Jean d'Aspremont

Professeur
Droit public.

ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Omar Kamel, Mass media & the laws of war : the concept and practice of legal muting, thèse soutenue en 2024 à Paris Institut détudes politiques présidée par Bertrand Badie, membres du jury : Kevin Jon Heller (Rapp.), Jayne C. Huckerby (Rapp.), Horatia Muir Watt et Mohsen Al Attar    

    Cette thèse présente le concept du « mutisme juridique » (legal muting) - un ensemble de pratiques discursives qui atténuent ou subvertissent les considérations juridiques dans la couverture médiatique des conflits armés. À travers une analyse quantitative et qualitative de trois conflits (Irak 2003, Ukraine 2022 et Gaza 2023), cette étude démontre comment les médias emploient des techniques discursives qui façonnent la compréhension publique du droit international. S'appuyant sur l'affirmation de James Lorimer selon laquelle « la force contraignante du droit international dépend du sentiment public et de l'opinion publique, tels qu'articulés par la presse », cette recherche examine le rôle des médias comme principaux interprètes des normes juridiques internationales. En l'absence de canaux institutionnalisés pour la diffusion du droit international, les médias comblent un « vide communicatif », façonnant la compréhension publique des enjeux juridiques. Le mutisme juridique se manifeste alors dans leurs représentations des conflits par deux mécanismes principaux : la minimisation, et la focalisation variable. L'analyse révèle que le mutisme juridique est un processus qui perdure à travers les trois conflits malgré l'évolution du paysage médiatique, bien que ses manifestations varient. Les implications sont profondes pour les praticiens du droit, dont les communications publiques subissent une transformation continue, et pour les chercheurs, confrontés à une nouvelle source de production de connaissances juridiques. Cette étude rappelle aussi que la force contraignante du droit international dépend en partie de sa capacité à être compris et légitimé par le public qu'il sert.

    Jules Cosqueric, De la machine au chaos ? Une généalogie du discours normatif sur le génocide, thèse en cours depuis 2024 

    Aditya Sharma, The Ramayana and the Mahabharata as Stories in International Law, thèse en cours depuis 2024 

    Darina Petrova, From the rich countries club to the end of the land : green worldmaking in five acts, thèse soutenue en 2023 à Paris Institut détudes politiques présidée par Régis Bismuth, membres du jury : Fuad Zarbiev (Rapp.), Helena Alviar García, Jorge Luis Esquirol et Christine J. Walley    

    Cette thèse utilise l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme plate-forme d'observation pour examiner quels arguments, outils et mécanismes ont été utilisés tout au long des étapes de création d'arrangements juridiques qui ont défini et appliqué le « vert » dans la gouvernance mondiale. Utilisant une approche de fabrication de mondes et s'inspirant des études juridiques critiques, des études des sciences et des technologies (STS) et de l'anthropologie, cette thèse aborde la question de recherche à travers cinq histoires distinctes mais interconnectées, présentées sous forme d'actes. Chaque acte examine la question de recherche sous un angle différent, en travaillant avec des dimensions globales, nationales et locales. Tandis que les quatre premières actes se concentrent sur l'OCDE, le dernier acte déplace l'histoire sur la péninsule de Yamal dans l'Arctique russe pour observer comment les normes vertes promues par cette organisation se concrétisent dans la pratique. En combinaison, les cinq actes forment un arc, qui représente la trajectoire de l'universel néocolonial et de la politique libérale depuis la fin de la seconde guerre mondiale et leurs interactions avec d'autres projets de fabrication des mondes. Cette méthode offre l'espace pour observer les problèmes dans toute leur complexité et leur ambiguïté, pendant que la combinaison et la juxtaposition des actes permettent de souligner des incohérences ou des «contradictions dans les termes» plus larges et de tirer des conclusions plus générales. Par cette approche, la thèse fait remonter à la surface certains liens sémiotiques qui étaient cachés et déconnectés dans le projet et la trajectoire de mondialisation, et sa dernière version « verte ».

    Mostafa Taherkhani, Derrida's New International as a Supplement for Martti Koskenniemi's Indeterminacy of International Law, thèse en cours depuis 2022 

    Rashmi Dharia, Literary and Cognitive Devices in International Dispute Settlement, thèse en cours depuis 2019 

    Thibault Moulin, Le cyber-espionnage en Droit international, thèse soutenue en 2018 à Université Grenoble Alpes ComUE en co-direction avec Théodore Christakis et Iain Scobbie présidée par Toby Seddon, membres du jury : Nikolaos K. Tsagourias (Rapp.), Duncan B. Hollis (Rapp.), Karine Bannelier-Christakis et Michael Galanis    

    Les Etats s’espionnent depuis des siècles, soulevant des tensions. Toutefois, une régulation expresse ne peut être trouvée que dans le droit des conflits armés. Alors que les espions peuvent être capturés et punis, il est paradoxalement admis que leur envoi en temps de guerre n’est pas contraire au droit international. En revanche, aucune règle expresse ne vient réglementer l’espionnage en temps de paix. Une appréhension indirecte n’existe que par le biais de la souveraineté territoriale. En effet, en l’absence de son consentement, l’envoi d’un agent sur le sol d’un territoire étranger est illégal. Cela fait écho à la position ambivalente des Etats sur la scène internationale, qui ont toujours envoyé des espions en territoire étranger. Quand ces agents sont capturés, l’Etat peut les punir conformément à sa législation pénale, protester ou les échanger. Toutefois, l’applicabilité de ce cadre juridique est remise en question par l’émergence du cyber-espionnage, dans la mesure où la présence physique d’un agent n’est plus requise. Le fil d’Ariane de cette thèse est donc de savoir si la dématérialisation et la déterritorialisation de l’espionnage prévient l’application des règles de droit international au cyber-espionnage.La doctrine a tenté de faire face à ce manque de régulation expresse et ces changements. Les auteurs ont habituellement proposé d’appliquer les traités existants, d’examiner la légalité du cyber-espionnage à la lumière des règles de souveraineté et de non-intervention, ou essaient d’identifier de nouvelles règles coutumières. Toutefois, cette thèse perçoit de nombreux problèmes dans cette démarche. En effet, seules de rares références sont faites aux règles d’interprétation contenues dans la Convention de Vienne sur le Droit des Traités, les conclusions de la Commission de Droit International (CDI) sur l’identification du droit international coutumier, ainsi qu’à la pratique étatique. De plus, de nombreuses analogies reposent sur la supposition erronée que le territoire et le cyberespace sont similaires.Huit instruments sont analysés dans cette thèse. Afin de déterminer ce qu’ils ont à dire au sujet du cyber-espionnage, cette recherche propose de recourir aux règles officielles d’interprétation contenue dans la Convention de Vienne, les conclusions de la CDI, et d’incorporer le montant maximum de pratique étatique. Cette thèse conclut finalement que le cyber-espionnage ne viole pas les règles de souveraineté, de non-intervention, la Charte des Nations Unies, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et la Constitution de l’Union Internationale des Télécommunications. Elle révèle également que la plupart des règles applicables en temps de guerre sont inapplicables, et que ni l’espionnage ni le cyber-espionnage ne sont interdits par le droit international coutumier. Seule la surveillance des archives et documents digitaux, ainsi que la correspondance électronique et vocale violent la Convention de Vienne sur les Relations Diplomatiques.

    Clarisse Anceau, A feminist approach to the right of peoples to self-determination, thèse en cours depuis 2018 

  • Zeynep Yildirim, International adjudication re-thought : the ECtHR, the WTO dispute settlement, the ICSID and the legal system, thèse soutenue en 2023 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Mikhaïl Xifaras, membres du jury : Ayşe Işıl ERGÜVENÇ (Rapp.), Rasulov Akbar (Rapp.), Duncan Kennedy et Julie Saada-Gendron    

    Le droit ou le système juridique est lui-même en transition, conformément aux restructurations fondamentales de notre époque. Cette transition correspond surement à l’émancipation du système juridique des frontières de l’État national ainsi que des cadres du droit international public et à la reconstitution globale du système juridique en tant que système social fonctionnellement différencié. L’un des principaux moyens par lesquels elle se déroule est certainement « la nouvelle génération de contentieux international », qui se distingue par la juridiction obligatoire/quasi obligatoire, l’implication de parties, intérêts et enjeux non-étatiques et son champ d’application. Je l’appelle aussi le contentieux international « à part entière » dans la mesure où, en dernière analyse, ces tribunaux internationaux sont capables de remplir les fonctions de contentieux dans le système juridique. Afin d’arguer un changement probable et d’anticiper ce qu’un tel changement va apporter, il faut d’abord se tourner vers les structures, les développements et les défis actuels. Une telle démarche est une condition préalable pour saisir l’ensemble des restructurations en cours dans l’État, le droit et la manière dont on élabore les normes juridiques. Une telle démarche est indispensable pour pouvoir spécifier le droit dans les cartes mondiaux de pouvoir et d’influence. La structure, le développement ou bien le défi actuel vers lequel on doit s’orienter est le contentieux international, le contentieux déployé au niveau international. La nouvelle génération de contentieux international permet la (re)constitution globale du système juridique ou la constitution d’un système juridique global et véritablement dénationalise le droit.

    Alberto Rinaldi, From Byron to the Islamic State : exploring the figure of the ‘Foreign Combatant' in international law (1907 - present), thèse soutenue en 2019 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Emmanuelle Jouannet et Mikhaïl Xifaras, membres du jury : Luigi Nuzzo (Rapp.), Anne Orford (Rapp.), Martti Koskenniemi  

    Cela fait maintenant un certain temps que la figure du « combattant/volontaire étranger » hante le droit international. Acteur hybride allant de l'aventurier romantique à l'idéaliste engagé, au mercenaire raciste de droite, et, récemment, au terroriste international, le « combattant étranger » se montre extrêment difficile à systématiser en utilisant les catégories formelles du droit. Plus précisément, ces catégorisations sont aussi le résultat d'évaluations hautement contextuelles et profondément politisées de qui doit être considéré comme un combattant étranger « bon » ou « légitime ». À ce titre, elles ont œuvré à exclure d'autres combattants étrangers présents sur le champ de bataille, ainsi qu'à délégitimer des adversaires politiques dans ces luttes idéologiques dans le contexte des conflits armés non-internationaux. En faisant un détour par trois moments distincts de l'histoire récente de la guerre civile, cette thèse souhaite montrer comment des « figures » différentes du combattant étranger ont façonné et continuent de façonner les conversations juridiques des représentants des États, des législateurs, des avocats internationaux et des tribunaux nationaux à des moments et à des endroits très différents. Ces « figures » sont présentes en arrière-plan des divers arguments et positions des législateurs, imprégnant et donnant forme à leurs imaginaires juridiques. Elles constituent un répertoire ambivalent qui peut être revivifié et utilisé à chaque fois pour caractériser la nature bonne ou mauvaise des causes des combattants étrangers, contribuant en cela à faire du « combattant étranger » une catégorie très ambivalente dont l'héritage ne cessera de hanter le droit international.

  • Antoine Jamet, Les organes de contrôle des organisations internationales ouverts aux personnes privées tierces, thèse soutenue en 2024 à université ParisSaclay sous la direction de Patrick Jacob présidée par Évelyne Lagrange, membres du jury : Pierre Bodeau-Livinec (Rapp.), Géraldine Giraudeau et Nicola Bonucci      

    L'ouverture du contrôle des organisations internationales aux personnes privées tierces s'inscrit dans une complexification de l'espace public international. Celle ci est marquée par un renouvellement de l'exigence de légitimité des organisations internationales, qui se voient confrontées à la nécessité de se montrer responsables, tant vis à vis de leurs États membres que vis à vis des individus et populations concernées par l'accomplissement de leurs fonctions. Il en découle l'émergence d'un nouveau rapport de responsabilité pertinent dans l'ordre juridique international entre organisations et personnes privées tierces, formalisé à travers la création des organes de contrôle.La formalisation de ce nouveau rapport de responsabilité entraîne une complexification de l'espace institutionnel international. Avec l'indépendance et l'impartialité des organes de contrôle, les organisations internationales affirment leur autonomie dans le cadre de leurs relations avec les sujets de droit internes des États que sont les personnes privées tierces. Mais les organes de contrôle expriment également le renforcement du contrôle des États membres sur les organisations internationales à travers les organes exécutifs où ils sont représentés, auxquels les organes de contrôle adressent leurs déterminations.Cette ambiguïté de la finalité de l'ouverture du contrôle des organisations aux personnes privées tierces se retrouve dans le régime de responsabilité mis en œuvre, en particulier dans les normes secondaires de mise en œuvre de la responsabilité interne des organisations. Quant aux normes primaires encadrant l'accomplissement de la fonction des organisations mises en œuvre par les organes de contrôle, elle ne clarifient pas réellement la question de l'origine des obligations pèsent sur les organisations en tant que sujets de droit international.Mais c'est surtout au stade de la réparation que cette ambiguïté est rendue la plus apparente. La pratique des organes de contrôle montrant que l'ouverture du contrôle aux personnes privées tierces est au final plus tournée vers la réparation du sujet du contrôle - l'organisation internationale elle même - que vers la réparation de l'objet du contrôle - le dommage subi par les requérants.

    Julien Navier, Approche juridique du financement des programmes onusiens, thèse soutenue en 2023 à Université Paris Cité sous la direction de Anne-Thida Norodom présidée par Sarah Cassella, membres du jury : Valère Ndior (Rapp.)    

    La question du financement des Nations Unies fait l'objet d'une littérature scientifique fournie. Les sciences politiques, les finances publiques et les relations internationales sont régulièrement convoquées pour analyser l'architecture du financement onusien d'une part et comprendre les dynamiques budgétaires qui en découlent d'autre part. En l'état, l'étude des mécanismes de financement conforte un sujet nécessairement ambitieux mais néanmoins trop descriptif en droit. Faute d'un objet identifié en amont, l'analyse du financement des Nations Unies présente le risque d'être certes exhaustive sur le volet de ses mécanismes, mais inaboutie sur le volet de ses fonctions. Nous pensons donc qu'une analyse de nature juridique est susceptible de combler ces lacunes en faisant du programme onusien, un objet d'étude permettant d'éclairer plus en profondeur le sujet de son financement. En droit, la doctrine s'est peu penchée sur la fonction juridique du programme onusien dans le cadre d'opérations tierces concourant à son financement. Premièrement, nous distinguons un intérêt relatif à l'originalité de la problématique, son absence de traitement épistémologique et les conséquences impliquées par cette ignorance témoignée jusqu'à présent. Deuxièmement dans l’entrelac des normes, standards et règles appliquées au financement onusien, nous avancerons l'argument qu'un ensemble normatif est néanmoins identifiable. A rebours d'une approche strictement politiste, nous chercherons à confirmer que l'effectivité des opérations contributives à l'action onusienne, implique une participation des sujets de droits à l'ensemble normatif du financement onusien. En amont des opérations de financement des programmes onusiens, une analyse juridique de ses normes nous permettra de dresser les contours d'un système garantissant la mise en œuvre du financement onusien. Nous verrons que la logique et le raisonnement appliqués à l'ensemble normatif s'appuient sur une méthode analytique nourrie de l'interprétation juridique d'un fait en droit international. Nous relèverons que les pratiques des opérateurs onusiens tout comme celles des donateurs ne font l'objet d'aucune codification et partant, témoignent d'une applicabilité a priori réduite à la simple volition. L'absence de règles formelles, néanmoins compensée par une rigueur pratique, nous permettra de comprendre comment le financement des programmes onusiens est l'objet de pratiques non codifiées, à la faveur d'un règlement des différends privilégiant la voie diplomatique à la voie juridictionnelle.

    Rosalie Le Moing, Les normes grises du droit international public : contribution à une théorie générale de l'indétermination en droit international public, thèse soutenue en 2022 à Lyon 3 sous la direction de Kiara Neri et Pierre-François Laval présidée par Robert Kolb, membres du jury : Martti Koskenniemi (Rapp.), Geneviève Bastid Burdeau    

    Les dogmes de rationalité et d’objectivité du droit s’opposent fondamentalement à l’indétermination des normes. Il en résulte naturellement une perception négative de l’indétermination. Or, les normes indéterminées sont fréquemment associées au droit international public. Ce système juridique est généralement présenté, par la doctrine, comme porteur d’un grand nombre de normes malléables, incertaines, ambiguës ou encore floues. L’indétermination des normes internationales serait donc bien plus fréquente et élevée que celle des normes internes.Le bien-fondé de cette approche est rarement remis en cause. Il est communément accepté que l’indétermination serait non seulement néfaste mais également bien plus fréquente en droit international public qu’au sein des autres droits.Les présents travaux entreprennent d’analyser la singularité du système juridique international ainsi mise en exergue par la doctrine, à l’aune de l’indétermination. Cet objectif nécessite la proposition d’une théorie générale de l’indétermination, fondée à la fois sur les causes et les effets de cette dernière. L’analyse des causes de l’indétermination révèle que le contraste allégué entre les droits internes et le droit international public est contestable, dès lors qu’il existe des facteurs d’indétermination communs à l’ensemble des systèmes juridiques. Un constat similaire doit être dressé pour les effets de l’indétermination. L’idée selon laquelle l’indétermination serait révélatrice des défauts d’un système juridique – particulièrement du système juridique international – s’avère infondée. Cette perception négative doit être remise en cause, dès lors que l’indétermination n’est pas exclusivement dotée d’effets néfastes et qu’elle s’avère consubstantielle à la réelle nature du droit.

    Daouda Ouedraogo, Démocratisation des Etats et garantie internationale des droits démocratiques : essai sur une contribution des organisations internationales, thèse soutenue en 2019 à Bordeaux sous la direction de Matthieu Fau-Nougaret et Alioune Badara Fall présidée par Loïc Grard, membres du jury : Augustin Loada (Rapp.), Stéphane Bolle      

    Si la démocratie désigne le régime politique où l’appareil institutionnel d’Etat traduit la volonté du peuple, la démocratisation caractériserait ainsi tout processus conduisant un système politique autoritaire à plus d’ouverture et de participation. Mais cette démocratisation n’est pas que le résultat de dynamiques internes, elle est également, et de plus en plus le fait d’acteurs externes, en particulier des organisations internationales. Dès la fin de la guerre froide en effet, convaincues que la démocratie constitue le régime politique qui offre les meilleures garanties de respect des droits de l’homme, des organisations internationales, universelles comme régionales, l’Organisation des Nations Unies en tête, se sont résolument investies aussi bien d’un point de vue normatif qu’opérationnel dans sa promotion, au point parfois de remettre en cause le principe pourtant bien établi de souveraineté des Etats. La promotion de la démocratie par les organisations internationales obéit à un régime juridique dont l’ambivalence initiale a progressivement laissé place à une certaine cohérence. Ce régime met à la charge des Etats des droits individuels et collectifs dont le respect est contrôlé, voire parfois sanctionné par des mécanismes politiques et juridictionnels, mais dont l’efficacité apparait toutefois incertaine, rappelant ainsi la complexité et la sensibilité de la question démocratique en droit international.

    Pascaline Motsch, La doctrine des droits fondamentaux des États : vers un redéploiement fédéraliste ou étatiste ?, thèse soutenue en 2019 à Université de Lorraine sous la direction de Jean-Denis Mouton présidée par Stéphane Pierré-Caps, membres du jury : Jean-Christophe Barbato (Rapp.), Ségolène Barbou Des Places    

    La présente étude se propose de revisiter la doctrine classique des droits fondamentaux des États, et cherche à vérifier si c’est à raison qu’elle fut rejetée, ou si elle trouve désormais quelque environnement juridique plus favorable à son redéploiement. Opposés trait pour trait aux droits dits relatifs ou accessoires qui trouvent leur source dans le droit conventionnel et coutumier, les droits de conservation, de souveraineté, d’égalité, de respect et de commerce, sont conçus comme fondamentaux dans un sens évidemment matériel – ce sont des droits constitutifs de l’État-nation et, inversement, des droits dont l’aliénation totale ou partielle anéantirait ou diminuerait la personnalité de l’État qui y consentirait –, mais également dans un sens formel – la violation d’un droit fondamental étatique emportant des effets juridiques spécifiques comme la nullité des traités et le recours à la guerre. Or, en raison de la contradiction entre l’horizontalité de l’ordre juridique international et la fondamentalité des droits étatiques, ainsi que du fondement très individualiste de la doctrine, celle-ci subit les attaques des écoles positivistes et néo-naturalistes durant l’entre-deux-guerres, et finit par être absolument rejetée au sortir du deuxième conflit mondial. Prenant toutefois acte du regain d’intérêt doctrinal que suscitent les droits étatiques, tant en droit international qu’en droit de l’Union européenne et en droit constitutionnel, dans le contexte d’une société internationale qui a beaucoup évolué, il s’agit de vérifier si certains droits étatiques, prétendus fondamentaux, répondent bel et bien aux critères matériel et formel de la fondamentalité d’un droit. Dans une perspective fédéraliste, c’est-à-dire d’une protection institutionnalisée des droits étatiques, les États obtiennent-ils par exemple une garantie de leur droit à la survie dans le cadre des Nations Unies ou d’un droit au respect de leur identité nationale dans le cadre de l’Union européenne ? Dans une perspective étatiste, c’est-à-dire d’une protection unilatérale des droits étatiques, si les internationalistes classiques théorisent à raison que l’aliénation des droits souverains et des droits identitaires portent atteinte à la qualité d’État-nation, la garantie de tels droits ne relève-t-elle pas alors davantage de l’ordre juridique national que de l’ordre juridique international, auquel il n’échoit pas de protéger l’État contre lui-même

    Zied Ayari, L'obligation démocratique en droit international, thèse soutenue en 2018 à Lyon sous la direction de Stéphane Doumbé-Billé présidée par Jean-Marc Thouvenin, membres du jury : Emmanuel Decaux et Jure Vidmar    

    La démocratie est généralement abordée par la doctrine en droit international comme une valeur politique ayant des influences plus ou moins importantes sur le droit international depuis la fin de la Guerre Froide. Cette étude traite la démocratie comme étant l’expression d’une obligation internationale adressée aux États pour mettre en place un système politique basé sur des élections libres et honnêtes, le respect des droits politiques et l’instauration d’un État de droit. Ce trépied forme les éléments constitutifs de l’obligation démocratique et lui donne une structure composite. L’approche choisie part de l’étude du cycle de vie de cette obligation en droit international qui comprend deux phases principales : le processus de formation de l’obligation démocratique et les effets qu’elle génère.S’agissant du processus de formation, il inclut plusieurs étapes allant de la gestation de l’obligation démocratique jusqu'à sa formalisation par les modes formels de production des normes en droit international. En effet, cette obligation n’a pas pris forme dans l’ordre juridique international soudainement tel le Big Bang, mais a suivi une évolution déterminée.En ce qui concerne les effets générés par l’obligation démocratique, ils ont une double nature : directs et indirects. Les premiers sont normativement attachés à l’obligation dans le sens qu’ils créent un devoir juridique à la charge des États pour mettre en place un gouvernement démocratique et déclenchent la mise en œuvre de la responsabilité internationale de ceux qui ne s’y conformeraient pas. Les seconds sont d’ordre systémique et assurent l’applicabilité sociale de l’obligation démocratique en influant sur les dimensions institutionnelle et relationnelle de la société internationale.

    Anna Aseeva, Global good process standards and world trade law : a study of norms and normativity in global law and governance perspective, thèse soutenue en 2016 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Diego P. Fernández Arroyo présidée par Makane Moïse Mbengue, membres du jury : Hélène Ruiz Fabri (Rapp.), Alberto Oddenino    

    Les flux, le droit et les politiques du commerce mondial, et les standards consensuels non étatiques applicables aux domaines tels que l’environnement, la santé, la sécurité, etc. s’influencent mutuellement. Ils affectent également les processus identifiés comme « gouvernance globale ». L’interface de ces trois thèmes a constitué le principal point d’intérêt de ma recherche. Dans cette thèse, mon objectif général était non seulement de décrire l’interface, les pratiques et les diverses conjonctures pertinentes du droit et des standards dans le contexte de la globalisation du commerce transfrontalier, mais aussi, et même surtout, de les évaluer d’une façon critique. L’idée-clé de ma thèse était d’inclure différents types de normativités non-juridiques globales dans le droit, et ensuite de les soumettre à une analyse de légitimité plus juste et plus cohérente. Les ambitions susmentionnées ont émergé car aujourd’hui, dans le désordre juridique global, les normativités hybrides échappent tout simplement à la plupart des approches traditionnelles de droit et de légitimité, ces derniers étant principalement construits sur les prémisses liées, directement ou indirectement, à la souveraineté de l’État moderne. Un résultat méthodologique général de cette réorientation se situe dans l’argument que le droit, ainsi réorienté, pourrait alors effectuer une tâche fondamentalement différente de celle qu’il aurait eu sur la base d’une théorie juridique plus traditionnelle (positiviste), plus descriptive (sociologique), ou plus normative (critique), si utilisées à elles seules. Le message principal des ambitions précitées est que le droit peut et doit être repensé de manière que tout type de normativités globales dotées d’impressionnante force normative et régulatrice, mais avec une légitimité sociale douteuse, puisse être inclut dans le droit, exactement aux fins d’évaluer leur légitimité vis-à-vis du public global.

  • Amina Hassani, La neutralité de l’arbitrage international , thèse soutenue en 2021 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Horatia Muir Watt  

    Dans les écrits dédiés à l’arbitrage international, la neutralité est frappée du sceau de l’évidence. Elle est ce mot des premières pages, des premiers chapitres, intégré aux développements énumérant les avantages de l’arbitrage et destiné à expliquer l’opportunité d’y recourir, à justifier de son succès, à le promouvoir à l’image d’un argument publicitaire au-delà de ses frontières initiales, pour ne pas dire naturelles, ou encore pour l’ériger en mode de règlement des litiges par défaut. Contrairement aux autres avantages supposés de l’arbitrage international, particulièrement remis en cause par la judiciarisation de ce mode de règlement des litiges, la neutralité est un allant de soi qui ne saurait être discuté. Elle est une parole, un discours, une représentation qui échappe prodigieusement à toute critique. En effet, malgré la virulence et le bien fondé des reproches qui lui sont directement adressés, la neutralité ne cesse d’être invoquée tantôt comme bouclier tantôt comme bélier par les membres de la communauté arbitrale désireux de protéger l’arbitrage comme de favoriser son expansion. Écartant l’hypothèse du cynisme ― de la mauvaise foi ― de ces derniers, le chercheur analysant les discours de l’arbitrage international est intrigué par la force d’une représentation qui met en échec toute tentative de déstabilisation et qui véhicule l’illusion d’une impossible remise en cause. En interrogeant les conditions de formation et de dissémination du discours sur la neutralité de l’arbitrage international au sein d’une collectivité de professionnels, l’analyse réalisée dans ce travail de recherche permet d’expliquer pourquoi les contre-discours, particulièrement fondés sur la pratique de l’arbitrage et mettant en exergue sa partialité, échouent tant dans leur diffusion que dans leur tentative de déstabilisation du discours dominant. La réponse au pourquoi réside dans l’outil d’analyse qui s’est ici imposé : le mythe. C’est donc à travers l’étude de ce dernier que se construit l’analyse ou, plus précisément, sa déconstruction.

    Amina Hassani, La neutralité de l'arbitrage international: essai de déconstruction d'un mythe, thèse soutenue en 2021 sous la direction de Horatia Muir Watt présidée par Soraya Amrani-Mekki, membres du jury : Thomas Schultz (Rapp.), Nicolas Perrone (Rapp.), Florian Grisel    

    Dans les écrits dédiés à l’arbitrage international, la neutralité est frappée du sceau de l’évidence. Elle est ce mot des premières pages, des premiers chapitres, intégré aux développements énumérant les avantages de l’arbitrage et destiné à expliquer l’opportunité d’y recourir, à justifier de son succès, à le promouvoir à l’image d’un argument publicitaire au-delà de ses frontières initiales, pour ne pas dire naturelles, ou encore pour l’ériger en mode de règlement des litiges par défaut. Contrairement aux autres avantages supposés de l’arbitrage international, particulièrement remis en cause par la judiciarisation de ce mode de règlement des litiges, la neutralité est un allant de soi qui ne saurait être discuté. Elle est une parole, un discours, une représentation qui échappe prodigieusement à toute critique. En effet, malgré la virulence et le bien fondé des reproches qui lui sont directement adressés, la neutralité ne cesse d’être invoquée tantôt comme bouclier tantôt comme bélier par les membres de la communauté arbitrale désireux de protéger l’arbitrage comme de favoriser son expansion. Écartant l’hypothèse du cynisme ― de la mauvaise foi ― de ces derniers, le chercheur analysant les discours de l’arbitrage international est intrigué par la force d’une représentation qui met en échec toute tentative de déstabilisation et qui véhicule l’illusion d’une impossible remise en cause. En interrogeant les conditions de formation et de dissémination du discours sur la neutralité de l’arbitrage international au sein d’une collectivité de professionnels, l’analyse réalisée dans ce travail de recherche permet d’expliquer pourquoi les contre-discours, particulièrement fondés sur la pratique de l’arbitrage et mettant en exergue sa partialité, échouent tant dans leur diffusion que dans leur tentative de déstabilisation du discours dominant. La réponse au pourquoi réside dans l’outil d’analyse qui s’est ici imposé : le mythe. C’est donc à travers l’étude de ce dernier que se construit l’analyse ou, plus précisément, sa déconstruction.

    Edoardo Stoppioni, Une analyse critique du discours du juge de l’OMC et de l’arbitre de l’investissement sur le droit non écrit, thèse soutenue en 2019 à Paris 1 sous la direction de Hélène Ruiz Fabri  

    Ce travail a tenté de dresser une cartographie de l'utilisation par le juge de l'OMC et l'arbitre de l'investissement de l'argument juridique fondé sur le droit non écrit. Le discours juridictionnel est considéré dans une perspective métathéorique et le droit non écrit a été étudié en tant que structure discursive au sens foucaldien du terme. En prenant comme point de départ la thèse de Martti Koskennicmi, il est soutenu que le discours juridictionnel fondé sur le droit non écrit est caractérisé par des oppositions binaires, propres au droit international libéral. Aussi ce discours oscille-t-il entre deux pôles : celui de l'apologie et celui de l'utopie. Ce balancement est résumé, dans ce travail, par l'emploi de deux concepts qui représentent les deux extrémités du spectre : la banalisation et la systématisation. Dans une logique de banalisation, le juge ancre son espace normatif dans le droit international général pour y ancrer sa légitimité. La banalisation de son espace normatif particulier reflète la volonté du juge de s'aligner sur les structures de pouvoir du droit international général. Il a été démontré, dans cette optique, que le juge de l'OMC, tout comme l'arbitre d'investissement, a banalisé à dessein la nature de son espace normatif ainsi que sa fonction juridictionnelle. Un deuxième registre linguistique employé par le juge est celui de la systématisation. Dans ce contexte, le juge utilise moins le droit non écrit pour ancrer son espace normatif dans le droit international général que pour construire une certaine unité interne au régime. Le langage de systématisation a pour effet ultime de renforcer la logique néolibérale sur laquelle le régime est bâti.

    Edoardo Stoppioni, Une analyse critique du discours du juge de l'OMC et de l'arbitre de l'investissement sur le droit non écrit, thèse soutenue en 2019 sous la direction de Hélène Ruiz Fabri, membres du jury : Laurence Boisson de Chazournes (Rapp.), Fuad Zarbiyev (Rapp.), Hervé Ascensio    

    Ce travail a tenté de dresser une cartographie de l'utilisation par le juge de l'OMC et l'arbitre de l'investissement de l'argument juridique fondé sur le droit non écrit. Le discours juridictionnel est considéré dans une perspective métathéorique et le droit non écrit a été étudié en tant que structure discursive au sens foucaldien du terme. En prenant comme point de départ la thèse de Martti Koskennicmi, il est soutenu que le discours juridictionnel fondé sur le droit non écrit est caractérisé par des oppositions binaires, propres au droit international libéral. Aussi ce discours oscille-t-il entre deux pôles : celui de l'apologie et celui de l'utopie. Ce balancement est résumé, dans ce travail, par l'emploi de deux concepts qui représentent les deux extrémités du spectre : la banalisation et la systématisation. Dans une logique de banalisation, le juge ancre son espace normatif dans le droit international général pour y ancrer sa légitimité. La banalisation de son espace normatif particulier reflète la volonté du juge de s'aligner sur les structures de pouvoir du droit international général. Il a été démontré, dans cette optique, que le juge de l'OMC, tout comme l'arbitre d'investissement, a banalisé à dessein la nature de son espace normatif ainsi que sa fonction juridictionnelle. Un deuxième registre linguistique employé par le juge est celui de la systématisation. Dans ce contexte, le juge utilise moins le droit non écrit pour ancrer son espace normatif dans le droit international général que pour construire une certaine unité interne au régime. Le langage de systématisation a pour effet ultime de renforcer la logique néolibérale sur laquelle le régime est bâti.