A la fin du XIXème siècle, sauf à l’intérieur de quelques garnisons et forts de traite européens de la côte, les prisons étaient méconnues en Afrique. Aujourd’hui, 50 ans après les indépendances, les Etats africains utilisent encore massivement le système pénitentiaire légué par les colonisateurs. Comme le rappellent toujours les prisons surpeuplées, le système carcéral s’étend désormais sur l’ensemble des sociétés au sud du Sahara. Aujourd’hui encore ce réseau architectural colonial n’a point été détruit ni remplacé. Il fournit d’ailleurs la majeure partie des bâtiments utilisés par le régime pénal des Etats contemporains. D’autre part, les arsenaux juridiques utilisés s’inspirent de ceux du système colonial et la prison fait partie d’un ensemble plus vaste d’institutions héritées de la colonisation qui sont toujours fonctionnelles dans ce contexte où la tradition est toujours présente. C’est au regard du surpeuplement des prisons au Mali, des conditions inhumaines d’incarcération et de détention et des textes dépassés et inadaptés qui les régissent que nous avons voulu réfléchir à une possible réforme dont les autorités ont toujours parlé, mais qui n’est jamais faite. Il s’agit, dans les présentes recherches, d’examiner l’histoire sociale, culturelle et politique des arsenaux répressifs apparus au Mali depuis l’esclavage au XIXème siècle jusqu’aux prisons actuelles. Il s’agit d’une tentative de compréhension des aspects intellectuels et philosophiques de la prison et l’enfermement dans la tradition des ethnies et des terroirs du Mali, ce qui nous permettra de réfléchir sur la pratique des institutions coloniales de répression dans la vie quotidienne des populations et d’analyser l’actualité des prisons au quotidien pour voir s’il est possible d’avoir des prisons humanisées reposant sur des concepts de justice traditionnelle d’une part, et d’autre part, sur des normes internationalement reconnues en la matière. Cette recherche vise surtout à comprendre les supports sociologiques d’une réforme des prisons au Mali et à répondre à des questions de légitimité qui cherchent à savoir sur quoi doit reposer la réforme : sur la tradition ou sur la modernité ou sur les deux ? En outre, elle sert à se faire une idée sur la faisabilité d’une réforme et à édifier sur l’utilité sociale de la prison dans une société qui ne l’a pas toujours connu et dont la pauvreté incite à imaginer des solutions novatrices et simples qui visent à donner un mieux vivre aux populations, à toutes les populations aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des centres de détention. L’objectif visé est de contribuer à un projet global de bonne gestion de la société malienne, car les programmes de développement initiés dans nos pays africains, mettent en marge le développement de la vie en prison. Pourtant, en prison, vivent aussi des hommes qui doivent être pris en compte par les Etats dans les programmes, les projets de réforme. C’est là, notre ambition de contribuer aux initiatives pouvant aider à développer le pays, à donner aux populations partout où elles se trouvent, le sens de la vie, la considération, enfin à permettre de cerner la place de la prison dans le vaste chantier de la réforme de l’État. Il s’agit donc de réfléchir au lien entre réforme de l’Etat et réforme de la prison, d’autant plus que la réforme pénitentiaire est transversale et ne peut atteindre la légitimité souhaitée sans toucher à beaucoup d’autres secteurs de la société comme la sécurité, la santé, la pauvreté, l’emploi etc.