Catherine Achin

Professeur
Science politique.
Université Paris Dauphine

Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales
  • THESE

    "Le mystère de la chambre basse" : comparaison des processus d'entrée des femmes au parlement : France - Allemagne, 1945-2000, soutenue en 2003 à Université Pierre Mendès France Grenoble 19902015 sous la direction de Sylvie Lemasson et Frédérique Matonti

  • Catherine Achin, Éric Agrikoliansky, Philippe Aldrin, Lorenzo Barrault-Stella, Kevin Geay (dir.), Ordre social, désordre électoral: Une sociologie du vote de 2017, OpenEdition, 2024, Espaces Politiques  

    Le vote n’est-il qu’une affaire de chiffres ? C’est l’impression que peut donner une chronique de l’élection focalisée sur la courbe des intentions de vote ou sur les pourcentages de composition ou de distribution des voix. Pourtant, si le vote demeure fondamentalement une opération de comptage et de décomptage, il ne suffit pas de compter les voix pour comprendre comment les électrices et les électeurs perçoivent l’offre électorale, interprètent ses enjeux et font finalement leur choix. À partir d’une longue enquête réalisée au plus près des citoyens, à la fois qualitative et quantitative, les contributions de ce livre interrogent le poids des trajectoires sociales et des contextes de leur existence sur les façons de voter. Menée tout au long de la séquence électorale de 2017, l’enquête montre la persistance de l’ancrage social du vote face à un désordre inédit de l’offre électorale. Elle propose de renouveler la sociologie des variables sociales qui façonnent les préférences électorales. Is voting just a matter of numbers? This is the impression that can be given by an election chronicle focused on the voting intentions curve or the composition or distribution of the votes. However, if voting remains fundamentally an operation of counting, it is not enough to count the votes in order to understand how voters perceive the electoral offer, interpret its issues and finally make their choice. Based on a lengthy survey conducted in close proximity to citizens, the contributions in this book examine the weight of their social trajectories and their context of existence on their ways of understanding the vote. Deployed throughout the 2017 electoral sequence, the survey shows the persistence of social logics in the making of votes in the face of an unprecedented disorder of the electoral offer. It proposes to renew the sociology of the social variables that shape electoral preferences

    Catherine Achin, Éric Agrikoliansky, Philippe Aldrin, Lorenzo Barrault-Stella, Kevin Geay (dir.), Ordre social, désordre électoral: une sociologie du vote de 2017, Presses universitaires du Septentrion, 2023, Espaces politiques, 396 p. 

    Catherine Achin, Juliette Rennes, Armelle Andro, Laure Bereni, Alexandre Jaunait, Luca Greco, Rose-Marie Lagrave, Gianfranco Rebucini (dir.), Encyclopédie critique du genre: corps, sexualité, rapports sociaux, Cairn et La Découverte, 2021, Hors collection Sciences Humaines, 895 p.  

    La 4e de couv. indique : ""Capital", "Désir(s) ", " Nudité ", " Race ", "Tribunal", " Voix "... Les soixante-quatorze textes thématiques de cette encyclopédie explorent les reconfigurations en cours des études de genre. Trois axes transversaux organisent cette enquête collective : le corps, la sexualité, les rapports sociaux. Dans les activités familiales, sportives, professionnelles, artistiques ou religieuses, les usages du corps constituent désormais un terrain privilégié pour appréhender les normes et les rapports de genre. Les pratiques érotiques que les sociétés, à travers l'histoire, ont catégorisées comme normales ou déviantes occupent quant à elles une place inédite pour éclairer les articulations entre hiérarchies des sexes et des sexualités. Enfin, les inégalités liées au genre sont de plus en plus envisagées en relation avec celles liées à la classe sociale, la couleur de peau, l'apparence physique, la santé ou encore l'âge. Cette approche multidimensionnelle des rapports sociaux a transformé radicalement les manières de penser la domination au sein des recherches sur le genre. En analysant les concepts, enquêtes et débats empiriques, les contributrices et contributeurs de cet ouvrage dessinent une cartographie critique des études de genre qui rend compte de leur remarquable vitalité"

    Catherine Achin, Jean-Paul Gaudillière, Olivier Roueff, Stéphanie Chevrier (dir.), Grèves générales, La Découverte, 2020, 183 p. 

    Catherine Achin, Alban Jacquemart, Sandrine Lévêque, Marion Paoletti (dir.), Présidentielle 2017, Éditions La Découverte, 2018, 260 p. 

    Catherine Achin, Juliette Rennes, Armelle Andro, Laure Bereni (dir.), Encyclopédie critique du genre: corps, sexualité, rapports sociaux, Cairn et la Découverte, 2017, Hors collection Sciences Humaines 

    Catherine Achin, Juliette Rennes, Armelle Andro, Laure Bereni (dir.), Encyclopédie critique du genre: corps, sexualité, rapports sociaux, la Découverte, 2016, 740 p. 

    Catherine Achin, Laure Bereni (dir.), Dictionnaire genre et science politique: concepts, objets, problèmes, Cairn et Presses de Sciences Po, 2015, Références  

    Les études sur le genre, qui ont connu un essor important depuis les années 1970, offrent de nouvelles clés pour appréhender les disciplines traditionnelles. Alors que la science politique se montre plus rétive que d'autres à la prise en compte des perspectives du genre, l'objet de cet ouvrage est de révéler leurs apports décisifs à l'analyse du politique. Les notices de ce dictionnaire pionnier recensent les concepts, théories et objets canoniques de la science politique (citoyenneté, libéralisme, administration, partis politiques, mondialisation, etc.) en montrant le rôle central du genre dans leur genèse et leur maturation. Elles révèlent aussi le fonctionnement des inégalités entre les femmes et les hommes dans les partis, les assemblées, et la manière dont se fabrique et s'exprime le rapport entre les sexes dans les discours et les comportements politiques. Enfin, elles présentent les nouveaux concepts forgés par les spécialistes du genre (care, féminisme d'État, intersectionnalité, etc.). Écrit dans une langue claire et accessible, fort d'une approche comparative entre études anglophones et francophones et d'une vaste bibliographie constituant un outil de référence indispensable, cet ouvrage tire aussi sa richesse de la contribution de plus de 50 spécialistes de différentes générations, qu'il s'agisse d'auteur.e.s qui ont créé des concepts ou mené les premières enquêtes sur le genre en politique, ou de jeunes chercheur.e.s qui les utilisent et les font vivre aujourd'hui. Il intéressera particulièrement les étudiant.e.s, enseignant.e.s et chercheur.e.s. souhaitant accéder à une connaissance précise et pédagogique des apports des travaux sur le genre à la science politique comme à ses disciplines connexes, sociologie, histoire, anthropologie

    Catherine Achin, Marion Paoletti, Margaret Maruani, Sandrine Lévêque, Lucie Bargel (dir.), Présidentielles 2012, Ecole des hautes études en sciences sociales, 2013 

    Catherine Achin, Laure Bereni (dir.), Dictionnaire genre & science politique: concepts, objets, problèmes, Sciences Po, Les Presses, 2013, Références, 699 p.  

    La 4e de couverture indique : "Les études sur le genre, qui ont connu un essor important depuis les années 1970, offrent de nouvelles clés pour appréhender les disciplines traditionnelles. Alors que la science politique se montre plus rétive que d'autres à la prise en compte des perspectives du genre, l'objet de cet ouvrage est de révéler leurs apports décisifs à l'analyse du politique. Les notices de ce dictionnaire pionnier recensent les concepts, théories et objets canoniques de la science politique (citoyenneté, libéralisme, administration, partis politiques, mondialisation, etc) en montrant le rôle central du genre dans leur genèse et leur maturation. Elles révèlent aussi le fonctionnement des inégalités entre les femmes et les hommes dans les partis, les assemblées, et la manière dont se fabrique et s'exprime le rapport entre les sexes dans les discours et les comportements politiques. Enfin, elles présentent les nouveaux concepts forgés par les spécialistes du genre (care, féminisme d'Etat, intersectionnalité, etc). Ecrit dans une langue claire et accessible, fort d'une approche comparative entre études anglophones et francophones et d'une vaste bibliographie constituant un outil de référence indispensable, cet ouvrage tire aussi sa richesse de la contribution de plus de 50 spécialistes de différentes générations, qu'il s'agisse d'auteur(e)(s) qui ont créé des concepts ou mené les premières enquêtes sur le genre en politique, ou de jeunes chercheur(e)(s) qui les utilisent et les font vivre aujourd'hui. Il intéressera particulièrement les étudiant(e)(s), enseignant(e)(s) et chercheur(e)(s) souhaitant accéder à une connaissance précise et pédagogique des apports des travaux sur le genre à la science politique comme à ses disciplines connexes, sociologie, histoire, anthropologie. "

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, Femmes en politique, Cairn et La Découverte, 2011, Repères  

    L’ouvrage dresse un panorama complet de la participation des femmes à la vie politique saisie dans ses dimensions traditionnelles (citoyenneté, politisation, comportements électoraux, militantisme partisan et métier politique) mais aussi non conventionnelles (militantisme associatif, mouvements sociaux, féminismes…). Les conditions d’accès des femmes au champ politique sont éclairées à travers l’étude systématique des influences réciproques entre ordre politique et ordre social du point de vue du genre. Dans une perspective historique centrée sur la France mais illustrée par de nombreux exemples internationaux, il s’agit ainsi non seulement de mesurer et d’évaluer la place des femmes dans la vie politique mais aussi de répondre aux questions suscitées par leur accès à l’espace public : pourquoi les femmes sont-elles toujours sous-représentées en politique ? Les femmes politiques ont-elles des comportements différents de ceux des hommes ? Font-elles de la politique « autrement » ? Leur présence dans les lieux de pouvoir politique garantit-elle la production de lois favorables à leur « émancipation » au sein de la société ?

    Catherine Achin, Elsa Dorlin, Juliette Rennes (dir.), Le corps présidentiable, Presses de Sciences Po, 2008, 158 p. 

    Catherine Achin, Lucie Bargel, Delphine Dulong, Sexes, genre et politique, Économica, 2007, Études politiques, 184 p. 

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, Femmes en politique, La Découverte, 2006, Repères ( Sciences politiques-droit ), 122 p. 

    Catherine Achin, Le mystère de la chambre basse, Dalloz, 2005, Nouvelle bibliothèque de thèses ( Science politique ), 637 p. 

  • Catherine Achin, Sandrine Leveque, Amy Mazur, « Twenty Years of Parité Under the Microscope in France: Parties Play with Rather Than by the Rules », in Lang, Sabine, Meier, Petra, Sauer, Birgit (dir.), Party Politics and the Implementation of Gender Quotas. Gender and Politics., Springer International Publishing, 2022, pp. 211-229 

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, Anja Durovic, Eléonore Lépinard, Amy G. Mazur, « Parity sanctions and campaign financing in France: increased numbers, little concrete gender transformation », in Muriaas, Ragnhild L., Wang, Vibeke, Rainbow, Murray (dir.), Gendered Electoral Financing, Routledge, 2019, pp. 27-54 

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, « Parité, sur-sélection sociale et professionnalisation politique : le Conseil de Paris 2001-2014 », in Lévêque, Sandrine, Taiclet, Anne-France (dir.), À la conquête des villes : sociologie politique des élections municipales de 2014 en France, Presses universitaires du Septentrion, 2018, pp. 119-145 

  • Catherine Achin, Delphine Dulong, « Les cabinets ministériels : la zone grise du pouvoir », La vie des idées, 2022 

    Catherine Achin, Amy G. Mazur, Eléonore Lépinard, Anja Durovic, Sandrine Lévêque, « Party Penalties for Parity: less than Meets the Eye », French Politics, 2020, n°12, pp. 28-49 

    Catherine Achin, Viviane Albenga, Pauline Delage, Karel Yon, Olivier Roueff, « Grèves générales », Mouvements : des idées et des luttes, 2020, n°103, p. 183   

    Catherine Achin, Viviane Albenga, Carlotta Benvegnù, Pauline Delage, Jean-Paul Gaudillière [et alii], « Editorial », Mouvements : des idées et des luttes, 2020, n°103, pp. 7-10 

    Catherine Achin, « Au-delà des apparences : la féminisation des cabinets ministériels durant la présidence Hollande », Revue française d'administration publique , 2019, n° ° 168, pp. 787-806    

    RésuméL’article s’intéresse aux caractéristiques de la féminisation du personnel des cabinets ministériels sous la présidence Hollande, qui atteint le taux inédit de 35,4 %. La comparaison du recrutement, des positions en cabinet entre 2012 et 2014 ainsi que des trajectoires du personnel révèle une féminisation toute en nuances. Si femmes et hommes sont désormais autant sélectionnés socialement et restent en poste aussi longtemps, la division sexuelle du travail (horizontale et verticale) persiste et les profils des recrues sont différenciés chez celles qui exercent des fonctions de direction. Au-delà du cas des cabinets, ces constats peuvent s’analyser comme autant d’indices d’un rapport à la carrière éminemment genré, en termes de ressources comme de mobilité et d’investissement dans le poste.

    Catherine Achin, Viviane Albenga, Armelle Andro, Pauline Delage, Samira Ouardi [et alii], « Révoltes sexuelles après #MeToo », Mouvements : des idées et des luttes, 2019, n°99, p. 159   

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, « Mind the Gap ! De la variable sexe au genre des comportements électoraux », Travail, genre et sociétés, 2018, n°40, pp. 33-50 

    Catherine Achin, Alban Jacquemart, Sandrine Lévêque, Marion Paoletti, « Présidentielle 2017 : des femmes, des hommes et des votes », Travail, genre et sociétés, 2018, n°40   

    Catherine Achin, Delphine Dulong, « Au-delà des apparences : la féminisation des cabinets ministériels durant la présidence Hollande », Revue française d’administration publique, 2018, n°168 

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, « Jupiter is back’. Gender in the 2017 French presidential campaign », French Politics, 2017, n°15 

    Catherine Achin, Viviane Albenga, Armelle Andro, Irène Jami, Juliette Rennes [et alii], « Paysage féministe après la bataille », Mouvements : des idées et des luttes, 2017, n°1 

    Catherine Achin, « La parité sous contrôle : Égalité des sexes et clôture du champ politique », Actes de la recherche en sciences sociales , 2014, n° ° 204, pp. 118-137    

    Alors que les règles légales visant la féminisation des assemblées politiques sont de plus en plus nombreuses et contraignantes et qu’elles s’étendent désormais à d’autres espaces sociaux, le leadership masculin sur le microcosme politique est loin d’être renversé. Cet article s’interroge ainsi sur les effets ambivalents des lois sur la parité. Des enquêtes menées entre 2001 et 2014 permettent de montrer que les professionnelles de la politique, tout en se déclarant éminemment favorables à l’égalité des sexes, parviennent à contrôler la sélection et la circulation des élues. Le jeu avec les règles orchestre une entrée maîtrisée des femmes, tandis que la mise en lumière de quelques symboles masque la fragilité du processus de professionnalisation de la plupart. Les coulisses et les véritables lieux de pouvoir de l’espace politique restent préservés et la mise en scène symbolique du champ contribue à maintenir le statu quo de la domination masculine. Les usages de la parité participent alors à la reproduction d’un ordre du genre différenciant et hiérarchisant les catégories de sexe et favorisent la préservation de l’entre-soi.

    Catherine Achin, Lucie Bargel, «  Montrez ce genre que je ne saurais voir . Genre, sexualité et institutions dans la présidentielle de 2012 », 2013  

    La campagne présidentielle de 2012 témoigne d’une banalisation des questions de genre et de sexualité, qui en autorise différents usages stratégiques. Mais cette banalisation ne rend pas les normes sexuées et sexuelles moins contraignantes : une série d’institutions sociales et politiques continue de « cadrer » leurs évolutions. Ce sont là les hypothèses que nous voudrions formuler pour clore ce numéro. Le parti-pris du dossier « Présidentielle 2012 » consiste en effet à étudier la campagne ...

    Catherine Achin, Marion Paoletti, Margaret Maruani, Sandrine Levêque, Lucie Bargel, « La campagne présidentielle française de 2012 », Genre, sexualité & société, 2013, n°2    

    L’élection présidentielle au suffrage universel direct, matrice de la Vème République depuis 1965, en créant un « patriarcat institutionnel » (Sineau, 2008), ne semble a priori guère favorable aux femmes et à leurs causes. Or, les sept campagnes présidentielles qui se sont déroulées depuis cette date se sont révélées, paradoxalement, plutôt propices à la politisation des questions de genre et de sexualité. En 2007, lors de la précédente élection, la présence de Ségolène Royal au second tour f...

    Catherine Achin, « L'agency en contexte : réflexions sur les processus d'émancipation des femmes dans la décennie 1970 en France », Cahiers du Genre , 2013, n° ° 55, pp. 109-130    

    L’article analyse des pratiques d’ agency selon les scènes de vie et l’état du rapport de force entre les sexes, à partir de récits de vie de femmes françaises ‘ordinaires’ émancipées au cours de la seconde moitié du xxe siècle. Il met au jour les liens entre le contexte politique et social des années 1970 et les multiples médiations contingentes par lesquelles s’opère le glissement des conduites d’accommodement à la domination masculine vers sa remise en question discursive et pratique.

    Catherine Achin, « Un féminisme normalisé ? Femmes de l'Est dans la politique allemande après l'unification », Parlement, Revue d'histoire politique , 2013, n° ° 19, pp. 75-90    

    Les effets de la Wende sur les processus de professionnalisation politique dans l’Allemagne unie ont été contrastés. L’analyse de trajectoires de femmes de l’Est élues depuis 1990 montre qu’elles ont connu des carrières particulièrement accélérées. La normalisation du système politique sur le modèle ouest-allemand a toutefois dévalorisé les ressources militantes et féministes de ces outsiders, au profit des capitaux partisans classiques.

    Catherine Achin, Delphine Naudier, « Trajectoires de femmes “ordinaires” dans les années 1970 », 2010  

    Introduction Alors que l’on dispose de témoignages et de rares travaux relatifs au mouvement des femmes des années 1970 en France, décrivant ses formes (non-mixité, absence d’organisations conventionnelles hiérarchiques, répertoires d’action radicaux, appropriation collective du vécu dans les groupes de conscience…) et ses revendications (libération de l’oppression, réappropriation du corps, politisation du privé..), on connaît mal ses contours, ses déclinaisons locales et ses effets directs ...

    Catherine Achin, « Trajectoires de femmes “ordinaires” dans les années 1970. : La fabrique de la puissance d'agir féministe », Sociologie , 2010, n° 1, pp. 77-93    

    RésuméÀ partir d’une enquête par entretiens réalisée en 2006 et 2007 dans une ville moyenne de province auprès de femmes « ordinaires » ayant participé, de près ou de loin, à des groupes de femmes dans les années 1970, nous nous proposons d’étudier les modalités et les ressorts de la « révolution subjective » que constitue la deuxième vague des féminismes en France. Les femmes rencontrées ont subverti les normes de genre qui les entravaient dans les années 1970, et cet article se propose de mettre au jour les modalités de la fabrique singulière d’une « puissance d’agir » féministe. La reconstruction détaillée de trois trajectoires contrastées de femmes « ordinaires » permet d’analyser le processus de remise en question et de dénaturalisation des normes de genre, la manière dont cette conscience de genre s’articule à la conscience de classe et se matérialise dans un discours et des pratiques libératrices. Il s’agit d’explorer ce qui « se joue » alors du point de vue des rapports de genre dans diverses institutions de proximité (famille, mariage, école, etc.) encore marquées du sceau du patriarcat, au moment de la médiatisation d’un Mouvement de libération des femmes offensif et subversif et du vote de lois cardinales pour l’émancipation du « deuxième sexe ». Ce décentrement, du mouvement parisien à la diversité des expériences individuelles, autorise ainsi à repérer « par le bas » les événements clés jalonnant la socialisation primaire et la trajectoire sociale, mais également les « passeurs », leurs tactiques, et les ressorts de la diffusion par capillarité des idées féministes.

    Catherine Achin, Delphine Naudier, « La libération par Tupperware ? », 2009  

    C’est juste après la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis qu’un ingénieur chimiste, Earl Tupper, crée et lance les premiers bols hermétiques en polyéthylène, voués à la conservation des produits alimentaires et à un succès international phénoménal. La mise en récit « mythique » de l’histoire de l’entreprise raconte que la nécessité de convaincre la clientèle du caractère révolutionnaire de ce nouveau matériau conduit la première collaboratrice, Brownie Wise, à inventer les « démonstrations ...

    Catherine Achin, « Capital corporel identitaire et institution présidentielle : réflexions sur les processus d'incarnation des rôles politiques », Raisons politiques , 2008, n° ° 31, pp. 5-17   

    Catherine Achin, « Nicolas Sarkozy ou la masculinité mascarade du Président », Raisons politiques , 2008, n° ° 31, pp. 19-45    

    RésuméL'analyse de la construction de l'identité stratégique du Président de la République Nicolas Sarkozy dévoile la façon dont l'identité sexuelle travaille le rôle présidentiel, mais aussi comment elle peut être définie comme un « capital corporel identitaire » qui fonctionne à plein dans et pour le corps politique. L'investissement exacerbé, explicite et inédit du Président dans une « virilité ressource » se comprend en effet dans le contexte paritaire français et son duel avec Ségolène Royal, mais aussi par une logique compensatoire liée à la structure de ses capitaux et à sa trajectoire. Nicolas Sarkozy retourne en ressources des stigmates apparents, par la revendication d'une « rupture » dans le style présidentiel, qui passe notamment par la mise en avant d'une masculinité populaire et décomplexée. Pour la première fois au sein de la République universaliste, la virilité n'est donc plus un privilège implicite, mais apparaît comme un capital comme un autre.

    Catherine Achin, Chantal Maillé, « Il y a loin de la coupe aux lèvres – Les femmes et la politique en France et au Québec », 2008, pp. 39-45    

    Ce texte relate tout d’abord les parcours qui ont conduit les Québécoises et les Françaises à l’obtention de droits politiques et se penche ensuite sur l’exercice de ces droits. Dans les deux cas, l’accès des femmes à la citoyenneté politique a été un processus long et complexe, caractérisé par une faible percée des femmes dans les postes élus pendant plusieurs décennies, problème auquel le Québec et la France répondront tous deux, mais avec des armes différentes. Au cours des années 90 émerge en France la revendication paritaire, conduisant à la loi du 6 juin 2000. Au Québec, la stratégie adoptée pour pallier la faible présence des femmes dans les structures politiques s’est matérialisée à travers une série d’actions non coercitives, initiées par les gouvernements et les mouvements de femmes et destinées à recruter des femmes. Plus que jamais, les questions de genre sont présentes dans les débats politiques comme en témoignent en France les retombées du contexte paritaire, alors qu’au Québec l’égalité des sexes émerge comme nouveau credo auprès de l’ensemble de la classe politique.

    Catherine Achin, « Femmes, énarques et professionnelles de la politique. Des carrières exceptionnelles sous contraintes », Genèses , 2007, n° ° 67, pp. 24-44    

    RésuméSous la Ve République, seules neuf femmes énarques ont été élues à l’Assemblée nationale, représentant 8,7 % des députés issus de cette « filière administrative ». Si les femmes énarques sont très peu nombreuses à se professionnaliser en politique, c’est qu’elles se trouvent confrontées à des normes d’excellence longtemps ajustées à des qualités « masculines » et qu’elles ont elles-mêmes intériorisées. L’analyse de leurs trajectoires et de leurs autobiographies montre qu’il est toujours difficile d’incarner le rôle de professionnelle de la politique, même pour celles qui l’investissent par le haut.

    Catherine Achin, « Un  métier d'hommes  ? Les représentations du métier de député à l'épreuve de sa féminisation », Revue française de science politique , 2005, n° 55, pp. 477-499    

    RésuméL’article se propose d’analyser l’entrée des femmes au Parlement par analogie avec l’entrée dans un bastion professionnel traditionnellement masculin. La comparaison de l’évolution des rapports de genre au sein de la sphère d’activité et dans l’ordre politique fait apparaître une commune discrimination féminine dans l’accès aux positions de pouvoir et dans l’exercice du métier, et une instrumentalisation semblable des attributs spécifiques prêtés aux femmes. Si les inégalités sexuées sont toutefois particulièrement marquées dans le champ politique parlementaire, c’est que les « hommes » politiques contrôlent davantage le processus de professionnalisation, en ayant les capacités de modifier les règles du jeu, de contourner ces mêmes règles et de résister aux pressions sociales.

    Catherine Achin, Marion Paoletti, « Le salto du stigmate. Genre et construction des listes aux municipales de 2001 », 2002, pp. 33-54    

    Le « salto » du stigmate. Genre et construction des listes aux municipales de 2001 Catherine Achin, Marion Paoletti L'analyse des conditions de construction des listes pour les élections municipales de 2001 dans deux départements français montre que les têtes de liste ont puissamment investi la contrainte paritaire en valorisant les qualités « féminines » en politique : « concrétude », appartenance à la « société civile », gestion domestique et moindre ambition... Dans un contexte de « crise » de la représentation politique et de mise en avant par contraste de la nécessaire proximité des élus, les stéréotypes de genre ont ainsi été particulièrement activés. La force de ces discours a eu des effets pratiques sur les critères de sélection des candidates, sur leur ordonnancement en positions éligibles/non éligibles, et sur la composition des conseils municipaux : plus jeunes, moins encartées, davantage sans profession, les femmes ont été mises en valeur durant la campagne pour leur extériorité au politique, cette plus-value affichée se transformant en handicap lors de la composition des conseils municipaux, où elles sont cantonnées à des positions dominées.

    Catherine Achin, « Représentation miroir vs parité. Les débats parlementaires relatifs à la parité revus à la lumière des théories politiques de la représentation », Droit et société , 2001, n° °47, pp. 237-256    

    Le recours discursif au schème théorique de la « représentation miroir » est ré-current dans l’histoire des théories de la représentation politique. La spécificité des débats contemporains sur la parité réside toutefois dans la réussite du proces-sus constitutionnel et dans la construction d’une image de la société vue avant tout comme structurée par la différence des sexes. Les arguments des parlemen-taires favorables à la parité témoignent ainsi d’un dévoiement des principes cons-titutifs de la République française, au nom de la pratique et des bénéfices politi-ques de la mise en avant d’une « représentation figuration » de la société compo-sée à égalité d’hommes et de femmes.

  • Catherine Achin, Juliette Rennes, Jeanine Cohen, Chantal Grau, Catherine Thuet [et alii], 1 - Journée AFFDU du 30 novembre 2013 : «Le rôle des femmes dans la vie publique en France» (vie politique, vie syndicale, vie associative, association de parents d’élèves...), Paris : Association française des femmes diplômées des universités et PERSÉE : CNRS & ENS de Lyon, 2014, pp. 33-38    

    Rennes Juliette, Achin Catherine, Cohen Jeanine, Grau Chantal, Thuet Catherine, Jonczy Marie-José, Cagan Yvette. 1 - Journée AFFDU du 30 novembre 2013 : «Le rôle des femmes dans la vie publique en France» (vie politique, vie syndicale, vie associative, association de parents d’élèves...). In: Diplômées, n°248, 2014. L'illetrisme aujourd hui. pp. 33-38.

  • Catherine Achin, Marion Charpenel, Bibia Pavard, Laure Bereni, « Féminisme », Dictionnaire. Genre et science politique. Concepts, objets, problèmes, 2013 

  • Catherine Achin, Marion Carrel, Olivier Roueff, Aurélie Windels, Réinventer la lutte contre la finance, Editions La Découverte, 2019, 97e éd., 192 p.   

    Catherine Achin, Anja Durovic, Eléonore Lépinard, Sandrine Lévêque, Amy Mazur, Strengthening Financial Sanctions in France: an incremental policy process to reach parity?, 2018 

    Catherine Achin, Armelle Andro, Coline Cardi, Virginie Descoutures, Noé Le Blanc [et alii], Famille pour tous ? Mouvements n°32, La Découverte, 2015, 180 p. 

    Catherine Achin, Michel Feher, Olivier Roueff, Que deviennent les arts d'aimer avec le néolibéralisme ?, La découverte, 2015, 2e éd., pp. 148-158 

  • Catherine Achin, Delphine Naudier, Maud Simonet, « Ce que le genre fait aux données de l’enquête », Séminaire "La science à l’épreuve des données", Paris, le 03 juin 2022 

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, « Parité/diversité : les grandes figures politiques du XXe siècle », Colloque Diversité, parité, vie politique. Deux siècles d’engagements, de combats et de reconnaissance, Groupe de recherche ACHAC, Musée de l’Homme, Paris, le 01 octobre 2021 

    Catherine Achin, Philippe Aldrin, Martin Baloge, « Socialisations professionnelles et dispositions politiques. Ce que veut dire sociologiquement la variable “profession” », Journée d’études ANR Alcov Analyse Localisée et comparative du Vote, Paris, le 01 novembre 2020 

    Catherine Achin, Anja Durovic, Eléonore Lépinard, Sandrine Lévêque, Amy Mazur, « 2007- 2015 Parity Sanctions Against Parties in Legislative Elections », Does Policy Implementation in Gender Equality Policy Matter in France? A Cross Sectoral Approach, Paris, le 01 octobre 2018 

    Catherine Achin, Alban Jacquemart, Mélissa Blais, Christine Guionnet, Bleuwenn Lechaux, « Quels apports scientifiques d’une réflexion relative aux rapports ordinaires au genre ? », Rapports ordinaires au genre, Rennes, le 01 octobre 2018 

    Catherine Achin, Anja Durovic, Eléonore Lépinard, Sandrine Lévêque, Amy G. Mazur, « Towards Solving the Political Gender Imbalance Puzzle: A Mixed Methods Analysis of Parity in France », APSA, Boston United States (US), le 30 août 2018 

    Catherine Achin, Sandrine Lévêque, « Implementing Parity Sanctions in Political Parties. A Multi-Level Analysis », European consortium for political research, Lausanne Switzerland (CH), le 01 juin 2017   

    Catherine Achin, Delphine Dulong, « Les femmes dans les cabinets ministériels », Journée d'étude "Les élites gouvernementales en France", université de Lille 2, Lille, le 01 mars 2017 

    Catherine Achin, Martin Baloge, Sandrine Lévêque, « Paris XVI et XVIII et Yonne - Le calcul contre le cumul. Vieux notables locaux et nouvelles règles », La fin du cumul des mandats en France ? Mise en oeuvre de la loi de limitation et ajustements notabiliaires en 2017, Avignon, le 01 février 2017 

  • Catherine Achin, 09 - Discussion 

    Catherine Achin, 08 - Les féminismes des années 1970, entre théories et pratiques 

Actualités Publications ENCADREMENT DOCTORAL
  • Hugo Colomb, Essays on LGBTQ Economics and Policy, thèse en cours depuis 2023 en co-direction avec Sandrine Mesplé-Somps  

    Cette thèse vise à étudier divers aspects de la vie des personnes LGBTQ dans différents contextes. Le premier chapitre examinera les effets des lois et politiques visant à protéger les élèves LGBTQ contre le harcèlement scolaire aux États-Unis d'Amérique. Le deuxième chapitre analysera les différences salariales basées sur l'orientation sexuelle au Brésil. Le troisième chapitre étudiera l'impact causal des discours de haine en ligne contre les personnes LGBTQ sur la violence et les crimes de haine qu'elles subissent au Brésil. Enfin, un quatrième chapitre explorera la relation entre le stress minoritaire (minority stress), la santé mentale et l'engagement dans les soins liés au VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) au Sénégal. Cette thèse offre également l'opportunité d'engager une réflexion méthodologique et épistémologique sur les pratiques et les méthodes utilisées pour collecter et analyser des données sur ces populations souvent négligées. Il s'agira d'explorer un large éventail de données différentes et d'exploiter les nouvelles possibilités offertes par des innovations technologiques et méthodologiques, afin de développer une expertise unique sur cette question.

    Stéphanie Archat, La construction du « harcèlement de rue » comme problème public en France : Entre médiatisation, militantisme et action publique, thèse soutenue en 2022 à Ecole doctorale SDOSE Paris, membres du jury : Lilian Mathieu (Rapp.), Sylvie Tissot (Rapp.), Jacques de Maillard, Marylène Lieber et Gwenaëlle Perrier  

    La thèse porte sur la construction en train de se faire, au cours des années 2010 en France, d’un nouveau problème public : le « harcèlement de rue ». Pour mettre au jour ce processus, elle mobilise des méthodes variées (observations, entretiens, analyses documentaires et de presse) au service d’une enquête multi-située menée entre médias, militant·e·s féministes, actions publiques nationales et locales, et polices. Tout en montrant les contributions de chacun d’elles et eux à la fabrique du problème, la recherche met en évidence les interactions et rapports de pouvoir entre espaces et acteur·rice·s, pour expliquer les modalités spécifiques de construction de ce problème. Elle éclaire ainsi la façon dont un sujet qualifié de genré devient cadré comme un problème également spatialisé, racialisé et sécuritaire. Enfin, elle conclut, malgré la rapide montée en puissance et mise en loi de l’enjeu (avec la contravention d’outrage sexiste), que la construction du problème reste inaboutie et fragile.

    Lucie Anselmi, « Toutes lesbiennes » ou « mal baisées » ? Rapports au couple et à la famille des militantes féministes en France, thèse en cours depuis 2022  

    A l'intersection entre les sociologies des mouvements sociaux, de la famille et les études de genre, ce projet de thèse s'intéresse aux discours sur la famille et la conjugalité produits dans le milieu féministe français contemporain, leurs appropriations par les militantes ordinaires et plus généralement les pratiques (contestataires) que ces dernières mettent en œuvre dans la sphère intime.

    Marie Perrin, Des savoirs dissidents à l’université : processus d'institutionnalisation des études féministes et de genre en France et en Angleterre (1970-2020), thèse soutenue en 2022 à Paris 8 en co-direction avec Anne-Marie Devreux, membres du jury : Laure Bereni (Rapp.), Maria do Mar Pereira (Rapp.), Nassira Hedjerassi et Laurent Willemez  

    Depuis une dizaine d’années, les formations en études genre se développent de façon inédite dans l’enseignement supérieur en France et en Angleterre et ce malgré la délégitimation, durant plusieurs décennies, des savoirs féministes et sur les femmes. Les trajectoires institutionnelles improbables de ces savoirs dissidents, au sens où ils contestent l’ordre académique établi et les pratiques androcentrées qui y ont cours, constituent l’objet de cette thèse. À l’échelle micro-sociale, la recherche compare les parcours professionnels des enseignant.e.s féministes de la fin des années 1960 à aujourd’hui dans les deux pays. D’autre part, aux échelles méso- et macro-sociale, elle démontre comment, à partir des années 2000, s’ouvre une fenêtre d’opportunité pour l’institutionnalisation de ces savoirs du fait de la conjonction de politiques publiques nationales et européennes promouvant l’égalité professionnelle et d’un modèle néolibéral de fonctionnement de l’enseignement supérieur. En restituant une socio-histoire des études féministes et sur les femmes, révélant, entre autres, les mécanismes de dynamiques antiféministes en évolution, la thèse montre comment les enseignant.e.s-chercheur.e.s exploitent ce contexte politico-économique. Pourtant, l’institutionnalisation des études genre s’avère sélective et fragile. S’appuyant sur une enquête par entretiens, la thèse constitue ainsi une contribution à l’histoire des études féministes et du genre et à une sociologie de leurs enseignant.e.s, tout en présentant une analyse des effets des transformations universitaires néolibérales sur les curricula.

    Mathilde Guellier, « Le sexisme est partout, nous aussi ! » Mobilisations féministes et carrières militantes depuis les années 2000, thèse en cours depuis 2021  

    Ce projet questionne l'engagement féministe contemporain au croisement de la sociologie du genre et celle des mouvements sociaux. En prenant pour objet les carrières militantes féministes contemporaines, cette thèse vise à éclairer les configurations de la nébuleuse féministe et les enjeux sur lesquels les féministes se positionnent depuis les années 2000 en France.

    Mäeva Durand, Les invisibles : enquête localisée sur le rapport au politique des femmes de classes populaires, thèse soutenue en 2021 à Bourgogne FrancheComté sous la direction de Julian Mischi, membres du jury : Isabelle Mallon (Rapp.), Philippe Aldrin (Rapp.), Christelle Avril et Violaine Girard  

    Cette thèse analyse le rapport au politique des femmes de classes populaires à travers une démarche empirique soucieuse d’appréhender la formation des attitudes politiques en contexte. Ce travail se situe au croisement du champ des études politiques et de la sociologie des classes populaires en explorant l’impact de l’évolution du style de vie et de la situation au travail des femmes populaires sur les formes de leur politisation. La question du genre et des inégalités propres aux rapports sociaux de sexe est au cœur de cette étude qui explore le monde des femmes des fractions instables des classes populaire.Cette thèse repose sur une enquête de terrain menée de 2016 à 2018 au sein d’un réseau d’interconnaissance de trente personnes (liées par des liens amicaux, familiaux et de voisinage) situé sur le Territoire de Belfort.Investir une zone d’étude structurée autour d’une ville moyenne et parsemée de bourgs ruraux permet d’aborder le cas typique d’une configuration socio-spatiale caractérisée par une présence importante des classes populaires. Ces dernières sont en effet surreprésentées dans les espaces éloignées des grandes métropoles urbaines.Marquée par la désindustrialisation, un tel terrain permet en outre d’analyser les effets des restructurations du tissu économique et du développement du chômage sur les familles populaires et leur rapport au politique.Il apparait que le travail, l’école et les mobilités résidentielles tout comme la prise en charge étatique sont décisifs dans la construction du rapport au politique, dans un contexte de mise en concurrence entre fractions des classes populaires, propice à l’émergence d’une conscience sociale triangulaire.

    Hugo Bouvard, Gays et lesbiennes en politique : Sociohistoire de la représentation des minorités sexuelles en France et aux États-Unis, thèse soutenue en 2020 à Ecole doctorale SDOSE Paris, membres du jury : Lucie Bargel (Rapp.), Éric Fassin (Rapp.), Christian Le Bart, Laure Bereni et Guillaume Marche  

    En s’appuyant sur des sources variées – archives, observations, entretiens, corpus d’ouvrages autobiographiques –, cette thèse adopte une perspective sociohistorique et comparative pour retracer la construction de la cause de la représentation politique des gays et des lesbiennes en France et aux États- Unis, des années 1960 à nos jours. En mobilisant le concept d’espace de la cause des gays et des lesbiennes, elle analyse d’abord les facteurs politiques et institutionnels qui permettent de comprendre l’échec de cette entreprise en France et son succès aux États-Unis. Elle montre ensuite que les stratégies de présentation sexuelle de soi mises en œuvre par les élu·e·s homosexuel·le·s des deux pays font l’objet d’une coproduction négociée avec les journalistes. En considérant la représentation comme proposition, la thèse met enfin en évidence le caractère processuel et contextuel de tout travail de représentation des intérêts d’un groupe.

    Laurine Chassagne, Éduquer en mixité à la Protection Judiciaire de la Jeunesse - Enquête sur la mise en œuvre des politiques d'éducation, d'insertion et de socialisation, thèse en cours depuis 2019  

    Ce projet propose de questionner la mise en œuvre genrée des politiques publiques d'éducation et de socialisation dans le cadre la Protection Judiciaire de la Jeunesse, à travers la prise en charge en mixité des jeunes sous-main de justice par ses professionnel·le·s dans les dispositifs de placement et d'insertion.

    Béatrice Bouillon, Confronter l'ordre du genre , thèse en cours depuis 2019 en co-direction avec Céline Bessière  

    Cette thèse porte sur le lien entre politisation ordinaire et monoparentalité. Au croisement de la sociologie politique, de la famille et du genre, elle prend pour objet les pratiques ordinaires par lesquelles des responsables de familles monoparentales développent des rapports critiques aux normes et rapports de genre. Elle repose sur une enquête auprès de parents en situation de monoparentalité différencié·e·s par leur classe sociale et leur lieu de résidence, à partir de méthodes croisées (entretiens ethnographiques, observations, travail statistique).

    Soizic Brohan, « La femme politique paradoxale ». Étude comparative sur la représentation des femmes dans les assemblées politiques en Guadeloupe et en Jamaïque depuis 1944. : Étude comparative sur la représentation des femmes dans les assemblées politiques en Guadeloupe et en Jamaïque depuis 1944, thèse soutenue en 2019 à Bordeaux sous la direction de Christine Chivallon, membres du jury : Jessica Byron (Rapp.), Marion Paoletti et Stéphanie Guyon  

    Les sociétés caribéennes de legs plantationnaire sont souvent associées à des sociétés « matrifocales » à tendance matriarcale où les femmes seraient détentrices d’un potentat féminin et les hommes dépossédés de leur autorité « naturelle ». Les femmes sont certes dotées d'une autorité féminine mais la « matrifocalité » ne nie pas des rapports de pouvoir inégaux entre les hommes et les femmes. Le champ politique en constitue un terrain d'expression privilégié. Le décalage paradoxal entre le pouvoir prêté aux femmes et leur position dans le système politique sert de point de départ à ce travail de thèse qui cherche à étudier les relations entre ordre social et représentation politique du point de vue du genre. Il analyse l'évolution de la représentation des femmes dans les assemblées politiques centrales en Guadeloupe (Conseil départemental et Conseil régional) et en Jamaïque (Chambre des représentants et Sénat) depuis 1944 au prisme des renégociations permanentes entre les contraintes structurelles des deux contextes politiques étudiés et les contraintes symboliques intériorisées par leurs acteur.rices.s porteur.se.s d'une histoire sociale particulière, ainsi que les modalités de professionnalisation politique des représentantes recouvrant une hétérogénéité de trajectoires personnelles, professionnelles et politiques. La méthode de recherche adoptée mobilise des sources archivistiques par le recueil de données de type statistique et monographique, donnant lieu à la réalisation d'une base de données sur les femmes siégeant dans les assemblées politiques et d'une typologie de leurs trajectoires, ainsi que la réalisation d’une série d'entretiens semi-directifs biographiques auprès de certaines d’entre elles afin d'approfondir l'analyse de leurs trajectoires. La perspective comparatiste entre la Guadeloupe et la Jamaïque souligne les spécificités de leurs systèmes de représentation politique en dépit de leurs similitudes socioculturelles.

    Alice Romerio, Le travail féministe : enquête sur la professionnalisation du militantisme féministe au Planning familial, thèse soutenue en 2019 à Paris 8 en co-direction avec Violaine Roussel, membres du jury : Maud Simonet (Rapp.), Olivier Fillieule (Rapp.), Jérôme Pélisse  

    Cette thèse porte sur le travail féministe au Planning familial, c’est à dire sur lesmodalités et les enjeux de la professionnalisation d’une association historique et centrale ausein de l’espace de la cause des femmes, qui participe à la mise en oeuvre de politiquespubliques dans les domaines de la sexualité et de l’égalité femmes-hommes. Située aucroisement de la sociologie de l’engagement, du travail et des professions, et de l’actionpublique, la thèse s’emploie à démontrer, en prenant le contrepied d’une hypothèse répandue,que les processus d’institutionnalisation et de professionnalisation d’une organisationmilitante peuvent conduire, dans certaines conditions, à des dynamiques de politisation. A partir d’une enquête sociohistorique, d’une enquête ethnographique multi-située etd’une enquête par questionnaire, cette thèse analyse les processus de politisation du travail etles politisations au travail, et étudie les relations entre État et organisations militantes au-delàde l’opposition entre intégration et conflictualité. La professionnalisation peut d’abordconstituer une stratégie politique et le recours au salariat se révèle sous certaines conditionsune ressource politique nécessaire au maintien et au développement de forces militantes. Lathèse montre ensuite que les processus de politisation individuelle produits dans lesorganisations militantes dépendent des modalités de professionnalisation développées àl’échelle locale et des (dis)positions sociales des travailleuses féministes. Enfin, la thèserévèle que l’institutionnalisation du Planning familial constitue un processus non linéaire etanalyse les réceptions singulières et hybrides de politiques publiques au cours de leur mise enoeuvre. La thèse saisit ainsi le féminisme d’État « par le bas » en étudiant ce que les politiquespubliques en direction des femmes font aux associations féministes qui participent à leur miseen oeuvre et ce que, réciproquement, les associations féministes font aux politiques publiques,c’est-à-dire comment ces dernières sont appropriées et traduites dans les activités del’association.

    Marion Obert, Socio-histoire de la politique d'immigration familiale de 1976 à nos jours, thèse en cours depuis 2013 

  • Marie Montagnon, Podemos ou le réenchantement incertain de la forme-parti, thèse soutenue en 2023 à Lyon École normale supérieure sous la direction de Lilian Mathieu et José Luis Moreno Pestaña, membres du jury : Hélène Combes (Rapp.), Rémi Lefebvre (Rapp.), Francisco Manuel Carballo-Rodriguez et Montserrat Emperador Badimon  

    L'ambition de ce travail doctoral est de démêler les logiques de fonctionnement, le recrutement et les rapports aux mouvements contestataires de l'une des formations partisanes (auto-)labélisées comme parti-mouvement, Podemos. Alors que l'étiquette de « parti-mouvement » a régulièrement été accolée à Podemos, ce travail met en évidence les difficultés posées par ce concept éclaté, à la fois catégorie scientifique et politique. Dans une perspective compréhensive, ce travail propose de déplacer la focale au profit d'une analyse ethnographique menée au long cours. L'ethnographie réalisée vise à restituer les dynamiques des pratiques et du recrutement de Podemos, mais également à les mettre en perspective avec celles des mouvements contestataires. La thèse discute ainsi le concept de « parti-mouvement » et, suivant la démarche idéal-typique, en propose une reconstruction dans l'objectif d'organiser l'exposition de données issues de deux enquêtes ethnographiques. La première enquête a été menée de 2017 à 2019 auprès de quatre groupements militants de Podemos, la seconde a été conduite en 2018 auprès de la Comisión 8M, collectif contestataire à l'instigation de la première grève féministe en Espagne. Les résultats suggèrent que Podemos est un cas atypique de parti-mouvement dont les dynamiques sont principalement structurées par des luttes intra-partisanes. Le cas étudié présente un rapport relativement distant aux mouvements contestataires et puise ses pratiques dans des traditions militantes diverses. Son recrutement se fonde sur trois catégories exemplaires de militants qui mettent en jeu une forte dispersion des variables du capital militant et du capital culturel. Les enquêtes révèlent toutefois un motif de continuité entre parti et mouvement abondant dans le sens d'une possible reconfiguration plus profonde du recrutement et des pratiques : la perméabilité croissante des secteurs partisans et contestataires à des pratiques militantes proches des techniques de gestion de groupes, une matrice dérivée d'un recrutement de profils à fort capital culturel accumulé et structuré par l'univers disciplinaire de la psychologie sociale.

    Anja Durovic, The gender gap paradox : citizenship, cohort change and the evolution of gender inequalities in political participation in Western Europe (1981-2016) - Le paradoxe du gender gap, thèse soutenue en 2020 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Nonna Mayer et Vincent Tiberj, membres du jury : Frédéric Gonthier (Rapp.), Éléonore Lépinard (Rapp.), Laura Morales Díez de Ulzurrun et Hilde Coffe  

    La recherche sur les écarts de participation politique selon le genre manque d'analyses longitudinales et comparatives examinant si, où et pourquoi les inégalités participatives entre les genres ont varié au fil du temps. Cette thèse vise à combler cette lacune en adoptant un cadrage théorique dynamique, croisant études de genre et travaux sur la participation politique, et un design de recherche qui compare à la fois (i) différents types de participation politique (participation aux élections nationales, à des activités institutionnelles, à des manifestations et à des pétitions), (ii) neuf pays d’Europe de l’ouest, sur une période de 35 ans, en s’appuyant sur des analyses quantitatives des enquêtes EVS (1981-2008) et ESS (2002-2016). Les résultats indiquent que les écarts entre femmes et hommes ont évolué au fil du temps, qu’ils se sont réduits et parfois inversés selon le mode d’action, et de manière différente selon les pays. La thèse montre que cette évolution paradoxale des inégalités de genre dans la participation politique est majoritairement due aux effets genrés de l’appartenance générationnelle qui influence le niveau de participation politique chez les femmes et les hommes, mais de manière différente selon le type d’action étudié. De manière générale, l’ampleur des gender gaps de la participation diminue parmi les cohortes les plus récentes, du fait des différences générationnelles en termes d’éducation, de religiosité, de politisation ou des effets négatifs et durables du retard dans l’accès des femmes à la citoyenneté politique. La thèse révèle que la diminution des gender gaps dans les formes de participation coûteuses en termes de temps et de ressources parmi les plus jeunes cohortes n’est pas due à un plus fort engagement des femmes mais à une participation en baisse des hommes, qui, dans certains pays, s’expliquent par les écarts du niveau de syndicalisation entre générations.

    Amadou Samba Diop, Sans-papiers, sans politiques ? : Contribution à une étude comparée du traitement public des sans-papiers en France et en Suède, thèse soutenue en 2018 à Ecole doctorale SDOSE Paris sous la direction de Renaud Dorandeu, membres du jury : Catherine Wihtol de Wenden (Rapp.), Yves Surel (Rapp.)  

    L’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ne déclare-t-il pas que « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »? La non-discrimination ainsi que l’égalité de traitement des sujets de droits devant les juridictions ne constituent-ils pas le socle des principes cardinaux relatifs à la protection des droits de l’homme ? Le droit et les pratiques ont tendance à ne pas considérer les personnes dites « sans-papiers » comme des usagers du service public reniant ainsi leur personnalité juridique. Pourtant, le respect du droit des étrangers est un marqueur essentiel du degré de protection et d’effectivité des droits et libertés dans un pays. Au courant des dernières années, les associations et organisations œuvrant pour le respect des droits de l’homme n’ont cessé de souligner le fossé existant entre les droits officiellement proclamés et les droits réellement exercés par les étrangers sur le territoire européen. Dès lors, s’est posé le problème d’une harmonisation et d’une communautarisation réelles des politiques migratoires européennes. Cette thèse propose alors dans l’immédiat, une contribution à une analyse circonstanciée et comparée du traitement public des sans-papiers en France et en Suède. Elle est motivée par mon expérience personnelle sur la problématique du droit des étrangers en Europe et insiste sur la mutation de l’action collective par le biais de la juridification et de l’européanisation. Les nombreuses difficultés rencontrées par les pouvoirs publics à faire émerger une politique publique singulière propre aux sans-papiers dessine un faisceau d’hypothèses qui nous aideront à mieux comprendre et cerner le problème.

    Sophie Noyé, Féminisme matérialiste et queer : politique(s) d'un constructivisme radical, thèse soutenue en 2016 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Jean-Marie Donegani, membres du jury : Lisa Jane Disch (Rapp.), Éric Fassin (Rapp.), Frédéric Gros  

    Notre propos interroge la pluralisation des formes d’émancipation féministe en France depuis le milieu des années 1990 au regard de la confrontation entre féminisme matérialiste et féminisme queer. Nous sommes partis de l’hypothèse que l’articulation entre ces deux positions théorico-politiques est possible car elle se réalise dans les pratiques militantes queer-féministes actuelles. Nous affirmons que cette conjugaison est pertinente et mérite d’être davantage théorisée car elle porte selon nous une radicalité inclusive. L’alliance de ces deux approches interroge la définition du sujet féministe et, en particulier, l’élaboration non-essentialiste de l’unité politique. Nous analysons dans quelle mesure la démarche (contre-)hégémonique ainsi que le projet de démocratie radicale plurielle et agonistique donnent des outils pour répondre à cette question. Notre thèse est la suivante : le constructivisme radical qui résulte de l’union entre féminisme matérialiste et féminisme queer devrait développer une stratégie hégémonique de construction du sujet politique, car celle-ci prend en compte la pluralité et la contingence du social mais vise également l’unité et la stabilité du « nous » politique afin de renverser les diverses dominations matérielles. Ce constructivisme conçoit le politique comme institution du social et développe une compréhension de la politique comme organisation du conflit en situation d’indécidabilité.

    Mérabha Benchikh, Devenir femme politique. La socialisation et la professionnalisation politiques des femmes à l'aune de la domination masculine, thèse soutenue en 2011 à Besançon sous la direction de Alain Bihr, membres du jury : Jacqueline Heinen (Rapp.), Armelle Le Bras-Chopard (Rapp.)  

    Il est d’actualité de parler de l’engagement politique des femmes en France dans un contexte qui se voudrait paritaire. A travers leurs biographies, leurs trajectoires militantes et électives, leurs carrières ainsi que l’exercice de leurs pratiques s’inscrivant dans ce champ particulier : qu’est-ce qui détermine une femme à se professionnaliser en politique ?Ainsi, pourquoi y a-t-il encore trop peu de femmes en France à briguer des mandats électifs alors que ces dernières se montrent sensibilisées aux problèmes que connaît notre société et, ont la volonté d’apporter des modifications à l’évolution sociale, tant par le biais de leurs actions qu’à travers leurs votes pour lesquels elles se mobilisent en nommant des représentants garants d’une politique déterminée. De toute évidence, les femmes sont totalement ancrées dans la politique puisqu’elles en débattent et en font comme n’importe quel-le citoyen-ne. Leur participation aux élections en témoigne. Dans ce cas, pourquoi sont-elles aussi peu intégrées dans le système politique ? Qu’est-ce qui freine alors leur participation publique ?Pour ce faire, notre étude traitera de la socialisation et de la professionnalisation des femmes dans le champ politique si particulier où pouvoir est synonyme de virilité, à travers une comparaison genrée des carrières féminines et masculines.

  • Margot Giacinti, "Quand il n'y a pas mort d'hommes." Socio-histoire du féminicide en France (1791-1976), thèse soutenue en 2023 à Lyon École normale supérieure sous la direction de Anne Verjus, membres du jury : Frédérique Matonti (Rapp.), Marc Renneville, Chloé Gaboriaux, Ludovic Gaussot et Solenne Jouanneau  

    Cette thèse de science politique s’inscrit à la croisée de l’histoire sociale des idées politiques, de la socio-histoire des faits sociaux et des études de genre. Elle propose, d’une part, de retracer l’évolution des lectures politiques, juridiques et sociologiques faites du meurtre de femmes avant l’avènement du concept de féminicide en 1976, lorsqu’il est défini par D. H. Russell comme « meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme ». D’autre part, elle étudie, à partir d’affaires judiciaires jugées en cours d’assises du Rhône entre 1791 et 1976, les caractéristiques des meurtres de femmes en discutant ce qui permettrait de les catégoriser ou non comme féminicides. Elle identifie deux paradigmes majoritaires, l’un hérité de la Révolution française, l’autre forgé au long du XIX e siècle, lesquels produisent une identification du féminicide successivement comme crime du mariage (« meurtre d’un·e épou·x·se ») puis comme crime passionnel (« drame de l’amour »). Ces deux lectures, conjugaliste et passionnelle, font obstacle à l’appréhension d’un véritable fait social structurel, subsumable sous la catégorie unitaire de féminicide et saisissable à l’aune des rapports sociaux de sexe. L’analyse des affaires judiciaires permet pourtant de prouver la persistance de traits sociaux communs et la récurrence de scripts dans d’autres meurtres que les seuls crimes entre époux ou crimes de l’intime, les seuls ayant réellement fait l’objet d’un effort de théorisation (juridique, politique, médiatique ou scientifique). Ce faisant, des meurtres comme ceux qui accompagnent ou sont motivés par le vol, les viols meurtriers, les matricides ou l’assassinat de femmes résistant à l’ordre patriarcal sont autant de faits sociaux qualifiables de féminicide. Ils résultent en effet d’une volonté de ciblage genrée, procèdent de logiques de prédation masculine et de sanction de l’agentivité de certaines femmes et se traduisent par l’exercice d’une violence extrême visant à maintenir les femmes en position subalterne.

    Estelle Gridaine, Construction d'une question sanitaire et d'une norme corporelle. : le cas du traitement de l'obésité en milieu hospitalier., thèse soutenue en 2022 à Nantes Université sous la direction de Annie Collovald, membres du jury : Henri Bergeron (Rapp.), Anne Lhuissier et Baptiste Viaud  

    A partir d’une étude localisée du traitement de l’obésité en milieu hospitalier, la thèse examine un paradoxe : comment des mécanismes de disqualification sociale des personnes en surpoids surgissent et se cristallisent dans un espace volontiers présenté comme neutre et empathique à l’égard des patients. La prise en charge de cet état corporel présente la particularité de réunir, à chaque extrémité de la relation thérapeutique (patients, personnel soignant), une population principalement féminine partageant des caractéristiques communes (âge, origine sociale et sentiment de déclassement) et un objectif commun de transformation des corpulences. Après de multiples tentatives précédentes d’amaigrissement, les unes espèrent atteindre une forme physique légitime ; les autres aspirent à une position professionnelle reconnue alors qu’elles ont vécu leur pratique paramédicale et médicale comme une relégation dans les zones d’ombre de l’activité sanitaire. Par le croisement d’une sociologie du genre, des classes populaires, de la santé, du corps et des groupes professionnels, cette étude vise à mettre en évidence comment la « négociation des soins » tourne sans cesse au désavantage des patientes : jugées d’emblée dépourvues d’un ethos du contrôle, portées à l’intempérance alors même que tout leur parcours antérieur témoigne du contraire, par des pratiques répétées de luttes et de volonté de changer la « fatalité » du surpoids. Les effets de la disqualification sociale ne jouent pas simplement dans les relations avec les soignant-e-s. Elle joue également au sein même du groupe de patient-e-s. Les mieux dotées mobilisent leurs ressources pour se distinguer des autres qu’elles considèrent comme dépossédées de toute bonne volonté. Simultanément cette recherche montre que le manque de résultats pondéraux conduit les soignants à revoir leurs positions. Le care fait alors souvent place à une logique du soupçon ou à un déni de compétences. En s’appuyant sur le traitement statistique de dossiers médicaux, des entretiens éthographiques et des observations répétées des interactions entre les différents protagonistes, la thèse revisite le déséquilibre de la relation thérapeutique au profit de la construction d’un ordre féminin, aussi subordonné soit-il aux normes masculines.

    Estelle Delaine, A l'extrême droite de l'hémicycle : une sociologie politique des nationalistes dans le champ de l'Eurocratie, thèse soutenue en 2021 à Paris EHESS sous la direction de Sylvain Laurens, membres du jury : Nonna Mayer (Rapp.), Johanna Siméant-Germanos, Martina Avanza et Didier Georgakakis  

    On oppose ordinairement parlementarisme et extrême droite. On admet alors que l’un et l’autre seraient distincts par essence : le parlementarisme générerait des débats, puis des décisions collectives ou progressistes, et l’extrême droite imposerait une vision rétrograde, inégalitaire et violente de et dans la société. Pourtant, dans de nombreuses configurations historiques, des extrêmes droites dures se sont structurées avant, après et pendant un passage par la voie parlementaire. Pour dépasser les dichotomies a-historiques entre « parti antisystème » et « parti du système » (catégories polysémiques et vernaculaires) et disposer d’outils d’analyses qui intègrent les manières dont un Parlement peut –à l’encontre de ses propres principes officiels - procurer des ressources à des partis de droite radicale, cette thèse propose de partir de la réalité statistique et matérielle de la présence d’élites partisanes d’extrême droite dans des Parlements. Reposant principalement sur une ethnographie menée auprès de membres d’équipes parlementaires Front national (FN) de la huitième législature au Parlement européen, cette thèse s’inscrit dans la continuité des études sur les stratégies de conquête du pouvoir par des partis d’extrême droite, s’intéressant au passage au moins partiel par la voie parlementaire. Basée sur une ethnographie de trois ans et demie au Parlement européen et dans les meetings du FN, elle défend l’idée que cette « étape parlementaire » est fondamentale pour de nombreux partis d’extrême droite. Elle constitue une étape décisive dans la formation de ses membres, étape qui a jusqu’ici peu été documentée par les sciences sociales.

    Marion Gilbert, Résister à l'hétérosexualité en Corée du Sud. Parcours genrées de femmes queer entre elles (depuis 2016), thèse soutenue en 2021 à Paris EHESS sous la direction de Alain Delissen et Éric Fassin, membres du jury : Sylvie Tissot (Rapp.), Kyung-mi Kim et Hui-Yeon Kim  

    En 2016, une femme est tuée par un homme dans des toilettes publiques du quartier de Gangnam, à Séoul. Aux policiers, le meurtrier répond qu’il a voulu tuer une femme parce qu’il les hait. Par leur socialisation primaire, les femmes sont censées incorporer, avec une norme hétérosexuelle basée sur la division sexuelle, l’évidence de la domination masculine. Cette affaire juridico-médiatique fonctionne comme un rappel à l’ordre sexuel pour celles qui oseraient remettre en cause leur rôle traditionnel. Ce travail de sociologie qualitative repose sur une enquête de terrain menée pendant huit mois à Séoul en 2018 et 2019. Il étudie comment certaines jeunes femmes sud-coréennes luttent pour la reconnaissance et la visibilité de leur identité homosexuelle tandis que d’autres femmes résistent à l’hétérosexualité en s’auto-identifiant à la même catégorie : queer. À travers une trentaine d’entretiens semi-directifs retraçant les parcours de femmes homosexuelles et de femmes non-homosexuelles, il met en évidence que l’identité queer n’est pas toujours une question de sexualité. En effet, la prépondérance de la famille tend à assigner les femmes à une classe de sexe qu’elles rejettent désormais. La prise de distance avec l’hétérosexualité se fait par l’identification soit à une catégorie traditionnelle d’orientation homosexuelle, soit à de nouvelles catégories de genre (fluide, non binaire, agenre) et d’orientations sexuelles (pansexuel·le, homoromantique). Ce sont autant de manières de résister à la contrainte de relations amoureuses hétérosexuelles, qui passe par le mariage et la procréation. L’identité queer est utilisée de façon subversive par des femmes résolument queer – en termes de genre sinon de sexualité. Les femmes non-homosexuelles rencontrent les femmes homosexuelles sur des réseaux sociaux, où elles apprennent les codes d’identités non-hétérosexuelles avant de se fréquenter dans des cafés, des bars, des clubs lesbiens interdits aux hommes, en pleine expansion depuis la fin des années 2010 à Séoul. La précarité des femmes lesbiennes les pousse à établir des stratégies de résilience. Les combats lesbiens et anti-hétérosexualité se mélangent. A l’unisson, les femmes non-hétérosexuelles demandent la création d’un partenariat reconnu légalement pour les personnes de même sexe, le vote d’une loi anti-discrimination. La thèse montre comment, entre femmes, elles développent des stratégies pour vivre en dehors de l’hétérosexualité, à travers des réseaux de solidarité qui passent par une économie lesbienne et des familles féminines.

    Maxime Lescurieux, Le temps de militer : carrière syndicale et disponibilité biographique des femmes et des hommes de la CFDT, thèse soutenue en 2021 à Paris EHESS sous la direction de Sophie Pochic et Ariane Pailhé, membres du jury : Laurent Lesnard (Rapp.), Sophie Béroud et Thomas Breda  

    En France, on estime à environ 11 % le taux de syndicalisation en 2017. Parmi l’ensemble des adhérent.e.s, les femmes représentent 36 %. Si nous assistons à une relative féminisation du tissu syndical sous l’impulsion de « l’espace de la cause des femmes », les femmes sont encore sous-représentées, tant en bas de la hiérarchie parmi les adhérentes, aux niveaux intermédiaires au sein des militantes sur les lieux de travail, qu’aux postes exécutifs des organisations syndicales. Bien qu’elles aient investi massivement le marché du travail salarié depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les syndicats ont longtemps été réticents à s’ouvrir aux femmes, oscillant entre proclamations de leur droit au travail et renvoi des intéressées au foyer.Pour comprendre la permanence de ce constat, la thèse propose d’étudier la construction des carrières syndicales à l’aune de la question de l’articulation des sphères de vie des militant.e.s de la CFDT. À travers la notion de disponibilité biographique, qui renvoie à une relative absence de contraintes biographiques (familiales, professionnelles, financières, etc.) et qui tend à rendre le militantisme chronophage et/ou risqué, la thèse invite à prendre au sérieux la dimension temporelle dans le processus de fabrication de l’engagement syndical et de ses inégalités au sein du premier syndicat de France.Cette thèse s’appuie d’abord sur une recherche documentaire issue des archives confédérales de la CFDT. À partir de l’étude de tracts, la féminité et la masculinité, telles des curseurs mobiles, permettent d’approcher de manière historique le rapport de l’organisation syndicale à la cause des femmes. Elle repose ensuite sur un corpus de 40 entretiens biographiques de militantes et militants de la CFDT menés dans chacune des strates de l’organisation : par un axe professionnel et sectoriel d’une part, interprofessionnel et territorial d’autre part. Elle s’appuie enfin sur la création d’une enquête statistique nationale inédite : l’enquête EPASY qui retrace rétrospectivement et conjointement la dimension professionnelle, intime et syndicale de 1115 militant.e.s de la CFDT. Cette recherche met d’abord en évidence le poids de la disponibilité biographique dans la construction des carrières militantes dans l’espace et le temps syndical. Selon certaines configurations professionnelles et familiales, les carrières syndicales s’accélèrent ou ralentissent. L’engagement syndical et son niveau sont plus ou moins facilités. Mais cette disponibilité biographique est le lieu d’inégalités selon le genre et la classe d’appartenance des militant.e.s. en particulier selon le niveau de ressources économiques, culturelles et militantes.

    Déborah Perez, Devenir député en situation révolutionnaire : expérimentations démocratiques et restaurations autoritaires en Tunisie, 2011-2015, thèse soutenue en 2021 à AixMarseille sous la direction de Éric Gobe et Michel Offerlé, membres du jury : Imed Melliti (Rapp.), Myriam Catusse et Mounia Bennani-Chraïbi  

    Comment entre-t-on en politique pendant une révolution ? Changer les hommes permet-il pour autant de changer les pratiques ? Cinq ans après le départ de Zine el-Abidine Ben Ali, la Tunisie s’est dotée d’une nouvelle constitution et connaît sa première alternance pacifique. Cette réussite est saluée à l’international comme une « exception tunisienne », alors même que de nombreuses voix tunisiennes dénoncent un « hiver islamiste » ou encore un « retour de l’ancien régime ». Notre enquête de terrain auprès des députés de l’Assemblée nationale constituante tunisienne pendant l’écriture de la nouvelle constitution et lors des campagnes électorales, nous permet d’étudier un épisode central du changement de régime tunisien — l’expérience du renouvellement du personnel politique, de la rédaction d’une nouvelle constitution, et d’une première alternance par les urnes — pour y saisir la manière dont les pratiques des élus sont riches d’expérimentations démocratiques mais contribuent également à réactualiser un ensemble de pratiques héritées de l’autoritarisme

    Emeline Fourment, Théories en action : appropriations des théories féministes en milieu libertaire à Berlin et Montréal, thèse soutenue en 2021 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Florence Haegel, membres du jury : Pascale Dufour (Rapp.), Anne Kwaschik et Delphine Naudier  

    À la croisée de la sociologie du militantisme, de l’histoire sociale des idées politiques et des études de genre, cette thèse examine les appropriations des théories féministes dans les milieux libertaires berlinois et montréalais. La comparaison qu’elle propose repose sur deux enquêtes ethnographiques qui mêlent observations, entretiens biographiques et archives. Ce travail souligne le caractère intellectualisé du militantisme libertaire, mettant en évidence une imbrication entre monde universitaire et milieu libertaire. Il montre également que plus les libertaires sont isolés de la vie politique de leur pays, plus ils et elles développent des modes d’action préfiguratifs, centrés sur la création d’espaces autonomes du reste de la société. Se penchant ensuite sur la manière dont les féministes libertaires articulent théorie et pratique, cette thèse met en lumière trois appropriations possibles (hétéronormée, lesbienne, sexuelle-intersectionnelle) de la théorie queer. Elle soutient alors que les appropriations des théories féministes sont façonnées par des processus de différenciation de sous-milieux libertaires autant qu’elles y participent. Enfin, ce travail analyse les mobilisations féministes contre les violences sexuelles internes aux milieux libertaires, et la manière dont celles-ci font intervenir les théories féministes matérialistes, queer et/ou intersectionnelle. Dans ce cadre, il montre que les théories ne peuvent être considérées isolément : elles apparaissent surtout sous des formes cristallisées dans des modes d’organisation (mixité ou non) et d’action (offensive ou pédagogie).

    Elsa Favier, Énarques et femmes : le genre dans la haute fonction publique, thèse soutenue en 2020 à Paris EHESS sous la direction de Laure Bereni, membres du jury : Sébastien Chauvin (Rapp.), Philippe Bezes, Muriel Darmon et Sylvain Laurens  

    Entre 2001 et 2017, la part des femmes dans la haute fonction publique d’État est passée de 12% à 40%. La féminisation des élites administratives, et plus largement des lieux de pouvoir, constitue un bouleversement social majeur des dernières décennies. Si les mécanismes d’exclusion des femmes sont aujourd’hui bien identifiés, la féminisation a été peu analysée pour elle-même. C’est l’objet de cette thèse, qui s’appuie sur une enquête ethnographique et statistique portant sur les femmes passées par l’ENA. Comment est-il devenu possible que des femmes accèdent à des positions de pouvoir au sein de l’État historiquement monopolisées par des hommes ? Qui sont celles qui peuvent prétendre à ces positions professionnelles en haut de la hiérarchie sociale ? Comment s’approprient-elles des rôles prestigieux, associés au masculin ? Pour répondre à ces questions, cette thèse mobilise deux cadres analytiques principaux : une perspective intersectionnelle qui articule, sans les hiérarchiser, rapports de classe et rapports de genre ; une sociologie de la socialisation, tant familiale, scolaire que professionnelle. Ce faisant, elle éclaire de manière inédite la sociologie des élites administratives, la sociologie des classes supérieures et les dynamiques de genre dans les lieux de pouvoir.

    Mickaël Durand, Homopoliticus : socialisation politique et construction du rapport au politique des gays et lesbiennes en France, thèse soutenue en 2020 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Florence Haegel, membres du jury : Bruno Perreau (Rapp.), Muriel Darmon et Wilfried Rault  

    Cette thèse cherche à comprendre comment l’homosexualité contribue à la socialisation politique des individus. Elle considère à la fois la construction de l’appartenance homosexuelle et celle du rapport de l’individu à la politique, entendu comme rapport au monde social et à la politique institutionnelle. L’enquête se fonde sur un corpus de 90 entretiens approfondis alliant récit de vie et entretien compréhensif. Le recrutement repose sur un principe de diversification poussée du point de vue du genre, de la race, de la religiosité, de la classe sociale. Ce travail souligne d’abord l’importance du décalage produit par l’hétéronormativité du monde social à l’aide de la notion de « socialisation (primaire) ratée ». Il met en lumière quatre formes d’appartenance homosexuelle (affirmée, conformée, déconscientisée, ghettoïsée) qui mettent en jeu le rapport de l’individu au genre, à la visibilité homosexuelle, et le sentiment d’appartenance. Le rapport plus ou moins conflictualisé au monde social apparaît fondamental de ces formes de l’appartenance, et sont interprétées au travers d’une logique dite de compensation sociale. Enfin, la thèse contribue à expliquer l’orientation politique des homosexuel.e.s en montrant l’imbrication entre socialisations politiques primaire et secondaire, et souligne que le positionnement à gauche des homosexuel.le.s repose sur un mécanisme de cohérence, alors qu’il repose sur un mécanisme de hiérarchisation des appartenances sociales à droite. La thèse soutient alors que l’ancrage plus fort à gauche des gays et lesbiennes en tant que groupe - ou sexuality gap - repose sur les mécanismes de transformation politique par l’homosexualité.

    Alexandra Roux, « Par amour des femmes » ? : la pilule contraceptive en France, genèse d'une évidence sociale et médicale (1960-2000), thèse soutenue en 2020 à Paris EHESS sous la direction de Ilana Löwy et Nathalie Bajos, membres du jury : Dominique Memmi (Rapp.), Michel Bozon, Patrick Castel, Bibia Pavard et Christelle Rabier  

    La pilule contraceptive est aujourd'hui centrale dans les pratiques comme dans les représentations en France, au point que son recours élevé et que le moindre usage des autres méthodes fassent figure d'évidence. La thèse retrace la genèse de cette évidence, en montrant de quelle manière le recours à la pilule comme méthode principale de contraception est devenu, entre 1960 et 2000, une norme sociale et médicale. Elle s'appuie pour cela sur un large corpus d'archives, sur des entretiens avec des expert·e·s en contraception, et sur les données d'enquêtes nationales sur les pratiques contraceptives et prescriptives. Cette recherche montre que la norme contraceptive française -- faisant de la pilule la méthode principale d'espacement des naissances, et du dispositif intra-utérin la principale contraception d'arrêt, lorsque les femmes ne souhaitent plus avoir d'enfant -- se généralise au cours des années 1980. En parallèle de cette évolution dans les pratiques, la pilule devient centrale dans les représentations médicales et médiatiques à la fin des années 1960, jusqu'à se confondre avec la contraception dans son ensemble. Ce «pilulocentrisme» médical et médiatique s'accompagne de l'éviction des autres méthodes contraceptives. Ce travail de thèse a permis d'éclairer le rôle des expert·e·s en contraception dans la définition et la diffusion de cette norme. D'une vision de la contraception comme une panoplie de méthodes, ces expert·e·s évoluent progressivement vers l'idée que la pilule est la seule méthode efficace et sans risque, dans les limites de ses contre-indications. Les industries pharmaceutiques ont également un rôle déterminant dans la définition des catégories mobilisées par les expert·e·s, et dans la focalisation progressive de l'offre contraceptive sur les contraceptifs oraux. Si des tentatives de contestation de la norme contraceptive ont émergé, notamment dans le champ médical, à la fin des années 1960 et au début des années 1980, elles n'ont finalement eu que peu d'impact. Les militantes féministes des années 1970 se sont révélées être des alliées plutôt que des opposantes à cette norme, et ont érigé la pilule comme symbole des luttes pour les droits reproductifs.

    Josselin Tricou, Des soutanes et des hommes : subjectivation genrée et politiques de la masculinité au sein du clergé catholique français depuis les années 1980, thèse soutenue en 2019 à Paris 8 sous la direction de Éric Fassin, membres du jury : Céline Béraud (Rapp.), Isabelle Clair et David Paternotte  

    Cette thèse se situe à la croisée de la sociologie du catholicisme et des études de genre. Elle prend pour objet la masculinité des prêtres à partir du modèle théorique de R. Connell. Dans un contexte de perte d’emprise de l’Église catholique au sein des sociétés occidentales, que redouble la démocratisation sexuelle qui s’y déploie, elle analyse les caractéristiques des masculinités cléricales à une triple échelle : les processus de subjectivation genrée des prêtres, les divers régimes locaux de genre dans un catholicisme fragmenté, et, enfin, les mobilisations émergentes autour des questions de masculinité au sein du pôle d’identité du catholicisme contemporain. La toile de fond de cette recherche est la bataille entre les différentes fractions du catholicisme dont le genre est devenu un terrain privilégié. La thèse analyse d’abord les effets d’une disqualification symbolique dans l’ordre du genre de la masculinité sacerdotale qui vient percuter un secret institutionnel bien gardé jusque-là, celui de la fonction de placard qu’avait l’institution cléricale. Or, loin que le discours actuel du Vatican contre l’homosexualité soit dissuasif, il a pour effet paradoxal d’attirer les candidats homosexuels au sacerdoce, alors même que la vocation a largement été désertée par les hétérosexuels après l’avoir été par les classes populaires. Elle analyse ensuite les efforts de l’appareil catholique pour contrer cette disqualification. Genre et sexualité sont ici pris dans une triple dimension : lieu d’expression du pouvoir au sein de l’institution, champ de luttes pour maintenir la position de l’institution au sein de la société et, enfin, objet de politiques mises en œuvre par ses agents.

    Myriam Paris, « Nous qui versons la vie goutte à goutte » , thèse soutenue en 2018 à Paris 1 sous la direction de Frédérique Matonti, membres du jury : Éric Fassin (Rapp.), Silyane Larcher et Paola Bacchetta  

    Cette thèse montre qu’en s’identifiant comme celles qui « versent la vie goutte à goutte », des Réunionnaises mobilisées dans l’après 1945 au sein d’une jeune association féminine politisent une expérience alors partagée par la majorité des femmes de La Réunion : celle d’un pouvoir colonial qui organise à leur dépens le travail maternel. Pour mettre en lumière les revendications anticoloniales et féministes portées par ces militantes jusqu’à la fin des années 1970, cette thèse propose une sociohistoire de l’économie reproductive à laquelle elles se confrontent. Elle retrace la genèse et les mutations de la gestion sociale et politique du travail reproductif à La Réunion en montrant comment cette gestion fait intervenir des rapports sociaux de genre, de race et de classe. Prenant pour fluide conducteur cette ressource vitale qu’est le lait et le travail d’allaitement dont il dépend, cette recherche part du lait versé par des nourrices détenues en esclavage au XIXe siècle et se conclut sur le « lait Debré », matière première d’une politique d’assistance instituée dans les années 1960 par le Premier ministre français du même nom. Appuyée sur l’analyse d’archives militantes et administratives, cette étude examine les normes, les procédures et les dispositifs qui inventent et réinventent un art colonial de gouverner en organisant et en contrôlant la reproduction humaine.

    Camille Masclet, Sociologie des féministes des années 1970 : analyse localisée, incidences biographiques et transmission familiale d'un engagement pour la cause des femmes en France, thèse soutenue en 2017 à Paris 8 sous la direction de Michèle Ferrand et Olivier Fillieule, membres du jury : Muriel Darmon (Rapp.), Michelle Zancarini-Fournel et Felix Bühlmann  

    Par une contestation radicale du patriarcat et visant une « libération des femmes », les mouvements féministes qui se développent dans les années 1970 ont contribué à remettre en question les rapports de genre dans de nombreux domaines. À partir d’une recherche combinant travail sur archives, enquête par questionnaire et entretiens, la thèse prend pour objet l’engagement de femmes dans ces mobilisations en France. Elle vise à comprendre comment la participation à ce mouvement social – caractérisé par la politisation de la sphère privée – a transformé les trajectoires de militantes « ordinaires » et celles de leurs enfants. Au moyen d’une approche localisée et comparée, la thèse analyse d’abord les contextes militants dans lesquels les féministes ont circulé et ont été socialisées. Retraçant les mobilisations féministes qui se déploient à Lyon et à Grenoble entre 1970 et 1984, elle revisite l’histoire des féminismes français de la « deuxième vague ». Étudiant ensuite les carrières militantes des féministes, la thèse montre les effets socialisateurs durables de ces engagements et leur empreinte sur les différentes sphères de leur vie. Des analyses séquentielles permettent de mettre au jour leurs principaux devenirs jusqu’à aujourd’hui, sur le plan politique comme sur le plan personnel. Resserrant la focale d’analyse sur les féministes devenues mères, l’enquête révèle finalement par quels pratiques et processus une transmission familiale du féminisme s’est opérée et quels héritages politiques en résultent chez les enfants. Elle dégage plusieurs facteurs pour comprendre les appropriations différenciées de ces héritages parmi la deuxième génération.

    Martin Baloge, Démêler l'écheveau de la représentation politique : l'impôt sur la fortune à l'Assemblée nationale et au Bundestag, thèse soutenue en 2016 à Paris 1 sous la direction de Daniel Gaxie, membres du jury : Alexis Spire (Rapp.), Florence Haegel et Jens Borchert  

    Cette thèse étudie dans une perspective comparée les modalités du travail de représentation en matière d’impôt sur la fortune, au Bundestag et à l’Assemblée nationale. S’appuyant sur des approches empiriques complémentaires (entretiens semi-directs, observation non-participante, bases de données prosopographiques, travail d’archive codé), cette enquête entend expliquer la variété des pratiques constatées. La recherche montre que les débats en matière d’impôt sur la fortune se caractérisent par la place centrale prise par les mondes de l’entreprise, faisant émerger le constat d’une forme d’inégalité d’accès à la parole parlementaire pour les groupes sociaux cités au sein des deux Assemblées. L’enquête souligne également que les députés développent des pratiques différenciées entre groupes en utilisant plusieurs registres de représentation visant à justifier et légitimer les différents modes d’investissement observables dans les deux pays. Face à ce constat, cette étude entend proposer un examen des causes des phénomènes observés. Plus d’une trentaine de facteurs explicatifs sont ainsi pris en compte, à des niveaux micro, méso et macrosociologiques (histoire politique, dispositions individuelles, processus de socialisation politique, économique et professionnelle, influence des entourages, effets de positions et de contextes, etc.). La thèse montre alors que les pratiques de représentation sont le résultat de l’articulation d’un système de facteurs qui interdisent de penser ces pratiques de façon réifiée. En cherchant à comprendre la complexité et l’intrication de nombreux éléments intervenant dans les prises de position des élus, la thèse cherche à démêler les fils explicatifs de l’écheveau des pratiques de représentation.

    Marie Mathieu, Derrière l'avortement, les cadres sociaux de l'autonomie des femmes , thèse soutenue en 2016 à Paris 8 sous la direction de Michèle Ferrand et Francine Descarries, membres du jury : Laurent Toulemon (Rapp.), Gail Pheterson  

    À partir d’une enquête qualitative menée auprès de femmes ayant avorté dans les dixdernières années en France et au Québec, cette recherche met en évidence la normecontraceptive dans ces deux sociétés et révèle l’opposition forte faite par l’ensemble desfemmes – et même celles qui avortent plusieurs fois – entre les « bonnes » pratiques enmatière de contrôle des naissances – la contraception – et la « mauvaise » pratique –l’avortement. Bien qu’il soit une donnée structurelle des trajectoires reproductives desfemmes, une pratique aujourd’hui sans risque pour leur santé et un acte ordinaire lorsqu’on ledéfait de la charge morale qui lui est associé, l’IVG continue d’être l’objet d’un ensemble dereprésentations sociales stigmatisantes. Aussi, l’analyse des expériences des femmes rendcompte de l’ensemble des éléments qui teintent le vécu d’une ou de plusieurs interruptions degrossesse. Si la décision d’avorter est une évidence pour l’ensemble des femmes, lorsqu’ellessont impliquées dans des activités concurrentes (études, carrière ou élevage et allaitementd’un enfant en bas âge), elle peut devenir plus difficile lorsqu’elle correspond au refus de leurpartenaire d’investir un projet parental qu’elles portent seules. Enfin, la mise en perspectivedes modalités de la prise en charge énoncée par les femmes à Paris et à Montréal, révèle lesnombreux obstacles qui peuvent rendre cet épisode plus compliqué voire douloureux,témoignant des réticences dans ces deux sociétés à penser cette pratique comme un acteordinaire de planification des naissances relevant principalement du champ de la santé.

    Manon Reguer-Petit, Bifurcations familiales et socialisations politiques : une comparaison des femmes en famille nucléaire, monoparentale et recomposée, thèse soutenue en 2016 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Florence Haegel, membres du jury : Muriel Darmon (Rapp.), Yves Déloye et Claude Martin  

    Dans un contexte de diversification des configurations familiales, cette thèse analyse d’abord l’impact des bifurcations familiales sur la socialisation politique secondaire des femmes. Elle permet ensuite de comprendre comment ces bifurcations influent sur la façon dont les femmes conçoivent leur rôle d’agent socialisateur auprès de leurs (beaux-) enfants. L’enquête s’appuie sur une double comparaison, d’une part entre trois structures familiales - nucléaires, monoparentales et recomposées - et d’autre part entre des contextes associatifs et non associatifs. Une analyse quantitative des données ÉRFI de l’INED vient compléter le recours à des méthodes qualitatives plurielles : une enquête ethnographique dans trois associations et une enquête par entretiens auprès de 88 femmes, mères en famille nucléaire ou monoparentale et belles-mères en famille recomposée. Les résultats montrent que les configurations familiales influent sur le processus de socialisation politique. Les expériences de recomposition, et encore plus de séparation, suscitent chez les femmes des socialisations de transformation ; celles-ci sont marquées par une modification de leurs valeurs à l’égard de la famille et des rôles de genre, de leur perception de la justice, des politiques de la famille et des politiques sociales. Ces transformations influent in fine sur le rapport des femmes à l’offre politique. La trajectoire familiale affecte ensuite la façon dont les femmes conçoivent leur rôle d’agent socialisateur. L’analyse montre que le contenu qu’elles souhaitent diffuser à leurs (beaux-) enfants ainsi que les mécanismes et l’intentionnalité à agir qu’elles décrivent varient selon la structure familiale.

    Magali Guaresi, Parler au féminin : les professions de foi des député-e-s sous la Cinquième République (1958-2007), thèse soutenue en 2015 à Nice sous la direction de Jean-Paul Pellegrinetti et Damon Mayaffre, membres du jury : Marlène Coulomb-Gully (Rapp.), Manon Tremblay et Jean Garrigues  

    Au croisement de l'histoire politique, des études sur le genre et de l'analyse du discours, cette thèse étudie les professions de foi électorales des candidat-e-s à la députation sous la Cinquième République (1958 – 2007). Le corpus, constitué sur la base d'hypothèses de travail relatives au genre en politique, rassemble la quasi-totalité des proclamations électorales des députées et un échantillon raisonné de textes d'hommes rédigés dans des conditions politiques comparables.Acte performatif par excellence, la déclaration de candidature établit les locuteurs et locutrices en personnalités politiques. Le fait-elle de manière contrastée selon le sexe des candidat-e-s ? Comment le genre façonne-t-il les prises de parole politiques et comment est-il façonné par le langage ? Comment se recompose-t-il au gré des douze législatures du régime quinto-républicain ?Pour répondre à ces questions, cette recherche s’appuie, dans le cadre des Humanités numériques, sur des méthodes d’analyse assistées par ordinateur.Elle décrit les modalités de l'élaboration d'un ethos féminin singulier et de l'expression de thématiques originales dans le discours électoral des femmes briguant la députation durant cinquante ans.

    Marion Charpenel, "Le privé est politique !" : sociologie des mémoires féministes en France, thèse soutenue en 2014 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Marie-Claire Lavabre, membres du jury : Lilian Mathieu (Rapp.), Michelle Zancarini-Fournel  

    Cette thèse prend pour objet les évocations du passé par les militantes de la cause des femmes. Inspirée par les travaux de M. Halbwachs et par la sociologie de l’action collective, elle vise à comprendre comment des représentations partagées du passé peuvent émerger dans un espace aussi ouvert et pluriel que le mouvement féministe. A partir de récits de vie, d’entretiens projectifs, d’observations ethnographiques et d’archives écrites, la thèse montre que l’existence d’une mémoire collective féministe repose sur trois facteurs. Premièrement, il existe dans cet espace un consensus sur la nécessité de visibiliser les femmes dans l’histoire. Ce « devoir de mémoire » fournit aux militantes des raisons politiques d’actualiser régulièrement le passé par des actions collectives. Deuxièmement, au niveau mezzo des collectifs s’accordent sur des interprétations du passé au gré des débats politiques présents et des rapports de pouvoir internes. Eminemment conjoncturelles, ces convergences restent peu propices à l’élaboration d’une histoire officielle féministe. Troisièmement, au niveau micro les histoires personnelles de chaque militante donnent lieu à des récits comparables. L’affirmation selon laquelle « le privé est politique » permet l’existence d’une grille d’interprétation du passé commune centrée sur l’affirmation de soi comme sujet autonome. En effet depuis les années 1970 des pratiques de partage de vécus privés en collectif conduisent les militantes à exposer régulièrement leurs trajectoires au sein d’« espaces du dicible » féministes. C’est par ce processus d’encadrement réciproque des discours biographiques que se réalise une homogénéisation des souvenirs des militantes.

    Guillaume Girard, La féminisation contrainte : Le cas du recrutement politique au Togo et au Bénin (1990-2010), thèse soutenue en 2014 à Paris 1 sous la direction de Daniel Gaxie, membres du jury : Dominique Darbon (Rapp.), Richard Banégas  

    Au tournant des indépendances, au Togo et au Bénin, l'exercice du pouvoir politique se conjugue exclusivement au masculin. Depuis 1990, plus aucun gouvernement, ni parlement, ne se forme sans la présence d'au moins une femme. Étudier la féminisation contrainte, c'est d'abord saisir cette transformation morphologique du personnel politique. Absentes, les femmes sont désormais présentes, bien qu'elles demeurent au final largement minoritaires. Investir cet objet c'est aussi repérer la manière dont la féminisation devient une contrainte des logiques du recrutement politique. Si les acteurs polit1ques en jouent, elle constitue aussi un processus qui finit par s'imposer à eux. Tout se passe donc comme si la présence d'au moins quelques femmes était devenu un impératif. Pourtant, cette transformation n'a rien d'une évidence. En examinant les spécificités et diversités des parcours des entrantes, les variations nationales et historiques des formes individuelles et collectives d'entreprise politique, les dynamiques de revendication et de promesse de quotas, ce travail propose de faire le lien entre ce qui se passe dans la compétition politique et ce qui se joue dans l'espace de la cause des femmes. Cette thèse montre que la féminisation du personnel politique est autant le produit que la productrice de la manière dont la question du nombre de femmes est devenu un enjeu politique. L'étude comparée permet, quant à elle, de souligner qu'au-delà de la dimension internationale de ce phénomène, c'est bel et bien dans la spécificité de chaque trajectoire nationale qu'il faut en analyser les modalités.

    Maud Navarre, Des carrières politiques sous contraintes de genre : le cas des élues en Bourgogne, thèse soutenue en 2013 à Dijon sous la direction de Jean-Pierre Sylvestre et Georges Ubbiali, membres du jury : Marion Paoletti (Rapp.), Nicky Le Feuvre, Roland Pfefferkorn et André Robert  

    Cette recherche a pour objectif d’analyser l’évolution des rapports de genre au cours de l’exercice des mandats électifs. Il s’agit d’appréhender l’action socialisante des fonctions d’élu à travers la notion de carrière politique genrée. Dans un premier temps, nous présentons les injonctions reposant sur les femmes et les hommes qui candidatent à différentes élections locales. Pendant cette période d’initiation aux rôles politiques, les femmes incarnent le renouvellement tandis que les hommes symbolisent l’expérience. Ces représentations et pratiques genrées varient néanmoins suivant les configurations électorales. La deuxième partie s’intéresse aux processus de sélection des élus selon le genre et à leurs conséquences quant à l’investissement dans les responsabilités électives. Enfin, dans la troisième partie, nous montrons que, pour faire carrière, les femmes doivent concilier habilement les pratiques perçues comme masculines et féminines en politique.

    Fanny Gallot, Les ouvrières, des années 1968 au très contemporain : pratiques et représentations, thèse soutenue en 2012 à Lyon 2 sous la direction de Michelle Zancarini-Fournel, membres du jury : Stéphane Beaud, Sylvie Schweitzer et Xavier Vigna  

    Cette thèse porte sur les ouvrières en France des années 1968 au très contemporain. Elle s’appuie principalement sur deux entreprises, Chantelle et Moulinex, et leurs usines de Saint-Herblain (Loire Atlantique) et Alençon (Basse Normandie), respectivement. Elle s’intéresse à la formation d’une génération d’ouvrières, la génération 1968. Celles-ci, embauchées au début des années 1970, traversent ensemble la séquence historique de l’« insubordination ouvrière », puis vieillissent ensemble avant de se trouver licenciées dans les années 1990 ou 2000. La formation de cette génération s’inscrit dans un contexte de bouleversement de l’organisation de la production et de diffusion des féminismes à l’usine, qui affectent la division sexuée du travail – salarié et domestique. En réponse, les gouvernements successifs et le patronat développent les discours paradoxaux de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle d’une part et de l’égalité professionnelle de l’autre. L’étude des pratiques des ouvrières à l’usine vise à montrer si, et comment, les ouvrières parviennent à prendre la parole dans les sphères publique et privée, et dans quelle mesure, pour ce faire, elles déploient une agency particulière qui rend possible des reconfigurations dans les normes de classe et de genre. Tandis que les grèves, les pratiques quotidiennes communes et l’émergence de syndicalistes à l’usine favorisent la formation des figures des filles de Chantelle et des ouvrières de Moulinex, les fermetures d’usine interrompent brutalement cette dynamique et atomisent ces collectifs. Dès lors, chaque licenciée n’est plus qu’une ancienne de, qui cherche à se reconvertir, explorant alors différentes pistes y compris culturelles, de façon à juguler la souffrance du licenciement.

  • Prunelle Aymé, Gouverner avec les femmes, gouverner les femmes dans la Turquie de l'AKP : l'action sociale dans la ville de Gaziantep, thèse soutenue en 2022 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Élise Massicard, membres du jury : Jean-Louis Briquet (Rapp.), Dilek Yankaya (Rapp.), Assia Boutaleb  

    Cette thèse porte sur la participation des femmes au gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP) en Turquie. En dépit de la sous-représentation politique des femmes, la mise en place de ce que l’AKP a nommé le « municipalisme des services » a permis à des militantes, bénévoles et professionnelles de devenir actrices du gouvernement au quotidien. L’action sociale a été largement déléguée à des femmes, bien que souvent à des postes subalternes. Quelles sont les conséquences de l’émergence de ces nouvelles actrices ? Elles contribuent au développement d’un gouvernement du social paramunicipal, reposant sur la délégation à un secteur associatif aux marges d’autonomie variables. Leurs circulations et multipositionnements font d’elles des intermédiaires entre les champs associatif, partisan et municipal. En pratique, les dispositifs d’action sociale, qui ciblent d’abord les femmes des classes populaires, véhiculent des normes qui reposent à la fois sur l’activation et la moralisation des femmes. Dans ces dispositifs se forge aussi le rapport ordinaire des bénéficiaires aux institutions. Or, la forte pénétration de l’action publique locale par les logiques partisanes en fait des lieux de mise en contact avec l’AKP, où se superposent aide, contrôle et mobilisation. Ainsi, l’émergence de ces figures féminines de l’action publique renouvelle les modalités de la domination politique et sociale en Turquie. Cette recherche s’appuie sur une enquête de terrain dans la ville de Gaziantep. 90 entretiens ont été réalisés avec des acteur·rice·s de l’action sociale locale ainsi qu’avec des bénéficiaires. Des observations ont également été menées dans plusieurs dispositifs.

    Damien Lecomte, L'abdication du Parlement : fait majoritaire et discipline partisane à l'Assemblée nationale sous la Vème République, thèse soutenue en 2021 à Paris 1 sous la direction de Frédéric Sawicki, membres du jury : Cécile Vigour (Rapp.), Nicolas Rousselier (Rapp.), Olivier Rozenberg  

    Le facteur clef de la domination du pouvoir gouvernant sur le Parlement dans la Ve République est l’existence d’une majorité stable et disciplinée à l’Assemblée nationale. En étudiant la construction historique du « fait majoritaire » et le fonctionnement des groupes, la thèse analyse la subordination consentie des députés. La recherche se fonde sur des observations directes du groupe socialiste majoritaire pendant la XIVe législature (2012-2017), des entretiens avec des députés et collaborateurs parlementaires et ministériels, des archives des comptes rendus des débats et des données statistiques relatives aux activités législatives et aux profils des élus. Le phénomène inédit de « fronde parlementaire » dans le groupe socialiste incite à examiner les fondements du présidentialisme majoritaire. Émergeant dans une conjoncture politique exceptionnelle autour du général de Gaulle, il s’est solidifié progressivement par le ralliement des acteurs et des forces politiques malgré des mises à l’épreuve. Le capital politique collectif du groupe majoritaire est structuré autour du chef gouvernant et incite les députés à la discipline. Il nécessite néanmoins un travail du groupe pour mobiliser ses membres et du pouvoir gouvernant pour entretenir sa domination, y compris en acceptant des concessions ciblées et des dissensions limitées. Au-delà des institutions formelles, la discipline relève d’abord de représentations incorporées par les députés excluant l’autonomie politique de la majorité parlementaire et naturalisant le soutien au pouvoir gouvernant. L’ancrage du présidentialisme dans les esprits entraîne des dysfonctionnements démocratiques de la Ve République.

    Claire Bloquet, Aux marges du Palais , thèse soutenue en 2021 à Paris 1 sous la direction de Delphine Dulong et Daniel Gaxie, membres du jury : Marc Milet (Rapp.), Cécile Vigour (Rapp.), Olivier Rozenberg  

    La faiblesse du pouvoir législatif du Parlement français, souvent déplorée, ne signifie pas que les parlementaires ont abandonné tout espoir de peser sur la fabrique des lois. Chaque jour, au contraire, des députés s’impliquent dans l’hémicycle, se battent pour amender un projet, et parfois même finissent par l’emporter. Prenant au sérieux cet investissement, ce travail entend éclairer l’importance de ce qui se passe au Parlement, à partir de l’exemple de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. Espace parlementaire marginal, on retrouve pourtant son influence derrière l’adoption de certaines mesures. Le choix de ce point de vue – celui du travail législatif depuis ses marges – permet de mettre en lumière toutes les stratégies et les efforts des députés pour prendre part au processus législatif. L’enquête s’appuie sur des entretiens ainsi que sur des archives parlementaires. Au-delà des ressorts du féminisme parlementaire, cette thèse veut contribuer à la sociologie de la professionnalisation politique et à la sociologie du travail législatif en général. Une première partie met en lumière la manière dont, même au sein d’un espace marginal, se met en place un apprentissage spécifique du métier de parlementaire qui contribue à intéresser durablement les membres de la Délégation au travail législatif, et à construire leurs carrières. La seconde partie est consacrée à l’activité concrète des députés, et présente le travail législatif comme prolongement de l’activité de représentation. On vient alors montrer le travail de recadrage symbolique et d’entretien des relations sociales qui leur permet de contourner les règles, et de gagner, parfois, l’avantage.

    Francis Sanseigne, Inventer une cause, (dé)faire une loi , thèse soutenue en 2019 à Lyon sous la direction de Jacques Michel, membres du jury : Frédéric Pierru (Rapp.), Johanna Siméant-Germanos (Rapp.), Bernard Lahire  

    Le but de cette thèse est de comprendre les conditions d’adoption de la « loi Neuwirth » en décembre 1967 qui dépénalise le libre recours à des moyens de contraception. La modification d’un dispositif légal qui remonte à la loi 1920 renvoie à l’existence d’une relation de pouvoir dotée d’une forme historiquement datée, et partant, socialement construite, qu’il convient d’aborder comme telle pour expliquer sa transformation. Sa formation n’est en effet pas concevable avant la fin du XIXème siècle dans le cadre du processus de nationalisation et d’étatisation de la société. Dès lors, comprendre l’adoption de la « loi Neuwirth » suppose de rendre compte à la fois de la constitution des conduites procréatrices en objet légitimed’intervention étatique, de décrire relationnellement l’invention de la cause contraceptive dans les années 1950, et de saisir les rapports qui peuvent s’établir entre, d’une part, les individus et groupes mobilisés en faveur de cette dernière et, d’autre part, les gouvernants. Bref, saisir pleinement une relation de pouvoir et sa transformation exige de produire une analyse à parts égales des éléments qui la composent en les traitant comme des espaces en interdépendance. Ce travail socio-historique à la croisée de la sociologie des mobilisations, de la sociologie de l’Etat et la sociologie de l’action publique, se base sur l’exploitation de nombreux fonds d’archives, la construction et l’analyse de deux bases données et la réalisation d’entretiens.

    Clémentine Comer, En quête d'égalité(s). La cause des agricultrices en Bretagne entre statu quo conjugal et ajustement catégoriel, thèse soutenue en 2017 à Rennes 1 sous la direction de Érik Neveu, membres du jury : Céline Bessière (Rapp.), Sophie Pochic (Rapp.), Éric Agrikoliansky et Antoine Roger  

    Cette recherche interroge les conditions de structuration et de perduration d’un engagement séparé pour les femmes dans les organisations et au sein de mobilisations agricoles bretonnes. Majoritairement composés d’exploitantes installées en couple et situés à la frontière entre associations de défense de l’égalité, cercles de sociabilités professionnelles et groupes de parole, les espaces d’encadrement agricole féminins offrent une occasion idoine de questionner non seulement l’imbrication des identités professionnelles et conjugales dans l’engagement mais également la labilité des usages rhétoriques de l'égalité et du féminisme dans des espaces professionnels non-mixtes. L’analyse de leur position dans l’espace de la représentation agricole questionne le degré d’autonomie des revendications portées au nom des agricultrices, leur influence sur les agendas organisationnels et leur effet sur la construction des carrières militantes. L’enquête s’appuie sur un dispositif cumulant une observation de quatre années des activités formelles et informelles des groupes féminins, une étude de leur documentation professionnelle, un recensement de leurs tribunes dans la presse agricole, auxquels s’ajoutent la réalisation d’entretiens avec les actrices qui y sont engagées et la constitution de données statistiques relatives aux mandats féminins dans les organisations agricoles bretonnes depuis 1990. Sur la base d’une analyse croisant les études de genre, la sociologie du militantisme et celle de la représentation professionnelle agricole, notre thèse consiste à démontrer que les groupes et mobilisations d’agricultrices forgent les contours d’une « cause de femmes » agricole mise sous tutelle des intérêts catégoriels et chevillée à l’idéal normatif de la complémentarité des sexes. En tant que réceptacles de positions professionnelles, organisationnelles et conjugales entrecroisées, les espaces de l’engagement féminin produisent des politisations ambivalentes de ces appartenances multiples, à la fois porteuses de contestation comme de reproduction des hiérarchies sexuées et de l’ordre social et politique.

    Clément Arambourou, Les masculinités du métier politique : contribution à l'étude des logiques de production du genre en politique au temps de la parité, thèse soutenue en 2014 à Bordeaux sous la direction de Marion Paoletti, membres du jury : Antoine Roger, Christian Le Bart et Margaret Maruani  

    Ce travail de thèse sur les masculinités du métier politique au temps de la paritéentend répondre à la question de la convertibilité des propriétés masculines en capitalpolitique, question d'autant plus intéressante à poser que ces masculinités sontproduites dans un contexte marqué par les critiques des manières masculinesd'endosser les rôles de représentant. Ces masculinités sont diverses. Leursproductions et leurs usages dépendent des propriétés sociales, politiques et sexuellesde ceux qui les incarnent. Surtout, ces identités masculines peuvent faire l'objet d'uneadaptation aux critères de légitimité liés à l'émergence d'un second individualisme –pourtant symboliquement associé au féminin. Elles contribuent alors à la légitimationdu personnel politique en général et des établis du champ politique en particulier. Danssa variante conservatrice-progressiste, le registre de la masculinité participe encore àla légitimation des ordres politique, social et sexuel dans leur ensemble ; il s'agit donclà d'une masculinité hégémonique au sens fort du terme.