'une nouvelle rencontre entre libéralisme et démocratie, entre responsabilité personnelle et responsabilité collective et en étudiant des formes nouvelles de médiations entre l'Etat et le marché ce travail prépare la voie à des modèles alternatifs de gouvernance.

    Claire Larroque, La gestion des déchets par les sociétés industrielles au regard de la problématique environnementale : enjeux éthiques, sociaux et politiques, thèse soutenue en 2017 à Paris 1 sous la direction de Catherine Larrère et Marie-Hélène Parizeau, membres du jury : Patrick Turmel (Rapp.), Cyrille Harpet (Rapp.)  

    Cette thèse examine les questions éthiques, sociales et politiques posées par la gestion des déchets mise en place par les sociétés industrielles. La réflexion prend son point de départ dans le constat qu’en philosophie l’analyse de la gestion des déchets se limite à une approche symbolique des rapports que nous entretenons avec eux. Il s’agit de montrer qu’une telle approche occulte l’arrière-plan politique et social du problème et qu’elle ne fait pas de la gestion des déchets l’objet d’un questionnement sur le rapport entre l’homme et la nature, reléguant l’enjeu environnemental posé par les déchets au domaine technique. Ce travail propose de dépasser la logique dualiste selon laquelle il reviendrait aux techniciens de prendre en charge le traitement physique des déchets et aux philosophes de s’occuper de l’examen d’une signification symbolique (intrasociale). Il s’agit de démontrer que loin d’être circonscrite à la sphère technico-économique, la gestion des déchets par les sociétés industrielles est en interaction permanente avec le monde social et soulève des problèmes de justice. Dans cette perspective, le problème environnemental soulevé par les déchets ne peut être saisi que si l’on adopte une conception de la nature comme communauté : les déchets en atteignant (de façon inégale) l'environnement des populations affectent également celles-ci parce qu'elles entretiennent avec lui une relation d’interdépendance. Afin de déterminer les principes normatifs d’une justice détritique et de penser une juste gestion des déchets, la thèse soutient alors une conception culturelle des inégalités environnementales.

    Louis Ujeda, Etude philosophique de la biologie de synthèse : pour une analyse de la complexité des biotechnologies en société, thèse soutenue en 2016 à Paris Est sous la direction de Ali Benmakhlouf, membres du jury : Xavier Guchet (Rapp.), Thierry Hoquet (Rapp.), Bernadette Bensaude-Vincent  

    La biologie de synthèse (BS) est une discipline scientifique qui se propose d'être à la biologie ce que la chimie synthétique est à la chimie analytique. La BS adopte des approches de l'ingénierie et vise à élaborer des systèmes biologiques fonctionnels réalisant des tâches techniques. Elle peut donc être qualifiée de technoscience, au sens où la technique est pour elle un débouché de ses recherches mais également une condition de ses découvertes. La BS ne se laisse cependant pas réduire à sa dimension intentionnelle. Elle est une discipline complexe, tant quant à son épistémologie qu'à son ontologie. Son inscription dans la société n'est pas moins complexe : les technosciences mettent toujours en jeu un grand nombre de dimensions de notre existence collective. Les enjeux éthiques de la BS sont donc majeurs, mais les crispations autour des nouvelles technologies rendent les débats difficiles, les positions se radicalisant entre utopies technophiles et dystopies technophobes.L'objectif de cette étude est de clarifier le contexte éthique, sans le simplifier, et d'apporter des éléments d'analyse des problèmes éthiques de la BS par-delà le simplisme rhétorique et le futurisme,qui minent les débats autour de cette technoscience. Il s'agit donc de se confronter à la complexité de la BS, de sa définition à son épistémologie et son ontologie, en passant par ses dimensions sociales et par le statut des êtres qu'elle produit. Les théories de W.V.O. Quine permettent d'éclairer les aspects épistémologiques et leurs conséquences ontologiques ; la philosophie des processus et des relations de Gilbert Simondon permet quant à elle de décrire la complexité des modes d'existence des êtres biosynthétiques entre contraintes techniques et devenir biologique.

    Nicolas Voeltzel, La réhabilitation de l’authenticité chez C. Taylor et C. Larmore, thèse soutenue en 2016 à Paris Est sous la direction de Frédéric Gros, membres du jury : Claude Romano (Rapp.), Bruno Gnassounou (Rapp.), Vincent Descombes    

    Ce travail développe une analyse critique des « éthiques de l’authenticité », c'est-à-dire des éthiques nous invitant à nous affranchir du conformisme pour renouer le contact avec un mystérieux « moi véritable ». Cette analyse est motivée par le statut paradoxal que ces éthiques ont aujourd’hui : sur le plan intellectuel, elles sont l’objet d’un scepticisme ou d’un rejet ; mais sur le plan pratique, chacun de nous continue d’accorder de l’importance aux notions d’« épanouissement personnel », de « développement personnel » ou de « naturel » qui en sont issues. Une tentative de mise au clair semblait donc s’imposer.Plutôt que de repartir des analyses classiques de Heidegger ou de Sartre, j’ai choisi d’étudier la manière dont deux philosophes plus récents, Charles Taylor et Charles Larmore, tentent de réhabiliter la notion d’authenticité dans un contexte plus difficile : depuis les années 1970 cet idéal a simultanément été accusé d’être philosophiquement naïf et socialement néfaste.Je propose dans les deux premières parties de mon étude une présentation systématique de ces tentatives de réhabilitation : Taylor dénonce la superficialité de la plupart des critiques, en faisant ressortir la profondeur historique de cet idéal ; puis il étudie ses implications pratiques. Larmore développe une analyse plus conceptuelle, remettant d’abord en cause la cohérence même de cette notion, pour ensuite en proposer deux nouvelles définitions. Je confronte dans une troisième partie ces deux approches, pour finalement défendre une conception expressive de l’identité personnelle – conception se distinguant à la fois de la psychologie réflexive classique, et de ce que Larmore appelle la « réflexion pratique ».

  • Fodnot Jacinthe, L'éthique publique, de l'équité de la justice chez Rawls à la norme, la biopolitique et la vérité chez Foucault, thèse soutenue en 2022 sous la direction de Michèle Cohen-Halimi, membres du jury : Senda Inés Sferco (Rapp.), Vanessa Nurock et Diogo Sardinha    

    Mon éthique publique d’inspiration humaine et souveraine résulte de la double implication du sujet politique et de l’État souverain dans la production des valeurs à vocation collective. Le sujet politique apparaît comme porteur d’une parole inspirée de sa fondamentalité, des besoins de sa vie et de sa condition humaine. La dimension humaine s’analyse tout aussi par l’inviolabilité de la personne de Rawls et de ses droits humains prioritaires exprimant un ensemble de préoccupations de l’homme comme être digne de respect. De surcroît, la biopolitique foucaldienne propose une gestion étatique de l’homme comme être biologique et en tenant compte de sa nature humaine. Le dynamisme du sujet n’a pas su affaiblir les dévouements étatiques vers le maximum d’être, le rayonnement croissant et la pérennité de la domination souveraine. L’éthique publique constitue un espace de justification et de légitimation de la décision publique et des comportements en général. Cela permettra de favoriser le bien-être collectif surtout lorsque l’engagement du sujet rend possible la véridiction nécessaire. John Rawls par l’équité et la justice apporte des valeurs qui permettent de faire de ce bien-vivre de l’homme une priorité de la société bien ordonnée par l’exclusion de toute attitude utilitariste. Car, une société à démocratie constitutionnelle propose un système de valeurs préalablement accepté imposant le respect absolu de la personne, d’où l’idée de la répartition équitable des biens (les libertés fondamentales, la répartition de la richesse au profit des désavantagés et des valeurs politiques qui fondent une entente durable). Même si dans la réalité politique et juridique, la constance de la lutte justifie bien souvent ce qui fait la portée effective de ces valeurs.

    Danielle Schwartz, Justice entre classes d’âge. Au-delà de l’égalité entre les vies complètes, thèse soutenue en 2019 à Sorbonne université sous la direction de Pierre-Henri Tavoillot et Axel Gosseries, membres du jury : Sandrine Blanc (Rapp.), Vincent Vandenberghe    

    La justice entre les classes d’âge est un domaine encore sous-étudié. Il n’est pas évident de savoir a priori comment traiter de manière équitable deux personnes d’âge différent. L’égalité doit-elle être respectée à chaque moment de la vie de ces personnes ou bien suffit-il de se concentrer sur l’égalité entre leurs vies complètes? Y a t-il des raisons de privilégier les âgés ou les plus jeunes ? L’égalité entre les classes d’âge constitue t-elle le seul objectif à poursuivre ou bien faut-il s’intéresser aussi aux inégalités au sein d’une même classe d’âge ? Faut-il se préoccuper de ce que les espérances des vies des individus sont différentes ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles cette thèse a pour ambition de répondre. On trouvera dans la présente thèse l’élaboration d’une théorie complète de la justice entre les classes d’âge avec ses fondements et ses justifications ainsi que son application à des politiques publiques contemporaines.

    José Álvarez Sánchez, Repenser la responsabilité lors de la mondialisation : vers une conception de la méta-responsabilité, thèse soutenue en 2017 à Sorbonne Paris Cité sous la direction de Corine Pelluchon, membres du jury : Emmanuel Picavet (Rapp.), Speranta Dumitru et Robert Howse  

    Les domaines de la philosophie et de la théorie politique ont connu un certain nombre de changements au cours des quarante dernières années. L'un attire notre attention tout particulièrement ; le basculement d'un point de vue national, cristallisé par le contrat social rawlsien, vers un point de vue non-national. En effet, plusieurs penseurs abordent un ensemble de phénomènes considérés comme nouveaux, tels que les traités de libre commerce et l'économie globale, les entreprises et les institutions supra et transnationales, l'immigration et les contrôles frontaliers etc. Ces changements sont intéressants puisqu'ils obéissent, principalement, à une évolution majeure du terrain politique et social que l'on appelle mondialisation. Les théoriciens travaillant dans le domaine de la justice globale semblent s'adresser à deux questions différentes mais reliées. La première concerne la justice globale : dans quelle mesure et pourquoi l'ordre mondial est-il juste ou injuste ? Qu'est-ce qu'un ordre global juste ? La deuxième est dans un sens corollaire à la première, et concerne la responsabilité : qui devrait être blâmé ou digne d'éloge pour l'ordre mondial ? Est-ce que les citoyens sont responsables de l'ordre mondial ? Qui devrait redresser ses éventuelles conséquences injustes ? Face à l'économie mondialisée et aux institutions politiques et économiques internationales et trans-nationales, cette interrogation devient légitime et nécessaire : suis-je responsable à l'égard des travailleurs des sweat shop lorsque j'achète des habits à Auchan ou bien à l'égard des caféiculteurs très mal payés lorsque je prends un capuccino dans un café Starbucks ? Est-ce que les citoyens sont responsables des traités de libre commerce que leurs gouvernements signent ? Ces questions sur la responsabilité des individus dans le contexte de la mondialisation seront l'enjeu de ce travail de recherche. Nous interrogerons plus exactement la responsabilité d'un agent lorsqu'il fait partie d'un chaîne causale complexe, lorsqu'il participe d'une injustice structurelle. Ainsi, il ne s'agit pas seulement d'une chaîne causale, mais de connexions qui sont l'issue d'un changement des modes de productions, de consommation et de la concurrence dans un marché mondialisé. Plus important encore, il ne s'agit pas simplement de la responsabilité individuelle mais plutôt de la responsabilité individuelle en tant que citoyen, et donc d'une responsabilité politique. Elle peut certes être individuelle, mais nous devons tenir compte du fait qu'elle doit être pensée en tant que responsabilité politique, et pas uniquement morale, puisque l'individu et ses actions sont déterminés par des communautés politiques dans lesquelles il participe, ou dans lesquelles il est représenté. Ainsi, la mondialisation nous invite à repenser la responsabilité individuelle pour pouvoir rendre compte des intuitions morales et politiques qui guident une bonne partie du champ de la justice globale. Pour cela, nous verrons dans un premier temps la manière dont les théories de la justice globale essaient de répondre à ce défit. Grâce à cela nous dégagerons l'hypothèse qui nous guidera, l'idée que dans la mondialisation, un agent peut être responsable, avec d'autres, des raisons pour lesquelles il n'est pas considéré comme responsable. C'est-à-dire qu'il sera méta-responsable. Dans un second temps, nous essaierons de déterminer un model de responsabilité individuelle, et de comprendre comment la responsabilité est attribuée. Ensuite, nous essaierons de formuler une manière de concevoir la responsabilité politique. Grâce à ces deux éléments, la responsabilité individuelle et la responsabilité politique, nous pourrons parvenir à formuler une conception de la méta-responsabilité comme forme de penser l'agentivité traversée par la mondialisation.

    Fidèle Bahou, La question de la conquête de l'humanité et de la dialectique de la reconnaissance à partir du passage "domination et servitude" de la section "conscience de soi" dans la phénoménologie de l'esprit de Hegel., thèse soutenue en 2016 à Paris 8 sous la direction de Stéphane Douailler, membres du jury : Étienne Tassin  

    Cette thèse étudie la question de l’accès à l’humanité qui se laisse penser au sein d’une longue tradition selon la double orientation d’un passage de la nature à la culture et de la vie isolée à un univers d’altérités partagées. G.W. Hegel en a spectaculairement repris et énoncé pour la philosophie les termes en lui donnant la forme d’une dramaturgie de la conscience embrassant la totalité du savoir et de l’expérience au sein du mouvement historique. La thèse retrace l’épopée de la conscience au travers de ses différents stades, depuis la naïveté première de la > jusqu’à l’universalité du > Elle analyse la réception plurielle de Hegel dans le discours philosophique et sociologique moderne. En prenant comme fil rouge la dialectique hégélienne de la reconnaissance, cette thèse soumet à l’examen ses réappropriation successives chez Bourdieu, Honneth et Girard. Bourdieu insiste sur l’importance des facteurs culturels et symboliques dans les mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales et accorde une place de choix à la violence symbolique. La réception honnethienne de Hegel soutient que la société n’est pas un agrégat d'individus égoïstes mus par le calcul rationnel de leurs intérêts. Les hommes ont des attentes morales et les luttes sociales sont des > Quant à Girard, il révèle la dimension conflictuelle de l’imitation et son rapport avec la violence. Le mimétisme engendre la rivalité, mais en retour la rivalité renforce le mimétisme.

    Jérôme Esnouf, Tracer pour traverser ? : enquête sur les origines et les fondements de la frontière politique, thèse soutenue en 2015 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Astrid von Busekist, membres du jury : Marc Crépon (Rapp.), Myriam Revault d'Allonnes  

    Assimilées à des fronts arbitraires, les frontières politiques sont devenues à notre époque le signe et le modèle de la limite brutale et injuste. A ne plus vouloir distinguer les groupes humains nous continuons pourtant à les séparer, mais différemment et selon des formes renouvelées du rapport de domination. En supprimant la dimension politique des frontières, ainsi, nous les démultiplions tout en créant des murs et des barrières aux proportions inédites. Notre travail tâche de comprendre comment bien séparer afin de pouvoir mieux unifier. Cela implique de poser certaines questions préalables. Y a-t-il un sens universel et initial au traçage de toute limite dans le sol ? Par quel type d’évolution les limites traditionnelles devinrent-elles des frontières modernes ? Qu’est-ce qu’une frontière au sens pleinement démocratique du terme ? Une frontière n’est pas une limite, car leur légitimité respective n’a pas la même source : une limite se fonde sur une transcendance, tandis que la frontière est auto-référentielle. La raison formelle, en Occident, aura fini par s’imposer à la nature et à la divinité. Il s’agit alors de comprendre le passage historique de l’une à l’autre en suivant les rapports successifs des hommes au symbole, au territoire et au pouvoir. Plus profondément encore, les diverses manières de clore la communauté sociale engagèrent à chaque fois, jusqu’aux prémisses théoriques contemporaines du cosmopolitisme politique, une compréhension renouvelée de son ouverture possible vers les formes diverses de la liberté. Enquêter sur les fondements et les origines de toute séparation politique, en ce sens, revient à retrouver sur le plan historique et normatif à la fois les traces de l’universel concret, celui qui ouvre par la clôture et dont l’idéal est rendu sensible par sa matérialisation dans l’espace.

    Chloë Vidal-Kratochvil, La prospective territoriale dans tous ses états. Rationalités, savoirs et pratiques de la prospective (1957 - 2014), thèse soutenue en 2015 à Lyon École normale supérieure sous la direction de Michel Lussault et Jean-Jacques Wunenburger, membres du jury : Martin Vanier (Rapp.), Isabelle Lefort, Vincent Berdoulay et Philippe Estèbe  

    Développée dès la fin des années 1960 en France à partir de l’application des principes de la prospective, issus des travaux du philosophe Gaston Berger, à l’aménagement du territoire, la prospective territoriale fait aujourd’hui l’objet de nombreuses démarches tant au niveau étatique qu’au niveau des collectivités territoriales. Cette recherche propose d’interroger le sens des pratiques hétérogènes auxquelles elle a donné lieu, et entreprend pour ce faire de dénaturaliser la prospective devenue, au gré de ses différentes traductions dans les mécanismes de la décision publique, un « objet » aux contours imprécis. Nous proposons d’appréhender la prospective, d’abord présentée par Berger comme une « technique rationnelle » œuvrant à rendre l’action efficace pour l’homme, comme un « instrument de gouvernementalité » ou encore un « instrument d’action publique » producteur de normes (et en particulier de normes territoriales), ainsi que de mettre en exergue les conséquences des métamorphoses de la régulation politique sur l’état de cet « instrument prospective » et ses effets. En tant que rationalité cognitive (mode de connaissance du territoire), la prospective territoriale semble d’une part opérer un retour à la question anthropologique : elle se fait sociétale, toujours plus attentive aux pratiques spatiales. En tant que rationalité politique (mode d’administration de l’institution et du territoire), ses démarches deviennent d’autre part le lieu d’une mise à l’épreuve des catégories démocratiques encore liées à l’idéal moderne du territoire. Il appert ainsi que l’examen des dispositifs de prospective territoriale présente un intérêt pour l’analyse de la dimension spatiale de l’action politique, comme pour celle des modalités évolutives de l’action publique.

    Ophélie Desmons, Les présupposés du libéralisme politique : quelle justification ? John Rawls et l'hypothèse herméneutique, thèse soutenue en 2013 à Lille 3 sous la direction de Patrice Canivez et Jocelyn Maclure, membres du jury : Patrick Turmel (Rapp.), Christian Berner    

    Pour de nombreux architectes du libéralisme politique contemporain, la neutralité constitue une caractéristique définitionnelle du libéralisme politique. Il est pourtant clair que ces nouvelles formulations du libéralisme ne sont pas exemptes de tout présupposé substantiel. Le libéralisme politique de Rawls, par exemple, accorde de la valeur aux notions de liberté, d'égalité et d'équité. Comment la présence de tels présupposés substantiels est-elle conciliable avec la prétention à la neutralité ? Tel est le problème qui est à l'origine de ce travail de recherche. Pour le résoudre, un vaste travail d'explicitation des présupposés du libéralisme, et plus particulièrement du libéralisme politique de John Rawls, ainsi qu'une étude critique du terme « neutralité » ont été réalisés. Avec Rawls, contre une conception procédurale de la neutralité, je défends la neutralité des justifications et démontre qu'elle constitue la conception de la neutralité la plus plausible. Une justification neutre est définie comme justification fondée sur des conceptions communes, c'est-à-dire partagées. Se pose alors la question de la justification de ces présupposés substantiels tenus pour communs. J'indique comment, chez Rawls, la question de la justification reçoit une réponse conceptuelle. Rawls résout cette question en soutenant une conception cohérentiste de la justification et en développant un certain nombre de concepts innovants, au premier rang desquels l'équilibre réfléchi, dont je défends une conception extensive. Si puissants que soient ces outils conceptuels, dans la mesure où les présupposés du libéralisme sont considérés comme étant implicites dans la culture politique publique, ces présupposés semblent néanmoins appeler une autre forme de justification : une justification herméneutique. Si les présupposés du libéralisme sont le résultat d'une interprétation, il faut être capable de rendre raison de cette interprétation. La deuxième partie de ce travail se met en quête d'une telle justification herméneutique, en se fondant sur l'hypothèse qu'elle est disponible dans les travaux que Rawls consacre à l'histoire de la philosophie : les Lectures on the History of Moral Philosophy et les Lectures on the History of Political Philosophy. Pour de nombreux architectes du libéralisme politique contemporain, la neutralité constitue une caractéristique définitionnelle du libéralisme politique. Il est pourtant clair que ces nouvelles formulations du libéralisme ne sont pas exemptes de tout présupposé substantiel. Le libéralisme politique de Rawls, par exemple, accorde de la valeur aux notions de liberté, d'égalité et d'équité. Comment la présence de tels présupposés substantiels est-elle conciliable avec la prétention à la neutralité ? Tel est le problème qui est à l'origine de ce travail de recherche. Pour le résoudre, un vaste travail d'explicitation des présupposés du libéralisme, et plus particulièrement du libéralisme politique de John Rawls, ainsi qu'une étude critique du terme « neutralité » ont été réalisés. Avec Rawls, contre une conception procédurale de la neutralité, je défends la neutralité des justifications et démontre qu'elle constitue la conception de la neutralité la plus plausible. Une justification neutre est définie comme justification fondée sur des conceptions communes, c'est-à-dire partagées. Se pose alors la question de la justification de ces présupposés substantiels tenus pour communs. J'indique comment, chez Rawls, la question de la justification reçoit une réponse conceptuelle. Rawls résout cette question en soutenant une conception cohérentiste de la justification et en développant un certain nombre de concepts innovants, au premier rang desquels l'équilibre réfléchi, dont je défends une conception extensive. Si puissants que soient ces outils conceptuels, dans la mesure où les présupposés

  • Augustin Sersiron, Libéralisme ou capitalisme ? Recherches sur la question du meilleur régime économique, thèse soutenue en 2021 à Sorbonne université sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Catherine Audard (Rapp.), Marc Fleurbaey (Rapp.), Axel Gosseries  

    Traitant la question du meilleur régime économique dans une démarche de philosophie politique appliquée, nous menons une critique du capitalisme d’un point de vue non pas marxiste mais libéral, au sens de la doctrine fondant la démocratie moderne. Nous appliquons les critères de justice de Rawls aux statistiques de Piketty sur les inégalités pour montrer que le capitalisme est injuste, ce qui exige de forger une interprétation projective, réellement applicable, du principe de différence. Passant de l’évaluatif au prescriptif, nous proposons un régime alternatif : l’équitéisme, qui place en son cœur non plus le capital, mais l’équité. Plutôt que l’accroissement de la réglementation ou de la fiscalité, nous prônons une réforme en profondeur des institutions organisant la circulation de la richesse (la monnaie), sa production (l’entreprise) et sa transmission (l’héritage). Ligne de crête entre libertarianisme et républicanisme, cet institutionnalisme libéral requiert une forme de criticisme juridique distinguant, au sein du droit positif, deux types de dispositions : celles qui transcrivent des droits naturels à sanctuariser (propriété, liberté contractuelle) et celles du « droit positif pur » que l’État institue souverainement, pour conférer aux agents des droits surérogatoires par rapport aux droits naturels. Cela autorise la mise en place des trois piliers de l’équitéisme : la monnaie libre (désencastrée du marché de la dette), l’entreprise partenariale (émancipée de l’actionnariat) et l’héritage universel (libéré du cadre lignager). Échappant à l’emprise du capital, cette économie de marché non capitaliste respecterait la justice commutative, distributive et attributive.

    Jorge Karel Leyva Rodriguez, Culturalisme libéral et républicanisme néo-romain : réponses normatives à la diversité culturelle et religieuse, thèse soutenue en 2019 à Paris Sciences et Lettres ComUE sous la direction de Philippe Portier et Solange Lefebvre, membres du jury : Roberto Merrill (Rapp.), Jean-Marie Donegani (Rapp.), Alain Gignac et Marc-Antoine Dilhac  

    Cette thèse examine les réponses que le culturalisme libéral et le républicanisme néo-romain donnent à la question de savoir quelle position l’État démocratique doit adopter dans des contextes caractérisés par la présence d’individus et de groupes ayant des engagements culturels et religieux différents de ceux de la culture et de la religion majoritaires. Notre étude constitue un exercice de reconstruction théorique original et comparatif de la réponse apportée à cette question par huit théories politiques dominantes se situant au sein de ces deux courants. En ce qui concerne le culturalisme libéral, la thèse examine les réponses apportées par la théorie du droit des minorités (Kymlicka), la théorie perfectionniste (Raz), la théorie nationaliste (Tamir) et la théorie neutraliste (Patten). Pour ce qui est du républicanisme néo-romain, la thèse examine la théorie de la liberté et du gouvernement (Pettit), la théorie délibérative (Maynor), la théorie critique (Laborde) et le patriotisme républicain (Viroli, Habermas et Laborde). Cette recherche se veut une contribution à la clarification et systématisation de ces théories, et une défense de l’idée selon laquelle le libéralisme et le républicanisme sont tous deux philosophiquement compatibles avec la prise en compte gouvernementale de la diversité culturelle et religieuse, notamment en raison de l’adaptation de leurs principes fondamentaux à la réalité pluriculturelle contemporaine.

    Haochen Deng, Deux critiques de la modernité politique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : une étude comparée. Leo Strauss et Theodor Adorno, thèse soutenue en 2018 à Sorbonne université sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Corine Pelluchon    

    L’objectif de ce travail est d’étudier parallèlement les critiques de la modernité développées à partir de deux positionnements philosophiques en grande partie antithétiques représentées ici par leurs figures de proue : Leo Strauss et Theodor Adorno. Nés et décédés presque aux mêmes moments sans s’être connus, ils seront interrogés ici, en particulier, à partir de leurs manières respectives de faire face aux multiples défis lancés en 1945 à la réflexion philosophique. La première section de cette étude examine leurs philosophies comme celles de penseurs se représentant eux-mêmes à travers leurs réactions différentes à l’antisémitisme. La deuxième section analyse leurs relations critiques, de teneurs fortement distinctives, à la pensée de Heidegger, vis-à-vis de laquelle chacun élabore à sa manière une démarche de rupture. La troisième section aborde, comme constituant des points de croisement entre Strauss et Adorno, deux discussions jouant un rôle-clé dans leurs pensées : d’une part avec le positivisme des sciences sociales ; d’autre part, avec la modernité, identifiée comme affrontant une crise consubstantielle à ses options spécifiques. Ces deux discussions font apparaître paradoxalement plusieurs points de convergence entre des démarches si opposées. La dernière section examine les deux solutions à l’égard du problème de la modernité, l’une macrologique s’appuyant sur les sources médiévales, l’autre micrologique demeurant dans le sillage de l’Aufklärung. Une discussion s’amorce dans la conclusion quant à ce qu’il peut en être désormais de la postérité conceptuelle de ces deux pensées dans le nouveau contexte qui est aujourd’hui celui de la philosophie politique.

    Isabelle Robineau, Les aidants familiaux : de leur reconnaissance à la fraternité, thèse soutenue en 2018 à Paris Est sous la direction de Roberto Poma, membres du jury : Emmanuel Hirsch (Rapp.), Monique Castillo et Bertrand Quentin  

    Plus de quatre millions de personnes en France accompagnent un proche âgé dans la vie quotidienne. La moitié d’entre elles sont les enfants qui aident leur parent dit « dépendant » en raison d’un problème de santé. Longtemps confinés dans l’enceinte domestique, les aidants familiaux font l’objet depuis une vingtaine d’années d’une prise de conscience par notre société. En effet, leur investissement quotidien, s’il permet de maintenir à domicile leur aîné, peut toutefois porter atteinte à leur propre vie sociale et à leur propre santé. Les aidants familiaux ont besoin d’être soutenus eux-mêmes et ne se sentent pas suffisamment reconnus.Cette thèse a pour objet d’appréhender le monde des aidants familiaux et de la personne âgée dite dépendante à partir de la dimension morale des normes sociales de reconnaissance mises en évidence par Axel Honneth. Les problématiques des aidants ont été identifiées à partir de trois sphères de reconnaissance que sont l’amour, le droit et la solidarité. Celles-ci ont été considérées comme autant de sources d’injustices.Toutefois, « Aider autrui » peut apporter un lot de gratifications morales, en dépit d’une relation asymétrique engageant celui qui aide. L’implication des aidants familiaux auprès de leurs aînés donne corps à la solidarité de proximité basée sur le don.  Bien qu’ils n’en soient pas toujours conscients, les aidants participent au bien commun, en dépit d’une doxa familialiste injonctive présente dans les politiques de la vieillesse de notre pays.La thèse se centre sur l’engagement des aidants pour contredire la vision individualiste et marchande sur laquelle repose la société libérale. L’exemple des aidants permet de penser le lien social sur d’autres critères que la compétitivité et la performance. Ainsi la solidarité de proximité qu’ils incarnent auprès de leurs parents vulnérables s’inscrit dans les valeurs véhiculées par le mouvement du care.  Elle permet de réinvestir notre devise républicaine à travers la fraternité et de placer au cœur du débat politique un nouvel esprit du soin de l’autre et du soin de la collectivité dans notre démocratie.

    Fouade Salime, Diversité et identité nationale en France : pour quels processus d'intégration ? Le cas de Mayotte, thèse soutenue en 2017 à Paris 4 sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Laurent Sermet    

    L'objectif principal de cette recherche consiste à prouver que le modèle d'intégration de la France est défaillant et rencontre plusieurs limites notables, du point de vue d'une justice ethnoculturelle, qu'il refuse toutefois de voir. Il s'agit, en clair, d'accuser une relégation des identités ethnoculturelles différenciées en France. C'est précisément une mécanique discriminatoire « d'exclusion » qui cible, de manière privilégiée, les segments différenciés de la population française, qui est mise en place par ces mêmes processus d'intégration. Trois dimensions sont nodales au bon fonctionnement, pour ainsi dire, de cette mécanique. La première – ou la dernière – est politique. Il s'agit d'un processus républicain qui fonctionne exactement à l'envers par rapport à ses propres ambitions. C'est dire, la formation d'un citoyen universel, la mise en place d'une égalité citoyenne et politique. La deuxième est sociale. Elle disqualifie et ségrègue socialement et spatialement les éléments différenciés de la population. La troisième est morale. Elle condamne les valeurs culturelles des populations différenciées en stigmatisant précisément ces identités ethnoculturelles de par des processus d'insécurité qui sont consubstantiels à la société. À partir de ce constat, la question élémentaire à une philosophie politique s'appliquant à la diversité ethnoculturelle en France consiste à se demander : 1) comment rompre le cercle vicieux de cette relégation ? 2) comment recréer de nouveaux processus d'intégration et avec quel modèle ? Le fameux 101ᵉ département français, ledit « neuf, sept, sita (six) », offre de nouvelles perspectives d'analyses par rapport à cette double problématique.

    Marion Barratault, L’invention philosophique de l’enseignement secondaire. Réformes et controverses dans les États-providence au XXe siècle, thèse soutenue en 2016 à Paris 4 sous la direction de Pierre-Henri Tavoillot, membres du jury : Dominique Ottavi    

    Notre réflexion postule une invention conceptuelle de l'enseignement secondaire qui se distingue d'une invention historique. À travers l'étude des débats suscités par l'élaboration de réformes ou de lois sur l'enseignement secondaire dans les États-providence, nous souhaitons démontrer que le XXe siècle est celui de l’invention philosophique de l’enseignement secondaire. Cette invention se concrétise par la constitution de modèles nationaux d’enseignement secondaire. Nous comparons le modèle républicain français aux modèles libéral anglais, nationaliste allemand, idéaliste italien, libéral états-unien et social-démocrate finlandais. Ces modèles nationaux, aux traditions culturelles et idéologiques différentes, sont confrontés, tout au long du XXe siècle, à des enjeux communs quant à l’accueil et à l’éducation de l’adolescence. Notre réflexion s’étend jusqu’à l’entrée dans le XXIe siècle, par la mise en évidence d’un modèle international d’enseignement secondaire, qui tend à influencer – voire à dissoudre – les modèles nationaux. Nous proposons d’interpréter les processus successifs de démocratisation et de modernisation, de féminisation et de mixité, d'égalité des chances et de mise en place de l'école unique, comme trois phases d'une invention philosophique du secondaire et comme trois moments constitutifs des modèles nationaux d'enseignement secondaire ; modèles qui se trouvent mis en danger à l’entrée dans le XXIe siècle.

    Olivier Gaudin, Configurations urbaines , thèse soutenue en 2016 à Paris EHESS sous la direction de Daniel Cefaï  

    Ce travail porte sur les expériences sensibles en milieu urbain. Les approches philosophiques de la perception peuvent-elles aider à décrire les expériences de la ville ? La philosophie peut-elle, d'autre part, favoriser une meilleure coopération des disciplines urbaines à ce sujet ? À partir d'un corpus de travaux et d'enquêtes menés en France et aux États-Unis, l'étude examine les fondements d'une écologie urbaine de l'expérience sensible. En prenant appui sur les analyses pragmatistes, phénoménologiques et psychologiques de la perception, je formule quatre concepts pour décrire les expériences urbaines. Un usage sélectif et critique de l'écologie humaine des années 1920 interroge le milieu perceptif, notion qui associe le regard ethnographique et les travaux sur l'environnement perçu. Les milieux urbains sont eux-mêmes configurés par des schématisations perceptives spécifiques : la formation des habitudes des citadins procède de catégorisations et de synthèses qui organisent leurs expériences en situation. Ces habitudes, au sens où les entendaient Mead ou Dewey, mettent en oeuvre des évaluations, inhérentes aux engagements corporels dans les situations, que l'on qualifiera de perceptions normatives. Enfin, l'étude examine le caractère perspectiviste des expériences en public, trait constitutif de « l'ordre de l'interaction » des milieux urbains. Elle en interroge la possible portée politique. Tout au long de la thèse, ces quatre notions sont discutées du point de vue d'une philosophie pragmatiste des sciences sociales et confrontées à des travaux d'études urbaines (sociologie, anthropologie, géographie) mais aussi à certaines descriptions et démarches artistiques (littérature, photographie, cinéma), à la théorie de l'architecture, ainsi qu'à l'histoire du paysage et de l'urbanisme.

    Giulia Pozzi, Justice distributive, justice productive : l'approche par les capabilités entre fondation et application, thèse soutenue en 2014 à Paris 4 sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Catherine Audard et Ryoa Chung    

    Depuis Aristote, l’idée de justice est assimilée à celle de distribution. Or, à quelle démarche pourrait correspondre la réalisation de la justice capabilitaire, définie comme égale possibilité, pour chacun(e), de poursuivre sa « liberté réelle » ? Certains écrits de Sen suggèrent, selon une perspective qui pourrait être qualifiée de « post-marxiste », qu’il s’agirait de pouvoir subvenir aux besoins des personnes ; et ce, aux échelles sociale et globale. Je propose deux concepts pour préciser une telle formule : celle de « besoins-libertés », indiquant les besoins dont dépend l’accomplissement de la liberté réelle, et celle d’« empêchements », désignant ce qui fait obstacle à cette même liberté. La justice en ressort liée à l’idée de production d’au moins trois façons : les limitations de liberté sont toujours produites par des facteurs structurels, dont certains mécanismes de la production globale ; les revendications des personnes et des groupes constituent des indicateurs importants de ces mêmes limitations, et contribuent à produire un développement humain « par le bas ». J’applique ce cadre théorique à la structure socio-économique de la région frontalière entre le Mexique et les États-Unis, en montrant qu’il repose sur la privation de liberté qu’il inflige tout particulièrement aux femmes. Les dynamiques responsables d’une telle « qualité de vie », y compris celles qui relèvent de la sphère économique, tombent donc de plein droit sous la critique philosophico-politique.

    John-David Nahon, Cosmopolitique d’un espace public mondial. Projet de paix perpétuelle et transformation des relations internationales, thèse soutenue en 2013 à Paris 4 sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Gil Delannoi et Jean-Marc Ferry    

    Comment transformer la structure des relations internationales ? La structure des relations internationales se définit par l’absence de détenteur de la force légitime condamnant les nations à vivre dans un état semi-anarchique composé par le cycle de la guerre et de la paix.Pour résoudre ce problème, problème de la guerre et de la paix parmi les nations, nous convoquerons le modèle de la cosmopolitique, ancêtre de la sécurité collective, union des États et idéal d’une paix perpétuelle légitime et légale. En raison des failles de la cosmopolitique kantienne, et après une étude des grandes théories du cosmopolitisme contemporain – soit la démocratie cosmopolitique, le cosmopolitisme libéral et le cosmopolitisme républicain – nous tâcherons de défendre un projet d’union fédérale cosmopolitique formée par une Assemblée mondiale et une Cour de justice afin d’étendre la légalité, la publicité et la civilité – les trois principes de l’espace public – aux relations internationales. Comment faire émerger, dans le respect de la pluralité des nations, de la liberté des peuples, un espace public mondial grâce à une union cosmopolitique afin de matérialiser l’idéal de la paix perpétuelle ?Mots clés : cosmopolitisme, cosmopolitique, nationalisme, nation, État, État-nation, souveraineté, citoyenneté, espace public, légalité, publicité, civilité, mondialisation, modèle westphalien, sécurité collective, ONU, justice globale, société civile, fédéralisme, guerre et paix

    Paul-Loup Weil-Dubuc, Penser les politiques de santé à l’âge de l’individualisation des risques, thèse soutenue en 2012 à Paris 4 sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Daniel M. Weinstock    

    Ce travail entend redéfinir nos exigences de justice en matière de santé. Dans un premier temps, nous retraçons l’élargissement progressif du champ des politiques de santé à la faveur d’une redéfinition de la santé, intégrant ses facteurs non plus seulement biologiques, mais aussi sociétaux et psychiques. Cette brève généalogie nous mène vers un problème de justice fondamental posé par l’individualisation des risques sanitaires : comment repenser la justice en matière d’accès à la santé, à l’âge où nos connaissances nous permettent de relier plus étroitement que jamais le destin biologique d’un individu aux différents aspects de son identité, et en particulier à son statut social ? Nous examinons ensuite les réponses de l’utilitarisme eudémoniste, du libertarianisme, de la théorie de la reconnaissance et du libéralisme politique à ce problème. Il nous apparaît alors que seule une théorie libérale, en tant qu’elle conçoit la justice comme équité, peut y apporter la réponse la plus complète. Un approfondissement de l’intuition libérale nous conduit à distinguer deux façons principales de penser l’équité en santé : une approche procédurale et une approche empirique, que nous défendons. Enfin, nous évaluons les politiques de santé contemporaines à la lumière des options normatives dégagées dans les parties précédentes. Nous examinons alors trois questions majeures : l’équité des politiques d’accès aux soins dans différents contextes nationaux, la pertinence des politiques de promotion de la santé et la question de savoir si l’équité en matière de santé doit être pensée par-delà les frontières.

    Spyridon Kaltsas, Pour une critique de la théorie de la communication : reconstruction de la raison pratique à partir du concept de responsabilité, thèse soutenue en 2011 à Paris 4 sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Jean-Marc Ferry    

    Dans notre étude, nous retraçons le chemin d’une reconstruction de la raison pratique à partir du concept de responsabilité. La théorie de la communication est en mesure de nous fournir les moyens théoriques pour saisir l’étroite relation entre responsabilité et normativité pratique, tant au niveau de la reconstruction de la raison pratique, qu’à celui de son application. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une reconstruction du mouvement d’ensemble de la pensée de Habermas. Bien au contraire, nous procédons, tel est notre choix méthodologique, par une mise en relief de l’ouverture dialogique de la théorie de la communication à ses interlocuteurs. La théorie de la communication veut restaurer toute la richesse pratique du concept de responsabilité dans ses droits en s’appuyant sur une critique de la subjectivité moderne. Néanmoins, une critique de la théorie de la communication peut montrer que le moment de la constitution de l’intersubjectivité va de pair avec celui du sujet de la communication.

    Sandrine Blanc, La social-démocratie. Principes et évolutions d’un modèle politique et social, thèse soutenue en 2011 à Paris 4 sous la direction de Alain Renaut, membres du jury : Stéphane Haber    

    Notre thèse offre une lecture des clivages philosophiques à l’arrière-plan de la trajectoire sociale-démocrate. Nous dégageons ainsi deux modèles interprétatifs des institutions sociales-démocrates : le modèle du compromis et celui du libéralisme égalitaire. Sortie de l’orbite marxiste orthodoxe et sur fond d’antinomie entre capitalisme et socialisme, la social-démocratie classique a bien été mise en place dans une logique de compromis par des partis sociaux-démocrates attachés au principe d’appropriation socialiste. Nous avançons qu’il est également possible de réinterpréter le résultat de cette trajectoire historique à partir des exigences rawlsiennes de la justice comme équité, à condition de les étendre à la gouvernance d’entreprise. Ces deux modèles interprétatifs s’opposent sur la question du pluralisme des conceptions de la justice et engagent chacune une conception spécifique de la justice sociale. De plus, ils entraînent des réponses distinctes à la crise contemporaine de la social-démocratie. Le modèle du compromis adapte son projet au nouvel équilibre des forces résultant d’une sociologie politique renouvelée : c’est la piste empruntée par le New Labour. Le modèle libéral égalitaire invite plutôt, sur la base d’une défense de la teneur rawlsienne des principes de justice, à une adaptation des institutions permettant de garantir ou de restaurer leur stabilité. Au final, l’écart entre ces deux identifications possibles constitue l’une des questions majeures auxquelles la tradition sociale-démocrate devra répondre pour clarifier le modèle qu’elle souhaite assumer au XXIème siècle.